W/ BAPTISTE

Y'a des moments comme ça, où tu te sens un peu seul. Quand tu te retrouves isolé, dans une vieille chapelle pas particulièrement accueillante, à jouer avec un petit rat qui s'était sans doute perdu là, et qui était tombé sur le seul être humain de tout l'univers à ne pas avoir une aversion inexplicable pour les rats, par exemple. Milan, lui, aimait bien les animaux, que ce soit les chiens, les poissons, les girafes, les rats ou les trucs bizarres et non-identifiables, c'était du pareil au même. Le contraire aurait été dommage, pour un militant. Bref, alors qu'il se baladait vers le cimetière, dans le but de se poser sur une tombe quelconque - paix à ton âme, vieux - il s'était finalement retrouvé à suivre le rongeur qu'il avait vu se faufiler dans l'interstice entre la porte et le mur de la bâtisse. Se hissant par la fenêtre brisée dont tous se servaient pour entrer en douce, il attrapa un petit bout d'il ne savait quoi que la bestiole avait laissé tomber et la tendit vers lui, tentant de l'appâter. Et ce con refusait de bouger. Finalement, il se décida à s'approcher, mais juste à ce moment-là, des bruits de pas se firent entendre sur sa gauche, si bien que le rat fila. Laissant tomber ce qu'il avait en main et redressant la tête, Milan aperçut Baptiste. « Merde, tu l'as... laisse tomber. » Bah, au fond, être en compagnie d'un être humain, doté de parole et tout, c'était pas plus mal. D'autant plus que le Baptiste en question, il ne lui avait encore jamais réellement parlé. C'était l'occasion. « Quelque chose à confesser, jeune déchauché ? » Qu'est-ce qu'il pouvait bien faire dans la chapelle ? Sans doute quelque chose de plus intéressant que lui, remarque.

Pourquoi m’étais-je retrouvé sur le chemin de la Chapelle ? Bonne question, je n’étais pourtant pas chrétien à ma connaissance, Dieu n’était qu’un abruti à mes yeux qui ne méritait même pas qu’on lui adresse une pauvre petite minute, s’il existait vous pensiez vraiment qu’il y aurait temps de bordel sur cette terre ? Je n’en étais pas convaincu personnellement et puis… Je ne croyais déjà pas en moi alors comment vouliez-vous que je puisse avoir foi en quelque chose d’autre ? Bref, si je me rendais dans la chapelle s’était surtout pour trouver le calme, hier je m’étais encore couché à une heure abominable pour ne pas dormir plus de trois heures au total, résultat, depuis trois jours que je ne dormais pas plus je commençais à sentir la fatigue. J’avais juste besoin d’une petite heure rien que pour moi, j’avais besoin de réfléchir à tête reposée pour me remettre dans la chasse aux secrets… Bon, j’avais peut-être zéro euro dans ma cagnotte mais ça ne m’empêchait pas de réfléchir et d’attendre pour buzzer lorsque j’aurais enfin un peu d’argent. « Merde, tu l'as... laisse tomber. » Je m’étais rendu rapidement à la chapelle, d’un pas décidé et pas très discret je vous l’accorde, je levais la tête surpris d’entendre quelqu’un. Milan se tenait là, comme fasciné par quelque chose. « Je te dérange ? » Demandais-je intrigué par son comportement. « Quelque chose à confesser, jeune déchauché ? » Je le regarde et m’approche de lui et de la vieille bâtisse pour m’appuyer contre elle. « Pas vraiment… Et toi ? »

S'il avait été à la place de son compagnon, pas sûr que Milan aurait pris le gars en train de chasser le rongeur pour un mec sain d'esprit. Dieu merci - de circonstance - Baptiste semblait un peu plus tolérant en ce qui concerne les fantaisies des autres candidats, ou peut-être n'avait-il juste pas vu. Cela dit, qu'on l'aperçoive faire copain-copain avec un rat n'était pas spécialement un problème pour lui. Aucun pêcher à se faire pardonner ? Qu'est-ce qu'il faisait là, dans ce cas ? « Pas vraiment » conclut-il avec un vague sourire ironique. Ça aurait été difficile dans son cas, dans la mesure où tout ce qui s'apparentait à la religion n'était que de la science fiction aux yeux de Milan. Heureusement que l'aspect architectural des bâtisses genre églises et tout l'intéressait un peu, sinon, il aurait presque été dégouté de se retrouver dans une chapelle. « J'étais en train de... ben rien en fait, de passer pour un con » finit-il par répondre à l'interrogation du gars Baptiste. Secouant légèrement la tête, il se redressa et s'assit correctement, en tailleur, sur l'estrade destinée au curé, ou pasteur, ou prêtre ou peu importait comment le nom qu'on lui donnait dans la religion de vigueur dans ce bâtiment. « Si on te demande si c'est vrai que Milan joue avec les rats dans la chapelle, t'as rien vu, je compte sur toi » qu'il ajouta ensuite, plaisantin. Merde, le voilà qui devenait presque trop sympa.

J’étais légèrement intrigué par le comportement de Milan sur le moment, on aurait dit qu’il était en transe devant quelque chose que je n’avais même pas vu. Il semblait même que cette fameuse bestiole ou je ne sais quoi s’était sauvée lorsque j’étais arrivé. Bon, un mec étrange parmi les autres ce n’était qu’un détail mais… Et s’il se nourrissait seulement de viande à base de rat ? Beurk, l’idée me donnait envie de vomir mais dans cette émission tout était possible et cela ne me surprendrait même pas. Ce dernier me demandait si j’étais venu afin de confesser mes péchés… Moi vivant jamais ça n’arriverait, il y a bien longtemps j’aurais pu croire en Dieu mais depuis que j’étais noyé dans les factures je ne pensais plus à une possible présence divine. « Pas vraiment » Je souriais, il était ironique et je pouvais donc en conclure que, tout comme moi et la majorité des candidats présents dans ce château il ne croyait pas en Dieu. « Scandale… Tu n’es pas croyant ? Zhara va t’assassiner. » Je le taquinais légèrement tout en profitant de l’occasion pour taquiner Zhara même si elle n’était pas dans le coin, si elle l’apprenait la jeune fille ne m’adresserait surement plus jamais la parole. « J'étais en train de... ben rien en fait, de passer pour un con » Je souriais, en temps normal je ne me serais pas fait prier pour lui dire qu’il n’avait pas besoin de ça pour avoir l’air con mais aujourd’hui je m’abstenais… Je ne le connaissais pas suffisamment pour me permettre de le taquiner à un tel degré. « Si on te demande si c'est vrai que Milan joue avec les rats dans la chapelle, t'as rien vu, je compte sur toi » Je ne pouvais retenir un petit gloussement, alors c’était avec ça qu’il jouait depuis tout à l’heure ? « Rassures-toi je n’en dirais rien… Enfin… Si on ne me le demande pas ! »

Zhara, genre le magasin ? Non mais il savait qui c'était Zhara, quand même, faut pas déconner. Au moins, il se consolait en se disant que ses parents, ou plutôt ceux d'Evey ou plutôt il en savait rien, en fait, avaient été encore moins inspirés que les siens. Ouais, bref, c'était la religieuse de la maison. Elle avait quand même vachement bien calculé son coup, à tomber pile poil sur la saison où ils se retrouvaient avec l'antre du seigneur comme paysage et un bon paquet de vieux désossés comme voisins de pallier. Pistonnée ou quoi ? Bref, histoire de répondre à sa plaisanterie, Milan leva la main à hauteur de son cou et passa un doigt en travers de sa gorge, avec cet air à moitié en train de crever. Finalement, le gosse Baptiste lâcha un petit rire qui fit plus sourire l'irlandais que la remarque qu'il fit juste après. « T'es nul comme pote, toi. » Secouant vaguement la tête, il soupira faussement. Aucun sens de l'amitié ces jeunes. Le truc cool, c'était qu'ils étaient pas spécialement potes. Encore moins amis. Allez, c'était bon d'être familier. C'était ça ou l'appeler monsieur, le vouvoyer et lui demander "alors, comment vont les gosses ?". S'appuyant en arrière sur ses mains, il eut l'air diabolique, un instant, pour de faux. « Bon, comme tu veux, mais j'ai mes dossiers aussi. » Suspense. « Tu glousses comme une gonzesse. » Haha, dans les dents. Sourire carnassier.

Il est vrai que les parents de Zhara… Ou d’Evey, ouai parce qu’avec cet échange à la naissance j’avais beaucoup de mal à comprendre qui étaient les parents de qui m’enfin bref, ces derniers avaient vraiment envie de défavoriser leur petite fille dès le début de sa vie en lui adressant un tel prénom, la pauvre toute sa vie on lui demanderait où se trouvait le rayon jean dans le coin… Franchement VDM moi je dis. M’enfin bref, j’appréciais Zhara et puis, elle n’était pas la seule à ne pas avoir eu de chance dans cette aventure, entre Enya que j’aurais pu appeler Kenya de nombreuses fois et les autres Ruben comme Rubarbe –ouai ça ressemble pas et alors ?– ou encore Syssoï et bah on était gâtés… Bref, ce qui me faisait également rire venant de Milan s’était son côté grand. Ouai parce qu’aux dernières nouvelles il avait exactement le même âge que moi et pourtant, beh il se prenait pour un vieux. « T'es nul comme pote, toi. » Je souris en quelque sorte désolé d’être un pitoyable allié mais la nature m’avait créée pour que je ne puisse pas mentir, j’en étais tout simplement incapable. La faute à ma franchise aiguisée. « Je sais… Si j’étais un bon pote je serais parfait mais puisque personne ne l’est… » Une moue faussement boudeuse se dessine sur mon visage. Le jeune homme fini par s’appuyer sur ses mains avec un regard diabolique, doux jésus qu’allait-il me sortir ? « Bon, comme tu veux, mais j'ai mes dossiers aussi. » Ce qu’il dit m’attire pendant quelques secondes, je me demande bien ce qu’il peut savoir de moi mise à part pour mon aventure avec Lhoas parce qu’on n’a pas vraiment passé du temps ensemble ces dernières semaines. « Tu glousses comme une gonzesse. » Je souris avec un air choqué, il voulait jouer à ça le petit Milan ? « Et toi tu dragues un rat… »

Il était sympa, le Baptiste. Ouais, si, c'est vrai. Pas que Milan l'avait imaginé pas sympa, non, en fait, il ne l'avait même pas imaginé du tout. Enfin, il ne s'amusait pas à deviner la personnalité des gens, pas vraiment, il se contentait de leurs noms, parfois, ou leur taf, quand il était dans le bus ou quoi. Mais bon... Non, rien, en fait. C'était juste qu'il avait assez à faire avec lui-même et les gens qu'il connaissait, alors pas la peine ni l'envie ni rien du tout de s'occuper de ceux qu'il connaissait pas. Mec égocentrique et fermé bonjour. Mais en définitive, c'était toujours marrant quand on apprenait à connaître les gens qu'on connaissait pas. Genre Baptiste et son rire de nana. Genre.. Genre il draguait un rat, non mais quel... « Faux monsieur ! Je fais communion avec la nature ! » et lui lança un regard mauvais. Pfff, d'où il parlait ce gars qui avait sans doute jamais pris la peine d'adresser un regard au clébard familial quand il était gosse. Finalement, un sourire illumina son visage et il secoua la tête. « D'accord, tu m'as eu. Première et dernière fois ! » qu'il ajouta d'un air tragique. Il y avait certes toute une panoplie de répliques qui s'offrait à lui, du bon vieux « c'est qu'il faut que je m'entraîne avant de pouvoir te déclarer mes sentiments et c'est le seul que j'ai trouvé qui était assez convaincant dans le rôle » au « cours me buzzer, j'arrive plus à garder cette partie de moi secrète, c'est trop dur » mais finalement nan.

Le fait de le percer à jour concernant ses relations quelques peu surprenantes avec des rats n’était pas réellement la faute à mon cerveau surdéveloppé, non il m’avait avoué qu’il faisait quelque chose avec les rats quelques secondes avant et je n’avais pas eu besoin de davantage d’informations pour faire le rapprochement entre chaque petit détail et me rendre compte que j’avais fait fuir ce fameux rat. Bien sûr en matière de taquinage je restais le meilleur ou presque dans ce château, je ne ratais pas une seule occasion de dire quelque chose pour appuyer gentiment là ou quelque chose était défectueux ou hors du commun. Bref, pendant un instant il m’avait taquiné sur mon rire qu’il jugeait féminin je ne m’étais donc pas gêné pour lui rappeler qu’en matière de drague les rats n’étaient pas les meilleures proies. « Faux monsieur ! Je fais communion avec la nature ! » Je pouffe de rire, comme dirais Gad Elmaleh, tu fais pisser… Il me faisait mourir de rire, Milan s’avérait être un mec plus sympathique que je l’aurais cru à première vue. « Et tu comptes atteindre le summum de la communion en urinant sur un arbre et en faisant caca dans l’herbe ? Tu vas manger des asticots ? » Je garde un air sérieux et repart dans un fou rire que je ne parviens pas à dompter. « D'accord, tu m'as eu. Première et dernière fois ! » Je m’arrête de rire mais mon sourire illumine toujours mon visage. « J’espère bien… J’ai déjà connu des zoophiles par le passé mais jamais dans ton genre. » Je plaisante bien sûr.

Au moins, s'il ne parvenait pas à lui faire oublier cette histoire idiote avec Monsieur Raton, et n'y arriverait d'ailleurs sûrement jamais, Milan arrivait à faire marrer Baptiste. C'était déjà ça, remarque. Il aurait pu tomber sur un vrai saoulant imperturbable et tout. Un peu comme lui, en fait. Enfin, presque. « Arrête de regarder Koh Lanta. » C'était ça, nan ? L'émission débile qui passait chaque année en France ? Il l'avait déjà vue, une fois, quand il était en vacances dans le sud avec ses parents, il y avait quelques années déjà. Parait que c'était super célèbre comme programme. Un peu comme Fake Lover en Grande-Bretagne, sans doute. Alors que Baptiste sourit de toutes ses dents, Milan hausse un peu les sourcils avant de secouer la tête genre "t'es trop con". « Écoute, comme je suis tout à fait ouvert d'esprit, que j'ai du tact et que je ne juge rien ni personne, je ne te ferai pas remarquer que tu as des fréquentations bizarres. » Le truc bien avec ce gars, c'est qu'il semblait être le genre à toujours savoir détecter l'humour - foireux ou non - et à ne jamais le prendre mal. Milan ne supportait pas les gens qui se vexaient pour un rien, surtout pour une plaisanterie, un peu cynique ou non. Ouais, les qui se prenaient trop au sérieux, il détestait ça.