Jacko le blond

Mercredi, jour tout à fait banal. Le jeudi était consacré à la mise en ordre du cellier, mais je ne faisais jamais rien de bien particulier le mercredi. Ah mais attendez, puisque j'avais du temps à tuer, pourquoi ne pas aller suer du côté de la salle de sport ? Mmm, à condition bien sur de veiller à ne pas trop en demander à mon coeur qui se voulait plus fragile qu'autre chose, encore aujourd'hui. Une opération n'élimine jamais tous les problèmes, surtout quand celle-ci est amenée à foirer. Ma tenue de sport enfilée -jogging difforme et marcel à rayures vert fluo, ou la classe par excellence- je pris la direction de la salle de sport, en sifflotant. Je n'étais pas forcément heureux ni joyeux à cet instant précis pourtant. Alors peut-être était-ce le fait de savoir que j'allais me ruiner la santé en faisant du sport qui me mettait en joie, allez savoir. Arrivé à destination, j'entrai d'un pas décidé dans la grande salle et... que pouvais-je voir au fond de celle-ci ? Jackson, sur un vélo pour ne pas changer. Le scénario se répétait visiblement. Nous avions déjà eu l'occasion de nous retrouver ici, la première semaine il me semble. Jackson avait saccagé mon t-shirt Mr Bubble en essuyant son visage tout collant d'albinos boutonneux sur celui-ci. Voilà comment était née notre si belle amitié, notre merveilleuse fraternité qui en avait rendu jaloux plus d'un, oh oui. Je m'avançai vers le grand blond, avec pour une fois une toute autre envie que de lui foutre une tarte. Non, bizarrement, je préférais les paroles aux actes, désormais. « Jacko, comme on se retrouve. Tu n'as pas assez de muscles comme ça, tu tiens à en confectionner de nouveaux ? » Bah écoutez, Jackson faisait du sport et ma foi il n'en avait plus franchement besoin là. Il était même doté de muscles que je ne soupçonnais pas chez un homme, ou que moi je n'avais pas, comprenez-le comme vous le voudrez. Il était évident que je paraissais bien chétif comparé au blond, mais j'assumais. Avoir des muscles, c'est bien, mais chez Jackson cela semblait plus s'apparenter à de la gonflette.

Jackson dans une salle de sport, c'était un peu comme Charles Ingalls devant une cheminée. Tellement prévisible. Mais vous pensez bien que Jackson assumait parfaitement de passer pour l'archétype du mec musclé qui passe son temps à prendre soin de son corps à coup d'heures de musculation intensive. Bien sûr qu'il assumait. Ainsi donc, aujourd'hui, le grand blond s'était justement rendu dans la salle de sport. Alors il entra dans la salle, bien décidé à passer au moins une bonne heure en ces lieux et grimpa rapidement sur un vélo. Ces engins étaient bien pratiques, quand même. Mais alors qu'il commença à pédaler, toujours ses écouteurs dans les oreilles, il vit la porte s'ouvrir, attirant naturellement son attention. Qui avait dans l'idée de le faire chier, cette fois ? Ruben. Ah bah oui, forcément. Puisqu'il le prenait apparemment pour son nouveau meilleur ami. Pas étonnant, donc. Lâchant un soupire plutôt discret - pour une fois - Jackson se rendit ensuite compte que son camarade s'approcha. Eh merde. Sans réfléchir, Jackson augmenta considérablement le volume de la musique qui résonnait dans ses écouteurs. Pour le coup, c'était plutôt amusant puisque Ruben venait justement de prendre la parole. Ça donnait quelque chose de ... curieux. Le visage de Ruben et la voix de Lil Wayne ... Curieux, oui. Un sourire amusé prit d'ailleurs place sur les lèvres du grand blond. Finalement, il retira pour de bon ses écouteurs, portant toute son attention sur le grand singe. « Euh ... oui, oui ... bien sûr » articula-t-il. Bien entendu, il n'avait pas la moindre idée de ce que venait de lui dire Ruben. Mais avec un peu de chance, il lui avait sorti un truc du genre « Hey, ça te dit de me pousser du haut des falaises ? » Et là, la réponse de Jackson prendrait tout son sens. Mais bon, fallait pas rêver, c'était quand même assez peu probable. Alors, dans un second soupire - mais cette fois ci plus amusé que le précédent - Jackson reprit la parole. « Tu disais ? » t-il alors. Pour le coup, ce serait déjà moins marrant.

Je me rendis soudainement compte que je parlais à quelqu'un qui ne se donnait même pas la peine de retirer ses écouteurs de ses oreilles. Ah vraiment, la politesse n'est plus ce qu'elle était... Jackson m'avait vu arriver, il m'avait vu marcher en sa direction et il savait que j'allais l'aborder. Alors il aurait pu prendre une seconde et faire l'effort de lever le bras pour retirer ses écouteurs, mais non. Non, au contraire, Jackson n'avait fait que monter le son d'un cran mais ça, je ne le compris qu'après, lorsqu'il prit un air de gamin fier de sa bêtise, disant "oui" à n'importe quoi. Il n'avait même pas entendu ce que je venais de lui demander, alors à quoi bon confirmer mes paroles... Enfin il retira ses écouteurs. Bien. Puis le grand blond me demanda de me répéter, ce que je détestais faire. « Je t'ai demandé... oh et puisse laisse, on s'en fout en fait. » Mais clairement, qu'est ce qu'on en avait à battre des muscles de Jackson franchement. Une question me vint soudain à l'esprit. Devais-je la lui poser, et prendre le risque de partir sur un sujet qu'il ne lui plairait peut-être pas d'aborder ? Remarquez, à en juger son attitude je-m'en-foutiste lors du prime, je pouvais bien me le permettre. « Dis-moi je prends un risque à rester là, avec toi ? Je veux dire, tu vas me porter la poisse ou comment ça va se passer ? » Peut-être bien que je mettais ma vie en danger en restant avec Jackson dans cette salle de sport. Le grand blond était maudit, souvenez-vous. Remarquez j'allais finir par me demander si je ne l'étais pas moi aussi, car les merdes s'accumulaient dernièrement... Bref poisseux ou non, j'étais prêt à prendre le risque de rester avec Jackson. Suicidaire, j'étais suicidaire, je vous dis.

Okay, Jackson aurait sans doute du prendre la peine de retirer ses écouteurs de ses oreilles à l'instant où il remarqua que Ruben s'adressait à lui. Il aurait du, oui. Mais s'agissant de Jackson, mais aussi de Ruben, ça n'était finalement pas si surprenant que ça. En plus, ça avait un coté plutôt amusant d'assister à une telle scène. En tout cas, Ruben n'avait pas l'air con à cet instant précis, hein. Ou peut être bien que si, en fait. Bon allez, ça avait assez duré et il était désormais temps pour Jackson de dire adieu à Lil Wayne et bonjour à un mec qui pouvait quelques fois faire office de somnifère. Il perdait au change, c'était certain. Mais avait-il véritablement le choix ? Pas sûr. Ainsi, le grand blond retira ses écouteurs et reporta son attention sur son camarade. Il fit alors mine d'avoir entendu ses paroles, alors que c'était bien évidemment faux. Bien sûr que non, il n'avait absolument rien entendu. Mais peut être que la réponse qu'il lui adressait parviendrait à faire illusion. Hm, c'était possible. Quoi que, non, puisque Ruben semblait avoir remarqué son petit manège. Merde. « Effectivement, je pense qu'on s'en fout » approuva-t-il alors. Comme on pouvait se foutre de la plupart des âneries qui sortaient de la bouche de Ruben, hm. Il n'y avait qu'à voir ce qu'il lui dit ensuite. Visiblement, le grand singe avait dans l'idée d'évoquer le secret de Jackson. Admettons. Mais franchement, si il avait voulu, il n'aurait pas pu lui sortir pire énormité, si bien qu'un soupire s'échappa une fois de plus des lèvres de l'anglais. « Bah écoute, si j'étais toi, je fuirai tant qu'il en est encore temps, hein » fit-il, dans un bref haussement d'épaules. Sérieusement, est-ce que Ruben s'imaginait que Jackson puisse véritablement porter la poisse à qui que ce soit ? Apparemment. Tordant, ce mec. « T'es pas de ma famille, que je sache. Donc t'as aucune raison d'être frappé - même indirectement - par cette "malédiction" » reprit-il, sur un ton tout à fait sérieux. Mais dans le doute, Ruben pouvait très bien s'exiler dans une contrée lointaine. Ça n'était certainement pas Jackson qui l'en empêcherait.

Jackson était un grand machin tout en muscles, blond et ne brillant pas franchement pour ses capacités intellectuelles. Ses muscles, parlons-en. Il était si baraqué que je le soupçonnais de faire deux fois mon poids. La comparaison n'était pas évidente entre nous deux, si l'on considérait même le fait que celle-ci soit envisageable d'ailleurs. Je n'avais même pas le quart de sa masse musculaire, mais en même temps contrairement au grand bonhomme je ne passais pas mon temps dans cette salle de sport. M'y rendre représentait à mes yeux un calvaire, je devais me faire violence pour passer ne serait-ce que dix minutes sur une machine. Avec le passé médical que je me coltinais, on pouvait sans doute me comprendre, non ? Remarquez Jackson s'était lui aussi dit malade, l'autre jour. Il se foutait donc royalement du fait de se bousiller la santé... tant pis pour lui, hein. En gros on se foutait pas mal des muscles du blond, et il était le premier à le reconnaitre. Ça n'était pas un sujet bien intéressant, c'était certain. J'avais par ailleurs questionné Jackson à propos de son secret, lui demandant si je risquais gros en restant ici avec lui, si il allait me porter la poisse quoi. Visiblement non, puisque je ne faisais pas partie de sa famille. Ah pardon, c'était donc un truc familial. Ouf alors. « Okay. Je reste ici alors, je sais combien il t'est difficile de te passer de moi. » Si je venais à quitter cette salle de sport, je savais ô combien je manquerais à Jackson et je ne pouvais lui faire de mal. Il ne méritait pas ça le pauvre enfant. « Sinon... ta malédiction là, elle te cause des soucis au quotidien ? Enfin, il t'arrive des merdes, des bricoles dans la vie de tous les jours du genre des trucs qui disparaitraient, des coups du sort... des crottes de pigeon sur le toit de ta voiture tous les mardis à dix-sept heures, quelque chose dans ce genre-là ? » Un poisseux digne de ce nom était un gars pas franchement aidé par le destin. Alors si Jackson était véritablement frappé par une malédiction, celle-ci ne touchait sans doute pas que sur le long terme. Il devait bien lui arriver des tuiles au quotidien, non ?

Quoi qu'ait voulu lui dire Ruben, ça n'était probablement pas très intéressant. Ou disons que Jackson pouvait amplement se passer de le savoir, si vous préférez. Pour le coup, le grand blond regrettait d'avoir laissé tomber ses écouteurs pour devoir supporter une énième conversation avec Ruben. Pour autant, il se rassurait en se disant que celle-ci serait un tant soit peu moins barbante que les précédentes. Et il y avait une raison toute simple à cela : Ruben semblait vouloir faire des efforts. Et par là, comprenez qu'il agissait avec Jackson d'une manière quelques peu différentes ces derniers temps. A croire que le fait de se retrouver tous les deux en finales - mais quelle blague, franchement - lui avait fait comprendre que Jackson était en réalité un type extraordinaire qui gagnait à être connu. Bah oui, forcément. Et donc, il se permettait de lui parler de son secret, se montrant par la même occasion bien naïf, ou bien con, au choix. « Oh oui, tellement difficile ... » fit Jackson, toujours la même ironie à la bouche. Bien sûr que Ruben lui manquerait si il venait à quitter cette salle de sport. Bien sûr. Finalement, et alors que Jackson osait espérer pouvoir remettre ses écouteurs dans les oreilles, Ruben reprit la parole. Jackson était sans doute censé faire quelques efforts de son coté également. Ainsi donc, il écouta le plus attentivement possible son camarade. « C'est clair que mon quotidien est rythmé par ce genre d'accidents ... » commença-t-il, plutôt las, mais se retenant de soupirer cette fois-ci. « ... Un jour, les plombs ont sauté et j'ai compris que la malédiction avait encore frappé. Bon, après, j'ai remarqué que c'était pareil chez mes voisins. Mais ça n'empêche que c'était troublant, hein, je t'assure ... » Bon, là, il ne put retenir un léger soupire. Est-ce qu'il avait vraiment besoin de dire à Ruben qu'il allait un peu loin, hm ? Probablement pas.

Difficile de parler à quelqu'un qui n'était pas en mesure d'écouter vos paroles. De toute manière même lorsque Jackson n'avait pas ses écouteurs dans ses oreilles, j'avais constamment la désagréable impression de parler à un mur. C'était comme si je parlais, mais que personne n'était pas là pour écouter et répondre. Plus rien ne m'étonnait venant de Jackson, de toute façon. Quand enfin il prit la peine de retirer de ses oreilles les fameux écouteurs qui l'empêchaient de prendre part à la conversation que j'essayais d'instaurer avec lui, je pus enfin avoir son attention. Le sachant maudit, j'aurais très bien pu m'en aller en courant des fois que le blond puisse me porter la poisse. Mais je ne l'avais pas fait, non, même si l'envie s'était tout de même faite fortement ressentir. Je préférais tout de même rester avec lui dans cette salle de sport, bien conscient que mon départ ne ferait que lui briser le coeur. « Que veux-tu, je suis indispensable à ton bien-être. » Sans moi Jackson n'était qu'une épave, voilà tout. Bon allez, j'allais peut-être arrêter de rêver et de dire des conneries, ça ne m'arrangeait franchement pas. Je m'étais demandé si Jackson avait droit à de petits incidents dus à la malédiction dont il se disait victime dans la vie de tous les jours. Là, il ne fallut pas être bien intelligent pour saisir toute l'ironie de la réponse du grand blond. Les plombs qui sautent, ses voisins... Mouais, il pouvait tout bonnement me donner une simple réponse négative, mais comme à son habitude Jackson avait cherché à en faire trop. « Et si t'arrêtais tout simplement de te foutre de ma gueule ? C'était si difficile de dire "non" ? » Il me semblait pourtant que ça n'était pas bien compliqué à prononcer comme mot. La petite manie qu'avait Jackson de toujours se payer ma tête commençait à me peser plus qu'autre chose. Mais ça, ne vous en faites pas, il l'avait parfaitement compris.

Tout compte fait, Jackson aurait probablement mieux fait de garder ses écouteurs dans les oreilles. Parce que là, il avait comme l'impression que sa discussion avec Ruben allait finalement profondément l'ennuyer. C'était un peu le cas lors de chacune de leur discussion, à vrai dire. Mais naïvement, et parce qu'il avait senti en son camarade la volonté d'arranger les choses - si tant est que ce soit possible - Jackson s'était dit que peut être tout ne serait pas aussi dérangeant cette fois ci. Mais, pour le moment, c'était plutôt mal parti. Car, en l'espace de seulement quelques paroles, Ruben était parvenu à lui faire regretter Lil Wayne. Mauvais plan. Parce qu'il ne lui faudrait qu'une fraction de secondes pour définitivement l'ignorer, remettre ses écouteurs dans ses oreilles et reprendre son sport qu'il avait momentanément interrompu. Pourtant, il se savait capable de faire plusieurs choses à la fois. Mais parler avec Ruben était bien assez difficile pour qu'il ne tente pas le diable en faisant quelque chose qui pourrait en plus le déconcentrer. « Indispensable, c'est bien le mot. Je crois que je n'aurais pas su dire mieux. » Que d'ironie, n'est-ce pas ? Très honnêtement, Jackson avait la vague impression qu'il n'en aura jamais autant utilisé que depuis qu'il connaissait Ruben et qu'il s'efforçait de converser avec lui. Ce mec était un appât à ironie, sans déconner. Et le pire, c'est qu'il semblait reprocher à Jackson de réagir chaque fois de cette manière. Était-ce de sa faute si c'était la seule chose qu'il était capable de faire en sa présence, hm ? Pas totalement. « Non » soupira ensuite Jackson. Il voulait un "non", alors il eut un "non". Tout simplement. « Je n'ai pas tellement envie de parler de mon secret, là tout de suite » reprit-il, sur un ton des plus sérieux. Oui, il était maudit. Mais non, il ne lui arrivait pas mille petits accidents au quotidien. C'était bien au dessus de cela. Et maintenant que Ruben l'avait bien compris, ils pouvaient passer à autre chose. « Dis moi, y'a de l'eau dans le gaz entre les Rumoore ? Genre, pendant le prime, c'était quoi ce plan que vous nous avez fait ? » questionna-t-il ensuite, l'air de rien. Non pas que ça l'intéressait, soyons clairs. Simplement, il n'avait pu s'empêcher de noter quelques petits détails dans leur attitude. Bon après, n'ayant pas tellement suivi leurs histoires, il était pour le moins largué. Mais peut être Ruben parviendrait-il à le renseigner. Quitte à parler, autant se mettre à la page, hein.

Mais on le savait tous, ça, que Jackson ne pouvait se passer de moi. Il fallait nous voir, aussi, toujours collés l'un à l'autre, inséparables comme des frères, toujours là en cas de soucis. Jackson était un peu le petit frère que je n'avais jamais eu. Et probablement que celui-ci me voyait comme celui sur lequel il pouvait compter, une épaule sur laquelle il pouvait pleurer, un... Bon, sérieusement, arrêtons deux secondes de suivre l'exemple de Jackson car l'ironie, c'était tout de même plus son fort à lui qu'à moi. Je n'en usais pas dans chacune de mes paroles, aussi. Je me contentais de parler normalement moi, avec le style qui était le mien, sans en rajouter des tonnes ni faire de chichis. Jackson était un mec vachement porté sur l'ironie. Vous pouviez être sur que chaque phrase prononcée par le blond signifiait exactement son contraire. Je m'en étais accommodé depuis le temps, même si j'aurais aimé qu'il cesse de tous nous prendre pour des blaireaux, au moins une fois. En tout cas pour ce qui était de sa légendaire ironie, ça n'était visiblement pas aujourd'hui qu'il allait s'en défaire. Bientôt en ouvrant le dico, on trouverait pour définition au terme "ironie" le nom "Jackson". Bref, Jackson était un garçon bien compliqué qui, en plus, ne semblait pas franchement chaud pour parler de son secret, là tout de suite. Il semblait plus sérieux, moins ironique d'un coup. Je pouvais donc le croire, et me contenter de cesser de le questionner à ce sujet. « Bien, nous allons arrêter d'en parler donc. » Oui on m'avait connu plus têtu, mais il y avait tout de même des sujets sur lequel je ne souhaitais pas me montrer insistant ni lourd. Je savais son secret particulièrement difficile, alors le minimum que je pouvais tout de même faire était encore de me plier à la volonté du blond. Celui-ci décida de dévier le sujet de notre discussion sur mon histoire avec Moore, les "Rumoore" comme il disait. Il fit alors une référence au prime de dimanche, durant lequel la brune et moi ne nous étions pas adressé le moindre mot. « J'dirais pas qu'il y a de l'eau dans le gaz, mais c'est compliqué en effet. Et pendant le prime... je n'ai pas osé aller lui parler. » J'aurais même rajouté le fait que la présence de Syssoi auprès de Moore commençait sérieusement à me déranger, mais ça, c'était entre moi et moi-même. « J'avais envie d'aller lui parler, tu vois, mais le coeur n'y était pas. J'étais si mal ce soir-là que j'aurais été capable de dire n'importe quoi pour le regretter ensuite. Dans ce cas-là mieux vaut encore se taire, non, qu'en penses-tu ? » Je demandais son avis à Jackson, réellement. Je voulais savoir si comme moi il serait resté dans son coin sans chercher à aborder Moore, ou si il aurait entreprit l'exact contraire. Jackson était un expert en le domaine, les histoires compliquées c'était aussi un petit peu son rayon. Qu'on se le dise, je n'aurais pas confié cela à n'importe qui. Comme quoi j'avais encore un minimum confiance en Jackson pour savoir que ce que je lui disais là resterait entre nous. Et de toute manière qui aurait eu besoin de savoir ça ? Je ne faisais que répondre à sa question.

Arrêter de parler de son secret, oui, c'était préférable. Car Jackson avait beau vivre tout cela d'une manière exemplaire - pour quelqu'un qui crèverait d'ici quelques années du moins - il n'avait pas nécessairement envie qu'on lui en parle matin midi et soir désormais. Okay, sa famille était maudite. Et après ? Que les choses soient claires, et bien qu'il parvienne plutôt aisément à en parler, Jackson n'avait nulle envie qu'on ne le voit plus que comme le type maudit. Et ces temps-ci, justement, on le voyait un peu trop comme ça. Donc, stop, et merci de prendre en note que Jackson n'avait guère besoin qu'on s'apitoie sur son sort, si tant est que ce soit de cela dont il s'agissait, ce qui n'était même pas certain. « Parfait » fit-il alors, d'un signe de la tête. Ruben acceptait d'arrêter d'évoquer son secret, et ça n'était pas plus mal. Car Jackson avait de son coté la décence - appelons ça comme ça - de ne pas revenir sur son anesthésie foireuse, hein. Bref. Qu'ils passent à autre chose, oui, c'était grandement mieux. Tenez, pourquoi ne pas évoquer la crise des Rumoore, qui faisait jaser ces temps-ci ? Voilà un sujet qui ne lasserait décidément jamais Jackson, alors qu'il était censé s'en foutre éperdument. Et bah figurez-vous que ça n'était pas, ou plus, le cas. Sans doute parce qu'il ne les dépréciait pas tant que ça ces deux là, et qu'il aspirait secrètement à les voir mariés dans l'année. Ouais, disons cela. « Tu préfères dire qu'il y a une couille dans le potage ? » fit Jackson, légèrement moqueur, suite aux paroles de Ruben. Oui bon, il se permettait de le taquiner gentiment. N'était-ce pas pour ça qu'il était tant aimé ce Jackson ? Non, oubliez. Ainsi donc, durant ce fameux prime, Ruben n'avait pas osé aller parler à Moore. Sans blague. Et dire que Jackson s'était imaginé qu'ils avaient bel et bien communiqué, mais uniquement par télépathie. Flûte alors. Soudain, Ruben demanda l'avis de Jackson. Hm, pardon ? Il lui demandait sérieusement son avis, là ? « Je pense que ... » fit-il alors. Oh il souhaitait éviter d'être trop franc, trop cru surtout. Mais finalement, il se souvint qu'il était surtout Jackson, et qu'on n'attendait certainement pas de lui qu'il soit un tant soit peu subtile. Ainsi donc ... « Je pense que vous faites vraiment chier avec vos histoires. Je ne sais pas d'où vient le problème, et à la rigueur ça ne m'intéresse pas tellement de le savoir ... Mais vous avez la chance de partager des sentiments, quelque chose de fort. Alors arrêtez de vous prendre la tête au sujet de conneries, ou je ne sais quoi ... Vivez ce que vous avez à vivre ensemble, et cessez de vous la jouer façon "Les feux de l'Amour" plus longtemps ... Bon et je peux comprendre que tu n'ais pas voulu t'afficher devant tout le monde l'autre soir, mais rester comme un con à espérer qu'un lustre te tombe dessus, c'était pas nécessairement la meilleure solution, d'après moi ... » Il avait voulu son avis, et bien il l'avait. Et inutile de le remercier hein, il faisait ça par la simple volonté d'aider. Bien sûr.