J'sais pas vraiment pourquoi mais j'sais que j'ai pas envie de rejoindre les autres, ça m'emmerde. Ouais c'est ça, ça m'emmerde, entendons nous, ce ne sont pas les autres qui m'emmerdent. Quoi que certains m'agacent particulièrement mais non, il s'agit plutôt de cette routine qui s'est installé là qui m'agace. J'aime pas ça, je n'ai jamais aimé ça. Et puis j'suis un oiseau de nuit, j'sors tout le temps, j'passe ma vie dehors, pour mon travail d'abord, mais aussi pour mon plaisir personnel. J'ai une vie sociale bien remplie, des amis dans tous Paris et j'crois que plus le temps passe et moins l'enfermement me convient. Une lassitude qui allait passer, parce que ma détermination à aller au bout de l'aventure finirait par l'emporter, j'en suis certain. C'est aussi sans compter sur la discussion que j'avais eu avec Sive, celle qui évoquait notre envie mutuelle de faire autre chose de nos soirées. Oui bien sûr, mais on avait aussi évoqué tout un tas d'autres choses particulièrement futiles. Alors forcément rien n'avait été mis au point. Et puis j'sais pas pourquoi mais j'ai eu envie de passer du temps dans la salle informatique, et fort heureusement puisque j'ai eu la surprise de découvrir une invitation de la part de la jolie blonde. Une chance qu'il ne soit pas encore l'heure fatidique. Nous en étions pas bien loin, mais il me restait encore une chance de ne pas manquer le rendez-vous. Pendant que je montais les 2365 marches qui me menait en haut de la tour, j'essayais de m'imaginer ce qu'elle avait bien pu nous concocter. Néanmoins, je ne me faisais pas trop de soucis puisqu'elle m'avait semblé si déterminé à enrailler cette monotonie grandissante que j'suis sûr que le jeu en valait la chandelle. Pas du tout essoufflé, j'suis arrivé comme un gagnant au lieu du rendez-vous, découvrant le panier et les bouteilles qu'elle avait apporté là. « Tu aurais pu m'attendre au moins. » Je lui lance pour la prévenir de mon absence alors que je n'ai pas pu rater le verre qu'elle tient à la main. « Alors c'est ça le plan ? S'enivrer jusqu'à ne plus pouvoir ? » Je plisse les yeux, et fais la moue, une moue interrogative. « Bonne idée ! »

Elle ne pensait pas que j'allais venir, elle me déçoit, j'suis pas le genre à poser des lapins intentionnellement. Bon bien sûr, j'suis pas infaillible et parfois il arrive à ma mémoire de me faire défaut, mais ça évidemment elle ne peut pas le savoir. Elle ne sait rien que ce que je veux bien lui dévoiler. Mais forcement, je fais l'offensé, ça fait parti du jeu non ? « C'est sûr que laisser un message sur mon blog ce n'était pas l'idée du siècle mais j'suis là donc je suppose que c'était pas si stupide. » J'hausse les sourcils tandis que j'reluque son verre avec envie, j'sais pas trop ce qu'elle boit mais j'en veux bien aussi. J'ai cru que j'allais me déshydrater en haut de ces marches, mais non. Et puis, j'crois que j'ai saisis ce qu'elle a dans son verre, j'fais une grimace qui laisse le loisir de deviner la réponse à sa question. « Définitivement trop féminin, t'as pas un truc à s'en décoller les poumons, à s'enflammer le gosier, un truc de mec quoi ! » Et là, Slavin en mode homme des cavernes qui se bombe le torse façon super héros à la retraite. Tout ça avec classe. « Ma Valentina (qui soit dit en passant est mignonne comme tout et pas totalement barge), tu déconnes ? Y'a pas plus poivrot que moi. » J'arque un sourcil, ouais bon pour le coup j'suis pas sûr que ce soit très vendeur et super valorisant dans le genre mais tant pis. En plus je n'ai jamais sous-entendu que son plan était merdique à ma connaissance. Elle mériterait que je lui tire la langue, ouais là toute suite. Sauf que non. « Ah ouais tu m'apprécies ? J'croyais juste que tu fantasmais sur mon corps et que t'avais organisé cette soirée dans le seul et unique but de me saouler pour ensuite profiter de moi. Et quitte à ce que ça arrive, j'préfère autant être en pleine possession de mes moyens, enfin j'dis ça pour toi évidemment. » Ouais parce qu'un mec bourré en général c'est totalement nulle au pieu. Je ris, puis écoute la suite avec un certain intérêt. « Merci, j'savais bien que t'étais folle de moi. » Je me penche vers le panier pour vérifier les dit-plat, ouais, rien de plus que quelques fruits et légumes rapportés tels quels de la cuisine. Elle était alors si nulle que ça ? Tant pis, c'est pas comme si ça m'important tant que ça, mais quoi qu'il en soit, j'attrape une pomme. « Celle où tu dévoileras enfin les tiennes, excellente soirée en perspective... » œillade lubrique, et un sourire ravageur, je me laisse tomber sur le sol parce qu'on ne va pas passer toute la soirée debout comme des glands, bon peut être que c'est dangereux de s'installer en haut des remparts pour boire, mais le dangereux c'est existant de toute façon. « Je te laisse le privilège de la première question, Sive,-25-ans-bientôt-26-irlandaise-de naissance-et-parisienne-d'adoption... »

Ok, celle là, je l'ai bien mérité je présume. Bon joueur j'hausse les épaules et me contente de sourire, parce que c'est vrai que nos rencontres précédentes se résumaient toujours à moi qui finissait à poil. Quoi qu'en réalité, elle n'était pas souvent plus vêtue que moi, et sûrement pas la dernière fois dans le spa. J'crois bien que j'vais être catalogué comme le mec à poil pendant le restant de mon aventure, mais après tout peu importe, c'est de bonne guerre. J'préfère qu'elle me voit ainsi plutôt que comme un connard fini. C'est plus glorifiant et puis au moins, elle en garde une bonne image. Quoi que c'est pas une preuve inéluctable pour autant j'préfère le prendre ainsi, c'est mieux pour l'ego. Elle me présente des bouteilles je m'interroge, avant de désigner la bouteille de whisky pour commencer. Je la remercie d'un sourire avant de m'en emparer, je m'en sers un bon verre et puisque j'ai une longueur d'avance je porte mon verre à ma bouche et humidifie mes lèvres lorsqu'elle répond à ma provocation. Ce qui ne ne manque pas de m'étrangler. Ok soit elle prêche le faux pour connaître le vrai, soit la blondasse n'a pas pu s'empêcher de s'en vanter auprès de quelqu'un soit quelqu'un est entré sans que l'on entende quoi que ce soit. Mais pour affirmer avec certitude l'identité des deux individus dernière la porte, non, je parierais plutôt sur la blonde. Quelle plaie cette nana. Mais ouais je m'en fiche. « Jalouse ? Non ne réponds pas c'est pas la peine. D'autant que ça déjà trois semaines, quatre peut être peu importe qu'on se fréquente régulièrement toi et moi c'est pas ma définition personnelle du premier venu. » Je hoche la tête et soupire, plus face à ma condition d'ailleurs. Et bien, je dois dire que selon sa conception des relations ma vie se résume à une succession massive de première venue et qu'en plus, j'suis en pleine crise d'adolescence. Je bois à nouveau, et une bonne rasade cette fois, pour faire passer la pilule et aussi pour anticiper un risque éventuel de provocation de sa part. Mais bizarrement lorsque je lui propose d'ouvrir les hostilités elle n'est pas d'accord. J'comprends pas bien, mais par chance, elle s'explique, bien à sa façon. Oh ça. « Tu m'as pris au dépourvu, j'suis resté sans voix. Mais s'il y a que ça pour te faire plaisir, allons y. » J'hausse les épaules et plonge mon regard dans le sien, façon vers séducteur de pacotille qui essaye de séduire la jeune femme qu'il a repéré depuis un moment accoudé au bar et qu'il rêve de ramener chez lui. « Slavin, Américain de naissance, Français d'adoption, j'y vis depuis presque quinze ans à vrai dire. Je suis photographe, j'photographie à peu près tout ce qui me passe sous la main, ça va des anonymes aux mannequins, des soirées officielles aux shootings plus traditionnels dans mon studio. J'aime mon métier et quoi qu'il arrive, je ne suis pas prêt d'en changer. J'ai trente deux ans depuis peu mais en ce qui me concerne je le vis plutôt bien, j'ai deux enfants aussi. Et hum, voilà pour le basique. J'suppose que tu dois avoir tout un temps de questions embarrassantes en stock alors fais toi plaisir. »

Bizarrement je ne peux pas m'empêcher de me demander ce qui se cache dernière ce sourire moqueur et ce silence. Elle ne surenchérit pas et au contraire, gardait le silence, c'était assez déroutant à vrai dire. Et même ma réplique concernant ma théorie bien simpliste du premier venu ne la fit pas réagir. On ne partageait vraisemblablement pas le même point de vue à ce sujet. Néanmoins, elle ne fit toujours pas de commentaire, je fronçais les sourcils, particulièrement étonné, au lieu de cela, elle semblait perdue dans ses pensées. J'en profite d'ailleurs pour me resservir un verre, juste avant de me lancer dans une présentation assez réduite de ma petite personne. « C'est sûr, mais j'pense que si on s'était déjà croisé, je m'en souviendrais. » Je n'ai pas pour habitude d'oublier un visage comme celui-ci, même s'il est vrai que j'rencontre pas mal de monde dans le cadre de mon travail et pas que. Mais s'il y a bien une question qui me fait sourire c'est celle qui vient ensuite. Et si elle me fait sourire c'est qu'elle revient souvent. « Deux oui, et ... Oui. C'est la vie j'suppose. » Je grimace instantanément, pas le souvenir le plus heureux de ma vie bien au contraire. Une nouvelle grimace survient face aux questions suivantes, hum. Bonne question. Je me gratte la tête. Réfléchis. « Mon plus grand défaut ? Ma méfiance envers la gente féminine, je suppose que c'est ce qui me pousse à m'enfuir au petit matin. Je me prends rarement au sérieux, et ça énerve mon entourage, c'est ce qu'ils me reprochent le plus. » J'hausse les épaules, ça va, je le vis bien moi, j'imagine que c'est le principal. Je bois une gorgée de mon verre tout en réfléchissant à une éventuelle question. « Tu es déjà tombée amoureuse ? Si oui, y'a combien de temps, et si non, qu'est-ce qui t'en empêche ? » Oui bon ça fait beaucoup là, mais bon au pire, on s'en fiche non ?