BAPTISTE

J’ai une sale gueule, j’en ai conscience et je m’en branle. Si on ne supporte pas ma vue, on peut prendre la grande porte et se barrer avec tout le cran dont ils sont capables. Ça fait 24h et j’ai encore et toujours envie de foutre mon poing dans la tronche du premier qui passe, et du suivant aussi, etc... Comme un jeu de force dans une fête foraine, sauf qu’au lieu de planche rectangulaire, la tête des candidats que j'exècre, ceux que ma mauvaise foi estime pour responsable de l’éviction d’une véritable joueuse, de quelqu’un qui sert à autre chose qu’à promouvoir le sexe sans capote et la bisexualité exhibitionniste comme balise de normalité sociale. En gros, petit, si tu n’ai pas bourré de mst, séropositif avant tes 30 ans, et adepte du grignotage de poils pubiens de tout sexe, t’as raté ta vie ! Et c’est pour laisser des gens comme ça en exemple pour la génération future qu’on a virer Sixtine ? J’en viens même à regretter l’éviction de Caesar. Au moins il montrait les ravages de l’analphabétisme, il servait à quelque chose. J’ai conscience d’avoir une target en plein milieu du front. Normal, puisque mon pénis n’a rendu visite à personne, et qu’en plus je sais parler plusieurs langues et lire un livre sans assistance respiratoire en cas de crise de panique. Et dire que je trouvais Artie trop vindicatif lorsqu’il m’exposait son dédain envers le reste des candidats. J’ai même osé lui dire qu’il y en avait quelques uns d’intéressants. Oui, sauf qu’on les connaissait et les côtoyait déjà, ces quelques uns. J’ai les idées noires, aussi noire que mon âme, aussi noir que les murs qui m’entourent. L’ouverture de cette salle ne pouvait pas mieux tomber, à croire qu’ils l’ont créé pour moi, pour que j’en face son sanctuaire, celui où je me terre, celui où j’oublie l’espace et le temps pour me fondre dans les ténèbres intemporelles. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est, je sais juste que je suis là, assit à même le sol, depuis un nombre incalculable de secondes. Du noir partout. Pas d’indice. Je m’en fous des indices. J’en ai pas besoin pour savoir qu’ils sont tous inconsistants, vides et creux. J’ai juste besoin de me recalibrer, de retrouver ma place dans un jeu qui ne mérite plus mon respect. Fake Lover ? Lol. Fuck Sucker, oui.

Cette semaine était vraiment pourrie, putain mais qu’est-ce qui était passé par la tête de la production lorsqu’ils avaient décidés de virer Sixtine comme si elle était une moins que rien. Le fait qu’elle soit partie m’avait énormément attristé, j’étais proche d’elle et sa présence me manquait énormément depuis dimanche, ce qui me gênait encore plus c’était la manière par laquelle il l’avait mise à la porte, le départ de Milan que je ne connaissais d’ailleurs pas m’était resté en travers de la gorge mais celui-ci était bien pire. Si la production souhait tous nous virer comme des malpropres elle était sur la bonne voie, je ne comprenais pas comment ils avaient pu faire comme ça, le public appréciait Sixtine plus que n’importe quel autre candidat dans cette baraque et c’est pourtant elle qu’ils avaient choisi d’éliminer. J’avais les idées noires, j’en avais ras le cul de ce concept de télé réalité qui voulait toujours aller plus loin, aujourd’hui j’étais loin d’être le mec qu’il fallait côtoyer. En vérité j’avais juste envie de me défouler, mais encore une fois Sixtine manquait à l’appel, c’est avec elle que je délirais lorsque je n’étais pas trop bien jusqu’à maintenant. La seule solution à mon problème était peut-être de m’isoler et de me concentrer à fond sur quelque chose d’autre pour oublier pendant, ne serais-ce qu’une seconde qu’il y avait eu une injustice le soir du prime à mes yeux. Me plonger dans la chasse aux secrets me revenait comme la seule solution pour trouver le salut. Je me mettais donc au travail, je tentais d’analyser chaque candidat en gardant en tête qu’ils dissimulaient tous quelque chose, chacun avait sa manière de le faire néanmoins. Aller faire un tour dans la nouvelle salle me paraissait indispensable, peut-être aurais-je la chance de tomber sur un indice ? Une fois dans la pièce je me rendais compte qu’ici il n’y avait toujours rien, sauf peut-être Syssoï. Je venais m’asseoir à quelques mètres de lui, je ne le connaissais pas après tout. Il fallait juste que je fasse un break et que je réfléchisse.

La porte s’ouvre. J’ose espéré que l’abrutit remarquera l’absence totale d’indices et tracera sa route plutôt que de venir me faire chier en plein équilibrage de ma darkside. Je me sais vulnérable dans ces circonstances, je ne me rappelle trop bien ce que ça a donné la dernière fois avec Gabrielle. Je prie pour qu’il ne s’agisse pas d’elle, je ne suis pas sûr de pouvoir me raisonner cette fois, je ne suis pas sûr de parvenir à réfréner mes instincts bassement primaires. Sauf qu’il ne s’agit pas d’elle. Le mouvement de ce corps qui entre est immédiatement suivit par des effluves de parfum masculin. Les tempes entre les mains, je ne relève pas la tête, je me contente d’analyser les indices olfactifs. Au moins, ça m’occupe l’esprit à autre chose, le temps que ça dure. Il ne s’agit pas d’Artie, son parfum est loin d’un flacon bon marché. Ce n’est pas Connor non plus, il ne porte pas de parfum, et puis les pas de l’individu mystère sont plus légers, moins brut de décoffrage que ceux de Connor et sa masse musculaire. Ce n’est ni Franckie, ni Elvis. Elvis renifle et Franckie respire fort. L’individu ne possède aucun de ses signes distinctifs. Ce n’est donc pas quelqu’un de ma team, mais quelqu’un de la team adverse... Je réfléchis à toute vitesse, trace une silhouette dans ma tête, et élimine les candidats un à un. Le dernier à être éliminé est Lukas dont j’aurais entendu la canne contre le sol. Ne reste que Baptiste. Et dire que je n’ai pas envie de le voir serait de l’ordre de l’euphémisme. Je verrouille mes paupières, blinde mon armure. « T’es là pour te repêtre du spectacle de la bête agonisante, ou bien t’es décidé à abréger mes souffrances ? » Qu’il s’estime déjà heureux que je me contente de lui adresser la parole plutôt que de lui trouver un intérêt dans le rôle du punching ball.

Je n’étais pas venu là pour faire chier quelqu’un, au contraire j’étais plutôt venu dans cette pièce dans l’espoir d’y trouver la solitude qu’il me manquait. Je comprenais bizarrement un peu mieux Siomha qui pestait après nous parce qu’elle n’était jamais toute seule, ici il y avait toujours un mec pour venir t’emmerder et j’en avais marre aujourd’hui. J’étais de mauvaise humeur et je n’avais vraiment pas envie de me forcer à faire le mec sociale, la seule chose qui me ferait plaisir serait de me mettre dans le noir total et de pouvoir fermer les yeux, réfléchir pour y voir plus clair et profité de la solitude pour véritablement respirer. Lorsque j’entre dans la salle il me faut quelques secondes pour remarquer que je suis à nouveau en compagnie d’un candidat, Syssoï pour être précis, je n’ai pas besoin de l’entendre parler pour savoir que je vais avoir droit à quelque chose de très désagréable, je n’avais pas pour habitude d’entendre de sa bouche des trucs agréables, il était un peu méchant comme Siomha d’ailleurs. « T’es là pour te repêtre du spectacle de la bête agonisante, ou bien t’es décidé à abréger mes souffrances ? » Je le regardais un instant et soupirais, j’étais loin d’être ce genre de mec. « Tu veux que je sois honnête ? Je ne suis pas là pour toi mais si tu veux que j’abrège tes souffrances c’est quand tu veux. » Quoi, j’étais serviable aujourd’hui. Je n’ajoutais rien, je me contentais de le fixer tentant de comprendre ce qui le poussait à être sur la défensive de cette manière. Je comprenais bien qu’il souffrait, le départ de Sixtine avait eu le même effet sur moi, peut-être en moins fort puisque je n'étais pas aussi proche d'elle qu'il ne pouvait l'être, mais sa présence me manquait énormément.

« Tu veux que je sois honnête ? Je ne suis pas là pour toi mais si tu veux que j’abrège tes souffrances c’est quand tu veux. » Je laisse échapper un léger rire vide de sens mais qui m’apprend que je suis encore capable de rire. Cool. Il cherche quoi au juste ? Ses potes de la team McFlurry l’ont envoyé en éclaireur pour voir si j’allais l’épargner ou le consacrer lors d’un sacrifice rituel, c’est ça ? S’il n’y a que ça, je peux faire honneur à ma réputation et l’incorporer façon bas relief égyptien dans un mur de cette salle, et tout ça sous l’oeil de la caméra pour que les voyeurs puissent se repaitre d’un spectacle inédit et sanglant : meurtre en direct. Et juste après la pub, ne manquez pas l’exécution de Syssoï en direct de sa chaise électrique ! Ou pas. Paraît que je suis intouchable. Je pourrais donc totalement prendre sa gorge en étaux entre mes mains puissantes et observer le dernier souffle de vie quitter son corps, et tout ça en totale impunité. C’est cool, non ? Non. C’est bien plus divertissant de l’observer se débattre avec ses faux airs de caïd sans peur et sans reproche. « Faudrait déjà que tu aies le niveau. Je suis level 85, tu stagnes au level 6. Tu crois vraiment pouvoir me camper sans que ce soit vain ? » Evidemment, s’il n’a jamais joué à WoW de sa vie, il ne va rien capter à ma répartie imagée, mais puisque je n’attends pas vraiment qu’il me comprenne même quand je parle la même langue que lui. J’ai toujours la tête entre les mains, mais je finis par la relever brusquement, une lueur inespérée dans l’oeil. « J’y pense... T’es un peu le génie de ma lampe, cette semaine. Tu me dois trois souhaits. » J’ai l’air sadique ? Non, parce que là, je me sens vraiment sadique. J’ai envie de rejeter toute ma peine sur quelqu’un, et même si ce sentiment n’a rien de chrétien, il m’est salvateur.

Je n’avais pas pensé qu’il y aurait quelqu’un ici puisqu’aucun indice n’était affiché pour le moment et pourtant je me retrouvais avec l’un des candidats que je connaissais le moins et qui ne m’intéressait guère plus. Ma petite réplique qui lui annonce que s’il a besoin de quelqu’un pour l’achever il n’a qu’à me faire signe le fait rire. Tiens il sait rire ? C’est une grande nouvelle pour moi qui l’a toujours vu en train de tirer la gueule, je vous jure que dans ce château il fallait avoir le moral pour ne pas se tirer une balle tellement tous les candidats étaient incapables de ressentir la moindre émotion, ils étaient tous tellement sérieux et désespérants… J’avais pitié pour un grand nombre d’entre eux d’ailleurs. Heureusement que certains se démarquaient. Pourtant, comme à tous les autres candidats je lui laissais en quelque sorte le bénéfice du doute puisque j’adorais me tromper sur les gens, je détestais avoir une idée précise et un jugement qui s’avérait être vrai sans connaitre réellement la personne en question. « Faudrait déjà que tu aies le niveau. Je suis level 85, tu stagnes au level 6. Tu crois vraiment pouvoir me camper sans que ce soit vain ? » Je ne comprenais pas la référence à WoW puisque je ne connaissais tout simplement pas ce jeu, je fronçais les sourcils. « Désolé de te faire redescendre de ton monde imaginaire mais ici on n’est pas dans pokemon… Que je sois level 6 comme tu dis ou 85 ça ne changerait rien, il n’y a pas besoin d’être fort pour assassiner quelqu’un. » Bah quoi ? J’étais honnête, après tout vous en voyez beaucoup vous des tueurs bien baraqués ? C’était plutôt le contraire, les gens qui étaient laissés de côté par la société qui allaient toujours le plus loin. « J’y pense... T’es un peu le génie de ma lampe, cette semaine. Tu me dois trois souhaits. » J’avais déjà oublié cette histoire, Cupidon m’avait imposé de me mettre aux pieds de certains candidats, j’allais m’exécuter même si Sixtine m’avait abandonnée. « Ouai c’est à peu près ça… Que puis-je faire pour toi ? » Je m’attendais au pire.

Pourquoi fallait-il que ce soit lui qui soit entré ? Pourquoi fallait-il qu’il décide de rester et monopoliser mon oxygène ? C’était forcément un pari personnel du style «combien de temps puis-je tenir, enfermé dans une pièce sombre et sans fenêtre, avec Syssoï le terrible ?». Sauf que c’était pas le jour pour venir me casser les burnes, c’était pas la semaine non plus. Il y avait eu le Syssoï d’avant-prime, et puis le Syssoï d’après-prime, celui qui devait vivre en l’an de grâce Sixtine + 1. J’ai pas la force de faire du social, alors Baptiste et sa tronche de poisson lune, c’est waaaaay au-delà de mes capacités de patience. Je sais que Sixtine l’aimait bien, mais Sixtine aimait bien tout le monde, croyant dur comme fer qu’il y avait forcément quelque chose d’intéressant à trouver chez chacun d’eux. Bah clairement pas la compassion chez Baptiste, en tout cas. Il me prend tellement la tête que ça en devient nocif pour ma santé mentale. Il me parle de Pokémon, et je me figure sa tête dans le mur. C’est un mal de crâne qui pointe le bout de son nez, là, ou je rêve ? Je me masse les tempes tandis qu’il entreprend de m’expliquer, Ô grand maître incontesté des techniques d’arts martiaux, qu’il n’a pas besoin d’être fort pour m’assassiner. « Techniquement tu n’as pas tort, mais techniquement seulement, parce que pour pouvoir m’achever il faudrait que tu m’approches. Tu serais face contre terre avant d’avoir fait un mètre. » ma voix est sourde à cause du mal de crâne, mais je ne fais preuve d’aucune prétention au travers de cette mise en garde. On m’a appris à désarmer un adversaire à mains nues, on m’a apprit à l’immobiliser, le neutraliser, j’ai reçu la même formation que les forces spéciales russes. Alors non, ce n’est pas de la prétention que de dire qu’il n’est en rien une menace pour moi. Encore un nouveau détail qui me rappelle à quel point Sixtine me manque. Elle, elle était une menace. Une charmante menace. C’est au-delà du manque en fait, c’est viral, une maladie physique qui se répand dans mon organisme et me laisse sur le carreau. Comme j’aimerais pouvoir en guérir avec un des souhaits auxquels j’ai droit. J’ai tellement de souhaits irréalisables. « J’aimerais que tu disparaisses et qu’à la place Sixtine réapparaisse. Mais je suppose que c’est au-delà de tes capacités de génie en carton. » C’est pas de sa faute, mais ma mauvaise foi me tient chaud. Toutefois, dans un instant d’abandon, je demande, sans sarcasme : « Si tu devais lui rendre hommage, tu ferais quoi ? »

Dire que je n’avais pas un apriori ou un archétype concernant Syssoï dès l’instant où je l’avais vu serait exagéré, nous vivions dans une société dans laquelle tout le monde jugeait tout le monde sans vraiment chercher à en savoir plus. Ce n’était pas mon cas, certes ce que je vous dis rentre en contradiction mais j’avais été doté d’une qualité qui m’était très utile et qui était toute à mon honneur, je voulais toujours surpasser les stéréotypes que les personnes pouvaient dégagés physiquement pour laisser en quelque sorte une chance à ces mêmes personnes de me montrer que leur vie ne se résumait pas à mes impressions, j’aimais avoir tort de ce côté-là et ne pas avoir l’impression d’être passé à côté de quelque chose. C’est ce que je faisais avec le jeune homme aujourd’hui, j’essayais de voir ce qu’il cachait sous sa coquille et j’allais m’y brûler les ailes mais j’aurais au moins essayé. Notre discussion parce qu’elle avait le mérite d’être réelle portait sur le meurtre. Un sujet suspect mais qui semblait nous passionner pour le moment. « Techniquement tu n’as pas tort, mais techniquement seulement, parce que pour pouvoir m’achever il faudrait que tu m’approches. Tu serais face contre terre avant d’avoir fait un mètre. » Je ne pouvais rien répondre à ça parce qu’il était clair qu’il avait raison. « Sur ce point nous sommes d’accord, la seule chance que j’aurais d’entrainer ta mort ça serait de t’abattre avec une arme à feu, ou une arbalète… » Il fallait être réaliste, s’il y avait vraiment un jour pendant lequel je devrais assassiner Syssoï au corps à corps c’était tout simplement impossible. Mais bon, cette question ne se posait pas puisque je ne projetais pas de tuer Syssoï à un quelconque instant. « J’aimerais que tu disparaisses et qu’à la place Sixtine réapparaisse. Mais je suppose que c’est au-delà de tes capacités de génie en carton. » Je m’attendais à ça et bizarrement cette idée ne me déplaisait pas, loin de là. « Si c’était possible je pense que je l’aurais fait… » Sixtine méritait sa place ici bien plus que nous tous dans ce château et j’étais peut-être le seul qui avait la franchise pour le faire remarquer. « Si tu devais lui rendre hommage, tu ferais quoi ? » Je sentais qu’il faisait un effort et j’appréciais cette partie du jeune homme. Je lui répondais après avoir murement réfléchit à la question. « Tu étais proche d’elle non ? Je pense que tu devrais faire quelque chose que vous aviez l’habitude de faire tous les deux, de cette manière elle verrait que tu penses encore à elle… Après… » Je me demandais si ce que j’allais lui dire passerait bien, mais j’étais trop franc pour parler avec réserve. « Je pense que tu devrais aussi faire des choses qu’elle aurait voulu que tu fasses, je ne te connais pas suffisamment pour te dire quoi mais la connaissant un truc un peu fou la ferait surement sourire à l’extérieur. »

Ce qui me surprend chez Baptiste c’est sa présence d’esprit et son absence totale de mauvaise foi, sa franchise et son pragmatisme. Lorsqu’il se trouve face à une évidence, même peu flatteuse à son égard, il ne fait pas comme tout ses petits copains qui tiennent tête avant de s’insurger face à des vérités irréfutables, se ridiculisant par la même occasion, non lui il avoue son impuissance. Aussi lorsque je l’informe qu’il ne pourrait me tuer à mains nues, au lieu de me rire au nez en inventant une technique de combat sortie de son imagination immédiate, puis d’aller me vomir dans le dos auprès d’un auditoire tout acquis à sa cause, il me donne raison, prétextant qu’il lui faudrait une arme à feu ou un arbalète pour parvenir à m’abattre. Il a raison. « Heureusement pour moi, il n’existe rien de tout ça ici, à moins que l’un des candidats ait pensé à ramener le kit du parfait sociopathe au fond de sa valise... Je miserais sur Sonny ou Cooper. T’as pensé à fouiller leurs valises ? » C’est de l’humour. Glauque, d’accord, mais de l’humour quand même. J’espère qu’il note l’effort. Et alors que je pense ne plus pouvoir être surpris par le candidat que j’imaginais aussi profond que le QI d’un phytoplancton période paléolithique, j’hausse à nouveau un sourcil tandis qu’il répond à ma proposition que j’imaginais suffisamment blessante pour qu’il me renvoie dans les cordes. Il avoue que s’il était en mesure d’échanger sa place pour permettre à Sixtine de revenir, il le ferait. Sérieusement ?! J’ai du mal à y croire, et ça doit se lire sur mon visage. Je ne réponds rien. J’en suis totalement incapable. Il m’a privé de mots, ne laissant que les maux indélébiles qu’il semble partager, étrangement. Je l’interroge sur l’hommage qu’il pourrait rendre à Sixtine, et sa réponse me laisse perplexe aussi. Il me conseille, il m’invite à lui rendre hommage de telle ou telle manière. Sauf qu’il n’a pas compris. Je ne veux pas faire sourire Sixtine. J’ai tellement mal que je dois refréner mon envie, mon besoin de lui faire aussi mal. Je me contrôle pour ne pas la détester, pour ne pas crever de ressentiment. J’ai pas d’hommage à lui rendre alors qu’elle m’a abandonné là au milieu d’une secte à 30 gourous. Non, ce n’était pas de mon hommage personnel dont je parlais. Je lui signifie son incompréhension en secouant lentement la tête de droite à gauche. « Non, tu n’as pas compris... Si toi, tu devais lui rendre hommage, si mon premier souhait était que là, tout de suite, tu rendes un hommage à Sixtine... Tu t’y prendrais comment ? » Je n’ai pas dis que c’était mon premier souhait, mais en fonction de sa réponse, ça pourrait éventuellement l’être. Si ce n’est pas trop contraignant pour lui, évidemment, mon but n’était pas, contrairement à d’autre, de ridiculiser et torturer mon prochain. Surprenant, non ?

J’étais surement un mec qui avait des dizaines et des dizaines de défauts, la seule chose qui me différenciait de la majorité des candidats de ce château et des gens en général parce qu’on était comme tout le monde c’était le fait que je le reconnaisse. J’étais franc et je portais peut-être un jugement parfois blessant tellement il était réaliste sur les autres, mais si je me le permettais c’était peut-être parce que je m’étais déjà jugé moi-même, je balayais devant ma porte avant d’en faire autant sur le paillasson des autres. Oui, le réalisme était un mot qui me correspondait vraiment et j’avais l’impression que je remontais un poil, mais vraiment un poil dans l’estime que pouvait me porter Syssoï, ce n’était pas mon but mais je détestais qu’on me juge trop vite. Je reconnaissais bien volontiers que si je devais un jour en venir à assassiner ce dernier j’en serais bien incapable à main nues, je n’avais pas la musculature adéquate après tout. « Heureusement pour moi, il n’existe rien de tout ça ici, à moins que l’un des candidats ait pensé à ramener le kit du parfait sociopathe au fond de sa valise... Je miserais sur Sonny ou Cooper. T’as pensé à fouiller leurs valises ? » Le fait qu’il « discute » avec moi en employant le second degré me plaisait, je n’avais plus l’impression d’être seulement un paria mais d’être un mec qui était susceptible de l’intéresser pendant vingt secondes. Mon but n’était pas de lui plaire bien sûr mais le reconnaitre était tout de même plaisant. « Je voulais en emmener mais la production m’a intercepté juste avant mon entrée… Et… J’y ai déjà pensé, j’ai tout foutu en l’air dans leurs valises mais pas de fusil… C’est tragique tu ne trouves pas ? » Je plaisantais, je ne me serais tout d’abord jamais permis de fouiller dans une valise, je détestais qu’on fasse cela me concernant donc j’évitais de le faire également. Et puis, je n’étais pas trop fan des armes à feu, c’était un peu trop la cause des nombreux faits divers qu’on lisait dans les journaux. Par la suite il me demandait comment je m’y prendrais pour rendre hommage à Sixtine et là j’avoue que j’étais un peu parti au quart de tour m’emballant un peu trop vite pour me retrouver bien rapidement hors sujet. Je n’avais pas répondu à sa question et son petit air blasé me le faisait très vite comprendre. « Non, tu n’as pas compris... Si toi, tu devais lui rendre hommage, si mon premier souhait était que là, tout de suite, tu rendes un hommage à Sixtine... Tu t’y prendrais comment ? » Je me laissais une bonne minute pour y réfléchir parce que cette question était plus compliquée qu’on pouvait le croire. « Si je devais rendre hommage à Sixtine je taguerais un mur ou j’irais jouer sa chanson favorite au piano parce que je sais qu’elle aime beaucoup la musique. »