La bouteille de ketchup, heureusement en plastique, m’échappa des mains et je la vis tomber au ralentit. Comme dans les films, quand une séquence est super importante ou dramatique et qu’il est nécessaire de la voir très lentement pour bien comprendre. Une balle qui est tirée en direction d’un innocent. Un sprinteur qui va bientôt atteindre la ligne d’arrivée. La bouteille qui tombe vers moi et qui se déverse sur mon tee-shirt marin. « Putain » Lâchais-je après avoir baissé la tête en voyant les dégâts. Quelle connerie quand même, tout ça parce qu’un petit rigolo venait de frotter ses mains contre mes hanches, beaucoup trop sensible. Je soupirais, piquant quelques frites dans mon assiette, avant de me diriger vers le cellier. J’allumais la petite ampoule, seule source de lumière pour l’endroit, avant de me diriger vers les machines. J’enlevais mon tee-shirt, nullement gênée par les caméras qui s'était déjà rincé l'oeil dans les douche, sûrement, pour le mettre dans l’une d’entre elle. Au moins j’allais être tranquille avec ça et je pourrais remettre mon tee-shirt demain. J'en profitais pour chercher sur les étagères une nouvelle bouteille de sauce.

Il est midi passé et j'ai faim. C'est pas une habitude pourtant, j'mange souvent tard, beaucoup plus tard. Sauf que ce matin j'ai sué sang et eau à la salle de sport et que par conséquent, j'pourrais littéralement avaler un boeuf entier. J'ai la dalle donc c'est un peu une évidence que j'sois dans la cuisine. Y'a du monde, y'a même plusieurs plats fumant sur la gazinière sauf que j'ai beau m'approcher, rien ne m'intéresse un temps soit peu. J'sais même pas de quoi j'ai envie à vrai dire. J'avance vers le réfrigérateur et ne manque pas de glisser sur tache de ... ketchup je suppose. Puisque c'est rouge visqueux et que ça sent la tomate. Je grogne, et renonce au contenu du réfrigérateur, le rouge n'irait certainement pas avec mon tee-shirt vert, clairement pas. J'pousse la porte du cellier, déjà certain de repartir avec du chocolat lorsque mon regard se pose sur Oona qui est entrain d'enlever son tee-shirt. Je fais un arrêt sur image si bien que je n'entre pas toute suite. « Tu peux poursuivre, fais comme si j'étais pas là... » Je souris et me poste à ses côtés, observant une étagère et plus particulièrement son contenu, concentré comme jamais.

Quelle connerie franchement. Pourquoi ne pas avoir inventé des bouchons automatiques qui se referment quand on fait tomber la bouteille. Franchement hein, ça ne doit pas être bien compliqué à faire. Je maugréais dans mon coin ou plutôt dans le cellier, prenant mes aises pour laver mon tee-shirt illico presto. Me montrer en soutien-gorge ne me faisait franchement pas peur ; ça revient à être en maillot de bain finalement. « Tu peux poursuivre, fais comme si j'étais pas là... » Je n’avais pas entendu Connor entrer derrière moi. Je me retournais vers lui, lâchant un léger rire. « Je ne comptais pas m’arrêter parce que t’es là... » Je ne savais pas vraiment à quoi il s’attendait en me disant ça. Peut-être qu’il aurait cru que je me cacherais ou que je réenfilerais mon vêtement tâché juste parce qu’il est là ? J’avais appuyé sur le bouton pour lancer la machine et maintenant je cherchais après une nouvelle bouteille de ketchup. Je faisais de petite moue déformant légèrement mes lèvres, pour accompagnée ma recherche. Si la sauce se trouve aussi sur la dernière étagère, j’allais péter un câble. Il ne prenait pas en compte les plus petits de cette maison non ? Je tournais un peu ma tête vers Connor, qui recherchait lui aussi quelque chose. « Ton ventre à besoin de quoi ? » J’avais un sourire en coin, amusé.

Bon j'crois que Oona n'a pas compris mon allusion est c'est pas plus mal, je me mets à sourire. Bêtement. Et puis je me dis que quitte à passer pour un pervers autant y aller à fond. « Non en réalité, je sous-entendais que tu pouvais continuer à te déshabiller mais c'est pas grave. » Je souris une nouvelle fois. Peut être qu'elle avait compris et que... Non j'crois pas, vu le regard qu'elle me lance c'est pas possible. J'ai pas besoin de ça pour passer pour un abruti. Et puis j'pose mon regard sur les étagères. J'fais la moue parce que j'ai un peu la flemme de me cuisiner quoi que ce soit. J'ai faim mais ma fainéantise l'emporte. J'ai pas envie de manger n'importe quoi non plus. Manger bien, mais manger simplement. Suis-je réellement entrain de me prendre la tête pour de la bouffe ? N'importe quoi. D'ailleurs, la voix de Oona me sort de mes songes. « J'ai besoin de féculent, d'un truc qui tient au corps. Mais j'ai la flemme de me mettre dernière les fourneaux alors. » Je fais la moue, faut dire que j'suis clairement pas doué comme cuisinier. « Et toi ? Tu veux quoi ? » On devait avoir l'air fin tous les deux devant nos étagères, en pleine contemplation. Si bien que je me mis à rire, subitement. D'accord, si elle me prend pas pour un dingue maintenant, j'comprends plus rien.

« Non en réalité, je sous-entendais que tu pouvais continuer à te déshabiller mais c'est pas grave. » Hum. Je marquais un temps de pose, avant de me rendre compte que je n’avais absolument pas compris ce qu’il voulait me dire. Soit le Ketchup était trop fort et m’avait embué le cerveau, soit Connor allait vraiment croire que les blondes sont… bah complètement conne et pas capable de comprendre une simple phrase. Je pourrais bien lui répondre que s’il voulait me voir nue, il pouvait aller en même temps que moi dans les douches, mais… oh non, comment je pouvais bien penser ça moi. Je croyais avoir réussi à préserver mes chastes pensées, mais je remarquais avec affliction que les autres me les avait pervertis sans vergogne. Le rouge me monta aux joues, sans qu’il puisse savoir pourquoi. Je frottais discrètement mes joues, pensant toujours que cela ferait quelque chose. Rapidement, je me mettais sur la pointe des pieds pour regarder au-delà du bord des étagères. « J'ai besoin de féculent, d'un truc qui tient au corps. Mais j'ai la flemme de me mettre dernière les fourneaux alors. » Je réprimais un rire, le comprenant que trop bien. Je n’avais pas eu moi-même l’envie de cuisiner. En général je ne cuisine même pas, je ne sais pas le faire… mis à part pour faire des scones et encore, je les préférais tout préparés. « Et toi ? Tu veux quoi ? » Je tournais subtilement mes orteils pour lui faire face, atteignant presque sa taille ainsi. « Quelqu’un a préparé des frites donc je lui en ai piqué, et comme la bouteille de Ketchup a préféré se suicider que de se laisser manger, je viens en chercher une nouvelle !». Connor se mit à rire sans raison. Je reposais mes talons au sol, me tournant de nouveau vers les étagères. Je ne savais pas vraiment la raison de son rire, mais il était vachement contagieux. Un rictus déforma mes lèvres, puis un rire s’en échappa aussi.

J'observe Oona du coin de l'oeil, elle semble enfin avoir compris mon allusion. Ça me fait sourire, au moins c'est pas une grosse perverse c'est déjà ça. Artie a tiré le gros lot. L'idée qu'elle soit stupide à cause de sa couleur de cheveux ne m'avait même pas traversé l'esprit. Je n'étais pas un fervent admirateur de ce genre de préjugé. J'connaissais des brunes vraiment très connes et des blondes très cultivés. C'était simplement stupide. Tiens, elle rougit. C'est bizarre. Je souris encore une fois. Oui parce que je l'observe toujours du coin de l'oeil, oui oui. Bon, y'a vraiment rien à manger ici. D'accord, j'exagère parce que cette étagère est superbement fourni, sauf que rien ne me tente. C'est affolant. Je soupire. Peut être que j'pourrais me faire un petit-dej ? Ah oui tiens, des pancakes, des saucisses, des haricots, des oeufs, j'en ai déjà l'eau à la bouche. C'est un peu le seul repas que j'cuisine pas trop mal. Même si c'est pas super compliqué en soit. Elle m'explique qu'elle veut du ketchup parce que quelqu'un a fait des frites. Je grimace, j'aime pas les frites. Trop gras. C'était donc ça cette odeur désagréable. « Oh donc c'est à cause de toi que j'ai faillit m'étaler. Enfin à cause du suicide de ta bouteille. » Y'avait du ketchup partout. Je fais la moue. Et j'essaye de chercher la bouteille, autant me rendre utile. Et puis j'ris, un de ces fous rire qu'on arrive pas à arrêter, et encore moins à contrôler. C'est dingue. Mais c'est visiblement contagieux parce que la jeune femme se met à rire. Des larmes perlent même sur mes joues. J'ai mal au ventre, tellement je ris. J'arrive pas à m'arrêter. Ca fait une éternité que je n'ai pas rit comme cela. Et le pire c'est que j'sais même pas pourquoi.

Pourquoi nous n’avions pas un cuisinier à disposition ? Je n’avais pas forcément envie de manger des frites aujourd’hui, mais puisque quelqu’un c’était cassé le cul à en faire, autant les piquer pour les manger hein. Mon habitude de mal bouffe – oui oui, malgré le fait que je sois danseuse classique – m’obligeait à rajouter une tonne de sauce avec ces frites déjà horriblement grasse. Mais j’ai une excuse, le ketchup n’est pas aussi calorique que l’on pourrait le croire. « Oh donc c'est à cause de toi que j'ai faillit m'étaler. Enfin à cause du suicide de ta bouteille. » Je lui adressais un sourire désolé avec une petite grimace, associé à un haussement d’épaules. « C’est pas de ma faute s’il était suicidaire… je devrais peut-être tout ramasser… à ton avis ?» Une petite moue suivit ma parole, montrant à quel point j’avais vraiment beaucoup de motivation aujourd’hui, balançant un peu ma tête vers lui. Un sourire étendit mes lèvres, puis mes rires emplirent la minuscule pièce, rejoignant ceux de Connor. Je n’avais aucune idée du pourquoi du comment, mais je riais tout de même. Le ridicule de la situation, de moi peut-être et si c’était le cas, je n’avais franchement pas l’air concombre de me foutre de ma gueule. J’essayais de m’arrêter, mais à chaque fois que je croisais le regard du jeune homme, ça ne faisait qu’empirer. Je m’éloignais un peu, pour me calmer, essuyant l’un de mes joues puis la deuxième des larmes de rire. « Au fait, on rit pour quoi ? » J’avais réussis à lâcher cette phrase entre deux bouffement, me doutant bien qu’il n’avait pas la réponse lui-même.

Cet échange avec Oona semblait presque surréaliste tellement il était absurde. Nous étions tout de même entrain de parler du suicide d'une bouteille de ketchup et surtout à rire comme des tordus pour rien du tout. Mais avant cela, nous avions une nouvelle fois évoqué le coupable d'une chute probable me concernant et d'une énorme tache grasse sur le tee-shirt de la jeune femme. Evidemment qu'elle n'était pas responsable du suicide d'un condiment, c'est certain, personne ne pouvait être capable de prédire ce genre de choses. « Non t'embête pas pour ça, peut être que quelqu'un l'a déjà fait de toute façon. » J'crois me souvenir d'un candidat et d'une serpillière alors bon, et puis sinon ça pouvait attendre, j'avais pas envie qu'elle m'abandonne pour l'instant, surtout au profit d'une tâche. Et puis, le fou rire arriva. Il n'y avait pas de raisons particulières non, j'ignore pourquoi je riais aux éclats. J'aurais très bien pleurer qui sait. Vu dans l'état lamentable dans lequel je me trouvais depuis la veille, rien ne m'aurait étonné. Une chance par ailleurs que je ne me sois pas mis à sangloter. Je me voyais mal annoncer à Oona la raison de ma tristesse. Elle avait fini par me poser la question. J'avais haussé les épaules, alors que j'avais réussi à me calmer. Et, j'attrape un paquet de céréale que je n'hésite pas à entamer, et puis je m'installe à même le sol me laissant glisser contre un mur alors que je peine à reprendre ma respiration. « J'sais pas trop, pour relâcher la pression surement. On n'a pas besoin de raison si ? » Je souris plus timidement, pas très efficace comme tactique finalement.

Du Ketchup suicidaire, franchement. Heureusement que la plupart des habitants du château étaient complètement jetés, sinon on m’aurait vraiment pris pour une cinglée. « Non t'embête pas pour ça, peut être que quelqu'un l'a déjà fait de toute façon. » Je le regardais, penchant un peu la tête avec un léger rictus, surement qu’un petit obsédé du ménage c’était déjà empressé de tout ramasser, c’est vrai… Mon Dieu, que ça faisait du bien de rire comme ça. Je ne me souvenais pas d’avoir rit autant d’ailleurs, aussi longtemps que ma mémoire me permettait de me souvenir. Je lui posais la question du pourquoi ce fou rire, mais franchement je m’en fichais royalement de la réponse en fait. C’est juste cette mauvaise habitude que j’ai, de poser tout le temps et sans cesse des questions. Les mains sur mes hanches nues, je reprenais ma respiration tout en souriant, le regardant s’installer contre un mur. « J'sais pas trop, pour relâcher la pression surement. On n'a pas besoin de raison si ? » J’hochais les têtes de droites à gauche, pour lui signifier que non, on a jamais vraiment besoin de raison pour rire et je n’en ai jamais vraiment profité jusque là. Je m’approchais de Connor, prenant au passage une bouteille de je-ne-sais-quoi pétillant, puis je m’asseyais à côté de lui le poussant un peu avec mon épaule. « C’est vrai que ça fait vachement du bien… » J’essuyais mes joues encore humides. Les autres dans la cuisine avait sûrement du nous entendre rire comme des malades. Cette idée me fit lâcher un nouveau rire, tandis que je piquais des céréales dans le paquet du jeune homme.