Quatre heures du mat' n'est pas réellement une heure à laquelle nous sommes censés être éveillé n'est ce pas ? Je dirais même que j'étais fichtrement endormi lorsqu'un bruit -provenant probablement de mon estomac- se fit entendre, me réveillant en un sursaut. Il n'est jamais conseillé d’émerger trop vite, dans un premier temps car votre vue pouvait s'obscurcir quelques secondes, arrivant parfois même à vous faire perdre pieds, et en second car je n'étais jamais du matin, alors de la nuit n'en parlons pas. Moi, il fallait me parler à partir de midi, après un bon café ou une connerie du genre, avant cela, j'étais du genre invivable. Pourtant j'essayais de faire des efforts, mais rien n'y faisait. Et puis ce putain de ventre qui n’arrêtait pas de me rappeler à l'ordre, je me devais de le faire taire une bonne fois pour toute. Dégageant la couette, je m'asseyais le plus lentement possible sur le matelas avant de me lever en un bond. Je n'étais pas vêtu de grand chose, seulement d'un boxer Calvin Klein noir. Pourtant je n'étais clairement pas du genre à aimer me balader presque nu, étant de nature plutôt pudique, mais après tout, qui pouvais-je croiser à une heure pareille ? Commençant à prendre de l'assurance, je marchais fièrement en direction de la porte jusqu'à ce que je shoote dans un pied de lit, faisant un infernal fracas. « Sa mèèère ! » gémis-je en silence tout en sautillant, me tenant le pied de toute mes forces comme si ma chaleur naturelle allait faire passer la douleur. J'étais maladroit, et l'avais toujours été. Finalement, je longeais le couloir avant d'arriver dans le salon, boitant jusqu'à la cuisine qui me semblait allumer. J'hésitais quelques secondes à y pénétrer dans cet accoutrement avant de me murmurer à moi même « Bon tant pis. » après tout peut être que quelqu'un avait juste oublié d’éteindre la lumière ? Fausse joie puisqu'une silhouette masculine se découpa dans celle ci quelques secondes plus tard. Bon au moins, je n'étais pas le seul debout et... et putain qu'est ce que j'avais mal à mon pied ! « Y'a pas des glaçons ? » lâchais-je les yeux plissés, d'une voix rauque et grippée.

Je ne sursautai pas. Je savais qu’un garçon était rentré cette pièce, j’ignorais juste de qui il s’agissait. Je n’avais pas encore dressé la liste des habitants, certains croisant ma route sans que je ne leur aie adressé plus d’un mot depuis le début de l’aventure. Cependant je me tournai pour ouvrir de grands yeux à sa remarque. Cette fois, j’étais bien réveillé. Des glaçons ? Pourquoi diable voulait-il des glaçons ? Après un regard furtif en direction du frigo, l’endroit le plus évident où chercher ce genre de choses, je revins sur mon interlocuteur nocturne. Le congélateur n’était pas dissocié du frigidaire, ce qui me posait une sérieuse difficulté. Mais qu’est-ce qu’il avait eu besoin de se lever de son pieu lui d’abord ? Surtout pour se cogner le pied ? Car de toute évidence, ce n’était pas pour les gober qu’il désirait trouver des glaçons. Et en plus on aurait dit qu’il avait attrapé la crève. Y'avait des gens qui avaient vraiment la guigne. « T’es un peu malchanceux dans ton genre, non ? Du style à t’enrhumer la nuit et à te cogner dès que tu te lèves dans le noir ? » Tentative numéro un, détourner la conversation. « Je viens de regarder et j'en ai pas vu des glaçons. » Booouh le vilain mensonge. « Par contre j'ai aperçu du gel cryogène dans un placard de la salle de bains. » Booouh le deuxième vilain mensonge. C’était une question de survie, donc j’étais dans mon droit. Je me plaçai stratégiquement devant le frigo afin de l'empêcher de vérifier par lui-même mes propos. J’aurais aussi pu partir en courant, mais ça aurait paru très légèrement déplacé. Maintenant que j’y pensais, j’aurais du prétendre être somnambule et me tirer vite fait. Quel con, pourquoi les bonnes idées arrivaient toujours en retard ? « Tu devrais dormir avec une écharpe la nuit, ça t'éviterait d'attraper froid. T'as l'air con mais après tout ... » T'as l'air con aussi maintenant avec ton slibard, m'enfin. Par chance, je m'étais arrêté de parler au bon moment. Et une combinaison de mousse aurait également son utilité, pour éviter ce genre de situations. C'était bien la première fois que je parlais autant, pourtant j'avais l'impression de ne pas en dire assez. Je devrais peut-être l'endormir avec un flot de paroles assommants. Adam, si tu m'entends, réveille toi et vient ici ...

« T’es un peu malchanceux dans ton genre, non ? Du style à t’enrhumer la nuit et à te cogner dès que tu te lèves dans le noir ? » me grattant l’œil droit du poing, j'arrivais à peine à discerner qui me parlait, peut être étais-je entrain de rêver ? Ouais et peut être que la douleur n'était en fait due qu'à Joanee qui était entrain de me bouffer le pied ? Mon Dieu quelle fétichiste celle la. « Je viens de regarder et j'en ai pas vu des glaçons. » oh putain la galère « Par contre j'ai aperçu du gel cryogène dans un placard de la salle de bains. » « Ouais non, tu sais quoi, j'vais me contenter de souffrir en silence, tout en vidant la réserve de gâteaux. » en y réfléchissant bien je n'avais même pas répondu à sa première question, boh tant pis, il s'en remettrait « Tu devrais dormir avec une écharpe la nuit, ça t'éviterait d'attraper froid. T'as l'air con mais après tout ... » je ne savais pas réellement comment prendre cette remarque, certainement du à l'heure et au fait que je venais de me réveiller « Merci du conseil, mais j'crois que j'aurais l'air encore moins malin avec une écharpe enroulée autour du coup pour dormir » d'autant plus lorsque l'on voyait la seule écharpe en laine en question, dans mes affaires. Tricotée par mémé, s'il vous plait. Me dirigeant vers le placard à bouffe, j'attrapais au hasard une barre chocolatée avant de reposer mon regard -définition : champ de vision flou dans lequel je ne discernais que les formes, et encore- sur le jeune homme « Et t'es qui toi ? »

Il avait un regard vitreux, plutôt inquiétant. J’étais heureux de ne pas avoir été le premier à le trouver. Il semblait assez docile et plutôt confiant, ne remettant aucunement mes mots en question. Un soupir de soulagement s’échappa de ma bouche tandis que je m’écartai légèrement du frigidaire. Le danger était passé. Lorsqu’il ouvrit un placard rempli de bouffe en parlant de gâteaux j’eus envie de me donner des claques. Je n’y avais même pas pensé. J’aurais aussi très bien pu sortir des pâtes, du riz, n’importe quelle connerie qui pouvait se faire cuire avec une casserole, mais je n’avais moi non plus pas vraiment les yeux en face des trous. Sa seconde remarque me fit tiquer, je dardai sur lui un regard interrogatif. Quoi ? Il venait de comprendre que je l’avais traité de con ? Un rire bref s’échappa de mes lèvres, ce mec était certainement encore à moitié endormi. Réveil plus difficile que moi quand j’avais décidé de faire le pied de grue devant le frigo, les yeux mi-clos. J’aurais peut-être dû employer le futur « t’auras l’air con », puisque je voulais dire en réalité exactement ce que lui venait de rétorquer. Qu’il aurait l’air con avec une écharpe. M’enfin, j’étais à peu près sûr qu’il ne m’en tiendrait pas rigueur, puisqu’il était probable qu’il ne se souvienne pas de notre rencontre, ou du moins pas des paroles exactes prononcées. Je me demandai un instant s’il n’était pas somnambule, mais ça me paraissait légèrement improbable. Il avait une perception de la réalité plutôt bonne, pas plus mauvaise que celle d’un type qui vient de se réveiller à 4h du mat’ en tout cas. « Lasérian. » Je me rapprochai de l’endroit où il se tenait, hésitant entre déguerpir pendant que j’en avais encore le temps ou tenter une socialisation. Après une courte évaluation, j’optai pour la seconde solution. « Et comment dois-je nommer celui qui m’offre une barre chocolatée ? » D’un geste rapide j’attrapai la nourriture qu’il venait de retirer du placard comme s’il s’agissait d’un cadeau de lui à moi que j’acceptai avec plaisir. J’étais trop loin de la poignée. « C’est quoi, cette cicatrice ? Une autre conséquence de ta malchance ?» Je désignai sa joue tout en ouvrant l’emballage, ne me souciant pas de la nature de ma question. J’avais parfaitement conscience que comme première approche c’était aussi discret et sensible qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. M’enfin, ça avait peut-être un rapport avec son secret, et on était là pour ça, non ? Je doutais qu’apprendre pourquoi il était dans l’aventure ou la marque de son slip allaient m’aider dans ma quête. La cicatrice par contre …