Premier jour, après une première soirée et une première nuit dans la maison ou devrais-je dire dans le château. Nous nous trouvions dans le Sud-Ouest de l'Irlande, je reconnaissais bien la météo matinale qui se dégageait. Ce matin, j'avais décidé de marcher de faire le tour du propriétaire même si je ne le verrais pas. Je m'en ferais une idée à ma manière. L'odeur omniprésente que je sentais ici me fit rapidement comprendre que ce chemin était parsemé de cèdres. Je souris, seul dans mon coin avec un café dans une main et une ma canne blanche dans l'autre. Je n'avais pas pris mes lunettes de soleil. Pour être franc, je les avais oublié. J'espérais simplement ne croiser personne car je sais que cela pouvait en déranger plus d'un. Pourtant mon frère m'avait toujours dit que j'avais de magnifiques yeux bleus comme les siens et que si je n'avais pas envie de les cacher, je n'étais pas obligé de le faire. Contrairement à ce qu'il disait, je les cachais presque tous les jours, sauf quand j'étais seul. Dans le nid, toute ma vie serait différente et j'espérais que cela serait pour le meilleur. Je reprenais alors ma route, tournant à droite et à gauche, puis de nouveau à gauche, à droite etc. Je marchais et au final, je ne savais plus comment j'avais fais pour venir ici. J'étais perdu.

J'avais choisi l’exile comme seul réconfort. Vous me direz, ce n'est pas nouveau Franckie, tu l'as toujours fait, mais non, ce n'était pas le cas. J'essayais d'ailleurs au mieux de m'intégrer dans le nid histoire que cette aventure ne se coupe pas court bien trop vite. Il devait avoisiner les onze heures lorsque j'avais enfin décidé de m'aventurer dehors, une écharpe sur le nez et une épaisse veste en laine blanc sur les épaules. Je ressemblais à un mouton. Vous savez, comme le petit prince, dessine moi un mouton ! A cette pensée, une lueur d'excitation s'était mise à briller dans mon regard alors que d'une traite, je sortais de ma sacoche un bloc note et un crayon et me mettais à dessiner tout ce qui me passait par la tête. J'avais toujours eu d'incroyable compétences en matière de dessin, ou du moins c'est ce qu'en témoignaient mes proches. Griffonnant à toute allure, je n'entendis que bien plus tard les pas se rapprocher de ma position. C'était une homme, bien plus costaux que moi à l'allure droite mais chétive qui s'avançait vers moi. Ne sachant trop comment réagir, un sourire timide se dessina tout d'abord sur mon visage. « Bonjour ! » miaulais-je alors que mon regard se vrillait sur le sol, rangeant vite mon carnet dans mon sac comme si de rien n'était, n'ayant pas forcement envie de partager un travail inachevé. Cependant quelque chose m'intriguait dans son comportement. Il se contentait de fixer un point fixe devant lui, sans en détourner le regard. Ses grands yeux bleus étaient tout à fait magnifiques.

Perdu (comme cela m'était souvent arrivé), je m'arrêtais avant de soupirer. C'était mon jour ! J'aurais mieux fait de me faire accompagner. Je n'avais pas encore une carte complète du nid d'amour pour m'y retrouver tout seul. Il me faudrait encore une ou deux semaines pour m'en faire une idée. En tout cas, j'avais déjà repérer ma chambre, les toilettes et la salle de musique. C'était déjà ça, n'est-ce pas ? Je connaissais également le chemin de la cuisine mais pour ce dernier lieu, il suffisait de suivre les gourmands pour s'y rendre. C'était beaucoup plus simple que tout le reste. Bref, j'étais au milieu de nulle part, seul et perdu. Ou du moins, je le croyais jusqu'à ce qu'une petite voix douce vienne à mon aide. « Bonjour ! » Moi qui avait oublié mes lunettes de soleil, je le regrettais. « Bonjour... » Lui répondis-je en m'approchant de la provenance de cette voix avec ma canne. « Je sais que ça va paraître étrange mais... On est où là ? » Je me grattais la tête tout en détournant mon visage de celui de cet homme. Je n'aimais pas montrer mes yeux aux inconnus.

L'homme agitait une canne devant lui. Je cru alors qu'il comptait m'infliger un de ces douloureux châtiment, peut-être même contenait-elle un fouet intégré pour punir les enfants rebelles. « Bonjour... » me répondit-il en se dirigeant vers ma position. Bon que devais-je faire, le frapper avec mon sac peut-être ? Non ça faisait bien trop grand mère en détresse et j'avais plus de dignité que ça. Sa prochaine question me sorti rapidement de mes débâcles « Je sais que ça va paraître étrange mais... On est où là ? » mes cils bâtèrent deux à trois fois. La question me semblait en effet tout à fait stupide et sur le coup, je ne savais trop quoi lui répondre. Bien entendu que je savais où nous nous trouvions mais cela me paraissait tellement évident que j'en perdais presque mes mots. Secouant la tête de droite à gauche, timidement je finis par lui répondre « Euh... dans le parc. » et puis je compris enfin. Les yeux perdus, la canne, la question... « Tu es malvoyant ? » ok seconde question stupide de la journée, et il devait certainement en avoir marre de se répéter. « Ici l'air se fait plus frais et on arrive mieux à respirer. » lui indiquais-je comme si cela allait l'aider à en insérer un quelconque repère.

Pour une question stupide, s'en était une. Moi, l'aveugle, je venais de poser une question inhabituel à un voyant qui ne devait probablement pas comprendre pourquoi je lui demandais ce genre de chose. En sachant en plus que je n'avais pas de lunette sur les yeux. Je pouvais presque paraître comme quelqu'un de normal. Je dis bien presque car j'avais toujours cette canne et ce regard perdu vers l'horizon. L'homme en question finit tout de même par me répondre... Timidement, comme je l'aurais certainement fait. Mais sa réponse était encore trop vague pour moi. La question qui s'en suivit me fit sourire. Il semblait tout aussi mal à l'aise que je pouvais l'être ou plutôt que je l'étais avec des inconnus. « Ici l'air se fait plus frais et on arrive mieux à respirer. » Surpris, je riais légèrement. Mais une appréhension survint rapidement car une question venait de s'immiscer dans ma tête. « Je...je te fais peur ? » Lui demandais-je d'une petite voix. Au vu de sa réaction, mon imagination s'était emballée et je m'attendais désormais au pire.