La nuit avait été courte, la soirée de la veille s'était prolongé jusqu'à l'aube, c'est donc avec des séquelles d'une soirée bien trop arrosée que j'avais débuté la journée. Rory m'avait réveillé en se retournant plus violemment qu'à l’accoutumée. J'avais tout d'abord grogné, comptant sur la fatigue et l'alcool qui avait coulé à flot dans mes veines pour parvenir à me rendormir mais c'était peine perdue. Résigné, j'avais fini par me lever, une bonne douche me semblait nécessaire avant tout autre chose. D'un pas lourd, je me dirigeais vers la salle de bain d'où provenaient des bruits assez étranges, alerté et soudainement plus réveillé, je me rapprochais plus rapidement. Un sourire se dessina sur mes lèvres, balayant d'un trait les stigmates de ma courte nuit lorsque je réussis à distinguer la source de ces cris. Il s'agissait de Jackson et Ruben qui s'engueulaient vraisemblablement, je n'entendais pas clairement ce qui se disait mais ça m'amusait si bien que j'entrais dans la pièce. « Salut les filles, bah alors qu'est-ce qu'il se passe ? On vous entends piailler jusqu'au rez-de-chaussée. » Lançais-je d'une voix particulièrement chaleureuse, tandis que j'adressais un clin d'oeil aux deux jeunes hommes qui semblaient bien emmerdés avec leur menotte autour du poignet. Si bien que je me demandais qui se chargeait de laver l'autre en premier. Naturellement, je m'avançais vers les lavabos, sifflotant un air que j'avais dû entendre la veille, prêt à me brosser les dents.

Il était fort probable - non, à vrai dire, il était même certain - que Jackson n'ait jamais autant usé des expressions « abruti », « con » ou encore « ta gueule » que depuis qu'il était forcé de se coltiner Ruben au quotidien. Et encore, il s'estimait presque heureux que tout cela ne doive durer qu'une seule semaine. Parce que sinon, il aurait fini par véritablement se montrer violent envers son camarade, menottes ou pas menottes. Parce que bon sang que ce Ruben était agaçant. Et pas qu'un peu, non, vraiment agaçant. Alors vous vous doutez bien que cette situation était des plus pénibles pour Jackson. Ce matin, par exemple, les deux jeunes hommes se trouvaient dans la salle de bain. Et l'ambiance était, comme d'habitude, des plus amicales, évidemment. Après tout, ils s'adoraient, c'était bien connu. C'est d'ailleurs pour ça qu'ils passaient leur temps à se gueuler dessus, à s'insulter, à se reprocher maintes et maintes choses. Non vraiment, l'amour fou. Justement, les deux prisonniers étaient une fois de plus amenés à hausser le ton. C'était en quelques sortes le seul moyen qu'ils avaient de communiquer en ce moment. Et quand l'un se mettait à crier, l'autre criait plus fort, et ainsi de suite. Si bien que ça devenait vite du grand n'importe quoi. « Tu vas bouger de là ou sinon je t'assure que ... » Ah, il n'eut visiblement pas le temps de finir sa phrase, puisque quelqu'un entra dans la pièce. Et ce quelqu'un n'était autre que Connor, un candidat que Jackson connaissait vaguement. En gros, de gueule et de prénom, quoi. C'était déjà pas mal, hein. Et celui-ci ne tarda pas à s'adresser aux deux jeunes hommes. « Hum, salut ma jolie » fit Jackson, sur une voix bien plus basse que précédemment. Putain, il s'était fait mal à la gorge à force de gueuler, n'empêche. La faute à l'autre abruti aussi. « Il se passe qu'on m'a foutu un imbécile doublé d'un empoté dans les pattes, voilà. » Et encore, c'était gentiment annoncé. Il aurait pu trouver bien pire, soyez en sûrs. « Oh non, j'espère qu'on a pas réveillé tout le monde » reprit-il, d'une manière très ironique. Autant vous dire qu'il s'en carrait comme de l'an deux de savoir si leur engueulade avait réveillé qui que ce soit. S'il était cinq heures du matin, à la rigueur, il aurait peut être fait un effort de compréhension - et encore, c'était pas dit. Mais bon, à dix heures quand même, fallait pas exagérer. Et puis merde, debout les losers.

Ou comment bien commencer la journée. Rien de tel qu'un petit tour dans la salle de bain avec mon connard de partenaire pour me rendre compte à quel point les derniers jours de la semaine, jusqu'au prime de dimanche, allaient être éternellement longs. Ce n'était pas possible de rester dans la même pièce que Jackson plus de deux minutes sans qu'immédiatement nous nous prenions le bec. Remarquez, je voyais pas trop comment ne pas me retrouver dans la même pièce que le blond avec des menottes au poignet. « Tu vas bouger de là ou sinon je t'assure que ... » Rooh l'autre, comment il me faisait trop peur. Sérieux j'étais à deux doigts de me chier dessus tellement il me terrorisait. Il avait autant de prestance qu'une moule. « Quoi ? Qu'est ce que tu vas faire ?! » Au même moment, alors que je poussais une petite gueulante, Connor fit son entrée dans la salle de bains. Ma parole, nous étions vraiment destinés à nous rencontrer ici, nous deux. La dernière fois je l'avais accusé de ne pas avoir refermé le tube de dentifrice... alors là je devais avoir l'air malin, menotté à l'autre con d'albinos. « Salut les filles, bah alors qu'est-ce qu'il se passe ? On vous entends piailler jusqu'au rez-de-chaussée. » Mmm, charmant. Jackson s'empressa de répondre, avant toujours autant de bonne humeur et de gentillesse. « Il se passe qu'on m'a foutu un imbécile doublé d'un empoté dans les pattes, voilà. » Un imbécile doublé d'un empoté ? On aura tout vu, là. « Tu te décris très bien, Jackson, bravo. » Désolé mais si il y en avait bien un de nous deux qui était un imbécile doublé d'un empoté, c'était bien lui. « Oh non, j'espère qu'on a pas réveillé tout le monde » répondit Jackson. Comme si il en avait quelque chose à foutre des autres qui dormaient. La blague. Il ne pensait qu'à lui, à son cul et encore à lui. Donc qu'il ne nous fasse surtout pas croire qu'il se préoccupait du confort des autres. C'est tout sauf crédible. L'ironie se lisait de toute manière sur sa face de rat. Je ne prêtai plus attention à lui, et me contentai de faire ce que je n'avais pas encore eu l'occasion de faire, car constamment coupé par Jackson, à savoir saluer Connor qui venait tout juste d'arriver. « Salut ma biche. On piaille pas, on papote c'est tout. J'adooore papoter avec la petite blonde piquante qui se trouve à mes côtés. Elle est tellement sexy... » La petite blonde piquante en question était Jackson, et bien sur tout cela était ironique. Comme si j'allais lancer des fleurs à cet abruti dont je ne supportais ni les mimiques, ni la gueule. Mais ça, je suppose que Connor l'avait bien saisis.