Non, non, pitié… pas le retour des nuits d’insomnies. Je n’avais pas besoin de ça. Mais voilà, je tournais et me retournait dans tout les sens dans ce lit trop étroit pour deux. Surtout avec Andreas dans les parages. Il était clairement de trop, mais partenariat oblige, je me devais de partager ma couche avec lui. Et peu m’importait que je le réveille ou pas, à force de changer de position au cinq, dix minutes, ou parce que je soupirais bruyamment entre deux bâillements qui témoignait de mon état de fatigue… Et pourtant, impossible de fermer l’œil pour de bon. Si je réussissais à m’assoupir, il y avait toujours ce petit quelque chose pour me tirer de mes songes. Et le cycle infernal reprenait de plus belle. Découragée, je décidais finalement de me lever, et je passais à la salle de bain pour me passer un peu d’eau froide au visage. Cela faisait un bien fou. Mais pourtant, il me semblait que ce n’était pas suffisant. Le château silencieux dans la nuit m’angoissait… aussi bien aller prendre l’air. Un rapide passage au dressing pour enfiler quelque chose de plus approprié qu’un pyjama – hm – et je me sauvais dehors, respirant le grand air à pleins poumons. Visiblement, semble-t-il que je n’étais pas la seule à avoir eu cette idée, puisqu’au loin, je repérais une silhouette qui s’aventurait dans les sentiers. La suivre, ou pas ? J’optais finalement pour la première option, sans trop savoir où cela me mènerait, ni même qui je suivais. L’air frais se faisait sentir, et je me considérais bien heureuse d’avoir songé à mettre une petite veste. Je referme d’ailleurs la fermeture éclair en continuant ma marche sur les traces de l’inconnu. Nos pas nous mènent jusqu’à l’écurie, où, alors qu’il s’arrête, je réussi à m’en rapprocher d’avantage pour être capable de le reconnaître. Ennio. Après un moment d’hésitation, il pénètre dans les lieux, et je décide de le suivre, parce que, bah… j’en ai envie. Il me chassera, s’il désire que je parte, mais pour l’instant, je n’en sais rien, alors je tente ma chance. Il fini par s’affaler sur un tat de paille et ce geste me permet de finalement le rejoindre. Je me poste à ces pieds, et le regarde, un petit sourire au bout des lèvres. « C’est confortable ? » que je lui demande, en penchant la tête sur le côté, telle une gamine.

Oh, mais tiens, c’est quoi ce grand sourire qui apparait sur son visage, lorsque j’apparais dans son champ de vision, qui s’amplifie alors que j’ouvre la bouche pour prendre la parole, le questionnant sur son niveau de confort. « Mon dieu, mais tu parles ! » Ah, bien sûr, la muette que j’étais la semaine dernière à enfin retrouver la parole, Dieu merci! Lui le premier doit se réjouir de cette nouvelle, bien plus que moi-même, en fait. « Hey oui, je ne pas perdu la voix, miracle! » le taquinais-je en retour. Cette crainte – infondée – avait quand même hanté mes nuits, et j’avais été heureuse de retrouver la mélodie agréable de ma voix dans mes oreilles. J’en connaissais certains qui ne devaient pas se réjouir que cette semaine de silence prenne fin - *tousse* Andreas *tousse* - mais pour les autres, je pense qu’il s’agissait d’une bonne chose. De quoi faciliter mes relations avec eux, et rendre nos contacts plus agréables, plus naturels, aussi. Converser sur un calepin, pendant quelque temps, ça le fait très bien, mais après une semaine… oh pitié, j’en avais eu marre. « Juste ce qu'il faut. » me répond enfin Ennio, quant à ma question posée plus tôt. Je suis d’avis que la paille, ce n’était pas un sofa ou même un lit, mais c’était tout de même mieux qu’une pille de cailloux, entendons-nous. « T'as qu'à essayer. » Et il m’invite à siéger à ses côtés, tapotant la place voisine à la sienne. Hm… pourquoi pas! Je n’attendrai pas son invitation deux fois, tiens. Par contre, petit détail que j’avais loupé, au passage. « Mais bon sens, ça pique ce truc! » À quoi m’étais-je attendu, aussi, vêtu de la sorte. Bon, si je ne bougeais pas trop, ça pouvait toujours faire l’affaire… « Tu m'as suivi ? » Je tourne la tête vers lui, captant son regard suspicieux, mais aussi plein de malice. « Non, pas du tout… jamais… bah… euh… peut-être, en fait. » Tout ça dans une même phrase, que de magnificence. « Je suivais une silhouette, tu sais… c’est juste que le hasard à voulu que ce soit toi. » Je pouvais au moins lui offrir une réponse claire, qui d’ailleurs, s’apparentait plus à la vérité. « Tu fais quoi ici, d’ailleurs ? Les écuries, en plein cœur de la nuit… Drôle d’endroit pour venir faire un roupillon. » Je me doutais bien que ce n’était pas ce qui l’avait motivée à venir dans le coin, à cette heure tardive de la nuit… mais quand même, je ne voyais pas d’autres explications. « À moins que tu n’ai eu un rendez-vous avec une candidate… oh, ce doit être ça, je devrais peut-être te laisser! » Je fais mouvement de me relever, pour jouer le jeu jusqu’au bout. Je ne sais pas si c’est l’heure, la fatigue, ou un beau mélange des deux, mais je suis bavarde tout à coup. Semble-t-il que j’ai tenu de ma promesse de parler pour deux sans même m’en rendre compte.

Les chances que je tombe précisément sur Ennio, en plein cœur de la nuit, étaient assez peu nombreuses, quand on y pensait. Un sur vingt-quatre, ou vingt-cinq ? Combien étions-nous rendus, d’ailleurs, dans cette aventure. Je crois que j’avais perdu le compte, mais au final, ce n’était pas très important. Quand même, il faut croire que le hasard faisait bien les choses, puisque je préférais encore que ce soit lui, plutôt que… je sais pas, ce soit Andreas, Marcus, Irène, London même. Des candidats qui soit m’indifférait, soit me tombait sur les nerfs. Au moins, je pouvais dire que je me trouvais en agréable compagnie, puisque c’est au final Ennio que j’avais été amené à suivre, sans trop le savoir. « N'importe quoi ! » s’exclame mon camarade à mes côtés, en rigolant à mes propos. Oh, mais je vais me vexer, si ça continue, à croire qu’il se moque de moi! « C'est pas mon genre de filer des rendez-vous secrets à une nana, ça fait tellement douze ans et demi. » Bon, il faut croire que je suis absurde avec mes suppositions… Ou peut-être un tantinet trop naïve, tiens. Ça me ressemblait plus, ça, au final. Mais je m’inventais mes propres histoires, à défaut d’avoir la vérité sous les yeux, et j’avais énoncé la première idée à me passer par la tête. Et j’avais fait erreur sur toute la ligne. Tant pis. « Et puis j'ai bien peur qu'aucune candidate de ce château ne vaille la peine que je sorte de mon lit en pleine nuit et prenne le risque de croiser Adie le loup-garou. » Et je le vois qui se la joue prétentieux, soudainement. Tiens, ça me rappelle quelqu’un que je n’apprécie pas, soudainement. Il a intérêt à ne pas garder cette tronche trop longtemps, car je risque de vouloir lui enfoncer la tête dans le tat de paille… et il sera le seul fautif de mon comportement! Je pose ma main sur mes hanches, un regard mi-dégouté, mi-découragée s’affiche sur mon visage. Bon, ce n’est pas très crédible avec ma bouille d’ange, mais il fallait quand même que j’essaie. « Ah, bien sûr, aucune fille n’est assez parfaite pour toi, je vois. » rigolais-je un peu, avant de perdre mon air. Je remarque qu’Ennio se défait de sa veste, et j’hausse un sourcil, perplexe, avant de comprendre ce qu’il est en train de faire… Non, mais, oh! Il n’était pas obligé de faire ça! Je me serais contenté de la paille, m’y serait habituée, à force. Pas besoin de sacrifier pour moi cette pauvre veste pour mon confort. Et qu’il y ajoute cette petite courbette me mettait d’autant plus mal à l’aise. Attention, le rouge allait me monter aux joues dans trois, deux, un. « Le trône de mademoiselle est prêt. » J’esquissais un léger rire avant de poser, gênée, la main devant mon visage. Bon, maintenant que c’était fait… je n’allais pas cracher sur cette place. Et puis, je n’avais pas envie de partir. Le choix n’était si difficile à faire, quand on y pensait. Je revins donc m’installer à ma place tout en délicatesse, comme une dame digne de ce nom. « Oh, merci beaucoup messire. » Et pour le remercier, hop, un petit bisou sur la joue. Il l’avait bien mérité, mon gentilhomme.

- mon 2000e message, comme promis -

Bien sûr que je savais qu’il blaguait, bien sûr que je n’étais pas sérieuse dans mes reproches. Je jouais le jeu, parce que ça me distrayait, et parce que j’aimais bien voir son air quand il se demandait si j’étais naïve au point de croire qu’il était sérieux ou si, au contraire, je m’amusais à ses dépens. De toute façon, je finis toujours par faire se fissurer mon masque du sérieux pour revenir à une mine plus souriante. Il m’arrive même parfois de rire, comme en ce moment. « Pff, j'ai pas dis ça, t'exagères. » Non, ça ne fonctionnera pas avec moi, cette tronche faussement sérieuse. J’y vu clair dans ton petit jeu, vilain garnement. « Jusqu’à preuve du contraire, c’est ce que je vais croire. » que je lui rétorque, une jolie grimace au passage. Bref, maintenant que j’ai une belle place qui m’attend, je n’hésite plus à rejoindre Ennio dans la paille, le remerciant au passage d’un bisou. Un grand sourire étire ses lèvres, puis son regard se perd droit devant lui. « Messire ? Je crois que je préfère être un vers du terre... » Je tourne la tête vers lui, un peu perplexe face à sa remarque. Moi, déjà, je faisais seulement jouer le jeu, je ne pensais jamais qu’il tiquerait sur un si petit détail. Même si ça ne ressemble qu’à une remarque faite en l'air, comme ça. « Un… vers de terre ? Pourquoi ? » J’ai besoin qu’il m’explique là, vraiment je crois que je me suis perdue quelque part entre le début de cette conversation et cette phrase, mais il me semble que je ne suis pas aussi distraite que ça, non? « ... un vers de terre qui peut faire ce qu'il veut, où et quand il le veut. » Hm, je vois. C’était une espèce de… métaphore, donc. Du moins, c’est ce que j’en comprends. Mais encore là, difficile de complètement cerner mon camarade : il a des moments comme ça où j’ai l’impression que son esprit s’égare et où je perds complètement la carte. Mais ça ne me dérange pas, pas tant que ça. Je commence à avoir l’habitude avec lui. « Dommage que les vers de terre soient pas très sexy. » Il rigole, et là, je dois dire qu’il a quand même raison. N’y a-t-il pas créature sur terre plus dégoutante qu’un vers de terre? Personnellement, je les avais en horreur, hein. « Bah, tu sais, si les vers de terre te ressemblaient rien qu’un peu, on n’aurait pas ce problème… » Oh, et puis Anabel, quand est-ce que tu allais apprendre à te la fermer, aussi.

« Mais si les vers de terre me ressemblaient, je deviendrais quoi, moi ? Tu te trouverais un autre vers de terre, une version améliorée, et poubelle, le Ennio ? » me fit-il, en se la jouant un peu dramatique, voir presque peiné de cette éventualité. Oh, mais qu’est-ce qu’ils ont, les hommes de cette maison, à prétendre que je suis ce genre de personnes. « Non, voyons ! » m’en offusquais-je d’ailleurs. Non, mais oh, il faut arrêter avec ça, quand même. Je sens qu’on est en train de se faire un bien mauvaise impression de moi – même si tout ceci est faux, ce dont je suis conscience – et ça ne me plait pas. « De toute façon, l’original aura toujours une place particulière dans mon cœur. Et ça, ça le rend irremplaçable. » Tout ça, toute cette discussion dissimulée derrière des sous-entendus. Je suis consciente que je m’ouvre un peu trop, alors que pour lui, peut-être ne s’agit-il que d’une remarque se voulant plus joueuse que sérieuse. Tant pis, alors, si mes propos sont de trop, ou loin d’être appropriée. Il m’a posé une question, et j’ai tenté, du mieux que j’ai pu, de rester authentique à celle que je suis en lui répondant, et ce n’est pas du bluff. Ennio compte beaucoup à mes yeux, pour une tonne de raisons que je ne peux vous citer ici – enfin, je le pourrais, mais n’en ai point envie. S’il ne le savait pas avant aujourd’hui, je suppose que c’est maintenant chose faite, désormais. Enfin, j’imagine. Je ne me suis pas montrée très explicite à ce sujet. « Et puis pourquoi j’aurai envie de te remplacer? » Oui, la question se posait vraiment. Moi, personnellement, je ne voyais aucune raison de le faire. Une version améliorée… et puis quoi encore? Comme je l’avais-dit ci-haut, le Ennio qui j’avais devant moi me suffisait. Je me tournais d’ailleurs vers lui pour aller le blottir dans ses bras, bien oui, comme ça, sans raison apparente, rien que parce que j’en avais envie. Après tout, entre lui et moi, je crois qu’il y avait un moment qu’on se passait de permission pour ce genre de contacts. Chez moi, du moins, ça me venait si naturellement que je ne pouvais ignorer ce besoin-là.

- désolé de cette médiocre réponse, mais au moins, tu en as une -