gabrielle.

Il y avait bel et bien une personne avec qui je semblais m’entendre dans cette maison, et c’était là un mystère que je ne m’expliquais pas. À croire que les miracles existaient sur cette terre – et Zhara, si elle m’entendait penser à l’instant, n’en aurait cure de me rabattre les oreilles avec sa fichue croyance. J’avais envie de passer une bonne soirée, de faire la fête, de boire un bon coup et de déblatérer une quantité incalculable de bêtises, voilà pourquoi j’agrippais Gabrielle par le bras lorsqu’elle passa à mes côtés, lui glissant à l'oreille mon petit plan, un sourire naissant au bout des lèvres. J'étais persuadée que l'idée lui plairait. Après tout, entre partagée un bain de boue ou un jacuzzi, c'était du pareil au même... même si l'un était plus agréable que l'autre. M'éclipsant après m'être assurée qu'elle me rejoindrai là-bas à l'heure convenu, j'allais enfiler mon maillot sous mes vêtements, puis me faufilait jusqu'au cellier afin de piquer quelques bouteilles d'alcool - rhume et vodka, les premières à tomber sous ma main - que je cachais sous mon manteau, tel un voleur. Je me sauvais jusqu'à la grange, veillant à ne croiser personne sur mon chemin, puis pénétrait dans la pièce où se trouvait le jacuzzi, fermant la porte derrière moi. Mon butin déposé sur l'une des tables se trouvant là, j'entamais de retirer mes vêtements, puis je m'approchais du bain chaud pour m'y plonger. Le soulagement fut instantanée. Mes muscles, crispés depuis les derniers jours, semblèrent se délier sous la chaleur. Accotant ma tête sur le rebord, mes yeux se fermèrent un instant. Mais se rouvrirent presque aussitôt. La porte venait de s'ouvrir, et une chevelure rousse se glissa dans la pièce.

La rouquine était en route pour l'extérieur, la cigarette au bec, le briquet à la main, elle était prête à bondir lorsqu'elle aurait franchie la limite l'autorisant à fumer, puisse qu'elle serait déhors. Mais sans crier gare, Evey l'attrappa, lui donnant rendez-vous au jacuzzi. Changement de plan. Evidemment la rouquine ne refusa pas, de toute façon ça ne pouvait pas être plus pire que la bataille de boue qu'elles avaient faite la semaine auparavant. Gabrielle retourna donc dans sa chambre, pour enfilant une tenue un peu plus adaptée à la situation. La rousse enfila par dessus une robe en laine, chaude, mais facile à enlever, elle pensait 'pratique' ce soir. La belle fit quand même un petit détour par le balcon, pour sa dose de nicotine obligatoire, elle ne pouvait pas faire sans. La jeune française expédia sa pause cigarette en quelques minutes, elle ne voulait pas faire attendre Evey qui devait déjà être en route pour le jacuzzi. Gabrielle s'y rendit, elle poussa doucement la porte avant de la refermer derrière elle. La belle remarqua les bouteilles d'alcools sur la table, ce qui lui arracha un léger sourire, elle fit glisser sa robe le long de son corps avant de la poser dans un coin. La rouquine entra dans le jacuzzi, et se plaça à côté d'elle. « J'espère que je n'ai pas été trop longue. » murmura t-elle en s'adossant.

Pile à l’heure – ou presque. J’avais eu le temps de faire trempette avant que Gabrielle ne daigne me rejoindre. Tant pis, elle n’avait plus qu’à me rejoindre maintenant. Rien ne l’en empêchait, et nous étions là pour ça. Alors qu’elle s’installait à mes côtés, sa voix se fit entendre. « J’espère que je n’ai pas été trop longue. » Sortant mes deux mains de sous l’eau – ou elles s’étaient réfugiées, je leur jetais un coup d’œil, avant de les mettre sous les yeux de ma voisine. « Je ne suis pas encore toute ratatiné, donc ça va. » Un léger sourire étira même mes lèvres à cet instant. Je me sentais d’humeur joyeuse, c’était tout de même incroyable. Ce devait être la compagnie de la rouquine qui jouait en ma faveur. Me relevant, je tournais le dos à la candidate qui m’accompagnait dans le jacuzzi, puis me penchant sur le rebord, étirait mes bras pour atteindre les bouteilles d’alcool non loin. Une fois les précieux flacons bien en main, je me remettais en place, plus que contente de retrouver la chaleur de l’eau – c’est qu’il faisait un tantinet frisquet dans cette pièce, sinon. Entendons-nous : c’était une grange. L’air filtrait par le moindre petit trou. Bref. « Vodka, rhum ? » fis-je en lui tendais le tout. Puisque je n’étais point difficile côté boissons, je lui offrais le premier choix. Une offrande de paix, peut-être? On peu dire ça.

Bon la jeune femme avait quelques minutes de retard, elle avait fait des progrès car habituellement elle arrivait avec un quart d'heure de retard. Oui, Gabrielle savait bien se faire désirer. Elle n'hésita pas un seul instant, et entra rapidement dans l'eau chaude. C'était un vrai bonheur. Et dire que Gabrielle n'était pas souvent venue ici, un vrai sacrilège, elle ne referait plus la même erreur. Evey lui présenta ses mains, la rousse lui sourit. Elle lui attrappa l'une de ses mains, l'exminant au passage. « Ta peau est parfaite pour le moment, ça va. » déclara t-elle avant de s'enfoncer un peu plus dans l'eau, lâchant rapidement la main de l'autre candidate. Jusque là, tout se passait bien, elle ne savait pas trop à quoi s'attendre avec la blondie. Non parce qu'elle avait tendance à aimer persécuter la rousse, bataille de boue, et saut dans la piscine dès le premier soir. « Vodka, rhum ? » Ô cruel dilemme pour la rousse, elle hésita quelques secondes avant de se prononcer. « Va pour rhum. » répondit-elle finalement en haussant les épaules. Autant vous dire que Gabrielle ne tenait pas trop bien l'alcool, et elle espérait qu'Evey le tienne.

Alors que je lui affirmais n’avoir aucune trace de rides sur mes mains trempées, Gabrielle attrapa l’une d’elle pour la scruter plus en profondeur. Je l’observais alors qu’elle continuait sa petite enquête sur l’extrémité de mon bras, mais elle ne s’attarda pas. « Ta peau est parfaite pour le moment, ça va. » Bien sûr qu’elle était parfaite, j’en prenais grand soin et la moindre petite imperfection voyait bien vite ses jours être réduit à néant. Il faut dire que je pouvais me payer tous les soins et produits qu’il me plaisait grâce à la fortune de mon cher papa. La chance. Alors que je récupérais les bouteilles, Gabrielle en avait profité pour s’enfoncer plus profondément de l’eau et je la trouvais ensevelit jusqu’aux épaules en me réinstallant à ma place. « Va pour rhum. » Excellent choix. Je lui tendis la bouteille. Me contentant de la vodka qui me revenait de droit, j’ouvris la bouteille et jetais un coup d’œil à ma voisine. « Santé ! » Puis je portais le contenant à mes lèvres, laissant couler l’alcool dans ma bouche. Sale goût, la vodka, mais tout à fait efficace quand l’envie de virer un cuite vous passait par la tête. Si je tenais l’alcool? Oui, généralement. Enfin, quand je me contentais de quelques bières et shooters. Cependant – et trop souvent à mon goût – je pratiquais l’excès en mixant divers boissons alcoolisés et le résultat n’était pas toujours beau à voir. Gageons que j’arriverai à me contenir ce soir... ou, du moins, que j’allais essayer. Une légère grimace prit naissance sur mes lèvres alors que je délaissais le goulot de la bouteille. « Bordel, c’est pas de la p’tite bière, ça, c’est sûr. Cupidon lésine pas sur la boisson, sérieux ! »

Evey se retourna, pour saisir les bouteilles, laissant à Gabrielle le choix de sa boissons. « Santé ! » Oui, pas de verre, Gabrielle allait devoir boire à la bouteille, bon. A croire que lorsqu'elles sont ensemble, leur côté sauvage et peu civilisé refait surface. La bataille de boue en était une preuve. La rousse remercia silencieusement sa camarade -d'un seul geste de la tête- avant de retirer le bouchon de son rhum, avant de poser le bouchon hors du jacuzzi. La belle porta alors sa bouteille à ses lèvres, avalant une grosse gorgée du liquide. Elle rebaissa son bras, ouai, c'était fort comme alcool. « Bordel, c’est pas de la p’tite bière, ça, c’est sûr. Cupidon lésine pas sur la boisson, sérieux ! » Gabrielle ne peut que confirmer, elle hoche doucement la tête avant de prendre le temps de répondre. « On doit faire monter l'audience quand on est saoul. » déclara t-elle avec un sourire amusé, Gabrielle hausse les épaules. C'était un idée comme une autre hein. « Bon si je dérape à cause de l'alcool, tu évites de m'assommer s'il te plait. » la pria t-elle avant de reboire un petit coup de sa bouteille. Non mais parce que avec Evey fallait des prendre des précautions quand même, on se sait jamais. Elle était bien capable de la jeter dans la piscine le premier soir, alors, elle était capable de tout. Quand instants, et quelques gorgées plus tard, la rousse commençait à sentir les effets de l'alcool.

Je n’étais pas une petite nature, surtout pas quand venait le temps de parler d’alcool. Au contraire, j’étais plutôt tolérante… quand je n’allais pas dans l’excès. Mais Cupidon semblait m’indiquer la mauvaise voie avec cette boisson fortement alcoolisée : de la vodka Absolut, c’était de la qualité, mes amis. Si je terminais cette bouteille, j’étais quitte pour une gueule de bois terrible demain, mais tant pis. Ça en valait la peine. Gabrielle avait suivit le pas et buvait à son tour, directement au goulot. « On doit faire monter l’audience quand on est saoul. » affirma Gabrielle avec un sourire taquin au visage. Je lui jetais un regard de biais, cherchant à savoir si elle n’avait pas une petite idée derrière la tête. « J’suis prête à tout pour ça. » avouais-je en souriant, confiante. Je ne m’étais mise aucune barrière en venant à cette émission. L’art de pouvoir faire ce qui me plaisait quand cela me plaisait me donnait ce sentiment d’être libre, de profiter de la vie. « Bon si je dérape à cause de l’alcool, tu évites de m’assommer s’il te plait. » J’esquissais un léger rire. Je n’avais aucune intention de lui faire du mal, ni maintenant, ni jamais. « On est là pour faire la paix, non ? Enfin, à moins que tu désires toujours que ce soit la guerre entre nous… Alors là, c’est certain que j’en profiterais. » Je bus une, deux, trois autres gorgées de la vodka, et le goût me parut bien moins pire qu’au départ. À force, j’avais presque l’impression de boire de l’eau… sauf que cette eau-là me faisait drôlement de l’effet. Ouf. Et cette chaleur qui n’arrangeait rien. « Ça manque de musique. » marmonnais-je, un air boudeur au visage. Oui, j’avais soudainement envie de danser et je me levais malgré l’absence d’ambiance musicale dans l’air. « Cupidon, oh hey, mon petit chérubin, ça te dirait d’me faire plaisir, dis? » lançais-je dans les airs à qui voulait bien l’entendre. Puis, agrippant la main de ma camarade, je la tirais vers moi, la forçant à se lever pour venir me rejoindre au centre du jacuzzi, alors que je me laissais porter par une mélodie qui ne jouait que dans ma tête.

« J’suis prête à tout pour ça. » La phrase surprend la jeune femme, qui jete un regard en biais à sa compagne de boissons. « On est là pour faire la paix, non ? Enfin, à moins que tu désires toujours que ce soit la guerre entre nous… Alors là, c’est certain que j’en profiterais. » Gabrielle la regarde, Evey semble être sincère, elle la juge encore quelques secondes, avant d'hocher lentement la tête. Elle se permet même de lui sourire. Cela serait bien, de faire un petit temps mort niveau vengeance, car la jeune rousse en avait assez donné, au moins maintenant, elle pouvait avoir confiance en Evey. Elle n'aurait plus peur d'être balancée dans l'eau par surprise, ou autrechose, on ne sait jamais. En plus Evey semble être très imaginative comme fille. « On fait la paix. » répondit-elle, en donnant un petit coup avec sa bouteille de rhum. Gabrielle ravala une gorgée de son alcool, il faut qu'elle s'arrête là, qu'elle se pose des limites, sinon elle risque de faire n'importe quoi tout le long de la soirée. Evey veut de la musique, Gabrielle approuve d'un geste de la tête, elle reboit un coup, puis pose sa bouteille en dehors du jacuzzi. La blondie l'attrappe, Gabrielle n'oppose aucune résistance, et se laisse faire. Gabrielle se lève, se rapproche d'Evey, elle est à quelques centimètres d'elle, et commence lentement à danser.

« On fait la paix. » Je me doutais bien qu’elle choisirait la bonne voie. Cette fille est intelligente, et prendre le risque de m’avoir sur le dos pour le reste de l’aventure ne semble pas figurée dans ces plans. Tant mieux, dans les miens non plus. « Bonne fille ! » m’exclamais-je alors qu’elle déclarait que la guerre était maintenant terminée entre nous. Bien sûr, tout cela avait dit sur un ton blagueur, je ne voulais pas offusquer ma camarade, surtout pas maintenant que nous étions revenus en bon terme – quoique d’une certaine façon, nous l’avions toujours été, même si nous avions passé les deux dernières semaines à nous torturer l’une et l’autre. Œil pour œil, dent pour dent. Mais l’heure de la vengeance était depuis un bon moment révolu. Une fois debout, et plus ou moins stable sur mes jambes, je convaincs… ou plutôt force la jolie rousse à venir me rejoindre. Bon, elle ne rechigne pas non plus et semble de mon avis alors que je fais la requête à Cupidon de nous agrémenter cette soirée d’une trame sonore. Je bois une autre gorgée de ma bouteille de vodka, puis la dépose sur le rebord. Pas question d’en perdre une seule goutte de son précieux contenu si je venais à l’échapper dans le jacuzzi. Le silence règne dans la pièce, mais Gabrielle se met quand même à danser, son corps pratiquement collé au mien. Nos mouvements sont désordonnés, mais c’est au-delà de ce qui m’importe en ce moment. Lorsque la musique se fait finalement entendre, je laisse sur mes lèvres apparaître un large sourire. « Cupidon, je t’aime ! » fis-je même à son attention pour le remercier. Il ne me vient même pas à l’esprit que cette chanson signifie bien plus et qu’elle impose un geste en particulier : un baiser, en l’occurrence. J’ai l’esprit beaucoup trop embrouillé pour ça. Posant mes bras sur la taille de ma camarade, je me remets à danser de plus belle, et cette fois-ci, la musique est bel et bien réelle. Ce n’est pas spécialement ce à quoi je m’attendais, mais pour le moment, cela suffit. « Billie Jean is not my lover, she’s just a girl who claims that I am the onneeee. » Miracle, même saoule – ou presque – je chante juste! À croire que j’ai ça dans le sang. Je me laisse porter par le moment, mes gestes sont lascifs et je ne suis pas à blâmer : c’est la chanson qui est l’unique et seule responsable dans toute cette histoire. Oh, et l’alcool aussi, sûrement. Fort probablement. Sans aucun doute. La chanson s’achève finalement et mon regard croise celui de la rouquine qui me fait face. J’ai cet inéluctable désir de l’embrasser et c’est bien là une chose que je ne contrôle pas… ou plutôt ne contrôle plus. Ses lèvres m’attirent comme un aimant et je n’arrive pas à me retenir. Ma bouche frôle la sienne puis s’éparpille dans un baiser qui se veut loin d’être innocent.