J’avais rejoins le lit conjugale bien tardivement dans la nuit. Si le sommeil se montrait toujours aussi fuyant, c’est surtout par égard pour mon partenaire – hm - que je me glissais dans sous les couettes à une heure aussi avancée de la nuit. Il m’était de meilleure compagnie quand il dormait, et je ne m’en portais que mieux de le savoir là, endormi, à mes côtés. J’en venais même à l’apprécier, durant ces cours moments. Bien sûr, le matin venait tout gâcher, mais généralement, après deux ou trois piques acerbes de part et autres, il s’en allait. Me laissant ainsi tranquille. C’est ce qui s’était produit à son réveil, alors que j’étais toujours aussi éveillée malgré mes vaines tentatives pour trouver le sommeil. Mon seul air bête suffit à lui faire comprendre qu’il n’avait pas intérêt à s’attarder, et par chance, c’est ce qu’il fit. Bonne bête. Ayant maintenant retrouvé le lit dans toute sa grandeur, je m’étalais, et je réussissais à sombrer dans une sorte de coma, entrecoupé de périodes de réveil plutôt courtes. Un sommeil sans rêve, loin d’être réparateur. Le matelas s’enfonça un peu sous le poids de Laoise qui s’installait doucement à mes côtés, mais en seule guise de protestation, je me contentais de remuer un peu, puis un fin soupire filtra de mes lèvres. « Petit déjeuner au lit. » chantonna de sa jolie voix la jeune femme, et cette fois-ci, c’est fut léger grognement qui accueillit la nouvelle, avant que je n’ouvre finalement les yeux sur Laoise. « Hmmm… qu’est ce qui se passe… » demandais-je, n’ayant pas encore associée, dans ma tête, ces mots prononcés quelques secondes auparavant à la candidate ici présente, comme si ces éléments étaient deux choses distinctes. Il me fallut bien quelques secondes, voir près d’une minute pour comprendre. « Déjeuner au lit… t'es trop gentille. » Je frottais un instant mes yeux, pour tenter de les débarrasser de cette fatigue, puis, tout en m’étirant, je me relevais pour m’installer en position assise. La jeune femme était si attentionnée que je lui pardonnais de m’avoir tiré de ce demi-sommeil.

Il avait réveil plus désagréable que celui que la jeune femme venait de m’offrir. Une légère caresse sur un bras, et un sourire rayonnant au visage, je n’avais nullement de quoi me plaindre de Laoise. Tout ça n’était que de la pure gentillesse, de quoi chasser mes chimères l’espace de quelque temps. « Désolée de te réveiller. » s’excusa la belle et je lui offris un léger sourire en secouant la tête. Elle n’avait pas à l’être, comment pouvait-elle savoir, que le marchand de sable n’avait point sonné à ma porte, la veille, et que ce n’est qu’au petit matin qu’il s’était rendu compte de son erreur? « Non, ça va. T’inquiètes. » la rassurais-je en souriant de plus belle. Pendant que je m’installais, mon dos trouvant refuge tout contre le mur – je mis d’ailleurs un coussin entre nous deux, afin que se soit plus confortable -, Laoise posa sous mes yeux le plateau-repas. Viennoiseries et jus d’orange, en autres choses, s’y trouvaient. De quoi éveiller mon appétit. D’ailleurs, tout ça sentait merveilleusement bon que je m’en régalais rien qu’à songeant au gout de ces mets. D’une main presque timide, je m’emparais d’un bout de pain au chocolat, que je glissais dans ma bouche. Mes yeux se fermèrent un moment, savourant ce petit délice matinal. « Tu as bien dormi? » Mon regard se posa sur la jeune femme. « Assez peu à mon goût, mais… bien, oui. » C’était, en quelque sorte, un demi-mensonge, mais je ne souhaitais pas mettre à nouveau mal à l’aise la candidate. « Et toi? J’espère que tu ne t’es pas levée trop tôt pour préparer tout ça... » Qu’elle se donne autant de mal pour me faire plaisir me dépassait, même si j’appréciais l’attention. Vraiment.

Laoise n’avoir voulu me faire plaisir, tout simplement, et je sentais que mon attitude au réveil lui faisait douter que son attention atteigne son but. Et pourtant, j’étais plus qu’heureuse de sa venue, plus qu’heureuse de m’être fait réveiller par elle et sa si gentille attention. Plus qu’heureuse qu’elle soit là pour la partager avec moi. « J’aurais dû te laisser dormir. Désolée. » D’un signe de la tête, je l’arrêtais tout de suite en lui signifiait qu’il n’en était rien. « Arrête, Laoise, ça va je t’assure. » Ma main, gentiment, alla se poser sur la sienne pour lui assurer qu’elle ne me dérangeait pas. Maintenant que j’étais bien éveillée, il ne lui servait plus à rien de se fondre en excuse. « J’ai envie de partager ce petit déjeuner au lit avec toi, alors ne me laisse pas toute seule. Mon estomac ne supporterait pas! » Ah, l’humour, c’était toujours la solution à toute solution inconfortable. Du moment que je pouvais la faire rire, je saurai que c’était gagner. « Non, ne t’inquiète pas, j’ai eu une nuit de sommeil parfaitement convenable. » Je souris. Au moins, l’une de nous deux avait pu se reposer, cette nuit. Peut-être saurait-elle m’insuffler un peu de son énergie pour être capable d’affronter la journée à venir. « Tant mieux ! Surtout que tu n’étais pas obligé de te donner tout ce mal pour moi. » Qu’on pense ainsi à me faire plaisir, en venant me servir directement mon premier repas du matin au lit, venait chercher quelque chose, chez moi. J’étais… émue, d’une certaine façon, de susciter ce genre d'attention chez quelqu'un. « D’ailleurs, y’a une occasion spéciale à fêter, ou… ? » lui demandais-je, curieuse.

Ce ne fut que lorsque Laoise se permet de prendre de quoi manger dans le plateau-repas que je compris que le message était passé chez la jeune femme, et qu’elle avait enfin compris qu’elle ne me dérangeait aucunement, ce matin. Elle opta pour le pain au chocolat, comme je l’avais fais plutôt, alors que pour ma part, je me servis un grand verre de jus d’orange, lui en préparant un par la même occasion. « Bon appétit ! » fit-je dans un parfait français à son attention, mon verre bien en main, comme si je m’apprêtais à faire un toast pour une raison quelconque. En l’honneur de ce merveilleux festin, peut-être ! Et de la si charmante Laoise qui avait tout préparer pour le plaisir de nos yeux… et surtout, de nos papilles gustatives. Je lui demandais, entre deux gorgées de la boisson fruitée, ce qui l’avait poussé à agrémenter mon petit matin d’une si agréable surprise. Simple curiosité. « Je crois que c’est une façon comme une autre pour te remercier. Tu sais, durant le prime dernier, avec cette histoire d’argent… » Le prime, bien sûr. Comment oublier que j’avais carrément dilapidé plus de la moitié de ma cagnotte pour sauver Laoise de la situation dans laquelle mon partenaire l’avait mise, par égoïsme. Je l’avais fais, bien sûr, pour effacer son comportement odieux, mais avant toute chose, car j’appréciais la jeune femme. Il aurait été tellement dommage qu’elle quitte l’aventure si tôt pour une raison aussi stupide que celle-là. Je n’avais pas hésité une seule seconde à faire ce que j’avais fais. Et je n’avais aucun remord. Cet argent n’aurait jamais pu mieux servir. « Je suis contente que tu sois restée. » me contentais-je de lui répondre. « Et encore plus de savoir que j’y suis pour quelque chose. » Je n’avais jamais été vantarde et ce n’est pas aujourd’hui que cela commencerait. Seulement, j’étais réellement heureuse d’avoir pu contribuer à son sauvetage. L’aventure, sans elle, aurait été plus triste, plus terne. Je la considérais un peu comme une amie, et sa présence, comme celle de Keelan, m'était précieuse.

Une légère incompréhension passe sur le visage de la belle brune. Je suis idiote, bien sûr, ce n’est qu’une minorité de candidats, ici, qui sont dotés de cette compréhension de la langue française. Chez moi, c’est inné… cette langue, je l’ai apprise dès mes premiers mots, et elle figure parmi les langues officielles du pays d’où je viens. Mais en Irlande où l’anglais trône en maître, je dois avoir donné l’impression de parler un dialecte étrange à ma camarade. « Ça vaut dire bon appétit, en français. » me sentis-je obligée de lui préciser. Au moins apprendra-t-elle quelque chose en ma compagnie, aujourd’hui. Toute connaissance est bonne à retenir. Pour usage futur, peut-être. Un tant soit peu qu’elle retienne tout ça… Hm, si elle veut, je lui apprendrais à parler français, ce pourrait toujours être amusant. C’est avec un grand sourire comme elle sait si bien les faire que Laoise accueille mes propos. Le genre de sourire qui se fait contagieux et qui vous donne aussi envie d’étirer vos lèvres pour en laisser apparaître une sur les vôtres. Comme je le fais tout juste à l’instant. Sa joie d’avoir été sauvée, d’être restée parmi nous et d’avoir sollicité un tel vent de générosité de la part de nos camarades se marie à merveille avec celle que me procure sa présence à mes côtés, en ce moment. Chose qui n’aurait pu ne pas être possible, si les circonstances avaient été différentes. Autant étais-je prête à ne pas donner un centime de mon argent pour sauver Andreas, qu’avec elle, c’est tout à l’inverse. « Comment ça se passe avec Andreas ? Ça s’arrange ? » Mon visage s’assombrit quelques secondes. Tiens, quand on parle du loup. S’il y a bien un sujet de conversation que j’aimerais éviter dans ces moments de réjouissances, c’est bien celui-là. « Je… » Comment lui faire comprendre que je suis ouverte à lui en parler, mais pas maintenant, pas tout de suite. « On peut en parler plus tard ? » Je lui fais des yeux doux, tentant de la convaincre. « Je n’ai juste pas tellement envie d’en parler… là, tout de suite… » Léger malaise, je ne veux pas qu’elle croie que c’est de sa faute, elle se tromperait de toute façon. Disons seulement que j’ai bien l’intention de manger ce petit déjeuner, et qu’une cossette à son sujet me couperait amèrement l’appétit. Un léger clin d'oeil et un sourire vienne amortir le coup. J'en profite pour attraper un croissant et je le sépare en deux, avant d'en tendrel’une des moitiés à Laoise. « Ça se passe plutôt bien avec ton partenaire, de ton côté, à ce que j’ai pu voir. » Tout comme moi, il a sacrifié une bonne partie de sa cagnotte pour permettre à la belle de rester. Si ce n’est pas une preuve de leur bonne entente, je ne sais pas ce que c’est.