unfinished sympathy
~ starring malo and sive

La lumière filtrait entre les rideaux. Il regardait tournoyer les fines particules de poussière, en se laissant bercer par la respiration de sa partenaire endormie. Le dos appuyé contre le mur tapissé, son regard azuré se perdait au loin. Son visage dépeignait un sentiment de nostalgie. Les jours passaient et se ressemblaient tous. Il ne restait plus que la monotonie et l'ennui. Une sensation étrange l'assaillit. Il grimaça. Sa douleur à la jambe était revenue. Ses antidouleurs trônaient sur sa table de chevet et à côté, une bouteille d'eau d'une marque française connue. Il empoigna la boîte de médicaments, il goba une pilule et but un peu d'eau pour faciliter son trajet dans son organisme. Son corps était devenu dépendant à cette cure qui atténuait ses souffrances. Il la considérait plutôt comme un poison lui rappelant sans cesse son handicap. Il se leva du lit en silence. D'un pas feutré, il sortit de la chambre pour se diriger vers la salle de bain. Il prit sa douche et alla au dressing, une serviette entourant son bassin. Il s'avança vers son armoire et y sortit une chemise blanche et pantalon noire. Une tenue sobre. Il n'était pas d'humeur à faire original aujourd'hui. Il les enfila, le regard hagard. Il claudiqua jusqu'à son atelier provisoire de couture. Il s'attela à griffonner quelques esquisses. Des heures passèrent, il était en train de dessiner à un rythme effréné. D'autres noyaient leurs soucis dans l'alcool. Lui, c'était dans le travail. Pour lui, un moyen d'oublier ses incertitudes et ses peines. Depuis le prime, il était devenu l'ombre de lui-même. AJ ne lui adressant plus la parole. Son intimité exposée aux yeux de tous. Cela le pesait. Derniers coups de crayon avant d'en examiner le résultat. Satisfait de ses croquis, il eut envie de s'accorder une pause. L'heure du thé, soupira-t-il. Il descendit. Ses pas le menèrent à la cuisine où il se fit chauffer de l'eau dans une bouilloire. Il versa le liquide bouillant dans une théière. Il disposa sur son plateau des tasses et une assiette de biscuits. Direction, le salon. Il ne vit personne dans la pièce. Il déposa le plateau sur la table basse. Il remplit sa tasse d'eau et mit son Earl grey qu'il laissa infuser. La dernière fois, il avait cru voir un échiquier quelque part. Son regard balaya la salle. Il le trouva. Il le saisit avant de s'asseoir sur le canapé. Il plaça les pions noirs et blancs sur les cases. Il commença une partie d'échec. Son adversaire, lui-même. Ce jeu lui permettait de penser à autre chose. Tellement absorbé par la partie qu'il n'entendit pas Sive entrer.

J'en ai maaaaarre ! J'commence à croire Slavin moi, me dire qu'on est au coeur d'un complot, avec du bois en plastique, et de l'eau hallucinogène, et un soleil artificiel... Parce que si c'est réel, si c'est pareil, ça n'a vraiment pas la même saveur, ça ne provoque vraiment pas sur ma peau la même réaction, et là, je suis en train de paniquer, je craque, le monde extérieur me manque beaucoup trop, mes points de repère, la fête, la vraie, mes draps, putain, mes draps ! J'ai compris que ce n'était peut-être pas mon appartement qui me manquait, mais simplement mes draps, qui me suivaient où que j'aille, qui glissait sur ma peau avec une douce fraîcheur. C'était plus logique comme idée, fallait dire. Mais aujourd'hui, je n'ai plus de logique. L'ennui s'agrippe à mes jambes chaque jour un peu plus et les alourdit. Quand son étreinte fait preuve d'un peu de laxisme, c'est de l'excitation à la frontière de l'énervement qui lui fait suite. Il est dix-sept heures et les gens font... Ils font quoi d'ailleurs ? Rien d'intéressant, ça c'est certain. Ils zonent. Ils ne sont plus que des ombres en cette maison. Je veux de l'action. C'est là que mes yeux se posent sur l'échiquier dans le salon, avant même d'apercevoir la silhouette qui s'en est emparé. « Oui ! » Je me laisse pratiquement tomber sur le canapé, par-dessus l'accoudoir, allongée de manière peu confortable. Bien sûr que j'ai vérifié qu'il n'ait plus la tasse dans ses mains avant, attendez... « Pion en B3. » Boh, aucun mouvement. Je soupire, m'assied et avance mon bras pour réaliser le mouvement. « Harry Potter va beaucoup me manquer... » Oui, malgré mon age avancé, j'avais suivi la saga, qu'elle soit "littéraire" ou cinématographique. Je lève enfin les yeux vers la personne dont j'ai décidé d'interrompre la partie. Ou plutôt de la reprendre. Il s'agit donc de Malo, même si, sans avoir nettement croisé son regard, je l'avais plus tôt identifié. Je me calme un peu alors que je le dévisage. « Vous avez les yeux tristes. » Plus tristes que d'habitude, bien entendu. Il y avait toujours eu un petit quelque chose de douloureux au fond des iris de Malone. Moi, j'appelais ça le génie.

Une âme esseulée atterrit à ses côtés. Il n'avait pas eu besoin de se retourner pour voir qui c'était. Il l'avait reconnu à sa voix quand elle s'était exclamée. Voyant qu'il ne réagissait pas, bien trop obnubilé par sa partie d'échec. Elle s'échoua à la place à côté de lui. Il sentit les jambes sveltes de la femme cogner son dos. Il ne cilla pas. Il se contenta de regarder les cases noir et blanche comme si de rien n'était. Heureusement qu'il n'avait plus sa tasse de thé entre les mains, sinon elle aurait tâché une de ses plus belles chemises. - Pion en B3., dit-il. Il allait bouger le fameux pion quand sa voisine tendit la main pour exécuter le mouvement sur l'échiquier. Il observa le déplacement du pion et commença à réfléchir à son prochain coup. Nostalgique, elle ajouta : - Harry Potter va beaucoup me manquer... Il n'avait jamais lu un seul tome de la célèbre saga, ni un des films d'ailleurs bien qu'il connaissait des gens de son entourage qui en étaient fans. Il ne comprenait pas la frénésie autour de ces livres. Même si la saga était terminée, ses plus fervents fans continuaient à les relire et à espérer une suite. Malheureusement, l'auteure la plus riche du Royaume-Uni, la bien aimée J.K Rowling avait tourné la page. Elle avait décidé de poursuivre sa carrière d'écrivaine dans une direction opposée. Il sentit son regard sur lui. Elle était en train de le dévisager et commenta : - Vous avez les yeux tristes. Une remarque qui assombrit d'avantage ses yeux azurés. Il la fixa à son tour et lui murmura en français : - C'est bientôt mon anniversaire ... Il préférait lui parler dans la langue de Molière. Sive était sans doute une des seules candidates qui l'appréciait à sa juste valeur. Il esquissa un petit sourire avant d'avancer son cavalier en E5. La date fatidique de l'anniversaire. Rien qu'y penser, il en frissonna. Il n'aimait guère le fêter, car c'était aussi la date de mort de sa mère. Jour funeste de sa vie d'enfant. - Gardez cela pour vous. Je ne veux pas que tout le château soit au courant., lui demanda-t-il. Ce qu'il détestait le plus lors de ses anniversaires, c'était les surprises. Il avait horreur de cela. A ses yeux, fêter un anniversaire n'avait rien d'extraordinaire. Pareil pour la Saint-Valentin à laquelle il n'adhérait pas car il n'avait pas besoin d'un jour spécial pour déclarer son amour à la femme qu'il aime. - Mes proches commencent à me manquer ... En l’occurrence il avait besoin des conseils de sa cousine Mona à propos de AJ. Il aurait tant voulu qu'elle soit là à ses côtés. - C'est votre tour de jouer, annonça-t-il.