Je n’avais pas très bien dormi. Ce n’était la faute de personne, pas même de Cooper qui m’avait tenu au chaud durant la nuit. Moi qui préférait dormir seule habituellement, avoir de la chaleur masculine près de soi, cela a tout de même un point positif ! Tout cela pour dire que le matin arrivera beaucoup plus rapidement que je ne l’aurais espérée. Évidemment, à l’heure à laquelle je m’étais endormie, il était évident que j’aurais le visage dans un état lamentable à l’aube. Je me dirigeai d’un pas aveugle vers la salle de bain, cherchant à me mettre un peu d’eau dans le visage. Ne prenant même pas la peine de jeté un coup d’oeil à mon minois dans la glace, j’ouvris le robinet d’eau froide pour m’en asperger quelque peu. «aahhh.» soupirais-je, ayant pratiquement un orgasme. Pratiquement, j’ai dit. Bon, peut-être pas. Tout cela pour dire que cela faisait un bien fou. Je voulu aussi m’assurer que je n’étais pas dans un rêve, que j’étais bel et bien dans l’aventure. Et c’était bien la réalité. Oh merci. Alors que je voyais un peu plus clair, je me rendis compte que je n’étais pas seule dans la pièce. « Hey ! Bon matin... euh...» J’avais beau vouloir dire son nom, je ne le connaissais absolument pas. C’était ridicule tout de même, nous n’étions pas cinquante ici dedans, je devrais être capable de me souvenir de tout le monde. Tant pis. «Bien dormi ? Moi j’ai pratiquement pas fermé l’oeil ! Je suis beaucoup énervée d’être ici !!» ajoutais-je donc, le souriant très franchement. J’avais envie de me faire des amis, est-ce que cela paraissait ?!

J’étais dans le couloir, à quelques mètres de là, lorsque j’entendis une espèce de cri d’extase en provenance de la salle de bain. Si tôt dans l’aventure, déjà? Eh bien, dis donc, il y en avait vraiment qui ne savait garder leur queue dans leur pantalon ou leurs cuisses fermées. Ce n’’était si difficile. Je le faisais très bien pour ma part – enfin, la deuxième partie tout au plus. Bon, pas que l’idée me plaisait de tomber sur les malins qui forniquait au petit matin, je n’allais pas m’empêcher d’aller me doucher. Quelle déception que de me rendre compte que mes oreilles m’avaient largement trompé sur ce qui se tramait ici. J’en fus presque déçue. « L’eau froide, ça te fait toujours cet effet-là? » demandais-je en guise de salutation à l’inconnue qui me faisait face. « Non, parce que j’ai presque cru que j’allais interrompre quelque chose. » Un truc plus intéressant, forcément. Me dirigeant vers le rangement qui m’avait été assignée afin d’en sortir mes effets personnels, j’entendis à peine l’autre me saluer à son tour d'un ton joyeux. « Hey ! Bon matin… euh… » Je levais les yeux au ciel. « Evey. » marmonnais-je entre mes dents en guise de réponse. Je devrais peut-être penser me coller mon nom sur le front, comme ça, on me ficherait la paix avec cette question à la noix. « Bien dormi? Moi j’ai pratiquement pas fermé l’œil ! Je suis beaucoup énervée d’être ici !! » N’étant pas tout à fait réveiller – je n’avais ni pris ma douche, ni but un bon café brulant – me taper une petite discussion n’était pas nécessairement dans mes plans. Mais bon, elle me faisait pitié, la jolie. Et je ne voulais pas lui éclater sa bulle de bonheur tout de suite. « Pas tellement. » fis-je en osant les épaules. Pour le peu de temps où je m’étais posé dans mon lit, ça n’avait pas été catastrophique. C’est après que tout était partie en cacahuète. Mon coude encore douloureux me le rappelait très bien. « De toute façon, je doute arriver à fermer l’œil avec trente-quatre étrangers dans les parages. J’suis pas parano, mais j’préfère rester sur mes gardes. On sait jamais sur qui on peut tomber. »

Oups. J’avoue, ma réaction face à l’eau froide m’avait un peu dépassé, mais je ne pensais pas non plus être entendu. Puis, c’était vraiment un bon moyen de me mettre sur pied. Je laissai échapper un rire léger, haussant les épaules pour plaider coupable. J’allai prendre ma trousse d’effets personnels à mon tour, cherchant ma brosse à dent parmi tout ce que j’avais bien pu apporter. La candidate me dit son prénom, et je remarquai très bien que la question l’avait agacée. Je voulais bien, mais j’avais pratiquement retenu les prénoms de tout le monde, un petit oublie peut arriver une fois de temps en temps. « Moi c’est Esther.» mentionnais-je, lui faisant un petit clin d’oeil. Je commençai à me brosser les dents, tout en écoutant la demoiselle me dire qu’elle n’allait probablement pas dormir de tout l’aventure puisqu’elle ne faisait confiance en personne. C’était une réaction plutôt excessive tout de même. «bah boyons, baut bas baranoyééé.» dis-je, la bouche plein de dentifrice. Cela me fit rire, me rendant compte qu’elle n’avait surement rien compris. Je crachai donc, toujours souriante et bu un peu d’eau. «Désolé! haha ! Ce que je voulais dire c’est que faut pas t’inquièter pour ça ! Puis, y’a les caméras qui captent tout !!» affirmais-je, voulant simplement la rassurer.

Ma remarque l’amusa, alors qu’elle se voulait avant toute chose sarcastique. Soit elle était naïve, soit elle ne se prenait pas au sérieux. Que ce soit l’un et l’autre, je la plaignais. Être incapable de savourer l’art subtil d’être sarcastique, quelle tragédie. M’enfin, si ça la faisait rire, tant mieux pour elle. Le ridicule ne tue pas, comme on dit. « Moi c’est Esther. » se présenta-t-elle, mais je trouvais inutile de retenir la chose. Associer son petit minois à un prénom était le dernier truc que j’avais envie de faire, là, tout de suite. Mais pour des références futures, je lui trouvais quand même une petite place dans un coin de ma tête. Sur le coup, j’étais peut-être trop prévoyante. Tant pis. M’avançant vers le comptoir avec ma trousse personnelle, j’entrepris de démêler ma coiffure avec le peigne que je venais d’y trouver. Question d’avoir moins l’air d’un épouvantail. À mes côtés, l’autre blondinette se chargeait de chasser sa mauvaise haleine du matin à coup de brosse à dent. « Bah boyons, baut bas baranoyééé. » me lâcha-t-elle alors que je lui parlais des contraintes m’empêchant de s’savourer en toute liberté une nuit de sommeil bien mérité. J’y compris que dalle. Et pour cause, avec ce dentifrice en bouche, on jurerait que ma copine d’à côté avec chopper la rage. Joli portrait. Je lui jetais un regard de biais, puis haussait les épaules. Je n’allais pas jouer les interprètes. La langage J’me brosse les dents et j’parle en même temps ne faisait pas partie de mes compétences. Elle s’en rendit d’ailleurs bien vite compte. Dans un geste des plus gracieux (!), elle cracha le contenu de ce qu’il y avait dans sa bouche et reprit, toute souriante. Je réprimais difficilement un air de dégoût. « Désolé! Haha! Ce que je voulais dire c’est que faut pas t’inquiéter pour ça ! Puis y’a les caméras qui captent tout !! » Raison de plus, justement, pour s’inquiéter. « Y’en a qui sont prêt à tout pour avoir ne serait-ce qu’une minute de gloire. Un meurtre en direct, t’imagine le buzz. » Vraiment, je ne sais pas ce que j’avais mais ce château me donnait des idées noires. Meurtres, suicides, assassinat, tout y passait. Impossible de faire autrement quand tout autour de nous le monde semble rempli d’abrutis. Mes sombres réflexions se reflétaient d’ailleurs sur mon humeur, déjà maussade d’ordinaire.