S'il y avait bien une pièce dans ce putain de château qui n'était pas d'une très grande utilité, c'était bien ces toilettes. Bah oui, on pouvait tout aussi bien se soulager ailleurs, non ? Genre ... Non, vous ne saurez pas. Vous risqueriez d'être choqués, pauvres petites âmes sensibles que vous êtes. Tout ça pour dire que Jackson passait relativement peu souvent par ici. Et quand il s'y rendait, il faisait toujours au plus vite. Passer trois plombes dans un environnement aussi peu accueillant n'était franchement pas pour lui. Aujourd'hui, toutefois, le grand blond s'était rendu dans les dites toilettes. Après s'être positionné face à l'urinoir histoire d'y faire ce qu'il avait à faire, il s'approcha du lavabo et s'y lava les mains. L'hygiène c'est important, vous savez. Et alors qu'il s'apprêtait très logiquement à quitter les lieux une fois ses petites affaires terminées, il fut stoppé dans son élan lorsqu'il entendit un bruit provenir de la cabine de toilette. S'approchant doucement de celle-ci, il attendit quelques instants avant d'ouvrir la bouche. Mais il ne put tenir bien longtemps, à vrai dire. « Y'a quelqu'un là dedans ? » demanda-t-il. Bon d'accord, ça n'était pas la chose la plus maligne à dire. Parce qu'à moins qu'un rat ouvre subitement la porte pour lui faire un charmant doigt d'honneur, il était effectivement très probable que quelqu'un se trouve là dedans. Parfois, Jackson se trouvait con. Mais parfois seulement.

Vous pensez surement que je me terrais dans la cabine des toilettes, que c’était moi la source des bruits qu’avant entendu Jackson. Bien sûr, j’étais tellement en manque que je cachais dans là pour de l’attende de pouvoir espionner tous ces charmants monsieur venu faire leur besogne. Bande de cons. Comment se tromper sur mon compte en quelques lignes, charmant. Non. Je me trouvais derrière la porte et je m’apprêtais à pénétrer dans la dite pièce que je croyais vide – la porte, par je ne sais quel hasard, n’avait pas été verrouillé. Une voix bien masculine qui m’était tant familière se fit entendre, me stoppant dans mon élan. « Y’a quelqu’un là dedans ? » Je me doutais bien que la captivité était en train de rendre fou mon partenaire. Rien qu’à voir la tête qui tirait constamment. Mais de là à halluciner, il y avait quand même une certaine limite. Peut-être était-il temps de l’interner. Hum. « T’as bientôt fini de causer avec les fantômes? » lâchais-je de l’autre côté de la porte, m’accotant contre le mur qui lui faisait face. Je n’allais quand même pas m’introduire dans les toilettes alors qu’il y était toujours. Je vous l’avais dit que ça ne m’intéressait pas de voir ce spectacle. Et comme j’ignorais s’il en avait terminée ou non, je préférais rester sagement de mon côté.

Vous connaissez Jeanne d'Arc ? Quelle question, bien sûr que oui. Bon, alors vous n'êtes assurément pas sans savoir que celle-ci entendait des voix. On va gentiment zapper le chapitre de la Guerre de Cent Ans si vous voulez bien, comme on va sauter celui de son exécution, hein. En gros, la nana entendait des voix - genre c'était Dieu qui lui parlait, vous savez - et passait pour une timbrée. Bah figurez-vous que Jackson était un peu pareil, dans un sens. Lui ça n'était pas des voix qu'il entendait, mais toutes sortes de bruits étranges. Il en avait déjà fait l'expérience la fois où il s'était trouvé dans la cave avec la rousse, au début de l'aventure, et voilà qu'aujourd'hui encore, des bruits suspects lui arrivaient jusqu'aux oreilles. Bizarre, quand même. Parce qu'au départ, le grand blond crut véritablement que quelqu'un se trouvait dans cette cabine de toilettes. Et pour cause, un bruit s'en était échappé, comme pour indiquer la présence d'un candidat là dedans. Mais alors qu'il s'adressa à celui ou celle qu'il pensait présent, une voix extérieure lui répondit. Evey. Celle-ci se trouvait alors à l'extérieur de la pièce, mais sa voix était malgré tout particulièrement audible. Sans doute le prenait-elle pour un fou. Et sans doute n'avait-elle pas tort, au fond. Parce que le Jackson était bien conscient d'une chose : cette vie en communauté, qui devenait de plus en plus insupportable pour lui, n'avait pas une très bonne influence sur sa santé morale. En témoignait la présente situation. Probablement que son frère devait bien se foutre de sa gueule de là où il était. Crevard. « Non pas encore, leur compagnie est tellement agréable » fit-il alors, ironique. Puis Jackson ouvrit la porte de la pièce, et passa sa tête jusqu'à apercevoir son adorable partenaire. « Si t'es venue ici pour te soulager, tu ferais bien d'entrer. Tu risquerais de te faire dessus, ce serait dommage. » Puis il rentra à nouveau dans la spacieuse pièce - non, elle était toute riquiqui en fait - et se plaça devant le miroir. Pourquoi ? Aucune idée.

« Non pas encore, leur compagnie est tellement agréable. » Je lève les yeux au ciel devant l’ironie dont fait preuve mon si charmant partenaire. Remarquez, je ne suis pas surprise qu’il préfère la compagnie des morts plutôt que celle des vivants… il a une tête d’enterrement à longueur de journée, de toute façon. Les fantômes, ça lui va bien au teint, quoi. Je vois d’ailleurs sa tête passer par l’entrebâillement de la porte et son regard de pose finalement sur moi, lorsqu’il me trouve enfin. « Si t’es venue ici pour te soulager, tu ferais bien d’entrer. Tu risquerais de te faire dessus, ce serait dommage. » Non, mais n’a-t-il jamais appris à se la fermer, lui ? « Ta gueule, Jackson. » fis-je, à son égard, avant de pénétrer dans la dite pièce bien trop petite pour deux. De toute façon, je ne venais pas me soulager d’un quelconque besoin naturel. Juste une envie passagère de me laver les mains. Monsieur s’était placé directement devant le miroir, je me pose à ses côtés, le tassant un peu d’un coup de hanche. « Arrête de te regarder dans le miroir, ta tête va enflée. » Que de raillerie. Mais je n’en avais pas terminée. Alors que j’ouvrais à grand pompe les robinets et que l’eau se mettait à couler, je continuais sur ma lancée. « Et je ne crois pas que tes copains fantômes apprécierait. » Les seuls amis qu’il eut jamais eu dans cette émission, faut croire. Le savon entre mes mains mousse lentement alors que je savoure le contact de l’eau chaude – miracle qu’il en reste encore à cette heure – contre mes mains. Je termine bien vite ce que j’étais venu faire ici, puis, refermant le courant, je me tourne vers Jackson, l’arrosant de mes mains. « Oh, pardon. » lâchais-je en jouant l’innocente. Je me fichais bien de l’avoir frustrée, choquée ou je ne sais quoi d’autres. S’il était trop coincé, ce n’était pas mon problème.

Les rapports entre Jackson et sa partenaire n'étaient pas tellement au beau fixe. Nous n'irons pas jusqu'à dire que ces deux là ne pouvaient pas se piffer, mais disons que ça n'était pas l'entente parfaite entre eux. Et dire que tout avait pourtant plutôt bien commencé. Au début de l'aventure, par exemple, ils nourrissaient un rêve commun, celui d'exterminer leurs petits camarades. Mais alors que Jackson gardait toujours cela dans un coin de sa tête, il semblait évident qu'Evey était à présent bien trop occupée à se lier d'amitié avec certains d'entre eux pour encore envisager une quelconque extermination. Dommage. Mais qu'importe, Jackson se fichait pas mal d'avoir ou non un bras droit. N'est-on pas toujours mieux servi par soi même, après tout ? Pour autant, le comportement de sa partenaire lui échappait, d'une certaine manière. S'était-elle finalement rendue compte qu'on lui avait collé un profond emmerdeur dans les basques ? Il fallut le temps que ça monte au cerveau, visiblement. Et alors que le jeune homme invita sa camarade à entrer dans la pièce, celle-ci l'honora d'un charmant « Ta gueule, Jackson. » Hm, sympathique. Un sourire mi-amusé mi-crispé prit alors place sur les lèvres du grand blond. Comme si ce genre de choses avaient un quelconque impact sur lui. Instinctivement, Jackson s'était placé devant le miroir. Une position qui lui valut d'ailleurs une réflexion de la part d'Evey. Ah ben dites donc, elle était en forme aujourd'hui celle-là. Elle se permit même de le bousculer légèrement. Okay, elle avait de la chance de ne pas avoir de pénis. « Laisse ma tête tranquille, veux-tu » grogna-t-il légèrement, sans même prendre la peine de la regarder. Il se décala finalement, histoire qu'elle ne soit pas tentée de le faire pour lui, et se plaça ainsi contre le mur, les bras croisés. Quant à sa remarque sur les copains fantômes de Jackson, celui-ci ne crut même pas utile de répondre. Que pouvait-il dire après ça, de toute manière ? Pas grand chose, sans doute. Alors il s'abstint. Mais lorsque sa camarade l'arrosa d'eau, il tourna la tête vers elle, les sourcils froncés. Mais elle avait quel âge pour faire ça ? Oh, laissez tomber. Puisqu'elle semblait vouloir jouer à cela, alors ils allaient jouer. Ainsi, Jackson rouvrit rapidement le courant d'eau, y plaça ses mains et arrosa à son tour sa camarade. « Moi aussi je sais faire ça » fit-il doucement. S'éclabousser de cette manière, c'était franchement puéril. Mais franchement, rien à foutre.