Le silence était un état quasi-inexistant dans le nid d'amour, les candidats grouillaient de partout, ils parlaient, ils chahutaient, le manoir était immense, pourtant le seul endroit paisible semblait être le cimetière. Je m'éclipse, un livre à la main, Mémoire d'outre-tombe, indique la couverture, et le pire dans tout ça c'est que ce n'est pas une blague. Je m'installe contre la tombe d'un certain, Ó Conchúir qui ne m'en voudrait sûrement pas de prendre sa dernière demeure comme point d'appui. Sur le sol, je commence ma lecture, ô combien passionnante de la vie de ce très cher Chateaubriand, ou plus particulièrement de son enfance en Bretagne. Le jour commence à tomber sur les hauteurs du château, pourtant, je ne bouge pas d'un centimètre, je lis, profite du silence, des dernières lueurs du jours qui diminue de plus en plus. Des pas se firent entendre mais je ne relève pas la tête, je n'ai pas terminé ma phrase, et s'il y a bien une chose que je déteste c'est m'interrompre au beau milieu d'un paragraphe. Les bruits se font de plus en plus fort, je dépose mon livre tout en prenant soin de corner la page du livre afin de reprendre la lecture un peu plus tard. Pour ma plus grande surprise il s'agit de Sixtine, qui se dirige à grand pas vers le cimetière, elle ne m'a sans doute pas vu posé contre la pierre tombale, je reste silencieux, un sourire malsain sur les lèvres. Elle n'est plus qu'à quelques centimètre, je jubile. « Bouh ! » Je murmure simplement, mais ma voix résonne bien malgré moi dans la nuit qui s'installe doucement, j'ai très envie de rire, pourtant je ne fais rien, j'observe simplement la jeune femme, de mon regard azur, soutenant ses iris.

Ne me demandez pas pourquoi j’avais décidé de flâner entre les pierres tombales froides et grisâtres en cette dernière après-midi de Janvier. Peut-être un désir de frissons . . . En vérité je désirais grignoter la moitié de la baguette empruntée au cellier et réchauffée en paix. Je ne voulais pas partager cette collation égoïste, et j’avais bêtement pensé que le seul endroit où je serais enfin seule était parmi les morts. J’avais déjà entamé le pain recouvert d’une confiture à l’orange, observant un instant les écritures partiellement effacées, ne parvenant qu’à en déchiffrer une seule, sur une sépulture éloignée. Saddie, 35 ans. « Saddie si tu m’entends, fais-moi un signe » chuchotai-je dans le vide, avec autant de conviction qu’un ver de terre à qui on demande de marcher. J’attendis patiemment, le nez sur la tombe grise comme s’il allait en surgir un cadavre à moitié décomposé. Quelle ne fut pas ma déception devant ce manque de réaction flagrante. Il allait faire sombre dans quelques instants. Déjà le soleil commençait à décliner lentement, et je n’avais guère pour projet de slalomer entre les morts dans la plus totale obscurité. On ne savait jamais, ma jeune femme décédée pour bien décider de s’éveiller sans prévenir. Je lançai un regard méprisant à la pierre tombale silencieuse, les yeux plissés, résolue à quitter les lieux. Cependant un chuchotement se glissa à l’intérieur de mon oreille, me glaçant le sang. Je restai paralysée un moment avant de hurler, levant ma baguette de pain dans les airs afin de me défendre en cas de besoin. « OHHHHHHHH . . . mon dieu. » Je m’attendais à tomber nez à nez avec un zombie, des lambeaux de chair pendant autour de ses os, à la place ce fut le Cro-Magnon, de l’équipe Alix qui me faisait face. Connor. Prévisible. Je fermai les paupières en reprenant mon souffle. « Crétin ! » Je le frappai sans ménagement à l’épaule avec le morceau de pain entre mes doigts, un châtiment bien moindre par rapport à la frayeur qu’il avait provoquée en moi. « Heureusement que je ne suis pas cardiaque, tu aurais eu ma mort sur la conscience. » Je lui signalai ce fait, ne tenant pas compte de l’ironie de la situation. Je plissai le nez, le menaçant à nouveau à l’aide de ma baguette de pain. « C’est pour te venger c’est ça, parce que tu as été assez négligeant pour laisser une affamée de victoire mordre tes jolies fesses ? J’espère qu’elles s’en sont bien remises. » Je lui lançai un regard provocateur, un sourire amusé au coin des lèvres en me penchant sur le côté comme pour vérifier. Ca avait du faire assez mal, mine de rien. Mais sur le moment je ne m’étais pas vraiment posée la question, obnubilée par le désir de rapporter des points à la team Micah. Je me mis soudain à rire, cachant ma bouche avec mon avant-bras. M’imaginer à nouveau la scène me rendait hilare, il fallait dire que ça avait été passablement ridicule. « On est quitte maintenant ? » Œil pour œil, dent pour dent. La loi du Talion n’exigeait pas qu’il me mordît les fesses en retour, une compensation était parfois suffisante et j’estimais que c’était le cas en l’espèce. Je lui tendis ma main libre pour sceller notre accord, si toutefois il se montrait coopératif.