BRUNE

La bibliothèque. J’aime lire. Toutes sortes de bouquins. Romans à l’eau rose, science fiction, policiers, livres d’histoire, de sciences, tout. J’aime bien me distraire avec mais aussi me cultiver. J’adore apprendre. Comme enseigner d’ailleurs. Pas étonnant que j’ai choisi le métier de professeur, n’est ce pas ? Et de primaires, parce que je préfère les enfants. A partir du collège ça devient de la petite racaille, ça te parle mal, et puis ils sont beaucoup moins mignons. Ce qui n’empêche pas qu’en primaire il y ait aussi de la mauvaise graine. M’enfin. Bref, en cette après midi j’ai décidé de me rendre à la bibliothèque donc. J’ai parcouru attentivement tous les rayons pour voir ce qu’ils avaient en réserve. Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque je tombe sur un livre très intéressant. Un bouquin pour apprendre le coréen. A croire qu’ils l’ont placé là exprès pour moi. Je le récupère alors et vais m’installer à une table. Je l’ouvre. Je vais pouvoir parfaire mon apprentissage. Je m’y suis mise il y a quelques années, mais j’ai dû le délaisser un peu, pour me concentrer sur un autre langage, celui des signes. Mais je vais pouvoir reprendre là. Je trouve dans un coin du papier, et un stylo, et je commence à écrire. Cela fait plaisir de me rendre compte que je me souviens de tout l’alphabet. C’est alors que j’entends du bruit. Quelqu’un est là. Je relève la tête, et aperçois Brune. On ne s’est jamais vraiment parlé jusqu’à présent, mais bon j’ai retenu son prénom quand même. Depuis le temps. Puis j’ai bonne mémoire. « 안녕하세요» lui dis je en souriant. « T'es venue pour lire ? Ou te cacher de quelqu'un ?»

Spoiler:

J'aimais lire, c'était ainsi que l'on pouvait apprendre à manier les mots, les syllabes et les mélodies. C'était essentiel pour tout auteur compositeur interprète. Ecrire de bonnes chansons ne se résumait pas à se reposer sur ses acquis, non, il fallait toujours creuser. Se lever en pleine nuit, écrire les premières pensées qui nous venaient après avoir rêvé d'un tel ou d'un autre sujet. C'était essentiel. Je dormais d'ailleurs toujours avec un carnet de notes à mon chevet. J'étais une fervente admiratrice des petites histoires sans fin comme des romans de trois cent pages. Chaque artiste avait sa manière propre d'interpréter la vie, de lui donner un sens comme de la retirer. Ecrire, c'était faire de ses envies des réalités, les vivre avec son personnage sans se soucier de la souffrance que l'on pourrait normalement recevoir. Endurer. Bien sûr certains étaient bien plus torturés que d'autres, parfois cela passait avec le temps. C'était en fonction du vécu et des croyances, des attentes et du caractère de chacun. Chacun était unique. J'étais persuadée que personne n'aurait pu écrire les chansons que j'avais composé. Elles avaient ma marque, comme chaque bouquin était marqué par celle de quelqu'un d'autre, connu ou inconnu. C'était pour changer le livre de ma table de nuit que je m'étais aventurée dans un premier temps dans la grande bibliothèque, voulant trouver un bouquin pas trop prise de tête histoire légère et agréable. Quelque chose d'heureux, de niais et d'amusant. Quelque chose qui vous fait sourire. Pourtant mon regard s'était rapidement dévié vers la belle Sun-Hi qui était disposée dans la pièce, son regard croisant quelques instants plus tard le mien. « Annyeonghaseyo » je plisse un instant les yeux. Elle est réellement asiatique ? Je pensais qu'elle vivait en Amérique. Surprise et un peu gênée, certainement, je cherchais un instant mes mots avant de finalement murmurer un hasardeux « Cornichonwa ? J'ai bon ? » hm, j'étais presque sûre que c'était ça. Presque... « T'es venue pour lire ? Ou te cacher de quelqu'un ? » un léger rire s'échappe finalement de mes lèvres, alors que je prends place aux côtés de la jeune femme, chassant mes cheveux de mon visage pour les rabattre derrière mon oreille droite. « C'est ici que les gens viennent lorsqu'ils veulent devenir invisible ? C'est bon à savoir. » mon sourire s'élargit. « J'étais venue pour trouver un livre niais, tu sais, une histoire de petite fille, pour s'endormir le soir, mais je ne suis pas sûre de trouver mon bonheur. » enfin, je n'en savais trop rien à vrai dire.

Une jeune femme entre dans la pièce et vient troubler mon apprentissage. Je l’accueille un sourire aux lèvres, en lui disant bonjour en coréen. Ce qui en premier lieu semble la surprendre, ne s’attendant pas à ça. « Cornichonwa ? J'ai bon ? » Raté. « C’est Konichiwa, mais c’est du japonais ça. Moi c’était du coréen, mais je te pardonne ton erreur va. » On ne va pas s’attendre à ce qu’elle parle le coréen tout de même. D’autant que ce n’est certainement pas la première langue étrangère de notre choix, quant on désire en apprendre une nouvelle. Quant il s’agit d’apprendre une langue asiatique, généralement, c’est le chinois. En même temps ils sont beaucoup plus nombreux. Le coréen, bah ce n’est parlé qu’en Corée. Pas très utile aux Etats Unis. A moins d’aller dans les coins où se trouvent quelques émigrés. Mais sinon… « C'est ici que les gens viennent lorsqu'ils veulent devenir invisible ? C'est bon à savoir. » Elle s’installe à mes côtés. « Je ne sais pas…Cela dépend si on l’habitude de te voir dans ce genre d’endroits » Mais pour ceux qui détestent la lecture, et bien oui ça serait un bonne cachette. Parce que jamais on ne penserait à les trouver là. Elle me confie qu’elle était venu trouver un livre niais de filles, pour pouvoir s’endormir le soir. « Oh je suis sure que tu peux trouver ton bonheur, on trouve de tout ici. Même des livres pour apprendre le coréen, alors… » Chose dont je ne m’attendais pas. « Alors, c’est toi la star internationale du programme ? » J’ai cru comprendre qu’elle était connue. J’ai des doutes quand même, déjà sa tête ne me dit rien, et puis qu’est ce qu’elle ficherait dans ce jeu ?