Nous étions déjà le deuxième jour de l’aventure et une fois encore je m’étais levée relativement tôt, j’avais compris que mon partenaire aimait dormir alors je tâchais de ne pas faire de bruit ni de trop faire bouger le matelas en sortant du lit histoire de ne pas le déranger. J’avais alors pris une douche, profitant de l’eau chaude comme j’étais matinale et avais pris un petit déjeuner composé de céréales et de café. Une fois tout ça finit j’avais rejoint les falaises pour la prière quotidienne, j’étais certaine d’être la seule croyante dans les candidats mais ce n’était pas grave, tant qu’on ne me dérangeait pas pendant ce cours instant tout irait bien, non ? Il n’y avait aucune raison pour que ce ne soit pas le cas. Je me rendis enfin dans la chambre et remarquai alors un balcon que je n’avais pas vu la veille. Je m’approchai de la porte qui y menait quand je me rendis compte que mon partenaire y était aussi, c’était le moment de faire plus ample connaissance ! J’ouvris la porte et me glissai sur le balcon, emmitouflée dans un gilet en laine épaisse. « Bonjour… Euuu… Lughan c’est ça ? » Demandais-je, incertaine, j’avais passé deux nuits avec lui mais je n’étais même pas certaine de son prénom… Bizarre ! Surtout que je n’avais jamais dormis avec un homme alors… Bizarre…

Réveil tranquille vers onze heures du matin, cette expérience de télé-réalité me semblait vraiment avoir été un choix judicieux pour prendre quelques vacances. J'avais hésité à me livrer enfin à une visite complète des lieux, mais avait opté pour une session cigarettes au balcon. Je fermai les yeux, profitant de la légère brise fraîche qui caressait mon visage, me sentant seul et en paix pour la première fois depuis le début de l'émission. Personne pour me gueuler dans les oreilles, c'était devenu un luxe rare. Je sursautai légèrement lorsqu'une voix s'éleva à mes côtés, rompant ce court instant de solitude. « Salut toi ! C’est bien ça ... Zyra ? » J’utilisai volontairement une intonation interrogative afin d’avoir confirmation, et Dieu savait que j’avais bien fait. Bon, je n’avais jamais été très doué pour mémoriser les prénoms, même celui de ma propre partenaire. Un vrai cas désespéré. Enfin, ce n’était pas la première fois que je dormais avec une fille dont j’ignorais l’identité. Ah ah. Pensée vaseuse à garder pour soi. « Dis moi, t’es du genre matinale comme fille. Qu’est-ce que tu trouves à faire ici si tôt le matin ? » J’espérais qu’elle ne le prendrait pas comme un reproche. Elle ne me réveillait pas, il aurait fallu qu’un obus éclate dans la pièce d’à côté pour un tel miracle, mais étant donné que je le faisais toujours seul j'en avais déduit qu'elle aimait profiter de sa journée. D’ailleurs ne disait-on pas que le monde appartient aux gens qui se lèvent tôt ? C’était seulement qu’en temps normal je ne trouvais guère d’intérêt au monde avant midi, alors enfermé dans un château avec des possibilités d’action limitées ... Me rendant compte que ma clope était en train de se consumer à la vitesse de l’éclair j’inspirai une nouvelle bouffée mortelle, attrapant mon paquet dans la poche de mon sweat-shirt. « Cigarette ? La seule cochonnerie que les robots de la prod’ m’ont laissé emporter » maugréai-je, visiblement déçu. Je n’étais pas sûr qu’elle comprenne par là que j’avais échoué dans ma tentative de transporter un joli pétard bien roulé, mais après tout, ça se comprenait. Ca aurait con de se faire poursuivre par les flics à la sortie d’une émission de télé-réalité parce qu’on a fumé un joint devant des millions de téléspectateurs. Pour ma part je ne trouvais pas ça plus dangereux que la cigarette m’enfin … C’était une histoire de point de vue.

« Salut toi ! C’est bien ça ... Zyra ? » Je secouai doucement la tête en souriant, amusée. « Non, raté. Zhara. Oui, comme le magasin » ajoutais-je en haussant les épaules, beaucoup de filles me faisaient la réflexion quand je me présentais chez moi. « Dis moi, t’es du genre matinale comme fille. Qu’est-ce que tu trouves à faire ici si tôt le matin ? » me questionna-t-il alors que je m’approchais de la rambarde, j’avais toujours eu l’habitude de me lever tôt, pour moi ça aurait bizarre de ne pas le faire. « C’est une habitude en fait, je ne sais pas dormir tard. Donc je lis, je visite un peu le château et par chance je ne suis pas la seule matinale, sur trente-cinq candidats il y a de tout… » Dis-je en souriant, nous étions un paquet, autant dire que le jeu promettait d’être long ! « Cigarette ? La seule cochonnerie que les robots de la prod’ m’ont laissé emporter » me proposa-t-il, je secouai négativement la tête « non, merci, je ne fumes pas. » déclarais-je et j’avais un peu l’impression d’être la seule d’ailleurs. Je comprenais que les gens aient besoin de déstresser mais étant donné que j’étais étudiante en médecine je savais ce que ça causait comme dégâts et je n’avais vraiment pas envie de finir ma vie comme ça. Décidant de faire un peu connaissance je lui posai alors une question sur lui « Tu fais quoi dans la vie sinon ? » demandais-je en m’accoudant à la rambarde, mon regard dévia de lui à sur le paysage en quelques secondes.

Ok. Première tentative de mémorisation : échec. Je lui souriais gêné en signe d’excuse, activant mes neurones à propos du magasin sans parvenir à y trouver un quelconque souvenir. Sûrement un truc de gonzesse. « C’est sûr, c'est aussi un moyen dei faire connaissance avec les plus matinaux, je crois bien que c’est difficile d’arriver à se retrouver seul de toute manière ». Comme elle l’avait précisé, avec trente-cinq candidats se baladant constamment dans les couloirs, les chances de tomber sur l’un d’entre eux étaient particulièrement élevées. Je rangeai mon paquet de clopes suite à son refus, haussant les épaules. Elle avait raison, fumer n’étais pas particulièrement bon pour la santé, et à vrai dire je n’avais pas pour habitude de tirer sur du tabac. On pouvait dire que c’était mon produit de substitution le temps de l’émission. Le dos contre la rambarde, j’observai un instant les cendres de ma cigarette s’envoler vers un meilleur avenir. « J’accompagne des personnes sourdes ou malentendantes dans leur vie quotidienne. Les aider à faire des choses qu’elles ont du mal à accomplir, tu vois. » Je m’égarai un moment sur son profil, guettant sa réaction. La plupart du temps j’avais le droit à des yeux pleins d’admiration, ou à des remarques sexistes sur le fait d’avoir choisi ça uniquement pour draguer les filles. Pensez-vous, j’avais autre chose à foutre. Même si je devais avouer qu’apprendre le langage des signes n’avait pas été, au départ, un choix tout à fait innocent. « Enfin, pour l’instant », ajoutai-je pour lui signaler que ce n’était pas définitif. « Je suis du genre à butiner de job en job. Et toi ? Je te vois bien en petite étudiante sérieuse. » Sourire. Elle avait l’air relativement jeune et un peu réservée avec les étrangers. Je ne la voyais pas dans la tranche des actifs, ou en tout cas pas un domaine qui demandait une tchatche d’enfer pour embobiner les clients.

« C’est sûr, c'est aussi un moyen de faire connaissance avec les plus matinaux, je crois bien que c’est difficile d’arriver à se retrouver seul de toute manière » il avait entièrement raison, à vrai dire j’avais de la chance de me retrouver seule de temps à autre sur les falaises parce que le calme m’aidait à penser et a prier, bien sur. « Pas à ce stade du jeu, c’est clair. » dis-je en souriant, résignée. Je l’aperçus du coin de l’œil ranger son paquet de clopes avant de me répondre « J’accompagne des personnes sourdes ou malentendantes dans leur vie quotidienne. Les aider à faire des choses qu’elles ont du mal à accomplir, tu vois.» je tournai alors la tête vers lui, souriant « Waouw, c’est génial, enfin je veux dire, c’est très généreux de ta part. » et je le pensais vraiment, si il ne l’avait pas encore compris j’étais très altruiste et je trouvais ça vraiment génial quand les autre l’étaient aussi, après tout ce n’est pas toujours facile de penser aux autres. « Enfin, pour l’instant » ajouta-t-il, c’est vrai que je n’imaginais pas quelqu’un faire ça toute sa vie, surtout pas lui à vrai dire. Je ne sais pas pourquoi mais je l’imaginais plutôt du genre à se dégoter le travail qui allie le mieux argent et paresse. « Je suis du genre à butiner de job en job. Et toi ? Je te vois bien en petite étudiante sérieuse. » je lâchai un petit rire et haussai les épaules. « Effectivement, je suis étudiante en médecine depuis cinq ans. » donc je n’en étais même pas à la moitié étant donné qu’il y a avait douze ans pour devenir neurologue comme je le voulais.

Je tirai une autre taffe de ma cigarette en haussant un sourcil. J’avais eu le droit à des compliments concernant mon métier, mais c’était plutôt des minettes battant des cils comme des vaches amoureuses. La brunette avait l’air bien plus sincère que les autres, et aussitôt je l’imaginais avec une auréole flottant au dessus de la tête et une Bible entre les bras. « Je t’avoue qu’au départ, c’était davantage pour gagner du fric. » Comment avouer à un gosse que le père Noël n’existait pas, leçon numéro une avec Lughan. « Mais ça me plaît bien, ceci dit. » Petite précision, histoire d’éviter de passer pour un gros branleur. De toute manière elle ne pourrait pas me reprocher d’être trop honnête, et mes raisons, à la base, n’avaient rien d’altruistes. J’avais choisi ça parce que je n’avais pas le choix et que j’avais besoin d’argent. Cependant il fallait avouer qu’avec le temps, on s’attachait rapidement à ce genre de personnes. J’avais d’autant plus l’impression qu’elles me ressemblaient, car j’avais moi aussi connu le handicap après mon accident. Je sursautai légèrement lorsque ma clope me brûla les doigts, entièrement consumée. Je l’écrasai contre la rambarde avant de la triturer entre mes doigts. Zhara venait de confirmer mes prédictions, elle étudiait la médecine. « Bingo. C’est pour ça que tu fais ça, pour aider les gens ? Je veux dire, la générosité, l’amour d’autrui, c’est ton dada ? » D’après sa façon de s’exprimer ça ne m’aurait pas étonné. Elle semblait réellement tournée vers les autres, et je n’aurais pas été surpris d’apprendre qu’elle était membre d'un tas d’associations caritatives. J’admirais ce genre de personnes plein d’optimisme, même si j’étais loin de partager cette conception rêveuse du monde. « Si oui, est-ce que tu penses que ça vaut pour tout le monde ? Parce que la moitié des candidats là, je les collerai dans un asile sans me retourner. » Sourire amusé. Ou dans un crique en fait, au choix.

« Je t’avoue qu’au départ, c’était davantage pour gagner du fric. » et boum comment casser le mythe en deux secondes. Je fis la moue avant de finalement hausser les épaules, tout le monde n’avait pas la chance d’avoir des parents au compte en banque bien rempli après tout, non ? « Ah, oui, il faut bien gagner ta croute… » dis-je en me retournant vers le paysage. « Mais ça me plaît bien, ceci dit. » ajouta-t-il, je tournai alors à nouveau la tête vers lui et souris. « Ca doit être enrichissant comme expérience. » approuvais-je. Ceci dit je n’avais aucune idée de la raison qui le faisait apprécier son boulot, peut être que ça n’avait rien à voir avec l’enrichissement personnel. « Bingo. C’est pour ça que tu fais ça, pour aider les gens ? Je veux dire, la générosité, l’amour d’autrui, c’est ton dada ? » me demanda-t-il alors que je venais de lui dire que j’étais étudiante en médecine, je haussai les épaules et hochai la tête positivement. « En quelque sorte, j’ai été élevée comme ça et c’est profondément ancré en moi. » ce qui n’était pas pour me déplaire attention mais plus j’avançais dans la vie plus les doutes me rongeait, la religion rejetait beaucoup de choses comme l’homosexualité par exemple et bien que je ne pensais pas en être je pensais à ceux qui l’étaient et qui avait autrefois la Foi. Ca et puis tout le reste, c’était difficile de rester comme je l’étais dans la société actuelle. Bref… « Si oui, est-ce que tu penses que ça vaut pour tout le monde ? Parce que la moitié des candidats là, je les collerai dans un asile sans me retourner. » je lâchai un rire et me tournai vers lui à nouveau « Tu sais… Je pense que la plupart des candidats ici sont tout simplement perdus mais trop fiers pour se l’avouer. Je veux dire, a partir du moment où on s’amuse à insulter tout le monde ou a sauter sur le moindre corps qui passe c’est que quelque chose ne va pas là dedans » dis-je en posant de mon doigt sur ma tempe. J’en étais convaincue, la plupart des candidats ici avaient du vivre quelque chose, à un moment donné dans leurs vies, pour qu’ils soient ainsi aujourd’hui. Seuls quelqu’un me semblaient normaux, ou en tout cas en bonne santé mentale. Comme Lughan par exemple.