WENDY & SORCHA
23 OCTOBRE 2011, 11H20.

J’errais sans but dans la villa, cherchant de quoi m’occuper ou du moins, quelqu’un à qui parler… de quoi faire. La salle de musique ne m’avait pas inspiré, la bibliothèque non plus – ce qui était plutôt rare, et pas question d’aller dehors : la pluie qui tombait dru m’avait rapidement convaincu de ne pas le faire. Je passais à proximité de la cuisine lorsque j’entendis un grand fracas, comme si on avait échappé quelques choses sur le sol. Je crus même distinguer un ou deux jurons, ce qui m’intrigua plus que le bruit en lui-même. Suivant ma nature curieuse qui me menait sur les lieux, je découvris l’origine des bruits que je venais d’attendre. Wendy et un énorme dégât. Et à voir l’armoire ouverte devant elle, j’en étais à parier sur la provenance de ce qui se trouvait maintenant sur le sol. Je lui jetais un coup d’œil, scrutait un instant le foutoir qui s’étendait à ses pieds, puis un léger sourire étira mes lèvres. « Besoin d’un coup de main, peut-être? »

« Bordel de putain de meeeeeerde ! » cria la jeune femme lorsque le pot lui glissa entre les mains. Merde, quelle maladroite. Elle qui avait voulu prendre du sucre allait devoir le récupérer sur le sol. À moins que.. à moins qu'elle s'enfuit en faisant porter le chapeau au premier abruti qui passe. Oh tiens, salut Sorcha. Non, elle n'allait pas faire ça, elle n'était pas méchante et allait assumer son acte jusqu'au bout, même si elle devenait la risée de la villa. Oui, rien que pour ça. Bref, elle se baissa, lorsque Sorcha ouvrit la bouche, proposant de l'aider. Elle releva la tête vers elle, souriant. « Ce serait super, en effet. » Elle rebaissa la tête, prenant quelques bouts de verre -parce que oui, c'était en verre-, et, comme toute bonne blonde qui se respecte, se coupa l'index. Bordel. Voir quelques gouttes de sang couler sur le sol lui faisait une sensation bizarre au coeur. Elle n'avait rien contre le sang, tant qu'il restait à l'intérieur de son corps. Et dire qu'elle avait voulu faire chirurgienne, lorsqu'elle était plus petite. Pff, n'importe quoi. « Okay, je pense que je vais aller me pendre. » Elle se leva et passa son doigt sous l'eau froide. Triste vie.

Visiblement, Wendy était contente que je lui offre mon aide. Rien qu’à voir le sourire apparaître sur son visage. « Ce serait super, en effet. » Alors qu’elle se penchait pour ramasser les plus gros morceaux du pot de vitre qui lui avait glissé entre les mains, je décidais plutôt d’aller chercher quelque chose d’utile dans le cellier, non loin. Un balai, par exemple. À mon retour, déjà rien qu’en regardant la scène, je sentais qu’on allait frôler la catastrophe. « Fait gaffe, tu pourrais… » Trop tard. La jeune femme, par je ne sais quel moyen, se coupa au doigt. Et à voir son air, ce n’était pas tant quelque chose qu’elle appréciait – il aurait fallut être masochiste pour ça. « Okay, je pense que je vais aller me pendre. » fit-elle d’ailleurs en se relevant pour aller passer le tout sous l’eau du robinet. Je m’approchais d’elle, accotant le balai en équilibre sur le rebord du comptoir, évitant de justesse de piler dans la vitre qui trainait toujours au sol. Ce n'était pas nécessairement beau à voir. Hum. « Il doit bien y avoir une trousse de premiers soins quelque part... » fis-je, songeuse. La blessure n’était pas profonde, mais en bonne maman, je savais que même la plus petite d’entre elle devait être traitée. Avec ma fille, de toute façon, j'en avais vu de bien pire. « Tu veux que j'aille la chercher ou tu t'en sort? »

Spoiler:

Cette fille était terriblement conne. Faire tomber un pot en sucre, il fallait le faire, quand même. Elle avait honte, là. Perdre contre un pot. Elle n'en revenait toujours pas. Malgré les avertissements de sa camarade rousse, elle s'était coupée le doigt, certes, pas très profondément, mais assez pour qu'elle soit prête à pleurer toutes les larmes de son corps. Bien sur, elle n'allait pas vraiment pleurer, mais elle avait assez mal quand même. C'est donc après avoir passé son doigt sous l'eau qu'elle remarqua le balai posé non loin d'elle. Sorcha était vraiment gentille, peu de gens l'auraient 'aidée'. Roulant les yeux vers la demoiselle en question, elle écoutait ce qu'elle avait à dire. Elle devait être mère de famille ou quelque chose dans le genre. Pour penser à tout comme ça, il fallait l'être ou alors être une machine. Et jusqu'à preuve du contraire Sorcha était bien humaine. « Non merci, ça ira, je suis une dure à cuire.. je crois ! » répondit-elle à la jeune femme. Elle sourit alors, et appuya sur son doigt avec un autre. « Je suis une cruche, hein ? » Valait mieux en rire qu'en pleurer. Elle attendait alors la réponse de Sorcha, tout en s'appuyant contre le rebord de l'évier.

« Non merci, ça iras, je suis dure à cuire… je crois ! » me dit-elle finalement, et un fin sourire étira mes lèvres, pareillement au sienne. Et effectivement, la jeune femme semblait s’en sortit – ce ne devait pas être si pénible que ça. « Tu devrais quand même désinfecté, au cas. On sait jamais. » lui fis-je toutefois savoir, m’éloignant un petit moment pour aller fouiller dans une armoire où j’avais bon souvenir d’avoir vu une trousse de premiers soins. Il fallait toujours mieux prévenir que guérir, à mon avis. « Je suis une cruche, hein ? » Je hochais négativement la tête me retournant vers Wendy. Cette situation pouvait arriver à tous le monde, c’était ce qu’on appelait un accident. Un bête accident, mais un accident quand même. « Mais non. J’ai fais pire, tu sais. » lui dis-je. « Va savoir comment, mais j’ai mit feu à ma veste en cuisinant, l’autre jour. Si Loup n’avait pas été là, on aurait eu droit à du Sorcha flambée! » Hum. Pas certaine que j’aurais aimé que ça termine comme ça, tout compte fait. Mais bon, à côté de cela, un pot cassé et un doigt coupé, ce n’était pas grand-chose. Il y avait toujours moyen de se consoler en se comparant aux autres, n’est-ce pas!