W/ LHOAS
lundi 23 janvier, 16h12.

Il y a des habitudes, comme ça, que malgré tous nos efforts, malgré tous les déréglages possibles, malgré un changement brusque dans le mode de vie, qui restent, et resteront sans doute toute la vie. Genre le goûter de quatre heures. C'était un réflexe qu'il avait depuis qu'il était gosse, le goûter. Même lorsqu'il ne prenait pas la peine de s'assoir à table, et tout le tralala, il avait systématiquement un creux à cette heure-là. Alors il avalait un bonbon quelconque entre deux heures de cours, ou discrètement dans la salle de cours. Amphi ou classe dégueulasse, selon les envies et motivations du professeur. Bref, il pouvait faire ce qu'il voulait, y compris glander toute la sainte journée, Milan n'échappait pas à la famine de quatre heures. Du coup, les mains en poche, tout en visitant le château, ce qu'il n'avait pas terminé de faire la veille, le gosse passa la porte du cellier, dans lequel se trouvait déjà un gars, brun, pour l'instant encore inconnu. Sans prêter attention à lui, il farfouilla un instant pour dénicher la corbeille de fruits. Excellent. Attrapant une pomme - pas besoin de s'afficher en exigeant des papayes dès le début - il croqua un coup dedans, l'air vaguement absent. Se retournant, il ne put s'empêcher de suivre discrètement des yeux le gars, tandis qu'il remettait la corbeille en place. « Ah, donc c'est toi, le gay de la saison ? » estima-t-il avec curiosité, les sourcils légèrement froncés, pris dans ses réflexions. Son but n'était absolument pas de vexer l'homme, ni quoi que ce soit, mais il avait remarqué que chaque saison de chaque télé-réalité comportait son homosexuel. Pour pas avoir l'air de faire dans la discrimination. Il y avait toujours soit un gay, soit un noir. Et là, en l'occurrence, il n'avait pas encore aperçu d'épiderme foncé.

Lhoas était rentré depuis seulement un jour dans le nid, et il s'y sentait déjà chez lui. Il ne lui fallait jamais bien longtemps avant de s'adapter à son environnement, il était le genre de type à savoir dormir par terre s'il le fallait, à savoir manger du pain sec pendant deux jours, l'adaptation c'était inné chez lui. Heureusment, dans le nid, tout était luxueux et paradisiaque alors l’accommodation était encore plus facile. Bientôt, la montre du bellâtre afficha les quatres heures de l'après-midi et il ressentit son ventre tressaillir. Une petite visite par le cellier s'imposait, et il y trouva ce qu'il cherchait, croqua dans une pomme bien rouge et bien croquante tout en s'apputant contre le mur pour la déguster. Mais bientot le rejoignit un autre candidat, visiblement plus jeune qui fit la même trouvaille que lui, et après avoir chopé une pomme et il se tourna vers Lhoas et lui demanda si c'était lui le gay de la saison. Lhoas faillit recracher sa pomme et manqua de s'étouffer, le sourire aux lèvres. Puis tout en réfléchissant encore à la question d'un froncement de sourcil, il se mit à retenir un rire étouffé. « Essaie et tu verras » dit alors le chauffeur de bus, visiblement amusé par la question. Bien sûr que non qu'il n'était pas homosexuel, même s'il cracherait pas sur une relation d'homme à homme de temps en temps, il était du genre très ouvert, mais son truc, à la base, c'était les femmes et leurs rondeurs. Il croqua à nouveau dans sa pomme tout en affichant un sourire amusé à son interlocuteur.

La réaction du mec faillit faire éclater Milan de rire, mais il parvint à se retenir, se contentant de l'observer. Adorable comme il était, il se garda bien d'aller lui tapoter le dos pour l'aider à se ravoir. De toute façon, il n'en avait pas besoin, vu comme il se remis bien vite d'aplomb. Le sourire qu'il arbora ensuite enleva tout scrupule à Milan. Patiemment - car ne supportant être dans l'ignorance, il souhaitait une réponse - l'irlandais attendit que le brun daigne stopper de rire bêtement et ouvrir la bouche pour échapper autre chose qu'un gloussement. La réponse, bien que teintée d'humour, du moins, il l'espérait, ne tira aucun sourire à Milan, qui croqua à nouveau dans sa pomme d'un air indifférent. « Je baise pas les loosers » répliqua-t-il. Quand bien même le gars n'avait pas eu une ganache d'ours, le plaisir charnel autant que la connivence amoureuse avec un homme ne le tentait pas plus que ça. Pourtant, l'homosexualité n'était pas quelque chose qui le dérangeait, au contraire, il avait toujours vécut en se battant pour qu'ils soient considérés comme des gens normaux. Il détestait d'ailleurs cette formulation puisqu'à ses yeux, les homosexuels étaient, par définition, des gens normaux. Bref non, son truc à lui, c'était les femmes. Ce n'était pas faute de s'être questionné, pourtant, car il s'était souvent demandé avec curiosité, lorsqu'il était plus jeune, si une relation avec un mec lui plairait. Il en était venu à conclure que non. « Mais t'en fais pas, je suppose qu'ils n'ont pas tapé dans l'inédit en te mettant avec un mec pour rien » ajouta Milan. C'était quand même bizarre, alors qu'il y avait le nombre adéquat d'hommes et de femmes pour ne constituer que des binômes mixtes, qu'ils décident, pour la première fois de former un couple totalement masculin. Même si au fond, on s'en tapait un peu.