Jour deux de ma sentence, soit être condamnée au silence. Y’a pas à dire, je m’amuse follement d’être privée de parole… Écrire, gesticulée, articulée à l’extrême, faire le mime, même, ça va un moment. Mais ce silence, il devient lourd à la fin. Au moins, ce n’est que pour une seule semaine. Je n’imagine même pas le calvaire que ce doit être pour ceux qui sont privés de ce don à vie. Loin d’être ceux qui parlent le plus dans le coin, je considère quand même que ma voix importe. Le seul qui doit vraiment être heureux de la situation, ce doit être Andreas, mon partenaire. Oh, lui, tant qu’il m’arrive un malheur, il est heureux, c’est sûr. D’ailleurs, c’est tout à fait réciproque, qu’on se le dise. Il dort d’ailleurs toujours à mes côtés quand je m’extirpe du lit, en matinée. Pas question que je le réveille, il m’est plus agréable de cette manière, de toute façon. Me trainant en pyjama jusqu’à la cuisine, et voyant qu’il n’y a plus de café, je décide d’en refaire… mais voilà, la réserve est vide. Je me dirige donc au cellier, où j’y croisse Nora, visiblement afférée à mettre un peu d’ordre dans le coin. Ce qui, de toute évidence, ne fera pas de tord. Elle me sourit, je le lui rends, puis me pose devant le garde-manger en recherche du sac de café, en vain. Il faut dire qu’avec le bordel qui règne ici, c’est encore incroyable d’arriver à y trouver quoique ce soit. « Y’a plus de vodka. » Je tourne la tête vers Nora, affichant un air hébétée au visage. Son sourire mutin sur les lèvres me laisse croire qu’elle a parlé à quelqu’un, elle, la semaine dernière… Je vous laisse deviner de qui je parle. Je fais finalement signe de la tête, pour lui mentionner que ce n’est pas ce que je cherche. « Café. » articulais-je sur mes lèvres, à quelques reprises, et d’une lenteur extrême, afin de tenter de lui faire comprendre mon besoin du moment. Hm, j’aurai du trainer mon calepin avec moi. Le pauvre est resté tout seul sur ma table de chevet.

« Désolé, c’est pas super fin de ma part. » s’excuse-t-elle en voyant mon air, alors qu’elle m’apprend qu’il n’y a plus de vodka. Ce n’est pas la meilleure façon de m’aborder, en effet, mais impossible de passer sous silence ma dernière semaine, plutôt difficile, et mes petits écarts de conduite et mon sérieux penchant pour l’alcool. Tous les moyens sont bons pour tenter de noyer sa peine, j’ai envie de dire… « Keelan. » Je lève les yeux au ciel, lorsqu’elle mentionne son identité, car c’est justement à lui que je songeais dès qu’il a été question de ce breuvage alcoolisé. Qui d’autres, de toute façon? Enfin, je ne me souviens pas tellement de ce qui s’est passé ce soir-là, sur les remparts, mais dans le brouillard qui me sert de souvenirs, j’ai cru percevoir son visage à quelques reprises, donc je suppose qu’il est venu me tenir au bout d’un moment. Il faudrait que je le questionne à ce sujet… quand j’en serai capable. Bref. J’informe Nora que je suis à la recherche du café. « Tu peux répéter. » Je m’exécute, et le fais à deux reprises, pour être bien certaine qu’elle capte le message. « Oh, du café ! » Bingo! Quand il question d’un mot ou deux, cette façon de communiquer fonctionne à merveille, mais de là à faire deviner des phrases complètes à mon interlocuteur... « Attends, laisse-moi me rappeler ou je l’ai mis… » Je lui fais un signe de la tête pour lui faire savoir que c’est ok, et je m’accoude au mur voisin du garde-manger, attendant qu’elle retrouve mon précieux café. Même si je suis bel et bien réveillée, maintenant, il me faut quand même ma dose de caféine, avant d’être totalement opérationnel. « Euh, Anabel ? » Ma tête se tourne vers la jeune femme. Sa voix, haute perchée soudainement, m’inquiète un tantinet. « Je…ne me souviens pas où je l’ai mis. » Je la regarde, elle semble toute gênée de m’apprendre cette nouvelle, alors que ce n’est rien en soi. Qu’un café manquant à l’appel. « Faut que je vois dans ces cartons là, tu… m’aides ? Sinon, eh bien, je te l’apporte après, si tu veux. Enfin, une fois trouvé. » Je lui fais signe de la tête, à nouveau, lui indiquant que je veux bien l’aider. Je m’approche donc des cartons pour la soutenir dans cette quête. Nous avons quand même intérêt à le retrouver avant que les autres ne rappliquent, sinon, je sens venir la catastrophe à cent miles à l’heure. Misère.