w/ SYSSOÏ, MAR 6.03 23H51
Le soir était tombé depuis maintenant quelques heures déjà. L'ambiance était lourde dans le nid, Lhoas en avait marre, il saturait complètement de tous les jacassements dont pouvaient faire preuve les candidats et candidates au sein de cette aventure. Il avait réellement besoin de changer d'air, de souffler un coup, de prendre du recul, d'être au calme. Une sortie à l'extérieur lui parut être une idée enviable, il se dirigea alors vers l'entrée du manoir, arracha sa grosse veste pourvue de fausse fourrure dans le dos et dans la capuche du porte-manteau métallique, l'enfila en vitesse, la zippa et mit sa capuche par dessus sa tête pour sortir dehors. Le vent froid soufflait à sa guise, il soufflait même fort et le vent parvenait même à s'infiltrer sous les vêtements de Lhoas – qui détestait ça. Il fit un tour du coté du parc pour finalement se diriger d'un côté de l'extérieur qu'il n'avait encore jamais visité : le cimetière. Allez savoir pourquoi un tel lieu avait été installé dans une telle émission, sans doute pour foutre les boules aux candidats. Mais Lhoas était loin d'être peureux, il n'avait pas froid aux yeux comme garçon. Vêtu et emmitouflé dans sa doudoune, le vent parvenait à lui balayer la mèche qui dépassait de sa capuche et il contemplait le cimetière lorsque des bruits de pas dans la pelouse et sur les feuilles lui parvinrent derrière lui.

Le cimetière, c’est ma deuxième maison. Enfin ma troisième si on compte la chapelle, et ma quatrième si on compte mon appartement parisien, et ma... Enfin bref. Les coins lugubres, j’aime, parce que j’y trouve une atmosphère et une beauté particulière, une aura qu’on ne saurait trouver ailleurs. Un coin isolé et oublié, un lieu chargé d’histoire, de celle de ces petits chanceux qui ont fini ici, et qui se trouvent bien tranquilles à présent. Comme moi, installé tranquillement en tailleur sur ma pierre tombale, un zippo à la main que j’ouvre et referme sans faire gaffe, je m’entretiens avec Matthew, l’homme de la vie de Moore... Enfin l’homme mort de la vie de Moore. Même pour les âmes passées de vie à trépas, y a un entretient à passer personnellement avec moi avant d’envisager quoique ce soit avec une donzelle de la meute. Et en l'occurrence, c’est Matthew que je passe sur le grill en une conversation mentale assez semblable à celle que j’ai eu avec Connor. En fait, je ne sais pas ce qui est le pire, prétendre devoir aller s’entretenir avec une tombe pour qu’on me lâche la grappe un peu, et que je puisse m’isoler un moment ? Ou bien que tout le monde trouve normal de me foutre la paix pour que je puisse aller m’entretenir avec un cadavre à l’état de poussière ? Peu importe, au moins j’ai pas à faire semblant, j’ai pas a faire preuve de sociabilité ou autre, depuis de longues minutes salvatrices. Un temps de répit qui prend fin en même temps que ces pas lourds qui résonnent dans l’allée centrale. Ok, il est temps de lever le camp, peut être que la chapelle sera déserte. Je me lève, m’apprêtant à prendre le large, lorsque la silhouette se détache dans l’obscurité... Lhoas. « Tiens donc... Human Zob ! » Je m’exclame sans hausser la voix, pas besoin, tout en fourrant mes mains dans les poches de mon lourd manteau. « Tu viens honorer les morts à présent que tu as déjà honoré tous les vivants de la propriété ? » Un sourire narquois étire mes lèvres. J’ai rien contre lui, mais il parait que lui ne me porte pas dans son coeur. Il est temps de vérifier cette théorie, et puisque la meilleure défense c’est l’attaque...

« Tiens donc, human zob ! » s'exclama la voix de Syssoï qui lui, avait reconnu Lhoas dans la pénombre. Ben tiens encore un nouveau surnom pour la bête de sexe, fallait-il croire. Alors qu'il était abstinent depuis plus d'une semaine, m'enfin bon, l'étiquette resterait sûrement alors qu'il n'avait réellement fait l'amour qu'avec deux personnes seulement. Lhoas ricana à l'entente de ce surnom mais ne releva pas pour autant, laissant Syssoï venir à sa hauteur dans le cimetière qui était plus que lugubre et qui dégageait une atmosphère surnaturelle. « Tu viens honorer les morts à présent que tu as déjà honoré tous les vivants de la propriété ? » lança-t-il une pique. Lhoas étira un sourire sur ses lèvres, non surpris de la vanne piquante de son camarade. « Bizarrement la nécrophilie c'est pas trop mon truc » répondit Lhoas, amusé. « Non je viens ici pour changer d'air, je sature un peu aujourd'hui » ajouta Lhoas, ne cherchant pas la baguarre ni la guerre de mots entre les deux hommes. « Et toi tu faisais quoi, tu t'entretenais avec tes acolytes vampires ? Non parce que tu m'as toujours fait pensé à une créature de la nuit » avoua Lhoas, on ne peut plus sérieux. Cet air maléfique que Syssoï dégageait, son appellation à la phonétique russe, sa peau blanche, tout concordait et Lhoas avait regardé sans doute trop de films. Il lança un sourire à Syssoï pour détendre l'atmosphère. Au début, il l'avait mal jugé, sans doute, car l'homme avait pris la défense d'Elvis dans l'affaire Franckie, mais finalement, Lhoas ne pouvait lui en tenir rigueur après tout. De plus, cette histoire était réglée et résolue alors pas la peine de rouvrir la plaie. Lhoas contempla les yeux profonds de son camarade de jeu.

« Bizarrement la nécrophilie c'est pas trop mon truc » Le choix de l’adjectif ‘bizarrement’ me fait sourire en pareil contexte. Ouai, bizarrement les cadavres n’excitent pas sa libido que je pensais stimulée par à peu près tout et n’importe quoi, femmes, hommes, chiots, plantes vertes... Monsieur m’informe qu’il sature un peu aujourd’hui. Bienvenu au club, moi ça fait six semaines que je sature de ces conversations, engueulades et copulations perpétuelles. D’où ma connaissance assidue du cimetière, ses allées, ses pierres tombales, ses morts que je connais et appelle tous par leur petit nom. D’ailleurs on se trouve justement face à Richard William Loyd Leigh, mon préféré, que je salue d’un petit mouvement de tête discret. Lhoas me rappelle à la réalité en m’interrogeant sur ma présence ici, voulant savoir si je suis là pour rendre visite à mes potes vampires. Oooh, donc après le spectre j’ai le droit au cliché du vampire. Génial ! « Faut arrêter de te fournir au rayon jeunesse de la librairie, les suceurs de sang, c’est surfait, et puis le sang c’est dégueulasse. » C’est vrai. Il suffit de s’entailler la langue par mégarde, ce que tout le monde a fait au moins une fois dans sa vie, pour savoir que ça a un goût métallique absolument imbuvable. « Et Vlad l’empaleur était prince de Valachie, actuelle Roumanie... Rien à voir avec la Russie à qui je dois mes yeux, ma stature et ma peau, ni avec l’Espagne à qui je dois mes cheveux et le reste des contrastes. » Par contre, y avait peut être un lien direct avec ma mère à qui je dois mon air lugubre... A creuser, je pense. J’hausse les épaules, comme s’il était tout à fait anodin de devoir détromper les candidats quant à mes origines vampiriques. Plus rien ne me surprend, je suis là depuis trop longtemps. « Je préfère la compagnie des morts... » Je finis par répondre à sa question. « Ils sont moins bruyants. » Je quitte Lhoas pour m’approcher de la pierre tombale, et m’adresser à elle. Normal. « Messire Leigh, laisser moi vous présenter Messire Zob. » Puis je me redresse, et me retourne pour faire face à Lhoas. « Je te laisse t’introduire de toi-même, tu fais ça si bien. » Quoi ? Ça va, c’est de l’humour.

Visiblement, Syssoï ne faisait pas partie de cette horde de suceurs de sangs blancs comme un linge. C'était tout ce qu'il y avait de plus rassurant, déjà. Même si ç'avait été de l'humour, peut-être qu'un pourcent de l'esprit fou de Lhoas avait pu imaginer le jeune russe penché sur une nuque appétissante. Soit. Il ne l'était pas, c'était déjà ça. Après avoir parlé de librarie, il enchaina sur ses origines russes et hispaniques. Intéressant comme mélange tout de même, et ça donnait un véritable bon cru d'ailleurs, mais Lhoas garderait bien ce commentaire pour lui-même, à croire qu'il ne voyait désormais plus les hommes qu'avec leur corps plutôt qu'avec leur âme. Effet fakeloverien sans doute, ça vous retourne le cerveau la télé-réalité. « Je préfère la compagnie des morts, ils sont moins bruyants » déclara alors le beau blanc. C'était vrai et justifié, en même temps comment dire.. ils ne sauraient plus parler même s'ils le souhaitaient. « Un peu logique étant donné qu'ils n'ont plus vraiment recours à la parole  » marmonna Lhoas dans sa barbe plus pour une constatation personnelle. « C'est certes un peu glauque mais reposant » admit Lhoas tout en souriant à son interlocuteur. « Messire Leigh, laisser moi vous présenter Messire Zob » continua Syssoï tout en s'approchant d'une tombe. Lhoas éclata de rire. Un bon rire incontrôlable, il ne s'attendait pas à ça ni à cette formulation des plus.. humoristiques. Et puis rire de soi-même c'était louable. Se reprenant de son rire, paraissant légèrement gêné d'avoir fait autant de bruit dans un lieu si paisible et plein d'auras, il se tut. « Messire Leigh, si vous m'entendez ici haut.. de là.. en bas » commença Lhoas, n'étant pas très sûr de quoi savoir dire. « Je vais vous dire une chose.. je n'ai plus honoré mon nom depuis trop longtemps à mon goût » lâcha-t-il d'une traite comme si c'était une lourde confession à pardonner. Puis il se retint de rire tout en regardant Syssoï, en n'espérant de pas l'avoir choqué. Après tout, il avait honoré son nom de sir, en parlant de cul, non ? Eh puis, monsieur russe ne devait pas être si coincé que ça tout de même.

Son éclat de rire me surprend. Non pas que j’ai du mal à l’imaginer rire, non, mais j’ai du mal à l’imaginer rire de lui-même, encore moins lorsque le sarcasme vient de moi. Je suis loin d’être le mec le plus chaleureux et drôle du monde, mon humour acéré ne plait pas à la plus part, à ceux dont l’égo empêche toute autodérision. En éclatant de rire, Lhoas me surprend, dans le bon sens du terme, et se retrouve doté d’une image toute neuve dans mon cerveau. Je n’ai jamais réellement cherché à le connaître, pas plus qu’il n’a essayer de son côté, les torts sont partagés, mais, du coup, je l’ai immédiatement rangé parmi les Cooper & Cie, ces mecs qui, sans savoir, tirent des conclusions hâtives sur moi, pour les exposer ensuite à d’autres comme s’ils possédaient un doctorat ès Syssoï. Visiblement, j’ai commis la même erreur vis-à-vis de Lhoas, ce qui n’est pas à mon honneur. Aussi, alors que ma vanne avait pour but d’introduire mon proche départ sous le fallacieux prétexte de laisser Messire Zob et Messire Leigh en tête à tête, je décide de m’attarder un peu, et tenter de noircir la page, à présent aussi vierge que Zhara, qui porte l’entête «Human Zob.». Et ce dernier, me surprend encore en rentrant dans mon jeu, s’adressant directement à la pierre tombale pour la gratifier d’une confession sur sa sexualité quasi inexistante du jour. J’hausse un sourcil de surprise. Zobby est en panne sèche, y a plus rien qui sort ? Bah merde ! Les Mayas avaient sûrement raison, et le monde court à sa perte. Pour le coup, je m’installe sur la tombe de Ricky-Willy, et tapote la pierre dure et froide à côté de moi, invitant, par ce geste, Zob Zobby à me rejoindre pour en faire de même. « Viens donc raconter tes malheurs à Sir Leigh qui s’avère très inquiet pour la levée d’audimat en étroite corrélation avec ta propension à l’être, levé. » D’un signe de menton je désigne son entre-jambe au cas où il n’aurait pas saisi la subtilité de mon propos absolument pas subtil. A vrai dire, je m’en branle un peu de sa vie sexuelle, ou de son absence de vie sexuelle, est-ce que j’ai une vie sexuelle, moi ? Mais c’est l’occasion d’en apprendre plus sur lui, surtout que pour qu’il vienne trouver refuge dans un cimetière, c’est qu’il doit être sérieusement paumé. Et le cerveau en vrac, c’est ma grande passion. « Alors, il se passe quoi ? Zobby Zobba est en grève ? » Et voilà que j’imagine son pénis estampillé CGT. Pas cool l’image mentale.