Il est vrai que dans cette émission je ressemblais à un certain nombre de personnes, j’en avais conscience et ça ne me faisait ni chaud ni froid. Peut-être que si j’étais facilement comparable à eux c’était parce que j’étais tout simplement normal entre guillemets bien sûr. Jackson était normal je n’oserais jamais dire le contraire parce que malgré toute la haine que j’éprouvais pour lui je le respectais, oui, parce que je respectais tout le monde, même ceux que je ne pouvais pas sentir. Le problème c’est qu’il se donnait un genre pour se démarquer peut-être ? Sauf qu’il avait l’air plus stupide de cette manière que s’il s’était contenté de s’adapter, essayer de se faire des amis ? Un mot qui lui était surement inconnu de nos jours. Franchement, je me demandais comment on pouvait gâcher une aventure comme celle-ci avec un tel comportement. « C'est ce que je pensais, effectivement » J’avais l’impression qu’il se foutait de ma gueule mais… Honnêtement ça ne m’atteignait pas. « Si ne pas souhaiter s'enticher de n'importe qui, choisir de ne faire confiance à personne si ce n'est à soi même et se foutre royalement des autres est ne pas faire preuve d'intelligence. Alors oui, je suis effectivement un abruti. » Le problème était bien là, je soupirais. « Le pire c’est que tu sais ce qui ne va pas chez toi… Tu devrais peut-être essayer de faire confiance, ne serais-ce qu’un chouilla à quelqu’un une fois dans ta vie et là tu te rendrais compte de ce que tu rates. » N’avais-je pas raison sur ce coup-là ? Je n’étais pas en train de lui dire qu’il devait avoir confiance en moi parce que ça me paraissait gros même si j’avais ce pressentiment que Jackson pouvait être un mec qui en valait la peine. « J'ai pas fini » Je ne faisais plus attention à sa froideur digne du plus vieux vampire qui pourrait exister, je ne déviais pas non plus le regard n’étant pas du genre à baisser la tête. « Qu'est-ce que t'es venu chercher ici ? » Tiens, je l’intéressais d’un coup où est-ce que j’avais rêvé ? Je soupirais m’approchant de lui pour déposer ma bouteille que j’avais toujours dans la main. « Pour l’aventure en elle-même et pour gagner un peu d’argent histoire de permettre aux deux derniers membres de ma famille de ne pas crever la faim le mois prochain. » J’étais froid et ce n’était pour une fois pas de sa faute, j’étais juste sur la défensive lorsque je parlais de ma situation financière quelque peu compliquée. « Mais je sais pas pourquoi je te raconte tout ça… Et toi ? »

Si Jackson était véritablement un abruti aux yeux de Baptiste, et bien, c'était fort dommage. Mais s'il en était véritablement ainsi, alors soit. Il n'allait pas se rendre malade à cause de l'opinion de son camarade qui, très sincèrement, importait bien peu pour lui. Pour autant, Jackson jugea nécessaire de se justifier, en quelques sortes. Il venait très clairement de signifier qu'il pouvait être considéré comme un véritable abruti si l'on considérait que ne pas se mêler aux autres en était la principale caractéristique. Encore une fois, Jackson assumait son asociabilité, et tout ce qui allait avec. Il vivait très bien sans les autres, ou du moins aussi bien que possible. Lorsque Baptiste reprit la parole, lui suggérant de faire un minimum confiance à ceux qui l'entourent, Jackson lâcha un rictus. Ce fut spontané, et pas spécialement moqueur. Après tout, Baptiste ignorait tout de son passé - ce qui au passage était une excellente chose - alors il ne pouvait pas se douter qu'il était légèrement à coté pour le coup. « J'ai déjà accordé ma confiance. Plusieurs fois. Et par plusieurs fois, on m'a déçu. On m'a fait regretté de l'avoir fait. Alors je crois pouvoir dire que je ne rate pas grand chose, au contraire. » Il s'exprimait calmement, n'en doutez pas. C'était simplement histoire de rétablir la vérité. Oui, Jackson a déjà accordé sa confiance. Et oui, il l'a amèrement regretté. Si bien qu'on ne l'y reprendrait pas de si tôt, c'est certain. Toutefois, il remarqua que l'intervention de Baptiste partait d'une bonne intention. Plaisant. Par la suite, Jackson chercha à prolonger la discussion. Non pas que la compagnie de son camarade lui était devenue indispensable, mais disons qu'il avait bien envie d'en savoir un peu plus sur lui. Non, Jackson n'était pas possédé. Il lui demanda alors ce qu'il est venu chercher ici. Et celui-ci lui répondit par l'aventure et l'argent. Intéressant. « Ça ne doit pas être évident. » Si Baptiste était véritablement dans une situation financière délicate, alors non, ça ne devait pas être évident. Jackson ne pouvait pas tellement le comprendre pour le coup, bien qu'il s'imaginait la détresse qui pouvait être la sienne. Son camarade lui retourna bien vite la question. « L'aventure également. » Le jeu, tout ça quoi. Réponse plutôt évasive, mais tout à fait honnête. « Tu n'es donc pas venu ici dans le but de trouver ton " âme sœur " ? » répliqua-t-il, toujours aussi neutre. Quelque part, il serait rassuré que Baptiste lui confirme cette idée. Mais il avait comme un doute. Quelques bruits de couloirs, sans doute ...

Jackson était un garçon qui pouvait se montrer très intéressant et ça j’en étais persuadé, j’avais peut-être une image très négative de lui pour le moment mais ce n’était qu’un détail, j’étais bien connu pour avoir une opinion sur les gens qui n’était jamais totalement arrêtée et c’était tout à mon honneur, j’aimais laisser une chance à chacun de se montrer réellement… Bon, par contre je n’accordais pas de seconde chance, pas parce que j’étais rancunier puisque ce n’était pas le cas mais plutôt parce que je n’oubliais jamais ce pourquoi j’avais été blessé. « J'ai déjà accordé ma confiance. Plusieurs fois. Et par plusieurs fois, on m'a déçu. On m'a fait regretté de l'avoir fait. Alors je crois pouvoir dire que je ne rate pas grand chose, au contraire. » Pour la première fois depuis le début de l’aventure j’avais l’impression que Jackson se laissait aller à quelques confidences, ce n’était pas désagréable et ça me prouvait qu’il n’était pas qu’un trou de cul arrogant, il devait avoir un cœur comme tout le monde. « Tu n’es juste pas tombé sur les bonnes personnes… Ne soit pas si catégorique ! » Je n’étais pas en train d’essayer de lui faire comprendre qu’il pouvait me faire confiance à moi, je détestais le faire, si il devait un jour m’apprécier et bien ça se ferait naturellement. Notre conversation déviait ensuite sur le motif de ma participation dans cette aventure, j’étais franc comme toujours et je lui expliquais donc d’une manière plus ou moins précise mes attentes et ce qui me motivait à rester ici. « Ça ne doit pas être évident. » Il est vrai que ma vie n’était pas facile tous les jours mais je m’étais fait à cette idée. « C’est pas faux mais bon… Au bout d’un moment on passe outre, il n’y a rien d’autre à faire. » Je lui adressais un petit clin d’œil sympathique, allez savoir pourquoi mais il remontait de manière très très lente dans mon estime. « L'aventure également. » Je crois bien que nous étions tous venus ici pour le côté aventure de l’émission, bon… C’était stupide parce qu’il n’y avait rien de bien excitant pour rassasier se besoin d’aventure, c’était juste quelque chose de nouveau et qui ne se vivait qu’une seule fois. « Tu n'es donc pas venu ici dans le but de trouver ton " âme sœur " ? » Je souriais amusé par ça question et lui répondait d’ailleurs du tac au tac. « Est-ce que j’ai une tête à croire qu’une émission comme celle-ci peut t’aider à trouver l’amour ? Bien sûr que je ne me suis pas inscrit au casting dans ce but… Et toi ? » Même si je n’étais pas venu pour trouver l’amour il fallait reconnaitre que je commençais à me dire que j’allais tout de même repartir avec quelqu’un, j’étais très attiré par deux candidats.

En toute franchise, Baptiste faisait partie des quelques candidats que Jackson avait presque immédiatement méprisés au sein de ce jeu. Parce que n'allez pas croire qu'il méprisait forcément tout le monde, simplement parce qu'il avait effectivement une bien mauvaise opinion sur la majorité d'entre eux. Non. C'était une chose de mépriser profondément quelqu'un et une autre de simplement le considérer comme inintéressant. Ainsi donc, Jackson avait presque immédiatement méprisé Baptiste. Il n'y avait pas de précise explication à ce fait. Sans doute avait-il eu du mal à voir en lui plus qu'un remarquable abruti qui, en plus, copinait avec l'abruti en chef du château. Donc, oui, Jackson l'avait méprisé. En toute honnêteté, il le méprisait encore il y a un peu moins d'une dizaine de minutes. Mais à cet instant précis, ça n'était plus tellement le cas. Il ne savait pas si cette discussion et le fait d'en savoir un peu plus au sujet de son camarade aidaient à ce que celui-ci gagne un peu d'intérêt à ses yeux, mais c'était un fait. Bon, calmons-nous, il était encore bien loin de pouvoir prétendre apprécier Baptiste, si tant est qu'il le puisse. Ça n'était pas encore à l'ordre du jour, c'est certain. « J'essaye de ne pas l'être, de me dire qu'effectivement ça n'étaient que quelques erreurs de parcours ... Mais je n'y parviens jamais bien longtemps. » Et voilà qu'il se confiait. On aura décidément tout vu. Il est vrai que Jackson avait souffert après avoir naïvement accordé sa confiance à quelques personnes. Et aujourd'hui, la rancœur qu'il nourrissait depuis des années l'avait transformé en un type froid et méprisant. Quant au sujet de leur participation à cette aventure, les deux jeunes gens semblaient être venus pour l'aventure. Juste avant, Baptiste avait par ailleurs indirectement évoqué ses problèmes financiers. Et alors que Jackson souligna le fait que ça ne devait pas être évident - sans blague - son camarade lui répondit qu'il n'y avait rien d'autre à faire. C'était dommage. Jackson eut même droit à un clin d'œil en prime. Clin d'œil auquel il répondit par un sourire légèrement amusé. « J'espère que ça s'arrangera » lui adressa-t-il, étonnement sincère. Jackson était fortuné, il ne s'en cachait pas. Mais il avait connu - ou plutôt sa famille avait connu - plusieurs périodes de précarité extrême. Ainsi, il se mettait un minimum à la place de son camarade. Être dans le besoin, c'est une vraie galère. Puis Jackson demanda à son camarade s'il était venu ici pour trouver l'amour. Celui-ci lui répondit que non, qu'il n'en avait pas franchement la tête. « Je ne sais pas quelle tête est censé avoir un type qui cherche l'amour » répondit Jackson, en haussant les épaules. La tête d'un con, sans doute ? Ouais, probablement. « Absolument pas » reprit-il, lorsque Baptiste lui retourna la question. Non, Jackson n'était évidemment pas venu ici pour trouver son " âme sœur ". Encore heureux.

Jusqu’en ce jour je n’avais jamais ressenti le besoin de laisser la moindre petite chance à Jackson de se montrer tel qu’il était et non comme je l’imaginais. Etrange n’est-ce pas ? Je ne pourrais dire pourquoi mais le fait qu’il soit en froid avec mon petit Rubinou avait peut-être été un facteur, il était gentil Ruben je me demandais donc pourquoi est-ce qu’ils ne parvenaient pas à s’entendre et je ne m’étais pas posé plus de questions le concernant surtout après notre mini altercation dans le cellier où je l’avais quelque peu envoyé balader et vice versa. Il y a quelques minutes encore j’aurais pu lui cracher à la gueule si je n’avais pas eu en tête le fait que ce geste serait lourd en conséquences pour la suite de mon aventure, oui, ici la violence était interdite et il suffirait d’une petite bagarre pour qu’on se retrouve éliminés sans aucune pitié. Il y a quelques minutes j’aurais pris le risque sans aucuns regrets, maintenant ce n’était plus le cas. Il m’inspirait quelque chose d’étonnamment positif et j’avais envie d’en savoir plus sur lui, il avait quelque chose dans le regard, sa vie n’avait pas été très facile à mon avis et c’est ça qui l’avait poussé à se forger une telle carapace. Tout ce que j’étais en train de me dire sur lui n’était bien sûr que des suppositions mais j’étais persuadé de ne pas avoir tort sur toute la ligne. « J'essaye de ne pas l'être, de me dire qu'effectivement ça n'étaient que quelques erreurs de parcours ... Mais je n'y parviens jamais bien longtemps. » Je me contentais d’acquiescer pour le moment, au fond je le comprenais et je m’identifiais presque à lui. Oui, je n’étais pas non plus très doué pour accorder ma confiance, ici j’étais proche de beaucoup de personnes mais il y en avait un certain nombre à qui je ne pourrais peut-être jamais accorder ne serais-ce qu’un quart de la confiance sans faille que j’accordais à une seule personne… Ma grand-mère. « C’est difficile de faire confiance à des personnes dans notre société actuelle de toute manière… Je te souhaite quand même de tomber sur quelques personnes vraiment extraordinaires qui te feront changer d’avis… Tu le mérites en tout cas. » Moi changer d’avis sur lui ? Je crois bien, je lui disais ça avec beaucoup de gentillesse. Je n’avais pas besoin d’en dire plus pour qu’il comprenne que j’étais sincère, de toute manière je n’étais jamais faux cul, je disais toujours ce que je pensais. Je me disais qu’un jour peut-être j’aurais confiance en lui, était-ce possible ? « J'espère que ça s'arrangera » Je levais la tête pour le regarder, je lui souriais. Il était vraiment plus sympathique que j’aurais pu l’imaginer, sur ce coup j’étais plutôt content d’avoir tout fait pour lui laisser le bénéfice du doute. « C’est gentil. » Je savais que Jackson était issu d’un milieu aisé mais il n’était pour autant pas un mec qui se prenait pour je ne sais quoi, il ne se mettait pas sur un piédestal… Du moins pas lorsqu’il se comportait normalement. « Je ne sais pas quelle tête est censé avoir un type qui cherche l'amour » Je souriais, moi non plus… Peut-être un geek ou une personne niaise ? Ici je doutais vraiment qu’il y ait vraiment des candidats venus pour connaitre l’amour, ceux qui étaient là pour ça étaient de toute manière utopistes. « Je ne suis pas persuadé qu’un seul candidat ici soit là dans ce but de toute manière. » Je m’asseyais sur l’herbe, elle n’était plus mouillée puisqu’il faisait beau. « Parles moi un peu de toi… J’ai envie d’en savoir plus sur toi. »

Cette scène semblait purement surréaliste. Revenons quelques instants plus tôt, si vous voulez bien. Jackson était arrivé dans le parc, intrigué par une musique qui se faisait assez audible. Sans réfléchir, il avait envoyé valser un pauvre petit ipod, qui semblait être la source de la dite musique. Baptiste, le propriétaire du malheureux appareil, n'avait alors pas tardé à l'arroser à l'aide de sa bouteille d'eau. S'en suivit un échange passionnant au sujet du fait que Jackson était probablement un abruti. Et voilà que maintenant, ils se retrouvaient à papoter ensemble, au sujet de leur vie, de leurs motivations, et ainsi de suite. Très franchement, ça avait tout d'une grosse blague. Si bien qu'on s'attendrait presque à ce qu'ils se mettent à éclater de rire, avant de reprendre une discussion plus animée. Mais non, tout cela semblait tout à fait sincère. Aucune rancœur n'était plus visible, si bien que c'en était purement étonnant. Comme quoi, on peut parfois assister à de bien étranges retournements de situations. Quoi qu'il en soit, Jackson avait été amené à évoquer le peu de confiance qu'il avait en les autres. Pour ne pas dire l'inexistence de confiance, en fait. Baptiste venait alors de lui conseiller de ne pas perdre espoir. Et maintenant, il semblait vouloir lui faire comprendre qu'il pourrait rencontrer des personnes qui en valent la peine. Cela avait quelque chose d'un peu utopique, mais soit, peut être devrait-il effectivement y croire lui aussi. « Je suppose que ce serait une bonne chose » souffla Jackson, pas encore tellement convaincu. En même temps, pour le convaincre de quelque chose, il fallait se lever tôt. Le grand blond arqua subitement un sourcil. Il le méritait ? Sérieusement ? C'était gentil, mais ... pourquoi Baptiste disait-il une telle chose ? Il ne le connaissait pas, alors c'était pour le moins étrange. Mais plaisant à entendre, toutefois. Quoi que probablement erroné. « Je n'en suis pas certain, mais ... merci » répondit-il alors, dans un sourire un peu gêné. Okay, c'était décidément bizarre comme situation. Très bizarre. Par la suite, et alors que Baptiste lui fit comprendre qu'il vivait dans une situation financière délicate, Jackson avait déclaré qu'il espérait que cela s'arrangerait. Ça n'était clairement pas son genre de dire de telles choses, mais c'était tout à fait sincère. Il n'était pas odieux au point de se délecter de la misère des autres. Son camarade se mit alors à lui sourire et Jackson fit de même. On va finir par croire qu'ils étaient sous exta tous les deux. Finalement, la conversation dévia vers le jeu, les raisons qui les avaient poussés à s'y inscrire. Pour chacun, c'était l'aventure. Et non l'amour. Et comme le disait Baptiste, il était peu probable que qui que ce soit ici soit véritablement venu dans le but de le trouver. « Oui, ça m'étonnerait » répondit Jackson. Mais après tout, on ne peut jamais être sûr de rien. Son camarade se posa finalement dans l'herbe. Après quelques instants d'hésitation, Jackson fit de même. Ah, ça faisait du bien de s'assoir un peu. Et là, horreur : Baptiste souhaitait en savoir plus sur lui. Qu'était-il censé faire ? Partir en courant ? Il l'envisagea. Mais il préférait rester assis, à discuter avec lui. Il était sous exta, c'est certain désormais. « Que je te parle de moi ... » fit-il, dubitatif. Ça n'était peut être pas une bonne idée, mais qu'importe. « Je viens d'Angleterre. De Newcastle. J'y ai passé mon enfance, mon adolescence ... Et puis un jour, j'ai décidé de m'éloigner de mon ivrogne de père et de ses torgnoles pour vivre à Londres. » C'était un début. « Ma mère ... elle est morte quand j'étais encore assez jeune. C'est mon père qui nous a élevé, mon frère, ma sœur et moi. Je suis le cadet de ma famille. Mon frère a finalement rejoint ma mère, tandis que mon père est devenu plus alcoolique qu'il l'était déjà, violent ... Une vraie ordure. » Jackson se stoppa net. Venait-il de lui parler de sa famille pour le moins particulière ? Apparemment oui. Et merde. « J'aime pas parler de moi, de ma vie, des miens ... Là j'aurais dû m'abstenir, je crois. » Effectivement, il aurait dû. Parce qu'il se sentait subitement assez mal. C'était comme ça chaque fois qu'il évoquait ces choses-là. Il détestait ce sentiment. Au moins autant qu'il détestait son paternel. « Si tu me parlais plutôt de toi ... » suggéra-t-il. Il était à l'écoute cet après midi, alors autant en profiter. Et puis, c'était tout de même plus facile d'écouter que de parler.

Il est vrai qu’il y avait de quoi nous prendre pour des barges, il y a même pas cinq minutes je voyais mon pauvre iPod innocent voltiger dans la pelouse, il avait subi une petite rayure de guerre le pauvre. Ajoutez à cela mon irrépressible envie de lui mettre mon poing dans la gueule et vous obteniez ce que j’avais fait, qu’est-ce que j’avais fait ? Je lui avais gentiment proposé de manger ma bouteille d’eau en la lui versant au préalable sur tout le corps sans avoir peur de jouer sur l’ironie avec de fausses excuses comme si je n’avais pas fait exprès de le tremper. A la suite de cette action nous avions débuté un débat sur le sens du mot abruti que j’avais employé pour le décrire et à présent… Nous étions limites copains comme cochons, c’était vraiment étrange et je me demandais si il n’était pas en train de réaliser une mission ou un truc du genre, cette hypothèse sortait bien vite de ma tête néanmoins puisque je n’étais pas forcé de bien me comporter non plus et que je le faisais. Non, on avait dû mettre de la vodka dans la vodka ou un truc dans le genre, nous étions bourrés n’est-ce pas ? Non ? Bon je n’avais aucune explication à part dire qu’il était vraiment gentil et que cette facette de sa personnalité me plaisait énormément. Nous étions comme je le disais précédemment passés du sens d’abruti à un long discours ennuyeux sur la confiance, je n’étais pas tellement utopiste, j’étais bien ancré dans la réalité mais je savais que de pouvoir se reposer sur les autres de temps en temps c’était précieux pour avancer et aller mieux. Il n’avait pas connu cette sensation et j’espérais de tout mon cœur qu’il pourrait un jour se rendre compte de tout ce qu’il avait raté, à ce moment-là il se souviendrait peut-être de cette conversation et se dirait que je n’étais pas si con que ça au final. On a le droit de rêver ! « Je suppose que ce serait une bonne chose » Je n’ajoute rien pour le moment, que voulait-il que je lui dise à présent ? Il n’y avait de toute manière rien à redire, un jour viendrait où il tomberait sur une personne digne de lui et c’est là qu’il s’adoucirait. « Je n'en suis pas certain, mais ... merci » Je me demande si je n’ai pas besoin d’un nouveau verre pour me remettre les idées en place, je viens bien de lui dire qu’il méritait de rencontrer les bonnes personnes ? Oui je crois bien que j’ai dit ça et je ne le regrette pas. Ce que je commence à savoir de lui me permet de penser qu’il aurait mérité de se lier à un groupe de personnes, il est un gentil garçon dans le fond, il n’a juste pas eu beaucoup de chance dans la vie. Par la suite nous étions parti sur un tout autre sujet concernant notre vie, on avait tout d’abord parlé de ma vie, oui j’étais un peu dans la merde au niveau financier et je savais que ce jeu était un bon moyen de gagner de l’argent rapidement le temps que ma sœur termine ses études onéreuses et puisse apporter un second salaire en plus du mien et de la retraite très modeste de ma grand-mère. Je lui demandais donc de me raconter un peu plus de choses sur sa vie. « Que je te parle de moi ... » Il semble un peu gêné à l’idée de parler de lui. « Je viens d'Angleterre. De Newcastle. J'y ai passé mon enfance, mon adolescence ... Et puis un jour, j'ai décidé de m'éloigner de mon ivrogne de père et de ses torgnoles pour vivre à Londres. » Il marque une pause et je reste silencieux, je l’écoute attentivement. « Ma mère ... elle est morte quand j'étais encore assez jeune. C'est mon père qui nous a élevé, mon frère, ma sœur et moi. Je suis le cadet de ma famille. Mon frère a finalement rejoint ma mère, tandis que mon père est devenu plus alcoolique qu'il l'était déjà, violent ... Une vraie ordure. » Son histoire était émouvante, il était loin d’avoir eu une vie facile et je m’en rendais compte à présent. « Je suis désolé pour ta mère et pour ton frère. » Je suis sincère comme d’habitude, je n’étais pas le mec qui disait quelque chose qu’il ne pensait pas juste pour être poli. « J'aime pas parler de moi, de ma vie, des miens ... Là j'aurais dû m'abstenir, je crois. » Je le comprenais totalement sur ce point-là, je n’étais pas très à l’aise lorsqu’on me demandait de parler de moi. « Si tu me parlais plutôt de toi ... » Je grimace, je m’y attendait mais ce n’est pas pour autant que je suis partant à l’idée de le faire. Je fais pourtant un effort puisqu’il a fait lui aussi un gros effort en se livrant à moi. « Je suis français, j’habite à Paris où j’ai toujours vécu. Je suis un très simple employé de McDonald qui a arrêté ses études pour venir en aide à sa famille… Ma mère est morte en me donnant la vie et mon père est mort quelques années plus tard, c’était un militaire et il est mort au combat… Il y a quelques mois ma grand-mère a été obligée de subir des séances de chimiothérapie contre un cancer et c’est ça qui nous a un peu plus mis dans la merde puisqu’on n’avait plus d’assurance maladie… Enfin bref… » Je soupirais, je ne voulais pas non plus rentrer dans les détails parce qu’il n’y avait pas grand-chose à dire.

Allez les gars, arrêtez de faire semblant. On le sait que vous ne pouvez pas vous piffer, alors cessez un peu de vouloir nous faire croire le contraire. Non, attendez, tout cela semblait bel et bien réel. Ainsi donc, nos deux protagonistes discutaient en toute sympathique, sans arrière pensée machiavélique ? Cela semblait si étrange, si improbable. Et pourtant, ça paraissait tout à fait véridique. Comme quoi, on est jamais à l'abri de quelques surprises. La discussion au sujet de la confiance était sur le point de s'achever. Voilà ce qu'il fallait en retenir : Jackson se fermait aux autres, étant bien incapable d'accorder sa confiance à qui que ce soit depuis que certains individus - qu'il avait par ailleurs rayés de sa vie - en avaient abusé, l'ayant fait souffrir d'une façon conséquente. Aujourd'hui, il se refusait très probablement un accès au bonheur, et semblait en être étonnement conscient. Son camarade, Baptiste, lui conseilla alors de ne pas désespérer, de ne pas se montrer trop catégorique. Parce qu'après tout, peut-être rencontrerait-il un jour des personnes qui vaudront réellement la peine qu'il leur accorde sa confiance ? Peut être, oui. C'était en tout cas ce qu'on pouvait lui souhaiter. Son camarade était allé jusqu'à avancer qu'il le méritait. Cela lui fit évidemment plaisir, au moins autant que ça l'eut surpris sur le coup. Il faut dire qu'il s'attendait à tout, sauf à cela de la part de Baptiste. Mais cette conversation n'était pas à une surprise prêt, de toute manière. Désormais, les deux jeunes gens évoquaient leur vie, leur famille, leur passé. C'était un exercice difficile pour Jackson, qui avait pris soin de laisser certaines choses derrière lui, des choses désagréables et douloureuses à se rappeler. Pourtant, il venait de se confier brièvement à Baptiste. Lui même s'étonnait de ce fait, à vrai dire. Il était allé jusqu'à évoquer son ordure de père, ses défunts mère et frère. L'accident de la première et le suicide du second avaient contribué à faire de lui la personne qu'il était aujourd'hui, au même titre que les abus de confiance qu'il avait subi. Tout cela était lié, aussi surprenant cela soit-il. Et tout cela le faisait encore secrètement souffrir aujourd'hui. C'était certain. « Merci. Mais c'est loin désormais » fit-il simplement, lorsque Baptiste fut désolé pour les personnes qu'il avait perdues. Un mince sourire s'était étiré sur ses lèvres, alors qu'il était loin d'avoir envie de sourire. C'était paradoxal. C'était Jackson. Finalement, le grand blond proposa à son camarade de lui parler de sa vie, histoire d'oublier un peu la sienne. Ce que Baptiste fit sans tarder. Et là, Jackson réalisa que le jeune homme n'avait lui aussi pas eu de chance dans la vie, que celle-ci fut également jalonnée d'épreuves, de drames. Pour le coup, ils pouvaient se comprendre. « Je ne sais pas quoi te dire » fit alors Jackson, légèrement sur le cul il est vrai. Tout ça n'était pas bien gai. C'était bien la première fois que sa gorge s'était nouée depuis le début de cette aventure. « Tu garderas de ton père l'image d'un héros » reprit-il. Celui-ci était mort au combat, ce qui était noble. Vraiment, il n'avait rien à voir avec le père de Jackson. Rien du tout. « Tu crois en Dieu ? » demanda-t-il soudainement, comme si cette question était existentielle. D'un coté, elle l'était un peu c'est vrai. Confidences pour confidences, autant poursuivre dans cette voie.

Cette situation était vraiment très troublante, je ne m’étais jamais imaginé devenir en quelque sorte proche de Jackson… Oui parce qu’il fallait être honnête, j’étais loin d’être un mec qui se livrait d’une telle manière à un parfait inconnu et je pense que c’était la même chose pour Jackson. Le truc c’est qu’on avait mis tellement d’énergie à se faire la guerre qu’au final nous étions en quelque sorte passés devant quelque chose qui s’annonçait plus intéressant à présent. Il n’avait pas eu une vie très facile et c’est d’ailleurs l’un des candidats qui, tout comme moi ou encore Moore avait eu une vie de merde globalement. Bon, nous avions tous eu nos moments de bonheur mais dans la globalité nous étions aussi ceux qui avions le plus souffert de toutes ces histoires bien trop adultes pour notre âge à cette époque. Peut-être que c’est de là que venait ce soudain rapprochement, je ne voyais pas d’autres solutions pour l’expliquer à part peut-être si j’étais sous l’emprise de la drogue. C’était en tout cas loin d’être désagréable pour moi, il était bien plus sympathique que je n’aurais pu l’imaginer jusqu’à maintenant. « Tu garderas de ton père l'image d'un héros » Je souriais, logiquement c’est l’image que j’aurais dû en garder mais je ne sais pas… Il y avait quelque chose qui m’avait toujours révolté, le fait qu’il abandonne sa famille pour aller se battre, certes les militaires étaient des héros mais prendre autant de risques alors que notre petite famille s’était déjà relevée avec beaucoup de mal de la mort de ma mère me paraissait égoïste. « Je pense que oui… Mais j’avoue que je suis un peu en colère contre lui même si j’étais bien trop jeune pour me rendre compte de ce qu’il se passait. » A cinq ans je n’avais rien pour comprendre tout ça, je pensais juste que mon papa partait quelques temps et qu’il reviendrait, j’étais fier de lui… C’était toujours le cas bien sûr, je serais toujours fier de mon père mais pas avec autant de gaité. « Tu crois en Dieu ? » Je le regardais et hésitait à répondre pendant un moment, pourtant, au bout de quelques secondes je brisais à nouveau le silence. « Pas vraiment… J’ai déjà du mal à croire en moi alors imagine si je devais en plus croire en quelque chose du genre… Et toi ? »

Si vous aviez dit à Jackson qu'il en viendrait à discuter tranquillement avec Baptiste sans ressentir la moindre envie de dégainer sa ceinture pour l'étrangler avec, il ne vous aurait probablement pas cru. Comme il ne vous aurait probablement pas cru si vous lui aviez dit qu'il en viendrait à discuter de sa famille avec ce dernier. Vraiment, la présente situation était tout à fait étrange. Tout simplement parce que ça n'était pas Jackson. Non, c'était bien lui. Aucune chance que ce soit un double bénéfique - contraire de double maléfique, lui même étant initialement du coté du mal - qui ait pris son apparence. Par contre, ce qui était certain, c'est qu'une telle attitude ne lui ressemblait absolument pas. Il était là, assis tranquillement face à celui qu'il méprisait encore il y a une trentaine de minutes, à évoquer sa famille, son père, et tout ce qu'il n'évoquait traditionnellement jamais. Et pourtant, il le faisait ici, avec Baptiste. Vraiment, c'était étrange comme situation. Mais l'échange allait dans les deux sens. Baptiste se confiait lui aussi, et Jackson l'écoutait attentivement. Encore un qui n'avait pas eu la vie facile, hein. Baptiste révéla que son père était mort au combat. Alors Jackson supposa que son camarade garderait de ce dernier l'image d'un héros. C'est en tout cas ce qu'il aurait probablement fait, pour sa part. Car si son père n'avait rien d'un héros, il aurait pu en être un en combattait et en y laissant la vie, comme le père de Baptiste. « C'est normal, je pense » répondit Jackson. Effectivement, il lui semblait naturel que Baptiste en veuille légèrement à son père, même encore aujourd'hui. Certains sentiments ne s'effacent parfois jamais, c'est comme ça. D'autant plus lorsque l'on se sent abandonné par une personne qui compte à nos yeux, et que l'on désigne alors comme responsable, parfois à tort, mais parfois à raison. Finalement, Jackson demanda à son camarade s'il croyait en dieu. Comme ça, oui. Celui-ci lui révéla que ce n'était pas tellement le cas, qu'il ne croyait même pas en lui même. Cette réponse fit doucement sourire Jackson, dans un premier temps. « Non » fit-il, lorsqu'il lui retourna la question. Non, Jackson ne croyait effectivement pas en Dieu. Mais était-ce une réponse suffisante ? Sans doute pas. « J'y ai cru, pendant longtemps. Et puis un jour, j'ai cessé d'y croire. Parce que je ne pouvais plus concevoir qu'il puisse exister quelqu'un, au dessus de nous, qui veuille nous laisser dans notre merde, parfois nous en rajouter encore un petit peu, alors qu'il serait censé nous " aider ". Chacun est libre de croire en ce qu'il veut. Mais à mes yeux, Dieu n'existe pas. Ou alors, c'est tout comme. » Jackson n'avait pas une très haute opinion de la religion depuis quelques années, alors Dieu était une chose à laquelle il avait effectivement cessé de croire. Peut être avait-il tort, en fait. Mais de toute manière, que Dieu existe ou non, ça ne changerait pas grand chose au Monde, vu la détresse de ce dernier.