Swann

C'te dalle que j'avais, ce soir. Un truc de fou. La fameuse petite fringale de vingt et une heures, tout le monde connaissait ça. Ah non, pas vous ? Et bien je venais de l'inventer alors. Perso, c'était toujours à cette heure-ci que je ressentais une envie incontrôlable d'engloutir tout ce qui me passait sous la main. D'ordinaire je n'avais rien d'un morfale, et contrôlais même mon alimentation, mais ici tout avait changé. Satanée télé-poubelle qui allait me faire prendre quelques kilos disgracieux si je ne me calmais pas vite fait sur la nourriture ! Je m'étais ainsi dirigé vers le cellier dans l'idée de m'introduire furtivement dans celui-ci, seulement à peine arrivé devant la porte, je pus apercevoir Swann qui semblait elle aussi décidée à se rendre dans la petite pièce exiguë. Ah ouais ? Bah okay alors. Gentleman, j'ouvris la porte et laissai la jeune femme y rentrer la première. « J't'en pris. » À présent nous nous trouvions tous deux dans le cellier, et bientôt mon regard ne tarda pas à être attiré du côté d'une boite de gâteaux nappés de chocolat et de caramel. Mmmm. Mais... oh non. J'eus très vite l'occasion de remarquer que les yeux de Swann s'étaient eux aussi posés sur cette fameuse boite de gâteaux. Ah non, y'avait clairement pas moyen là. « N'y pense même pas. J'les ai vus l'premier. » En clair, pas touche à MES gâteaux. Je me foutais bien du fait que Swann était une jeune femme fort sympathique et rigolote - je ne lui laisserais pas le plaisir de me les dérober sous mon nez, ah ça ne risquait pas d'arriver, non. Ces gâteaux étaient encore trop loin, et j'étais prêt à me jeter littéralement dessus d'une minute à l'autre.

J’ai faim. Faim. Tellement faim. Il faut dire que je n’ai pas pris mon repas ce soir, pour la simple et bonne raison que je me suis endormie sur la plage comme une baleine égarée. Je me suis éveillée la boule au ventre, avec une envie de sucré, de chocolat, de caramel. Je me dirige naturellement vers le cellier après avoir constaté que les placards de la cuisine ont été vidés par les candidats, croisant le chemin de mon ancien chef d’équipe –pas très efficace dans le coaching, en passant-. Il me fait signe de passer devant lui, aussi j’arque un sourcil particulièrement étonnée. Le genre de gestes que je remarque et qui le fait remonter de quelques points dans mon estime. « Je te remercie très cher. » Je salue son effort d’un hochement de tête, m’arrêtant sur le pallier afin d’identifier les divers aliments à notre disposition. Une boîte de haricots blancs, des saucisses, du pâté et . . . une boîte de gâteaux nappés chocolat/caramel. Mes yeux brillent tandis que je m’apprête à me diriger vers eux tel un zombie vers de la chair fraîche, cependant Andreas me stoppe dans mon élan par un avertissement digne d’un enfant de maternelle. Galant mais . . . pas trop ! Je lui file un sacré coup de coude pour le punir d’un tel manque de délicatesse à l’égard d’une demoiselle affamée, accompagnant le regard réprobateur au geste, mais je n’ai aucune intention de me jeter sur le paquet pour parvenir à mes fins. « Ils sont tout à toi, j’aurais trop peur de me faire manger par l’ogre que tu es ! » Je me contente de hausser les épaules en m’avançant dans la pièce, croisant les bras en fixant respectivement la boîte de gâteaux et le géant, adoptant des petits yeux larmoyants parfaitement travaillés aussi convaincants que ceux du chat potté de Shrek. Je reste silencieuse un long moment, espérant qu’ils viendront à bout de son cœur durci par l’égoïsme, cependant je ne manque pas d’ajouter, comme si de rien n’était au cas où ma première technique fonctionnerait mal. « C’est dommage, je voulais te montrer quelques fesses que j’ai eu l’occasion de photographier depuis la semaine dernière mais . . . je ne peux pas vraiment travailler le ventre vide. » J’agite mon appareil photo avant de l’allumer, faisant défiler les images en ne manquant pas de laisser échapper un petit rire comme si le spectacle était hilarant.

« Je te remercie très cher. » Ce que je pouvais me montrer galant, parfois. Je m'en étonnais moi-même. Remarquez, je me voyais quand même mal entrer dans ce cellier en ne laissant pas passer une si jolie demoiselle avant moi. Non, ça n'aurait pas été digne de l'éducation qui m'avait été donnée... et que je me faisais néanmoins un plaisir d'anéantir encore un peu plus chaque jour. Me montrer absolument exécrable et/ou vulgaire ne m'empêchait pas pour autant de me comporter en véritable gentleman, parfois. À peine rentré, j'avais immédiatement remarqué une boite de gâteaux nappés de chocolat et de caramel qui me faisait carrément de l'œil. Aucun doute, ils étaient là pour moi et n'attendaient plus qu'à être dévorés par ma personne. Seulement, Swann aussi me sembla fortement intéressée par ceux-là. Ah non hein, pas question de me les faire piquer par la demoiselle. Je n'avais pas manqué de lui signifier qu'elle avait tout intérêt à lâcher l'affaire, dès maintenant. Okay, ça pouvait faire légèrement pitié, mais bordel j'avais faim moi. « Ils sont tout à toi, j’aurais trop peur de me faire manger par l’ogre que tu es ! » Bah, ça me faisait presque mal au cœur de l'en priver, mais ils me revenaient de droit. En quel honneur ? On discute pas, point. « Héhé. Hum. Trop aimable. » Mieux valait tout de même ne pas trop afficher ma satisfaction - la pauvre, son ventre gargouillait. Au pire, elle n'aurait qu'à se trouver autre chose à manger. Cet endroit était aussi un petit peu fait pour ça. Mais alors que je m'apprêtais à me saisir de la fameuse boite de gâteaux, la grande blonde se fit vite à nouveau entendre. « C’est dommage, je voulais te montrer quelques fesses que j’ai eu l’occasion de photographier depuis la semaine dernière mais . . . je ne peux pas vraiment travailler le ventre vide. » Et là, elle sorti son appareil photo et entreprit de rire devant les clichés qu'elle avait, visiblement, pris au cours de la semaine. J'arborai alors une mine intriguée. « Mais, euh... c'est du chantage, ça, mademoiselle. Je désapprouve catégoriquement... » Quand même, c'était tentant. « ... toutefois ces photos m'intéressent beaucoup. » J'étais comme qui dirait face à un dilemme de taille : les gâteaux, ou les photos ? Ah ! « Allez... On partage ? » Toute ressemblance avec une publicité pour de célèbres barres chocolatées dont le nom de la marque signifiait "enfants" dans ma langue maternelle n'était que fortuite, vous vous en doutez.

Regardez le comme il est content avec sa boîte de gâteaux, aussi satisfait qu’un enfant de quatre ans qui vient de piquer la voiture de son petit frère en le faisant pleurer. Sauf que moi, je ne chouine pas encore. Je préfère l’implorer silencieusement durant une bonne trentaine de secondes en vain, avant de me rendre à l’évidence : il ne cèdera pas face à ma moue suppliante. Il va donc falloir que je trouve une technique différente, et ça tombe bien puisque je viens juste de prendre quelques clichés d’un beau postérieur, chose qui devrait l’intéresser. Il hésite, je peux le voir, même s’il désapprouve le chantage. Je me contente de hausser les épaules en poursuivant ma petite séance personnelle pour susciter son intérêt, triomphant intérieurement lorsqu’il rend les armes. Ah ah, je suis trop forte. Il me propose finalement de partager, me faisant largement sourire tout en évitant de trépigner sur place histoire de ne pas trop lui jeter ma victoire en pleine tête. Après tout, ce n’est qu’une demi-victoire. J’attrape aussitôt un biscuit que j’aperçois du coin de l’œil avant qu’il ne change d’avis, poussant un petit « hm » de satisfaction. C’est bon. « Très bien, alors j’ai investigué pendant une semaine et j’ai pu éliminer quelques candidats potentiels. Puis ces images pourront éventuellement t’aiguiller sur la femme dont tu décideras de tomber amoureux. » Non parce qu’une jolie paire de fesses, c’est tout de même un avantage. Mes lèvres frémissent sous un léger sourire taquin –oui oui je compte bien faire de lui mon esclave pendant une petite semaine-. Je m’installe sur une marche en espérant que personne n’ouvrira la porte, lui faisant signe de se rapprocher tandis que je fais apparaître la première paire de fesses sur l’écran. « Oh tiens, tu vas en deviner les propriétaires. Un gâteau par bonne réponse ! » Et voilà que je régule la consommation du paquet alors qu’à la base, je n’aurais pas du mordre dans un seul d’entre eux. Ces premières fesses sont les plus facilement identifiables pour lui, normalement. Je poursuis mon exposition par une autre, masculine cette fois –je remarque un sacré indice susceptible de l’aider-, puis une troisième pour finir en beauté. Trois autres suivent, mais ce sera pour clôturer notre séance. « Enfin je pense que l’on peut d’ores et déjà affirmer que ces candidats peuvent être exclus de notre enquête, n’est-ce pas Gulli ? » Et je pioche à nouveau dans le paquet pour en retirer un gâteau chocolat/caramel.

Mouhaha, à moi les délicieux gâteaux nappés de chocolat et de caramel. J'avais été bien cruel et en étais parfaitement conscient, seulement je ne comptais pas céder ou ressentir quelque culpabilité ou regret que ce soit face à ce regard larmoyant que me lançait Swann. Mais enfin, ce cellier était rempli d'autres cochonneries en tout genre. Elle pouvait très bien jeter son dévolu sur un pot de pâte à tartiner, par exemple. Non, il semblait bel et bien que seuls ces gâteaux l'intéressaient. Seulement il y avait comme un problème : je n'étais aucunement disposé à avoir pitié d'elle. En gros, les gâteaux resteraient en ma possession, n'en déplaise à Swann. Mais c'était sans compter sur la ruse dont fit usage la demoiselle quelques instants plus tard, à savoir me faire du chantage. Ah, c'est du propre dites donc ! Quel scandale. J'aurais pu m'en foutre, limite la narguer, mais les photos qu'elle proposait de me faire voir m'intéressaient tout de même beaucoup. Alors, par faiblesse, je décidai finalement de partager les biscuits. Ça me faisait mal au cœur, mais sans ça je ne verrais jamais de quoi il en retourne, dans l'appareil photo de la grande blonde. Et je voulais mon lot de potins, moi. Elle se saisit d'un gâteau, tout d'abord. « hm » fit-elle alors, avant de poursuivre « Très bien, alors j’ai investigué pendant une semaine et j’ai pu éliminer quelques candidats potentiels. Puis ces images pourront éventuellement t’aiguiller sur la femme dont tu décideras de tomber amoureux. » Moi, tomber amoureux d'une des candidates ? Elle pouvait toujours en rêver, oui, mais ça ne risquait pas d'arriver néanmoins. Elle s'installa sur l'une des marches situées en dessous de la porte, et me convia à l'y rejoindre. Je vins alors prendre place à ses côtés, tandis quelle fit défiler la première des photos prises au cours de la semaine. Ah ouais, quand même. Pas mal le popotin. « Oh tiens, tu vas en deviner les propriétaires. Un gâteau par bonne réponse ! » Oula. Bon, puisqu'elle y tenait, je tenterais de deviner à qui pouvaient bien appartenir chacune des paires de fesses qui me seraient données de voir sur l'écran de son appareil photo. Ces premières fesses me rappelaient vaguement quelque chose. « Heuuu... pour celles-ci, je dirais... au pif, London ? » Je n'en savais trop rien en fait. Disons que je tentais le coup, en sachant pertinemment que j'avais plus de chance de me gourer que de donner la réponse attendue. Attention, seconde paire de fesses. Alors là, fastoche quoi ! Des tatouages, non mais c'était d'une évidence... « Ah ! Celles-là, je suis formel, ce sont celles de Salami,... de Sami pardon. » Je ne pouvais pas me tromper. L'occasion de voir qu'il avait quand même un beau cul, le grand barbu. Mmmm. Troisième paire de fesses, enfin. Celles-ci ne me disaient trop rien, mais j'allais tenter quelque chose hein, une fois encore. « Alors là... bah, j'vais dire Evadne. » Au hasard, une fois encore. Ma parole, il était bien difficile de mettre un nom sur des fesses. Mais sinon, rien à dire, ces fessiers se voulaient irréprochables ou quasiment. « Enfin je pense que l’on peut d’ores et déjà affirmer que ces candidats peuvent être exclus de notre enquête, n’est-ce pas Gulli ? » J'étais du même avis - rien à redire sur toutes ces fesses. « Tout à fait d'accord. Pas la moindre cellulite à l'horizon. » Elle avait probablement d'autres photos à me montrer. Sans doute allais-je devoir trouver les propriétaires de nouvelles fesses. Avec un peu de chance, nos fameuses fesses celluliteuses ne tarderaient pas à se faire voir...

Hop, début de l’identification des fesses de FAKE LOVER, les investigations sont en cours. Un peu étrange comme moyen de passer son temps, je vous l’accorde, mais après tout c’est une occupation comme une autre, non ? Et cela semble intéresser le jeune homme qui s’installe à mes côtés, m’obligeant à me redresser légèrement pour ne pas paraître trop minuscule. Il prononce le prénom de London, provoquant une réaction de surprise de ma part. « Mais, enfin . . . » Je m’approche de l’écran comme pour vérifier que l’on y voit bien, tournant les iris clairs vers son visage interrogatif. « C’est ta partenaire voyons ! » Comme s’il me semblait évident qu’il puisse les identifier, comme s’il les avait détaillées tant de fois qu’il ne pouvait que les connaître. Bon d’accord, en fait je ne suis pas bien certaine que Daphnis soit capable de distinguer les miennes parmi une foule de fessiers, mais il faut dire qu’il serait davantage intéressé par celles d’Andreas . . . Bon, suivant. Cette fois il marque un point, aussi j’imite le bruit de la victoire de question pour un champion. Une espèce de ‘ding ding ding ding ding’ assez mal fait. « Un gâteau pour toi. » Je tire un biscuit dans le paquet avant de lui tendre généreusement. « Pas trop jaloux ? » Je le questionne devant le popotin de Sami en souriant. Parce qu'il faut bien l'avouer, il est plutôt bien fait le barbu. Troisième et dernier derrière de la série, qu’il identifie comme celui d’Evadne. Ah non, ce n’est pas celui-là. Cette fois je lâche un petit bruit de défaite, un ‘pouet’ qui ressemble davantage au bruit d’un bateau qui quitte le port. « C’est celui de Nora, juste histoire de l’exclure des propriétaires potentielles de cellulite. » Je tends l’appareil en direction des caméras afin de leur prouver que je me suis trompée, puis j’active le bouton de droite pour afficher une autre paire de fesses, puis une seconde avant de m’arrêter sur la dernière. « J’ai quelques doutes sur celle-là. » Je lui glisse, presque comme une confidence en restant fixée sur l’image. J’aurais bien dit que la position étrange de la candidate pouvait éventuellement conduire à s’interroger sur la masse graisseuse ici présente, mais je nourris quelques questionnements que j’estime légitimes. « Tu en penses quoi Inspecteur Gulli ? » Gulli, Gulli . . . outre le raccourci de Gulliver, il me semble bien que c’est une chaîne pour enfants, non ? Enfin, il ne doit probablement pas le savoir et c’est aussi bien comme ça. « Devons-nous procéder à une arrestation ? » Je jette sur lui un regard absolument sérieux, prête à sortir les menottes.

Mettre un nom sur un fessier, plus facile à dire qu'à faire. Car voyez-vous, depuis le début de l'aventure, je n'avais pas particulièrement prêté attention aux fesses de tout le monde. Je ne passais pas mes journées à renifler ni à reluquer les culs de tous et de toutes. Quand même, quoi. Pourtant si je voulais mes fameux gâteaux nappés de chocolat et de caramel, j'avais tout intérêt à trouver à qui pouvaient bien appartenir les paires de fesses que Swann me montrerait sur l'écran de son appareil photo. J'allais tenter, hein, car j'avais faim après tout. La première me disait quelque chose et, pourtant, j'étais loin d'être sur de moi. J'avais donc tenté London, car j'avais tout de même eu l'occasion de voir nue la demoiselle. Néanmoins, Swann parut bien vite surprise. « Mais, enfin . . . » Quoi, ça n'était pas la bonne réponse ? Zut alors. « C’est ta partenaire voyons ! » Heiiin ?! Ces fesses étaient celles d'Anabel, vraiment ? Oui bon, combien même c'était vrai, ça n'était pas forcément évident à deviner. « Oui bah heuuu... c'est pas écrit dessus non plus, hein. » N'empêche, elle avait un sacré petit cul ma partenaire... J'aurais jamais cru. Concernant la seconde photo, je n'avais juste eu aucun doute. Ces fesses étaient celles de Sami, j'en aurais mis ma main à couper. Et en effet, j'avais raison. « Un gâteau pour toi. » Je me mis à sourire à pleines dents, saisissait avec entrain le gâteau tendu par la blonde - la dalle, vous connaissez ? « Pas trop jaloux ? » Oh, alors là, n'importe quoi. Moi, jaloux ? Ce qu'il ne fallait pas entendre, vraiment. « Pffffou,... non ! Les miennes sont encore plus bombesques, tu sais. » Je pourrais les lui montrer si l'envie lui en prenait, un de ces jours, histoire qu'elle voit que moi aussi je donnais dans les beaux culs. Pour ce qui était de la troisième photo, je n'en avais juste eu aucune idée et avait balancé le nom d'Evadne carrément au hasard. « C’est celui de Nora, juste histoire de l’exclure des propriétaires potentielles de cellulite. » Dommage. Mais très belles fesses, une fois encore. Swann entreprit de faire défiler de nouvelles photos. Je préférais encore ne plus chercher les propriétaires de toutes ces fesses, car de toute manière j'avais toutes les chances de me tromper désormais. La dernière paire de fesses demeurait quand même pas mal suspecte. « J’ai quelques doutes sur celle-là. » Je décidai de m'avancer pour voir ça de plus près, et en effet j'avais moi aussi quelques doutes désormais. « Tu en penses quoi Inspecteur Gulli ? » J'eus envie de rire, mais je me retins. « Tout ceci est bien louche. Mmmmm... » fis-je tout en prenant un air suspicieux. « Devons-nous procéder à une arrestation ? » Je passais mon doigt sur mon menton, plus intrigué et interrogateur que jamais. Une arrestation, une arrestation... « Veuillez me donner le nom de la propriétaire de ce fessier, je vous pries, chère associée. » En tenant compte de son nom, il me serait peut-être possible de dire si oui ou non, de la cellulite se cachait là-dessus. On pouvait deviner si telle ou telle personne était parée de fesses celluliteuses rien qu'à son visage. Non, sérieusement. Il me fallait y voir plus clair, afin d'élucider cette affaire au plus vite. Je comptais donc sur la collaboration de la demoiselle. « Et je... reprendrais bien un gâteau. » Ni vu ni connu... Sait-on jamais, pour me motiver ?...

Il faut se rendre à l’évidence, Andreas n’est pas le meilleur quand il s’agit d’identifier les fessiers. Bizarrement il reconnaît plus facilement celui des hommes que des femmes, aussi je me demande si je dois me poser des questions. « Tu es conscient qu’avoir trouvé Sami et pas les deux jolies jeunes filles c’est un petit peu étrange ? » Je l’interroge en souriant narquoisement, levant un sourcil. Se pourrait-il que Gulliver préfère les hommes ? Bah on ne sait jamais, ça ne serait pas étonnant et ça ne serait pas non plus le seul. Il est possible que tout ce charabia à propos des femmes ne soit qu’une façade pour dissimuler le véritable lui aux yeux du monde entier, parce que les riches héritiers ont les feux des projecteurs braqués sur eux en permanence. Et l’homosexualité d’un fils de l’automobile, ça la ficherait mal. Bref, c’est fou ce que je peux divaguer à partir d’un élément à priori insignifiant. Le bourge me réclame alors un biscuit, avec son air faussement innocent plaqué sur le visage. Je m’apprête à refuser, ne l’ayant pas trouvé très brillant dans ses prestations, cependant je suis moins forte que lui pour résister aux petits yeux de chien battu. Je me fais toujours avoir, toujours. Et puis finalement, il a généreusement accepté de partager quand il aurait pu me rire au nez. « Hm . . . bon une moitié alors ! » Je m’empare d’un gâteau avant de le couper en deux, des parties légèrement inégales afin de lui donner la plus grosse. Je ne voudrais pas qu’il meurt de faim dans mes bras ce grand gaillard, tout de même. Je pointe finalement mon doigt en direction de son visage, éteignant mon appareil photo. « Je te donne l’identité du dernier fessier à condition que tu me racontes l’expérience la plus humiliante de ta vie ». Je commence, marquant une pause pour réfléchir car je n’ai pas terminé. « ET les rapports que tu entretiens avec tes parents. » J’ajoute avec autorité. Bah oui, c’est quand même MOI qui ai mené l’enquête, MOI qui ai risqué de passer pour une voyeuriste, MOI qui ai du inventer des excuses pour expliquer le bruit de l’engin afin d’éviter que les candidats se rendent compte que j’étais en mission spéciale pour mon chef d’équipe. Pas question que je partage mes informations aussi facilement, ça non. Ainsi j’espère bien en apprendre plus sur la vie du jeune homme, car il ne faut pas oublier que je suis ici pour dénicher des secrets.

Une paire de fesses de trouvée sur les trois présentées à l'écran. Ouais, j'aurais carrément pu mieux faire et étais même déçu de ma performance. Si j'avais su, je me serais attardé plus longuement sur les fessiers des candidates durant ces trois semaines. Le seul que j'étais parvenu à identifier était celui du grand barbu, et cela sembla intriguer Swann par ailleurs. « Tu es conscient qu’avoir trouvé Sami et pas les deux jolies jeunes filles c’est un petit peu étrange ? » Mais... c'était quoi cette insinuation ? N'était-elle pas juste en train de prétexter que cela pouvait s'expliquer par le fait que je pouvais préférer les fessiers masculins aux fessiers féminins ? Si, ça en avait tout l'air. Ah vraiment, elle me connaissait mal. « Voyons, que vas-tu t'imaginer ! Ce sont les tatouages qui m'ont mis sur la voie, bien sur. » Je ne mentais pas, je vous jure. Okay j'avais passé une partie du dernier prime avec la main dans le pantalon de Sami, mais pour autant cela ne voulait rien dire. Ses fesses n'étaient pas plus reconnaissables que celles de quiconque - ses tatouages si, en revanche. Par contre je commençais à avoir faim, là. Le misérable gâteau donné il y a quelques minutes ne suffirait pas à me rassasier, vraiment pas. Je n'avais donc pas hésité à en quémander un autre à la demoiselle. « Hm . . . bon une moitié alors ! » Bah, ça n'était pas grand chose mais j'allais m'en contenter, hein. Elle était en possession du paquet de gâteaux, alors autant ne pas jouer les difficiles. Je me saisis du morceau tendu par Swann, et le portai à ma bouche tel un ogre affamé. Le rôle de Shrek me collait encore et toujours à la peau. « Meurchi » fis-je, la bouche pleine et en mettant mes bonnes manières de côté un instant. Nous nous étions trouvés bien sceptiques quant au dernier fessier présenté par la jeune femme : ce dernier était en effet bien suspect, et nous soupçonnions même la présence de cellulite sous tout ça. Pour en avoir le cœur net, je préférais dans un premier temps avoir le nom de sa propriétaire. « Je te donne l’identité du dernier fessier à condition que tu me racontes l’expérience la plus humiliante de ta vie » Non, elle était sérieuse là ? Sans déconner. « ET les rapports que tu entretiens avec tes parents. » Qu'on me donne une corde, tout de suite. Et vas-y que j't'embrouille et que j'te fais du chantage. Raaaah. Qu'est ce que je ne ferais pas pour un fessier celluliteux bien énigmatique. « Hum. Quand j'étais p'tit, à Cologne, la ville où je suis né, j'étais un peu le pestiféré de ma classe de primaire. Un jour de kermesse, alors que j'étais censé chanter devant les parents d'élèves et le corps enseignant, des gamins ont cru bon d'attacher discrètement mes lacets au banc placé sur le côté de la scène, sur lequel je me trouvais alors assis. Quant mon tour fut venu, je me suis levé et me suis cassé la gueule en beauté devant une assemblée hilare. Mis à part le fait que j'me suis méchamment mangé le plancher, j'ai jamais eu aussi honte de toute ma vie. » Fait avéré. Aujourd'hui tout cela appartenait à ma vie d'avant, en Allemagne. J'avais tiré un trait sur tout ça, et tourné la page. « Mon dernier jour au lycée, juste avant mon départ pour l'Angleterre, j'les aient tous foutus dans la benne à ordures, dans la cour. Quand on m'fait un coup de pute, on le paye forcément un jour. » Eh ouais, dommage pour ces p'tits cons le destin avait voulu que nous nous retrouvions dans le même lycée et, surtout, que je gagne en muscles et en taille, en l'espace de quelques années. Le géant du lycée, celui qui martyrisait les plus faibles, bah c'était moi. Bon. Mes parents maintenant. « En ce qui concerne mes vieux, c'est très simple : ma mère est restée en Allemagne, et j'ai suivi mon père en Angleterre. Avec lui, les rapports sont tendus et ce qui m'a retenu de lui foutre mon poing dans la gueule jusqu'à aujourd'hui, c'est son fric. Sans lui, j'aurais pas pu faire mes études. D'un autre côté, il a toujours décidé de ma vie. Je sais pertinemment que ma présence dans ce jeu ne fera qu'empirer nos rapports déjà houleux. J'crois que j'peux faire une croix sur son fric, là, désormais. Du coup, en rentrant, j'vais abandonner mes études et tenter de percer dans le milieu du sport. Quant à ma mère, j'ai plus aucun contact avec elle et c'est mieux ainsi. S'tu veux, mes parents m'ont toujours considéré comme étant la plus grosse erreur qu'ils avaient commise au cours de leur vie. Personne ne trouve normal qu'aujourd'hui je ne parvienne pas à les aimer. Pourtant c'est normal, je trouve. Quand t'as jamais reçu d'amour, t'as aucune raison d'en donner en retour. » C'était toujours avec une certaine aigreur que j'évoquais mes parents. Je les détestais, plus que je n'avais jamais détesté personne. Elle savait tout désormais. Du moins, ce qu'il fallait savoir. « Voilà » concluais-je enfin, en portant un regard plein d'intensité sur la demoiselle et en ne parvenant désormais plus à défroncer mes sourcils.

Je replie mes jambes sur mon corps en attendant les petites histoires de Gulliver, cependant elles se révèlent bien moins amusantes que celles du géant des contes pour enfant. J’aurais presque pu regretter de l’avoir interrogé sur le sujet, mais en vérité je suis à peine surprise par le récit qu’il me fait. Si j’ai choisi ces morceaux de sa vie, c’était en connaissance de cause. J’ai parfaitement ressenti son amertume lorsqu’il a évoqué son père la dernière fois, et une humiliation n’a jamais rien de joyeux. Alors le petit Andreas ici présent n’est pas imbu de sa personne parce qu’on lui a toujours dit que c’était un enfant parfait, le plus beau, le meilleur. Bien au contraire. Il a été rabaissé, diminué constamment, moqué, méprisé. Tel le vilain petit canard de l’histoire. Je ne l’interromps pas par respect, et parce que de toute manière je bois chacune de ses paroles avec une certaine fascination. Il s’est vengé de ces comportements, qu’ils proviennent de ses camarades en les balançant dans la benne à ordures, ou de son père en participant volontairement à FAKE LOVER en sachant pertinemment qu’il perdrait son héritage. « Tu as plutôt intérêt à gagner cette émission si tu ne veux pas te retrouver à sec alors. » Je commence par plaisanter, le poussant d’un petit coup d’épaule. Puis je reprends un air sérieux avant de lâcher un « C’est bien triste. » Je lui tends alors le paquet de gâteaux comme une offrande face à ces révélations, comme si je cherchais à le consoler alors que c’est sûrement moi qui suis la plus affligée par ce qu’il vient de me confier. J’imagine que depuis le temps il s’y est habitué, ou en tout cas il a appris à vivre avec. « Mais courageux aussi. » Je précise pour ne pas qu’il s’imagine que je m’apitoie sur son sort. Je ne me permettrais pas, d’autant plus qu’il n’en a pas besoin. Et pour preuve, il s’est construit une carapace d’égocentrisme résistant à toute épreuve, pour que plus personne jamais ne le traite comme ses parents l’ont fait. Je comprends désormais pourquoi il ne fait confiance qu’à lui-même, tentant de toujours afficher une haute estime de lui. C’est simplement parce que sans son propre amour, il n’en a pas d’autre, et devant un tel constat il y a de quoi réduire sa cervelle en miettes. Finalement, s’aimer est le seul moyen pour lui de récolter un minimum d’attention. « Je comprends moi, pourquoi tu ne les aimes pas. La famille est un concept essentiel dans mon existence, mais c’est aussi pour ça que je suis sans appel pour ceux qui n’inculque pas cette notion à leur progéniture. » La famille c’est toute ma vie, enfin, ça l’a été pendant très longtemps. Je suis encore très attachée aux membres qui la composent, et cela me déchire souvent le cœur de repenser à eux, si loin de moi. C’est grâce à eux que je conçois cette entité comme une part indispensable de ma vie, et ce n’est pas la faute d’Andreas si lui n’a pas eu cette chance. Au contraire, c’est à cause de ses fichus parents, indignes d’élever un enfant. Car à quoi cela sert-il de donner la vie pour ensuite traiter sa chair et son sang comme un moins que rien ? Cela me révolte, tout simplement. Et par leur fait le jeune homme ici présent sera certainement tenté d’agir de la même façon. De ne jamais vouloir d’enfants peut-être. « Mais tu donnes de l’amour à une personne Andreas, toi. Ca veut bien dire qu’au fond tu as besoin d’en avoir. » Ben oui, c’est logique non ? Abandonnés par les deux êtres les plus importants dans la vie d’un enfant, il aurait pu se renfermer, se détester, se jeter du haut d’un pont. Mais à la place il a préféré faire son chemin seul avec lui-même pour pallier ce manque d’amour. Parce que sans ce sentiment, on ne peut pas vivre décemment. Toutefois quand un individu lambda le lui témoigne, je l’imagine parfaitement le détruire aussi sec, étant pour lui inconcevable de pouvoir recevoir de l’amour d’un tiers ou de lui en donner. Mais il suffirait pourtant de s’accrocher pour lui prouver le contraire, qu’il est digne d’un intérêt et d’un amour différent du sien, de celui qu’il se porte pour se protéger. Il n’a simplement pas rencontré la personne susceptible de bouleverser ses conceptions, et j’espère sincèrement que ça ne tardera pas même si cela risque de s'avérer compliqué. Parce qu’il a beau dire ce qu’il veut, prétendre qu’on ne peut qu’apprécier sa belle gueule et ses muscles d’acier, il me semble plutôt évident qu’il ne supporterait pas d’entendre un témoignage d’affection. « Est-ce que quelqu’un t’as déjà dit ‘je t’aime’ ? » Je l’interroge comme si je ne venais pas de jouer les psychologues à deux sous, lui subtilisant un gâteau pendant qu’il semble réfléchir. Oui parce que j’aime bien analyser les autres, mais il est tout à fait possible que je me plante sur toute la ligne, qu’il s’attache horriblement facilement aux autres, pleurant dans son lit le soir de ne pas trouver la femme de sa vie. Je ne peux m’empêcher de grimacer à cette pensée. Non, non, ça ne serait pas crédible. Et en attendant, j'oublie complètement de lui donner le prénom qu'il attend . . . mais bon, personne n'a rien remarqué n'est-ce pas ?