W/ LHOAS
jeudi 2 février, 22h54.

Tiens, le deux février, c'était la chandeleur. On disait bien le mardi de la chandeleur, et pourtant, on était absolument pas un mardi. La chandeleur, c'était le jour des crêpes. Un jour, Milan avait su en quoi consistait la tradition exacte, avec la pièce dans la pâte, ou un truc du genre. Un jour. En fait, il n'avait plus fêté ce jour depuis qu'il avait quoi... huit ans ? Pour lui, il ne s'agissait que d'un bon prétexte pour exiger de son père qu'il ne prépare des crêpes. Outre cela, toute la symbolique qui se cachait - très bien - derrière le côté commercial de la célébration, il n'y connaissait rien. Et il s'en tapait un peu, oui. Bref, là, c'était l'heure de la douche. Rien à voir avec les crêpes. Milan venait de terminer de bouffer - un bon spaghetti bolognaise, classique mais so délicieux - et de faire sa vaisselle. Ouais, parce qu'ici, y'avait jamais quelqu'un pour se dévouer. Genre répartition des tâches. Nan, c'était chacun sa merde. Un bâillement plus tard, et il se dirigeait vers les escaliers. Se grattant négligemment les cheveux, il ne put s'engager plus haut que la moitié de la volée de marche, car sur son chemin se trouvait un obstacle de taille. D'accord, qu'est-ce qu'il foutait là, lui, en plein milieu des escaliers ? Il avait rien de mieux à faire ? « T'es dans le chemin » qu'il fit assez fort, d'un ton assez significatif. Faut croire qu'il avait décidé de camper là.

La journée s'était déroulée calmement pour Lhoas, il n'était pas très impliqué dans la vie de la maison, préférant se faire sa petite vie à lui tout seul au début de l'aventure. Pour lui ça se résumait à ça : y avait trop de people dans c't'aventure. Il fallait laisser le temps faire sortir quelques personnes, qu'il y a un peu plus d'air respirable et plus de contacts entre les candidats. Mais pour rester jusqu'à ce moment, fallait-il encore se faire légèrement remarquer pour ne pas tomber dans les nominés. Chose difficile mais faisable. Après avoir grignoté un paquet de chips bien gras qu'il avait précédemment déniché dans l'armoire du cellier, Lhoas était monté dans sa chambre écouter quelques musiques sur son lit. Nina Simone, Norah Jones, c'était sa drogue du moment. Qui aurait cru qu'un monsieur muscle aussi imposant écoute de telles musiques ? Constatant ensuite qu'il se faisait tard et que tout le monde se pressait pour se mettre, se changer en dilettante, Lhoas remarqua qu'il avait laissé son caleçon et son t-shirt - choses qui lui servaient de pyjama - à l'étage du bas. Dans l'optique de prendre une douche, il descendit les escaliers pour partir à la recherche de ses biens qui devaient sûrement être restées sur un dossier de fauteuil ou quelque chose du genre. Lhoas et le rangement ça faisait deux depuis longtemps. Alors qu'il descendait l'escalier, Milan voulout monter à l'étage. Lhoas le regarda alors, bien décidé à ce qu'il fasse demi-tour pour le laisser descendre les trois marches qui lui restait. Ils n'avaient eu qu'une altercation depuis le début de l'aventure, qui se résumait à "ouais c'est toi le gay de la saison?" Autant dire que Lhoas avait dékà catalogué le garçon au prénom de capitale. L'intéressé lui clama qu'il était dans le chemin. « Comme c'est dommage, tu ne sauras pas passer » lança Lhoas avec un air hypocrite. « Bouge tes fesses Venise, j'ai plus que trois marches à descendre et après, tu auras tout le loisir de grimper les marches à l'allure que tu voudras » fit Lhoas, en soutenant le regard du candidat qui était en contrebas.

Coincé dans l'escalier avec un ours. Génial. Parce que monsieur ne veut pas bouger son cul d'exactement cinq centimètres pour que Milan puisse passer sans avoir à le toucher. En réalité, lui-même aurait put se décaler et clap clap, histoire over. Mais non. C'était plus drôle comme ça. Et encore. Allez savoir pourquoi Milan avait inconsciemment décidé de marcher exactement dans l'angle de Lhoas. L'inspiration du moment, sans doute. Levant exagérément les yeux au ciel lorsque l'autre lâcha cette remarque particulièrement subtile et réfléchie comme quoi il ne pourrait passer, l'irlandais ne pris même pas la peine de répondre. Sur le point de lui démontrer le contraire en l'esquivant, la voix du gars l'en empêcha. Tandis qu'il l'écoutait, Milan se contenta d'afficher un sourire vaguement moqueur. Venise ? Hahahaha, super drôle. Il n'avait rien mieux comme vanne ? À l'aube de la trentaine, un humour aussi moyen, c'était quand même un peu pitoyable. Mignon, aurait-il pu dire pour quelqu'un d'autre, mais pour lui, ça faisait juste pitoyable. D'autant plus que le prénom Milan n'avait rien d'italien, tout comme le garçon n'avait absolument rien d'italien. « Je suis persuadé que ton ami imaginaire a parfaitement exécuté tes ordres, tu es absolument effrayant. » Quoi que.

(nuuuuul désolée sweetie man)

« Je suis persuadé que ton ami imaginaire a parfaitement exécuté tes ordres, tu es absolument effrayant. » Lolilol. Y avait-il que des petits gamins drôles dans cette aventure ou bien y avait des adultes un peu réfléchis ici quelque part ? Non sans blague, c'était quoi ce casting. Il avait encore l'âge d'être puceau celui-ci ou bien ? Lhoas ne réagit même pas à la vanne qu'il jugea totalement pourrie. Il se passa une main dans les cheveux et ne voulant pas plus trainer avec cet énergumène inintéressant, descendit les trois marches qui lui restait avant d'arriver au rez-de-chaussée, tout en faisant reculer le dénommé Milan. Lhoas n'avait même pas idée de si l'on disait Milan, ou Milane. En fait, il s'en foutait, pas besoin de savoir prononcer un prénom d'une personne qui nous insupporte. Oui il avait fait descendre Milan de force, et il était passé. Maintenant monsieur-t'es-dans-le-chemin aurait le loisir de monter les escaliers à son aise. Lhoas avança dans le couloir et laissa le jeunot face aux escaliers. Un peu avant de continuer sur l'idée de quitter la pièce et de le laisser sans lui parler et l'ayant juste poussé pour passer, Lhoas se retourna vers les escaliers. « Dommage que tu sois si agressif de prime à bord, et si hargneux, j'suis sûr qu'on aurait pu bien s'entendre » lâcha Lhoas, d'un ton simple et pensif. Mais il était presque sûr que le jeunot allait encore répondre quelque chose de tranchant, pour changer. Après tout, n'était-ce pas le petit qui lui avait directement demander de bouger de l'escalier d'une manière ô très respectueuse ?

Encore quelques minutes à ce rythme, et Milan forçait le passage. Non mais vraiment, traîner dans une cage d'escaliers en compagnie de ce type ? Il avait mieux à faire, vous l'excuserez. Et toutes les remarques particulièrement subtiles n'étaient pas suffisantes que pour le faire bouger de là. À croire que c'était son dada de rester planté sur les marches. Finalement non, car il se sentit reculer. Il regardait ailleurs lorsque Lhoas força le passage et il ne prit même pas le temps de le repousser. Quand même. Il n'avait pas huit ans d'âge mental. Le séquestrer de force dans les escaliers, c'est bon, il avait passé l'âge. Et il serait débarrassé de lui, du coup. Ne lui adressant plus un regard, les mains dans les poches de son jean, il grimpa les escaliers quatre à quatre, jusqu'à ce que la voix de son meilleur ami ne se fasse entendre à nouveau. Soupirant imperceptiblement, il tourna les talons. Quoi encore ? Sa réflexion le laissa de marbre. Il était agressif ? Et hargneux ? Super, voilà qui faisait sa journée. Pour ce qu'il en avait à foutre. « D'accord, je suis agressif et hargneux, si ça peut te faire plaisir. » Il se contenta de la regarder quelques secondes. Ce n'était pas non plus comme si c'était lui qui avait déclenché les hostilités. La première fois qu'ils s'étaient adressés la parole, il s'était contenté de lancer une remarque sans grande valeur. « Et tu prends tout au premier degré. Je ne suis pas sûr que ce soit mieux. » Et donc ils allaient continuer à discuter comme ça, à plusieurs mètres l'un de l'autre ? Ils devaient avoir l'air un peu cons, quand même, à vrai dire, Milan s'en foutait un peu.