~ andreas
La vue était magnifique. Vraiment magique même. Le vent caressait toujours de plus en plus fort les joues de Sami, qui regardait, sur les remparts, au loin vers la forêt, perdu dans ses pensées. Il était venu ici, visiter les alentours les plus éloignés du nid, dans l'espoir de changer d'air, d'oublier un peu, prendre l'air tout simplement. Cela devenait vite oppressant une telle aventure, avec autant de candidats. C'était même effrayant. Le vent lui balayait le visage, il était perdu dans ses pensées. Il pensait à son passé, son avant-aventure, bien que cela ne faisait qu'une semaine à peine qu'il était entré dans cet engrenage de production télévisée. Il pensait à son ancienne femme, qui devait être avec sa fille à cette heure, après être rentrée du boulot. Sa fille, elle lui manquait terriblement. Il donnerait tout pour la serrer dans ses bras juste quelques minutes. Son ex-femme elle, par contre, ne lui manque pas pour le moins du monde, non. Elle représente aujourd'hui juste un obstacle immense dans sa relation avec sa fille. Une conne en somme. Une fois l'aventure terminée, Sami prendrait un appartement ou une maison, histoire que son ex-femme daigne enfin le laisser voir sa fille. Oui, madame estime qu'il ne peut pas vivre en coloc avec un ami, que ce n'est pas assez pour qu'il puisse voir sa fille. Comme si la petite allait mourir ou quoique ce soit, franchement. Pimbêche et pitoyable celle-là. Et dire qu'il avait vécu avec cet alien pendant huit ans. Sami était perdu dans ses pensées si bien qu'il ne sentit pas une présence derrière lui, sur les remparts.

Alors là, plus de doute possible, ce truc c'était vraiment un putain de gigantesque château de malade. Les remparts rendaient d'ailleurs celui-ci plus impressionnant encore, et pour impressionner un type comme moi il fallait y aller, hein. J'étais loin d'en avoir facilement plein la vue, en somme. J'étais monté jusqu'aux remparts afin d'avoir une vue magistrale à contempler, juste avant de n'avoir à passer une nouvelle soirée en compagnie des "crevards", comme je me plaisais à surnommer mes camarades d'aventure - perspective qui m'effrayait totalement. C'était très amical, ce p'tit nom, enfin si on veut. Mais il y avait ce mec avec qui je m'étais très légèrement pris la tête, samedi. Mais si, aaah, son nom me faisait même penser à de la charcuterie, heu... salami ? non. Ah voilà, Sami. Il était là, seul et face au vent, et semblait même ailleurs ou perdu dans ses pensées. Peut-être avait-il prévu de faire le grand saut ? Où était-il venu ici juste pour se changer un peu les idées ? Bah, je m'en foutais pas mal à vrai dire. Mais nous étions là, tous les deux, et justement j'allais être le premier à prendre la parole. Notez un effort certain de ma part. « Une semaine sans que nous ne nous soyons parlé, quand même. Bon sang c'que tu m'as manqué, p'tit nerveux. » J'espérais qu'il ne prendrait pas mes paroles au sérieux, car ça n'était que mensonge, bien évidement. « Heu, allo la terre, ici la lune... ALLO, ON SE RÉVEILLE ! » J'avais juste l'impression de parler à un mur, c'était le cas d'le dire. Ah vraiment, monsieur semblait complètement dans les vapes. Mais quand il s'agissait de me faire entendre pour réveiller quelqu'un qui se trouvait dans la lune ou sur une planète fortement éloignée de la notre, j'étais toujours partant. Là, franchement, s'il ne réagissait pas, je n'avais d'autre choix que de le pousser. Et j'en étais capable.

« Une semaine sans que nous ne nous soyons parlé, quand même. Bon sang c'que tu m'as manqué, p'tit nerveux. » La voix provenait de derrière lui, sur les remparts. Il ne sursauta pas non, mais fut tout de même surpris d'entendre quelqu'un derrière lui alors qu'il était profondément perdu dans ses pensées. Sami ne réagit pas tout de suite, ce qui énerva le candidat qui hurla quelque peu, ce qui eut don d'énerver Sami. Il se retourna, faisant alors face à Andreas, l'allemand imbu de lui-même et chiant comme pas deux. Bah tiens, qui d'autre évidemment ? Sami le regarda, sans broncher. « Tu ne m'as pas manqué, toi, au contraire. Cependant j'ai cru comprendre que tu ne savais plus te passer de moi, visiblement j'attrape du sex-appeal pour les personnes du même sexe dans ce jeu. » Petite référence à Jamie dans la piscine, quelques jours avant. Franchement, seulement la première semaine et ça devenait déjà n'importe quoi. Un vrai nid à hormones ce jeu. Même si l'allemand lui, se tiendrait, Sami en était sûr, à toujours plus de deux mètres de lui.

Difficile de sortir quelqu'un des pensées dans lesquelles il pouvait se trouver plongé, sauf bien sur en s'égosillant comme je venais de le faire, à l'instant, sur ces remparts. Sami - ou un truc dans le genre - se voulait dos à moi et ne semblait pas franchement m'écouter. Alors soit il faisait mine de ne pas m'entendre dans l'espoir que ceci me pousserait à fuir, soit il était bouché comme un pot. Dans tous les cas, je crus bon de hurler histoire de le réveiller. Enfin il se retourna et se plaça face à moi. Visiblement un peu contrarié, par ailleurs. Son regard était celui d'un type franchement blasé - on voyait clairement ô combien il était ravi de me voir ce soir, après une semaine sans que nous ne nous soyons adressé la moindre parole. « Tu ne m'as pas manqué, toi, au contraire. Cependant j'ai cru comprendre que tu ne savais plus te passer de moi, visiblement j'attrape du sex-appeal pour les personnes du même sexe dans ce jeu. » Oh oui c'était certain. Et sinon, le barbu n'était-il pas encore plongé dans ses songes, là, par hasard ? Parce que bon, j'étais quand même loin d'être désespéré au point de me jeter sur un type que je connaissais à peine. Un type tout court, d'ailleurs. « J'crois que tu prends très légèrement tes rêves pour la réalité. » Bien sur je pouvais parfaitement admettre qu'il puisse faire de l'effet à d'autres mecs en ces lieux - tous les fous étaient de sortie après tout - mais ça n'était pas mon cas. Non, vraiment pas. « Et sinon, tu... comptais sauter ? Parce que si l'envie t'en prenait, je ne t'en empêcherais pas. Au contraire, j'pense même que je te souhaiterais bon voyage... et bon vent. » C'était assez haut pour se tuer, non ? Personnellement je n'avais pas l'intention de vérifier ça. Alors bon, autant supposer qu'une chute serait éventuellement mortelle, hein. Mais qu'il se rassure, je n'allais pas le pousser à commettre l'irréparable si ça n'était pas dans ses plans. Je n'avais aucune pulsion meurtrière - ou du moins je savais encore me contrôler. Aucun risque, donc, de me voir perdre mon sang froid ce soir, demain, un jour.

« J'crois que tu prends très légèrement tes rêves pour la réalité. » Il se croyait drôle en plus, non mais franchement. « C'était de l'ironie au cas où tu ne l'aurais pas compris, crois-moi faire joujou avec tes bijoux de famille est loin d'être ma tasse de thé. » C'était totalement vrai. Et puis il venait faire quoi là à déranger Sami alors qu'il était plongé dans ses pensées ? Il était dans ce monde, et ce foutu allemand était venu le déranger, toujours là où il ne faut pas celui-là. « Et sinon, tu... comptais sauter ? Parce que si l'envie t'en prenait, je ne t'en empêcherais pas. Au contraire, j'pense même que je te souhaiterais bon voyage... et bon vent. » De la sympathie pure, ça devait être sa spécialité à l'allemand imbu de sa personne. Toute sa personnalité était à jeter à ce type, rien à garder, sincèrement. Si ce n'est peut-être la belle gueule pour ces demoiselles. Et encore. Une belle gueule pareille avec un caractère à chier, pour la plupart des femmes, c'était à jeter à la poubelle également. Sami ne répondit alors rien, et se retourna, se pencha légèrement comme pour regarder en bas. De là où il se tenait, la chute serait juste périlleuse mais pas mortelle, quelques mètres en dessous, il suffirait de se récupérer sur ses pieds et sur ses mains, à la façon ninja grenouille. La forme physique de Sami était suffisante pour savoir effectuer ce petit effet de sport. Sami adressa un dernier regard à Andreas. « Alors souhaite-moi bon voyage » dit-il avec un regard de renoncement à la vie. Et il se laissa tomber des remparts. Bientôt Andreas ne plus put le voir, voyant le rempart vide, Sami jeté dans le vide. La chute ne fut pas si longue que cela et Sami parvint à assurer un atterrisage plutôt réussi, il retomba sur ses pieds puis ses mains touchèrent le sol. Il sentit une drôle de sensation dans les jambes qui disparut presque aussitôt et après être sûr de bien avoir touché, se laissa tomber à terre, comme pour reprendre son souffle après ce saut périlleux. Étendu de tout son long, il regarda les remparts là-haut. Il ferait tout pour voir la tête que tirait Andreas à l'instant présent.

Je faisais décidément des ravages, auprès de la gente masculine comme de la gente féminine. Ce barbu était déjà sous mon charme, cela sautait aux yeux, et je pense même qu'il avait feinté de ne pas m'entendre, un instant plus tôt, juste histoire de ne pas se retrouver face à moi et devant tant de sex-appeal. Vous savez, un type aussi canon que moi pouvait rendre un hétéro gay. Eeeh oui, messieurs. « C'était de l'ironie au cas où tu ne l'aurais pas compris, crois-moi faire joujou avec tes bijoux de famille est loin d'être ma tasse de thé. » Quelle foutaise ! Alors oui bien sur il pouvait toujours me sortir l'argument de l'ironie, genre il ne pensait pas un mot de ses précédentes paroles, mais ça ne marchait pas avec moi. « Oui, tu peux toujours tenter de t'en convaincre, c'est sur... » Parle à mon cul ma tête est malade. Mis à part le fait que Sami semblait déjà complètement mordu de moi - qui ne l'aurait pas été, je vous le demande -, il se trouvait encore et toujours sur le bord des remparts. J'avais supposé que peut-être il avait l'intention de mettre fin à ses jours, tout simplement, même si ça n'était pas forcément ce que je voulais voir dans l'instant. Si vous voulez, je ne tenais pas à assister à son suicide, car au vu de notre échange plutôt houleux de dimanche soir, on aurait vite fait de m'accuser de l'avoir poussé. « Alors souhaite-moi bon voyage » Gnéé ? Mais qu'est c'qu'il foutait ? « Oh mein Gott! Der Idiot! » J'hallucinais quoi, il venait de se laisser tomber en avant. Une seconde plus tard, je ne pus tout bonnement plus voir Sami. Il était probablement... mort. 'Fallait se rendre à l'évidence, ou bien monsieur avait fait un atterrissage des plus contrôlés, ou bien il s'était explosé la gueule une dizaine de mètres plus bas. Finalement, je vins me placer à mon tour au bord pour voir l'étendue des dégâts... et contre toute attente il s'avéra que le barbu ne s'était pas vidé de son sang, un peu plus bas. Du moins pour un mort, il semblait parfaitement vivant. « T'es un grand malaade !! » lui criais-je alors, avant de ne m'assoir sur le bord, de me tourner et de m'agripper à celui-ci pour au final me laisser glisser. Je finis par chuter, retombant sur mes deux pattes avec aisance et grasse. Je m'approchai enfin du corps étendu du jeune homme, contemplant celui-ci avec curiosité, suspicion et étonnement. Oui oui, tout ça à la fois. « Franchement mec tu m'as épaté. J'te croyais vraiment pas capable de le faire, quoi. » Bon, il n'allait peut-être pas rester allongé comme ça bien longtemps encore - ça n'était pas forcément bon pour son dos. Je lui tendis alors la main, lui proposant ainsi de l'aider à se relever. Je n'avais pas l'habitude de me montrer si cordial, mais voyez-vous il venait de me bluffer, limite de m'époustoufler. Bref, je lui devais bien ça après un tel spectacle.

Chers habitants du nid,

Si Cupidon interrompt cet agréable moment c'est qu'il souhaite s'entretenir individuellement avec l'un d'entre vous. Andreas, tu dois te rendre immédiatement dans la Cabane en Bois où Cupidon a une chose importante à t'annoncer.

« Oh mein Gott! Der Idiot! » s'exclama l'allemand lorsqu'il vit Sami franchir le pas pour se laisser tomber or des remparts. Une fois Sami atterri à terre, il se laissa tomber sur le sol étendu, récupérant du choc et se marrant quelque peu. Il vint bientôt la tête d'Andreas, du haut des remparts, dépassant pour voir le résultat des dégâts. « T'es un grand malade ! » s'exclama-t-il du haut des remparts. Sami toujours étendu se mit à rire de bon coeur. L'allemand s'assit alors au bord des remparts, se tourna et se laissa descendre jusqu'à se rattraper sur le sol à côté de Sami. « Franchement mec tu m'as épaté. J'te croyais vraiment pas capable de le faire, quoi. » Sami souriait encore, visiblement amusé par la situation, sa petite feinte avait fonctionné. Chose impropable, Andreas lui tendit alors la main pour l'aider à se redresser. Sami saisit sa main, et se releva, se retrouvant debout à côté de l'allemand. « C'était trop tentant. Je voulais voir ta réaction et j'avais surtout envie de m'amuser. » Peut-être était-ce le début d'une nouvelle entente entre les deux hommes ? Cupidon fit alors retentir sa voix, à s'en demander d'où cette dernière venait, dans les remparts. Il coupa net aux réjouissances en appelant Andreas dans la Cabane en Bois. Sami lui désigna le chemin du menton, pour lui dire d'y aller et lui adressa un clin d'oeil, ils se reparleraient plus tard.

Les suicidaires étaient de sortie ce soir, ou comment ça se passe ? Ce mec était tout bonnement fou, car il fallait forcément donner dans la folie pour se laisser tomber des remparts comme il venait de le faire. Mon dieu quel crétin il faisait. Il aurait pu se tuer mais ça, il s'en foutait pas mal hein. Pas qu'il m'aurait manqué, non du tout, seulement ça l'aurait quand même foutue mal que le barbu n'ait été amené à mourir sous mes yeux. Eh oui, même si parfois l'on pouvait me trouver fort sadique, assister à la mort de l'un de mes camarades - d'un homme, avant tout - n'était pas mon souhait le plus cher. J'avais finalement rejoint le bonhomme, étendu par terre et visiblement réjoui par cette petite expérience, et avais cru bon de lui tendre la main pour l'aider à se relever. Il saisit finalement celle-ci, avant de ne se hisser sur ses deux jambes. « C'était trop tentant. Je voulais voir ta réaction et j'avais surtout envie de m'amuser. » Il ne réalisait sans doute pas la chance qu'il avait eue ce soir - un accident était si vite arrivé. Ce qu'il avait risqué, mise à part une mort des plus rapides ? La tétraplégie, par exemple. Et je ne rigolais pas avec ça. Oh non. « Ouais bah euuuh... tu restes un grand malade malgré tout, hein. » Bizarrement je n'avais plus aucune rancune envers lui. Fallait pas rêver, hein, ça n'était pas parce qu'il s'était aidé de ma main pour se relever que nous allions devenir copains comme cochons. Ça n'était, de toute manière, ni dans mon intérêt, ni dans le sien. Cupidon se fit alors entendre, me conviant à rejoindre au plus vite la cabane en bois. Et bien puisque j'y étais attendu, je n'avais plus qu'à m'y rendre. J'eus droit à un clin d'œil de la part de Sami, et me dirigeai finalement en direction de la fameuse cabane.

TRENTE MINUTES PLUS TARD...
Mon entretien dans la cabane terminé, je me dis que plutôt que de regagner le château, je pouvais aller refaire un petit tour du côté des remparts histoire de voir si Sami s'y trouvait encore. Et il s'avéra que oui, le barbu n'avait pas bougé et contemplait désormais le ciel. « Bah ! T'es encore là, toi ? » Il ne devait vraiment rien avoir à faire de sa soirée, franchement. À quoi bon admirer un ciel des plus banals ? Et, surtout, pourquoi rester dehors ? Ce mec était bizarre, pourquoi est-ce que ça m'étonnait en fin de compte...