Bordel, ce qu'il faisait froid ici. À peine avait-elle allumer sa clope que la jeune femme quittait la terrasse qu'elle avait décidé d'occuper il y a à peine quelques secondes lorsqu'elle entendait des rires abrutis venant du salon. Sérieux, c'était nul ici. Des fois, elle se demandait ce qu'elle foutait là. Eux aussi, devaient se poser cette question. Elle ne servait pas à grand chose et restait souvent dans son coin. Elle avait essayé de faire des efforts ces deux dernières semaines mais, putain, c'était pas facile avec toutes ces têtes de cons. Elle n'allait pas les voir mais ils ne le faisaient pas non plus, alors elle ne voyait pas pourquoi elle bougerait son joli cul à discuter avec des hypocrites. Quoi qu'il en soit, ayant trop froid et ne voyant aucun mal à l'horizon susceptible de lui prêter sa veste, elle rentra à l'intérieur aussitôt, la clope planquée entre les lèvres. Il était clairement interdit de fumer à l'intérieur du nid mais elle s'en fichait pas mal, quitte à faire chier autant le faire bien. Parcourant le nid, elle s'arrêta rapidement près de la bibliothèque, qu'elle parcourait tranquillement, ses doigts passant sur des couvertures de livres sans interêts. Elle continua d'avancer, tirant une latte de temps en temps, avant de piquer un bouquin sur une étagère à sa taille. Le premier qui lui vint. La bête Humaine. Tu parles d'une connerie bordel. Elle jeta le livre sur une table et s'asseya par terre, le dos posé sur une étagère, d'un coup d'un seul. Sans crier gare, une larme commença à perler le long de sa joue, puis une deuxième, avant qu'elle n'éclate en sanglot d'un seul coup. La raison de son chagrin ? Elle ne le savait même pas. En fait elle n'était même pas triste, du moins pas particulièrement. Tirant une latte tout de même, elle entendit la porte de la bibliothèque s'ouvrir, mais elle ne regardait pas qui était entré dans la grande pièce. Elle s'en fichait pas mal, à vrai dire.

Jeudi, jour des nominations, le jour où tout le monde s'amusait à trembler de tout son corps. Ce jour là m'effrayait un peu plus de semaine en semaine car j'étais certain que mon tour viendrait bien vite. Alors, j'essayais de ne pas y penser, de vaquer à mes occupations habituelles ce qui était tout de même d'une difficulté particulière. Je venais de terminer tous les bouquins à ma disposition, ceux que j'avais amené, ceux que j'avais trouvé, ceux que j'avais emprunté et tous les autres. J’exagérais peut-être un peu mais au final Fake Lover était une aventure qui m'apportait pas mal de richesses au niveau littérature. Penetrant dans la bibliothèque, je faisais le tour des étagères, effleurant gracieusement d'une main vagabonde les tranches de chaque ligne comme si celle ci allait s'arrêter sur le livre, ce qui était tout à fait impossible. Mais au final peut-être que le hasard s'amusait parfois à bien faire les choses, je n'en savais rien. A vrai dire je n'en avais pas grand chose à faire. J'entendis un bruit au fond de la salle. Quelque chose tombait. Curieux, je m'étais alors dirigé vers la provenance de ce bruit et avait trouvé Melissa, en larmes, se raccrochant à sa clope comme un croyant le ferait à son Dieu. Prenant place à côté d'elle, silencieusement, je remarquais le livre un peu plus loin. Peut-être était-il la raison de son malheur ? Peut-être était-elle triste pour autre chose ? Je n'en savais rien. « Quand j'étais petit et triste, ma mère me disait que parfois, pleurer ça faisait du bien... » et j'étais certain qu'elle avait toujours eu raison à ce sujet « Si tu as besoin de parler... »

Melissa était une idiote. Sérieux, sa décision de venir ici était d'une imbécilité sans pareille. Elle aurait pu aller, je sais pas moi, chez sa grand-mère, mais non, madame avait toujours de bonnes idées donc elle était venue à Fake Lover. Comme choix tu fais mieux. Enfin bref. Encore une voix, elle se demandait pourquoi son cul était posé sur le sol de cette bibliothèque alors qu'elle pourrait être ailleurs en train de faire quelque chose d'autre beaucoup plus intéressant. D'ailleurs, ça allait probablement -certainement- être le cas dimanche soir, lors du prime, puisque la jeune femme avait été nominée. Il fallait que ça tombe un jour ou l'autre et bien sûr, il fallait que ce soit maintenant. Ils auraient pu attendre qu'elle fasse ses preuves, mais non, ce château est rempli d'égoïstes. Si ça les fait kiffer. Pleurant toujours comme une madeleine, elle entendu la voix de Franckie, le jeunot du groupe, s'élevait parmi les longues étagères de la bibliothèque. Il était mignon lui, tiens. Bordel qu'est-ce qu'il foutait là ? Il pouvait aller retourner dans sa crèche ? « Ta mère est bien sympa mais c'est une sacrée menteuse. » Elle parlait en connaissance de causes. Non pas spécialement pour ce moment précis, mais pour ses expériences passées. On ne pouvait pas vraiment dire qu'elle avait eu une enfance et une adolescence facile, c'était même tout le contraire. Mais réservée, renfermée et timide à la base, elle n'avait jamais osé en parler, à quiconque. « T'es triste, ta ton maquillage qui part je-ne-sais-comment et en plus ça te nique les yeux, un truc de fou. Non, crois-moi, ta mère t'as bien berné vas. » En voyant sa bouille elle ne pouvait pas lui dire quelque chose de méchant ou élever le ton. Il était tout mignon, on aurait dit une petite peluche, à qui on avait envie de mordiller les mains et les pieds. Pas autre chose non plus hein, ça c'était pas envisageable. Le môme se proposa alors d'être un confident. Oh bah v'là aut'chose.« Et t'attends quoi au juste ?... Le dégel ? Un truc comme ça ? , elle tira une latte de sa clope presque fini, t'en veux ? » Elle reprit alors la parole presque immédiatement, agitant sa main à côté d'elle pour qu'il s’assoit. « Eh bien on va parler. Les autres me font chier. Voilà, fini. »