Deuxième fois. Deuxième fois jusque-là qu'on lui parlait de son côté ô combien bavarde. Elle aurait dû s'y attendre. A ce qu'on lui en parle, encore et encore de ce trait de caractère dominant dans sa personnalité. Pour elle, ce n'était pas un problème. Et si les autres candidats préféraient la voir sarcastique plutôt que muette, alors, très bien, elle serait plus sarcastique encore. Cela l'obligerait à être plus attentive à ce qu'on lui disait, cela dit... Quoique, non, n'importe quoi, elle allait rester elle-même, peu importe ce qu'on lui dirait. Tss, on aura tout vu. Comme si elle en avait quoi que ce soit à foutre de ce que lui ou les autres pourraient dire. Elle ne parlait pas beaucoup. Elle n'aimait pas parler. Et à vrai dire, ne voyait pas l'intérêt de parler excessivement. Un point, c'est tout. Tu acceptes ça ou tu te casses, c'est tout. « Je vois pas où est le problème dans le fait de ne pas parler beaucoup. » déclara-t-elle simplement. Ce n'est pas parce qu'ils étaient tous des moulins à paroles dans ce château qu'elle se devait d'être pareille. Si elle supportait le fait qu'ils étaient tout le temps en train de parler, ils devraient pouvoir apprécier le fait qu'il y en avait au moins une pour fermer sa gueule, non?

Jackson était un jeune homme qui se plaisait à s'exprimer. Voilà pourquoi il parlait beaucoup, quelques fois pour ne rien dire de vraiment intéressant. Il était comme ça, et assumait parfaitement le fait de devoir sans cesse trouver quelque chose à dire. Toutefois, il y avait bien des fois où il préférait se taire. Mais ce genre de situations étaient si peu courantes que cela ne vaut sans doute pas le coup de s'étendre dessus. Ainsi donc, Jackson était un brin bavard. Et cela ne semblait justement pas être le cas de sa camarade ici présente. Effectivement, depuis le début de leur pseudo entrevue, Siomha s'était montrée plutôt discrète. A croire qu'elle payait un forfait parole qu'elle tentait de réduire au maximum. Mais merde quoi, c'est tellement mieux une fille qui parle tout le temps plutôt qu'une fille qui se la ferme sans cesse. « Bah j'sais pas, t'as l'air pourvue d'un cerveau et de la parole, alors tu pourrais faire comme si t'étais moins conne qu'en apparences. » Parce que bon, le cliché de la belle blonde qui l'ouvre pas beaucoup, il est connu. C'était un peu comme si elle avait honte de sa bêtise et qu'elle souhaitait se taire. Idiot, non ? Il lui suffirait de s'exprimer d'avantage pour montrer à tous qu'elle était bel et bien capable d'aligner quelques mots. C'était pas sorcier quand même. « Remarque, je suis sûr que t'as été sélectionnée pour faire joli. » Parce que jolie, elle l'était bel et bien. Mais restait à savoir si il y avait un semblant de petit quelque chose à l'intérieur de tout ça. Sans doute était-elle creuse et superficielle, en somme profondément inintéressante, comme la plupart des filles dans son genre. Ouais, sans doute.

Soupir. Il commençait sérieusement à être agaçant. Il avait son avis. Il semblait vouloir l'entendre plus parler. Soit. Pouvait-il accepter qu'elle était ce qu'elle était et qu'elle n'allait pas se mettre à déblatérer sur sa vie pour ses beaux yeux? Ce que ça pouvait être chiant. Tout de suite, vous êtes peu bavarde, donc vous êtes conne. Est-ce qu'elle avait réellement l'air d'une pauvre fille blonde écervelée? Sérieusement? Est-ce qu'on pouvait lire une quelconque trace de blondeur dans son regard? Je vous jure, les clichés... « Tu veux que je l'ouvre? Très bien: je t'emmerde.» soupira-t-elle. C'était parler assez ou pas? Elle ajouta: «Je parle pas beaucoup, si ça te plait pas, casse-toi, j'ai pas besoin de toi pour me dire comment être. » ajouta-t-elle d'une voix tout particulièrement indifférente. Non, mais je vous jure, mais je vous jure... Arf, que c'était pénible. Si c'était son genre, elle aurait presque pu s'énerver. Le blond ajouta alors qu'elle n'était là que pour le décor. Bien sûr, ça paraissait évident. Pourquoi Síomha aurait été prise dans cette émission, si ce n'était pas pour son physique? Forcément hein, que c'était pour son cul. Puisqu'elle n'était qu'une bimbo un peu conne sur les bords et qui n'ouvrait jamais la bouche, ses atouts féminins constituaient sa seule chance de rester dans ce jeu. A ne pas en douter. « C'est sans doute pour ça, oui. » rétorqua-t-elle, sarcastique en levant les yeux au ciel.

Oui, Jackson était branché clichés. Il était comme ça et il n'y pouvait rien. Alors, forcément, il avait certains préjugés sur les blondes, qui plus est celles qui présentaient bien et qui étaient gaulées comme des actrices de X. Siomha remplissant tous ces critères, il aurait donc été impossible qu'il ne voit pas en elle une petite cruche écervelée tout juste bonne - c'est le cas de le dire - à coucher pour réussir. Et puis, si ça se trouve, elle était bel et bien comme ça. Après tout, n'était-ce pas elle qui s'était montrée plutôt crue quelques instants plus tôt ? A croire qu'elle savait l'ouvrir quand il s'agissait de sexe, et rien d'autre. Finalement, ils pourraient bien s'entendre ces deux là. Oh attendez, on dirait que la grande blonde s'est exprimée, finalement. Jesus Marie Joseph. « Mouais, peut mieux faire » répondit-il aussitôt, sur un air taquin. Il ne souhaitait pas la provoquer, non, simplement ... ah bah si, la provoquer tiens. Drôle de type que ce Jackson. « Tu parles pas beaucoup, mais tu sais faire bien d'autres choses, je me trompe ? » N'y voyez là aucune insinuation particulière, hein. C'était pour parler quoi, rien de plus. Après, libre à elle d'y voir une quelconque connotation. Ça, il n'y pourrait rien. « Pense que grâce à toi, les mecs de ce pays vont passer un excellent moment devant le programme. » Lui même, s'il n'était pas candidat de ce même programme,aurait très certainement apprécié que Siomha en fasse partie. Disons qu'elle avait certains arguments indiscutables. C'était peut être pas son genre, mais ça restait une très belle jeune femme. Bah oui, quand même.

Il aurait réellement dû sauter du haut de ces falaises. Vraiment. Parce qu'elle allait sans aucun doute finir par l'y pousser. Ou elle allait elle-même se jeter dans le vide, elle n'en savait rien, mais cette conversation relevait plus de la torture qu'autre chose. Sa présence était suffisamment difficile à supporter comme ça, voilà qu'il en rajoutait en plus en continuant de parler. Oh pardon, de la rabaisser, à vrai dire. Se faire traiter comme une merde, ce n'était pas tant que ça un problème pour elle, mais dans l'immédiat, elle n'était pas d'humeur. Elle qui était venue ici afin d'être tranquille et loin des autres boulets, voilà que comme par hasard, malgré le vent et la bruine, il fallait qu'il débarque. Elle était maudite. Oui, voilà, ça devait être ça. Ou alors, elle avait juste eu une très mauvaise idée en venant ici. Oui, aussi. Il continua. Il souhaitait faire référence à son talent au lit ou elle se faisait des idées? Soupir. Et effectivement, elle faisait une bonne action en montrant son cul à la télévision. Les hommes légèrement frustrés auraient de quoi s'exciter un peu. Tant mieux pour eux. Elle s'en foutait. Elle n'était pas là pour ça, de toute façon. Et elle s'en foutait si elle devenait le plus gros cliché de la femme blonde à la belle poitrine qui couche à droite, à gauche. «  Pitié, tais-toi. » souffla-t-elle alors en levant les yeux au ciel. Ça commençait à devenir désespérant. Elle avança de quelques pas. N'allez pas croire que c'était pour se jeter dans le vide, c'était uniquement parce qu'elle ne souhaitait plus voir sa tronche et qu'elle souhaitait se concentrer sur l'horizon.

Jackson était un type détestable par excellence. Il était foncièrement blessant, manipulateur et fier de l'être et se comportait comme un vrai goujat la plupart du temps. Non, vraiment, il n'était pas rare qu'on le déteste. Le plus drôle, c'est que les femmes tout autant que les hommes en venaient à penser cela de lui. Elles, parce qu'il agissait rarement d'une bonne manière avec ces demoiselles, et eux, parce que Jackson trouvait milles et uns défauts aux types qu'il pouvait croiser. Cela excluait ses potes, avec qui il s'entendait à merveille, bien entendu. Mais vraiment, généralement, on ne pouvait que le détester. D'ailleurs, Siomha le détestait probablement déjà. Comment l'en blâmer puisqu'après tout, Jackson n'avait même pas chercher à se faire apprécier de la jeune femme. Il avait montré son vrai visage, et probablement que cela n'avait pas plu. Après tout, cela plaisait bien rarement à qui que ce soit. Mais du moment qu'il s'assumait, qu'importe l'avis des autres. Il se torchait volontiers avec, si vous voulez savoir. « Admettons que ce ne soit pas dans mes intentions, tu vas faire quoi ? » Là, il semblait la défier. Elle voulait le faire taire ? Très bien, qu'elle trouve un moyen de le faire, alors. Parce que ce n'est pas en le lui demandant de la sorte qu'elle obtiendrait de lui quoi que ce soit. Voyons, Jackson n'était pas de ceux qu'on peut faire taire aussi facilement. Après, qu'elle veuille le frapper, ou même le jeter dans le vide, qu'importe. Elle devait trouver mieux que ça, c'est tout.

C'était donc totalement impossible pour lui de se taire? Il voulait quoi, au juste? Quel était son but? Que comptait-il obtenir en agissant de la sorte envers la belle? Il ne se ferait ni détester, ni apprécier. Síomha n'aimait personne, ne détestait personne. Elle se contentait d'être indifférente. Et cela lui convenait parfaitement puisqu'elle n'en avait rien à foutre des autres. Elle n'en avait rien à foutre de tout, à vrai dire. Rien ne lui importait. Elle vivait dans un monde où rien ne comptait et c'était parfait ainsi. Alors, il pouvait essayer de l'énerver, de l'agacer, de la faire chier. Au mieux, il la ferait soupirer et elle tournerait les talons en gardant cet air lointain qui se dessinait dans ses yeux. C'est tout ce qu'il pourrait lui faire. Rien ne l'atteignait véritablement. Et à ce petit jeu, elle était quasiment certaine de gagner. Il se lasserait bien avant elle. « C'est dans tes intentions, donc ferme-la. » Sa voix était lisse, et n'adoptait aucun ton en particulier. Malgré tout, ses paroles cachaient une certaine menace. Menace qu'il aurait pu percevoir dans son regard s'il n'avait pas été dans son dos. Elle ne lui laissait pas le choix, de toute façon. Il fermait sa gueule, un point, c'est tout. Sinon? Eh bien, sinon, il verrait bien ce qu'il lui arriverait. En attendant, elle laissa ses yeux détailler l'eau et la façon dont le vent interférait avec le destin des vagues,tandis que la mer se faisait plus sauvage, incontrôlable. Alors, elle ferma les yeux et imagina être l'une des gouttes d'eau de cet océan.

Peut être bien que Jackson était un tantinet chiant sur les bords. C'était en tout cas ce que pensaient bien des personnes autour de lui. Mais qu'importe, lui vivait bien ce trait de sa personnalité. C'était un chieur, et alors ? Il préférait être chieur que d'être con, à vrai dire. Parce qu'un chieur peut parfois se montrer moins chieur, alors qu'un con ne peut pas se montrer moins con. Logique. Ainsi, il se plaisait bien souvent à gaver tout le monde. Jouer le mec barbant, collant et franchement agaçant, ça le connaissait. C'était d'ailleurs l'une de ses activités préférées. Jackson était après tout persuadé d'avoir été mis au monde pour casser les couilles de tout le monde ici bas, alors soit. Et la blonde qui se trouvait non loin de lui n'y échapperait pas, ah ça non. Et même, il se ferait d'autant plus un plaisir de jouer les emmerdeurs avec elle. Pourquoi ? Et bien, disons que sa tête ne lui revenait pas. La blague. « Au risque d'insister : non, ce n'est pas dans mes intentions. » Genre il prenait quelques pincettes, désormais. Ne vous y trompez pas, c'était pour mieux la faire chier par la suite. Parce qu'elle avait beau jouer l'indifférente, la fille que rien ne peut saouler, ça ne trompait pas. Il finirait par prouver qu'elle avait les nerfs. Oui, même si cela lui coûtait une joue. Mais ils n'en arriveraient assurément pas là. Tout simplement parce qu'idiote serait celle qui oserait le toucher. Bah oui, des fois que ses tendances enquiquineuses soient contagieuses, hein.

Eh bien, sans grande surprise, il contesta. Il était donc bien décidé à la faire chier jusqu'au bout. Peut-être était-il réellement suicidaire après tout? Parce que s'il arrivait à mettre Síomha en colère, c'est qu'il aurait fait fort. Et qu'il allait prendre cher... Dire qu'elle souhaitait juste qu'on la laisse tranquille. C'est vraiment tout ce qu'elle demandait. Elle n'ouvrait même pas sa gueule, histoire de se faire toute petite et de passer inaperçue. Une fille qui ne parle presque pas n'est clairement pas la plus intéressante alors pourquoi fallait-il que ça lui tombe dessus? Que monsieur le débile se mette après elle? Désespérant. Vraiment. Une nouvelle fois, elle soupira lorsqu'elle l'entendit l'ouvrir. Encore une fois. Il faudra quoi? Qu'elle lui agrafe la bouche pour qu'il se taise? « Casse-toi. » Ce n'était même pas une menace, juste un doux murmure qui allait, elle l'espérait, tomber dans son oreille comme un bon conseil. Elle en avait marre de faire la baby-sitter pour candidat débile. Alors, s'il pouvait arrêter de la provoquer et de rentrer au château, ça serait très bien. Síomha n'était pas très fan de la violence et ne l'utilisait vraiment qu'en dernier recours. Mais s'il s'attendait à être frappé, pas de problèmes, elle le frapperait. A vrai dire, il ferait même mieux de dire à voix haute qu'il souhaitait une telle chose. Ça éviterait bien des soucis et bien des conversations inutiles avant qu'enfin, elle le dégage violemment. Mais bon, après, c'est lui qui voyait, bien sûr.

Elle n'en disait rien, mais probablement que Siomha aimait l'acharnement de Jackson. Elle devait être maso ou un truc comme ça, il en était certain. Alors, le grand blond n'était pas décidé à cesser de l'importuner - si tant est qu'il l'importune véritablement. Non, il allait même se faire une joie de continuer. Et même, il essaierait d'être de plus en plus casse-couilles. Ouais, il essaierait. Parce qu'il n'était pas dit qu'il n'ait pas déjà atteint sa limite - quoi que c'était assez peu probable - ou qu'elle le laisse en vie encore suffisamment longtemps pour faire ce qu'il avait en tête. A savoir : la faire chier comme personne n'a encore jamais fait chier qui que ce soit. Elle ne le savait pas encore, mais elle allait bientôt l'adorer, et ne plus pouvoir se passer de lui un seul instant. Enfin, ça, c'était ce que se disait Jackson, hein. Parce qu'il était très probable qu'il n'en soit absolument pas de même dans la réalité. Et voilà qu'elle le priait de se casser. Quoi, déjà ? Ah non, il n'allait certainement pas se barrer maintenant. Pas alors qu'il la sentait délicieusement bouillir intérieurement, elle qui tentait pourtant de ne rien laisser paraitre. Mais ça ne prenait pas avec Jackson, non, il connaissait trop bien ce genre de situations. Et pour cause, il ne comptait même plus les victimes de son coté emmerdeur. « Et si on parlait plutôt ? » Ah ouais, excellente idée. Autant profiter du temps de parole qu'il lui restait, hein. « C'est quoi ta couleur préférée ? » Ou la question existentielle qu'il n'avait pas pu s'empêcher de poser. Secrètement, il pariait sur le rose. Et non, rien à voir avec ses nombreux préjugés.