Je ne suis pas du genre à m’attacher aux gens. Ma difficulté à me faire des amis doit en être la principale cause, mais ce n’est pas tout. Je sais qu’en changeant très souvent de lieu de vie, je ne peux pas me permettre de m’attacher à quelqu’un. Pas même aux autres danseurs de la troupe à laquelle j’appartiens. Je ne conçois pas d’être amie avec mes collègues – parce qu’il s’agit bien de mon travail – et que la plus part n’en valait pas la peine. En entrant dans le jeu, j’avais voulu gardé cette mentalité : passer dans le jeu, aller le plus loin possible, c’est-à-dire jusqu’à la victoire, sans me lier d’un quelconque manière à l’un des autres candidats. Mon cul ouai. Dire que j’essayais de toujours tenir mes promesses et je n’étais absolument pas capable d’en tenir une, que je m’étais faite à moi-même. Artie avait envahit mon espace. Il avait réussi à plier les barrières de cette fausse timidité dont j’étais atteinte, qui signifiait bien plus que cela. En quelques semaines, il avait réussi, là où d’autres ont échoués durant des années. Il avait fait naître en moi ce sentiment amoureux que j’avais toujours cru incompatible avec ma personne. Dire qu’Artie me manquait était alors un euphémisme. Jamais je n’avais été aussi triste de toute ma vie. Même en quittant mes parents, je n’avais pas été plus triste qu’un gosse qui s’en va en camp de vacances pour un mois ; pourtant j’étais partie de chez eux pour toujours. Lundi j’avais été en colère. Mardi, comme aujourd’hui, j’allais et venais dans le château comme une âme en peine. Ce n’était presque pas exagéré, je vous assure. Peinant à fermer l’œil depuis les quelques heures où j’étais couchée, je finissais par me lever. Milan ne m’avait rien fait, je n’allais pas le réveiller sous prétexte que je ne savais pas dormir. Descendant l’escalier sur la pointe de mes pieds nus, j’espérais ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller les autres. J’avançais dans le noir, mon oreiller entre mes bras, mes cheveux cachant la majeure partie de mon visage, si bien que je ne pu voir la masse devant moi contre laquelle je venais de tamponner. Assurément un corps d’homme, mais je n’étais pas capable de reconnaître son visage. Je relevais tout de même mes yeux, bouffis des quelques larmes que j’avais versé, vers lui. Je lâchais un léger « Aîe », puis je soufflais dans un chuchotement, un « pardon ».

Impossible de dormir cette nuit. Réellement impossible. D'habitude, c'était deux heures par nuit, depuis dimanche, ce n'était pas suffisant mais c'était toujours ça de pris. Mais cette nuit, Lhoas était trop pensif, trop en colère encore contre les téléspectateurs pour s'endormir. Baptiste lui manquait indéniablement. Mais il s'y faisait.. Petit à petit.. Même s'il avait encore du mal. Franckie, lui, dormait à point fermé. Quelle chance il avait le petit chaton, il ronflait même un chouilla, Lhoas trouva cela chou, bah oui c'était pas un gros ronflement bien gras, c'était une petite respiration douce. Lhoas, lui, avait envie de bouger, même bien d'aller faire un tour dehors. Il ne voulait pas réveiller Franckie, mais il fallait qu'il se bouge, qu'il fasse quelque chose, rester là à attendre le sommeil c'était impensable. Il se leva alors tout doucement, posant ses pieds nus doucement à terre et descendit les escaliers, délicatement, faisant attention à retenir son poids pour ne pas faire de bruit. Une fois arrivé au salon, les sofas lui firent de l'oeil. Au diable l'extérieur et son vent glacial, les sofas seraient bien mieux. Il s'y endormirait peut-être après tout. Voulant s'asseoir dans celui-ci, se dirigeant vers l'endroit de son désir, il heurta quelqu'un, une frêle silhouette, sûrement une fille du nid. Il entendit un « aïe » plaintif puis un « pardon ». Le petit aïe le fit sourire, bizarrement. Cela devait être Oona au son de la voix. Ne voyant pas le visage de la jeunette, Lhoas lui remit sa mèche en arrière, dégageant le visage de la belle. « Pas grave, je suis résistant. » Lhoas ne lui en voulait pas, assurément. Il se laissa alors tomber dans le sofa. « Du mal à dormir hein ? » dit Lhoas, sachant qu'elle était sans doute dans le même cas que lui.

Voir les autres dormir tranquillement me saoulait. J’avais moi aussi envie de dormir aussi bien qu’eux, mais ça m’étais impossible. Quelque chose me manquait vraiment, pour pouvoir m’endormir sereinement. C’était ridicule dans un sens, parce qu’Artie ne dormait même pas dans la même chambre que moi, et c’était plutôt à Moore de se sentir bizarre sans son partenaire, mais son absence et celle de Baptiste laissait un immense vide. Ce n’est qu’une question de temps, je le sais, mais pour l’instant je n’arrivais pas à me mettre dans le crâne que ce n’était qu’une élimination après tout. Il n’y avait pas eut mort d’homme. Je fuyais tous ces gros bébés en plein sommeil pour m’étendre sur l’un des canapés. Peut-être que là-bas je trouverais le sommeil que je n’avais pas en haut. Sauf que quelqu’un semblait avoir eut la même idée que moi, puisque je m’écrasais sur le torse de quelqu’un. Relevant ma tête vers le propriétaire de ce corps beaucoup plus grand que le mien, je sentis une main passer sur mon visage pour en déloger mes cheveux. « Pas grave, je suis résistant. » Malgré la noirceur du salon, je reconnu Lhoas. Je baissais la tête, la secouant légèrement. C’est clair qu’il l’était… par rapport à min petit gabarie. Finalement ça ne m’étonnait pas de le trouver par ici. Comme moi, un être cher à son cœur venait de quitter le nid. Baptiste m’avait tout raconté, de A à Z, de leur relation. J’avais été un peu plus mystérieuse quant à celle qui me liait à Artie. « Du mal à dormir hein ? » Comme je le voyais s’asseoir sur le sofa, je me laissais aussi choir dans le fauteuil, me collant un peu à lui. Je laissais échapper un soupir d’entre mes lèvres, avant de lui répondre : « C’est trop demander, une heure de sommeil ? » Je ne répondais pas vraiment à sa question, mais il avait bien compris que je n’avais toujours pas le moral. Je tournais légèrement ma tête vers lui, une petite moue sur le visage. « À toi aussi, il te manque toujours autant ? »

La jeune blondinette, frêle de corps, se laissa tomber à côté de Lhoas dans le canapé après s'être fait pardonnée de l'avoir bousculé dans la pénombre du salon. Se collant quelque peu contre Lhoas, elle soupira. « C’est trop demander, une heure de sommeil ? » Elle s'adressait sans doute au Bon Dieu ou à on ne savait quoi, visiblement elle était remontée. Elle regarda alors Lhoas, d'un petit rictus triste. « À toi aussi, il te manque toujours autant ? » Quelle question. Lhoas la regarda, baissant quelque peu les yeux pour la regarder elle qui s'était collée à lui. « Et pas qu'un peu » lâcha-t-il en soupirant à son tour. « Mais je commence à m'y faire tout doucement, et à me faire une raison. Il voudrait sans doute que je le relève la tête, que je ne me laisse pas abattre comme ça alors j'essaie de me redonner un peu de punch comme je peux. » C'était sa nouvelle philosophie depuis quelques jours, relever la tête, le torse haut et fort. Emmerder les autres et profiter à fond de l'aventure. Mais il avait encore du mal à s'y accoutumer. Passant un bras autour des épaules d'Oona pour mieux la soutenir en gage d'affection, il chercha une caméra du regard et cria « Artie, Baptiste, on vous aime » mais pas non plus trop fort pour réveiller tout le nid, quand même. Il avait parlé pour Oona en même temps, même s'il n'avait aucun lien avec Artie, c'était un chouette gars.

« Et pas qu'un peu » Je n’étais donc pas la seule alors. Je parlais de Baptiste, mais par extension, je voulais lui signifier qu’Artie me manquait terriblement. « Mais je commence à m'y faire tout doucement, et à me faire une raison. Il voudrait sans doute que je le relève la tête, que je ne me laisse pas abattre comme ça alors j'essaie de me redonner un peu de punch comme je peux. » Je continuais de regarder Lhoas, collée à lui. J’esquissais un léger sourire. C’était cette philosophie que j’allais m’empresser de suivre et dès demain. Ruben m’avait ouvert les yeux : Artie ne voudrait sûrement pas me voir morose pendant des jours. J’allais profiter du mieux que je pouvais de notre aventure, sans plus regard derrière moi. Certes, ça prendra le temps qu’il faudra, mais je vais le faire… « Il faut qu’on en profite pour eux… » Rajoutais-je à ce qu’il venait de dire. C’est vrai, ils étaient partis… maintenant nous étions investi de cette mission : en profiter et aller le plus loin possible pour eux. Je me serrais un peu plus contre lui, lorsqu’il passa son bras autour de moi. Je le regardais, attendant ce qu’il allait faire, lorsqu’il cria : « Artie, Baptiste, on vous aime ». Ma petite mine s’illumina un peu et je tournais ma tête dans la même direction qui lui. J’hochais ma tête de haut en bas. Je ne pouvais pas m’empêcher d’ajouter : « Ouai, et on va aller en final pour vous ! » Un regain d’optimisme peut-être, mais j’espérais vraiment aller jusqu’en final pour lui… et je supposais que Lhoas en ferait pour Baptiste.

« Il faut qu’on en profite pour eux… » Lhoas se mit à sourire, légèrement. « Tout à fait, c'est ce qu'ils voudraient je pense » ajouta Lhoas, plutôt content de la tournure de la conversation, les deux candidats en "deuil" retrouvaient peu à peu une lueur d'espoir dans le coeur. « Ouais, et on va aller en finale pour vous ! » s'écria Oona, suivant le mouvement. Le sourire de Lhoas s'élargit. La finale avec Baptiste comme honneur? Ce serait le pied. Malheureusement il faudrait redoubler d'efforts, ce qu'il comptait bien faire. Frictionnant le bras d'Oona sur lequel se trouvait sa main pour leur donner du courage à tous les deux, Lhoas affichait désormais un grand sourire. « Sinon, j'ai ouï dire que tu étais danseuse ? » demanda Lhoas. Il était musicien : un duo pourrait à l'avenir bien s'y prêter. Pourquoi pas en hommage à leurs tourtereaux respectifs d'ailleurs ?

« Tout à fait, c'est ce qu'ils voudraient je pense » J’acquiesçais tout simplement d’un mouvement de tête, à ça et au sourire qui étirait le visage de Lhoas, quand je parlais d’aller à la final pour les deux grands absents. Petit à petit, j’admettais l’idée qu’Artie était une bonne motivation pour aller jusqu’en finale et la gagner évidemment. Comme Lhoas, je ne faisais pas partie de ceux que l’on voyait gagner… raison de plus pour se battre. Mes yeux se reportèrent sur Lhoas ; je commençais à sourire moi aussi, pas autant que lui, mais plus que depuis deux jours. « Sinon, j'ai ouï dire que tu étais danseuse ? » Mon sourire s’élargissait au maximum. Je hochais la tête de haut en bas : « Ouai… c’est mon métier. » Ca faisait un moment que je n’avais pas ‘parlé’ de danse. « Je suis danseuse classique dans une petite troupe irlandaise… mais qui voyage beaucoup en Europe… » Bizarrement, ou pas justement, je commençais à parler de danse avec une joie sans nom. « Je vais même t’avouer quelque chose que je n’ai jamais dis : j’ai fais aussi des claquettes irlandaises traditionnelles » J’avais envie de lâcher un rire, mais c’était vrai. J’avais bien fais des claquettes, mais c’était quand j’étais un petit peu plus jeune. « La danse t’intéresse ? » Lui demandais-je, un peu amusée.