24 janvier, 11h. Madeleine.
J’étais allongée sur mon lit, la tête tournée vers la fenêtre regardant le paysage ensoleillé d’une lumière pâle. Mais c’était joli, vraiment joli. Comme tout ici. Je me lovais dans les couvertures, trouvant une espèce d’attitude assez larvesque alors que mon partenaire avait depuis longtemps quitté le lit conjugal – l’expression me faisait sourire en coin. J’avais bien l’intention de profiter de la douceur des draps encore un peu avant d’aller explorer les lieux. J’en avais déjà fait une partie, mais j’avais réellement envie de connaître tous les recoins du lieu que j’habiterais pour – je l’espérais – quelques temps encore. Et savoir que l’endroit était vraiment idéal me faisait rosir de plaisir. Après encore quelques minutes de parfaite fainéantise, je sortis enfin de mon lit, m’étirant longuement, décidant de ne porter qu’un peignoir pour sortir qui recouvrait ma chemise de nuit. Je me demandais avec amusement si quelqu’un ferait une remarque quelconque sur ma tenue, et juste par curiosité, je ne comptais pas me changer tout de suite. De toute façon, ce n’était pas comme si ma tenue était indécente. Et j’avais pris l’habitude de prendre mon petit déjeuner avant d’aller me laver. Cependant, je n’avais pas très faim, ce qui expliqua mon changement de direction et ma descente vers le sous-sol. Je passais la tête par une porte et tombais sur la salle de musique. Oh génial ! J’avisais un piano qui me faisait grandement de l’œil. Cela faisait une éternité que je n’y avais plus touchée. Oh oui, une éternité. Fébrile, je m’asseyais sur le tabouret, inspiré profondément avant de laisser mes doigts coulés sur le clavier monochrome.
Cependant je m’arrêtais brutalement alors que j’entendis la porte s’ouvrir. Doucement, je me retournais pour observer l’inconnu. J’avais les sourcils légèrement froncés, assez mécontente d’être interrompue, mais bien vite cette expression disparut de mon visage pour laisser place à un léger sourire. « Salut … » Ne connaissant pas son nom, je fronçais à nouveau les sourcils, appréciant appeler les choses – et là, plutôt les personnes – comme elles se nomment.

Une mélodie m'a attiré jusqu'au sous-sol où, comme j'ai cru le comprendre, se cache une salle de musique mise à la disposition des habitants. N'ayant jamais pratiqué d'instruments de ma vie, je n'ai pas osé jusqu'à maintenant m'y aventurer par respect pour ceux qui souhaitent s'y recueillir dans leur passion. Mais le son qui s'y échappe est d'une telle justesse, d'une telle mélancolie que j'en viens à me demander qui est le candidat de l'émission capable de jouer aussi bien. Ainsi, une fois devant la porte de la pièce, je tâche de pousser celle-ci avec discrétion pour ne pas briser ce moment. La silhouette que j'aperçois au premier abord ne m'est pas franchement familière, je pense même ne l'avoir jamais encore remarqué dans le nid. Piquée par la curiosité, je m'avance de quelques pas sur le parquet, oubliant complètement la porte derrière moi qui vient se claquer contre le bois de son encadrement, me faisant grincer des dents. La musicienne s'arrête alors aussitôt, me fusillant du regard, regard d'un bleu tel que j'en baisse les yeux dans un geste presque automatique. J'ai presque honte de ne pas m'être annoncée plus tôt et tente un maigre sourire dans sa direction, sourire auquel elle répond en me saluant. Cette attention a le mérite de me détendre un peu, je sors mes mains de derrière mon dos et termine de parcourir la distance entre nous tout en observant le décor qui m'entoure. Tout est douloureusement splendide dans ce château. « Ne te sens pas obligée de t'arrêter à cause de moi, je ne faisais qu'écouter. C'était très joli d'ailleurs... Léo, c'est bien cela? » J'ai comme un léger doute et fronce les sourcils à mon tour. Ça m'embêterait d'avoir écorché son prénom, déjà que ma présence l'indispose.

Elle n’avait pas l’air mal élevée en tout cas, c’était déjà un bon point. Je me détendis imperceptiblement, n’ayant aucune raison apparente d’être sur la défensive. Ne venait-elle pas de me complimenter ? Mon sourire se fit plus sincère, alors que j’hochais la tête. D’autre semblait avoir une meilleure mémoire que moi, apparemment. « Oui, c’est bien Léo. Enfin, plutôt Léonie, mais Léo fera l’affaire. Je préfère même. » J’avais mille questions pour expliquer cette préférence, mais je me doutais bien que ça n’allait pas particulièrement l’intéresser, et même, je réservais cette discussion pour des temps bien après la première rencontre. Oui, le choix du surnom est toujours un sujet bien personnel, de mon point de vue. « Par contre, je ne connais absolument pas ton prénom … » Je ne tentais même pas d’afficher un sourire d’excuse, puisque c’était l’entière vérité. J’aurais pu en dire un au hasard, mais finalement, c’était bien plus prudent de le demander. Imaginez qu’elle ne supporte pas qu’on l’écorche ? Je n’avais réellement pas envie qu’on me tombe dessus tout de suite – surtout lorsque j’étais en pyjama, à moitié réveillée, pas douchée, et rien dans le ventre. Je passais un long regard sur le piano. « Ca faisait longtemps que je n’en avais pas joué … Je suis contente d’apprendre que je n’ai pas tout perdu. » Je lui fis un deuxième sourire sincère, la remerciant par là de son compliment. « Tu joues d’un instrument ? »