Et voilà, encore une fois, Tweedy se rendait dans la salle de vidéo-surveillance, sans raison particulière si ce n'est le fait qu'elle veuille encore et toujours nourrir sa grande curiosité, bien sûr. Et d'ailleurs, elle prenait ainsi conscience que celle-ci ne lui laissait pas beaucoup de répit, dans la mesure où Tweedy se sentait sans cesse obligée d'être au courant de tout ce qu'il pouvait se passer ici ou là. Croyez-le ou non, mais ça n'était pas quelque chose de facile à vivre, hein. Oh non. Ainsi donc, en cette calme matinée, la petite brune avait une fois de plus pris la direction de cette salle qu'elle connaissait à force si bien qu'elle pourrait aisément finir par y séjourner, mais fut bien loin de s'attendre à y trouver quelqu'un en poussant la porte. Car figurez-vous que son camarade Hamad se trouvait ici, les yeux semble-t-il rivés vers les écrans, d'un calme olympien, probablement très concentré. Une telle vision ne manqua évidemment pas d'amuser Tweedy, qui décida alors de s'approcher doucement. Pour une fois, loin d'elle l'envie de lui faire peur - elle n'allait quand même pas faire le coup à tous les candidats, hein - elle aspirait simplement à adopter la même attitude que lui. Ainsi donc, désormais à ses cotés, la petite brune vint lui chuchoter quelques mots. « Tu m'as l'air extrêmement concentré. C'est rare de te voir comme ça ... » Oui bon, elle le taquinait gentiment. Pour preuve, elle lâcha même un petit rire. Rien de bien sérieux, donc.

Ce que je fais ici? Pas grand chose, loin de moi l'envie d'espionner les candidats pour déceler leurs moindres secrets. J'ai simplement la curiosité d'observer, à la manière des téléspectateurs, ce château en constante ébullition, de ce point de vue omniscient qui tend à nous échapper dans notre condition de bêtes de foire. Je constate ainsi l'abondance des caméras, et découvre de ce point de vue certains détails qui m'auraient sûrement échappé sans rétrospection. Je joins mes mains sous mon nez et plisse les yeux, la glace que je me suis servis plus tôt dans la cuisine en passe de fondre, quand Tweedy fait soudainement son entrée dans la pièce. Je l'observe du coin de l’œil. Sa réaction quant au départ d'Ezéquiel me travaille encore, je me demande un instant comment une fille comme elle a-t-elle pu s'attacher à un monstre tel que lui? Aucune de mes pensées ne viennent transparaitre sur mon visage. Je ne me retourne qu'à peine pour la saluer, avant que cette dernière ne murmure quelques mots à mon oreille. Je souris. « Tu n'as pas l'impression d'être un voyeur quand tu viens ici? Je veux dire... On connait ces personnes qui s'activent sous nos yeux. Je trouve ça profondément malsain d'avoir aménagé cette pièce. Elle tend à faire ressortir de nous le pire que nous ayons. » Je reste concentré sur les écrans alignés face à nous, nullement mal à l'aise, seulement curieux je l'admets. L'envie, le voyeurisme, la perversion. Je me demande combien de candidats viennent ici chaque jour pour mener leur enquête. Je trouve cela tendancieux. Je me renfonce dans mon siège et dépose ma main sur le bras de ma camarade tout en tournant vers elle des yeux plein de sympathie. « Qu'est-ce que tu fabriques ici toi? » Je lui demande avec douceur.

Un ... un voyeur ? Hm, très sincèrement, Tweedy ne s'était jamais posée cette question en venant dans cette pièce. Bon, peut être bien qu'elle n'avait pas été particulièrement à l'aise avec l'idée d'être témoin de tous les faits et gestes de ses camarades la première fois qu'elle s'était rendue dans la présente place, mais pas au point de se prendre pour un voyeur. Pour autant, peut être Hamad avait-il raison, et peut être bien que toute cette organisation était effectivement malsaine. Tweedy, elle, passait tellement de temps ici que ça lui paraissait désormais presque normal, en tout cas loin d'être blâmable, de satisfaire sa curiosité. Après tout, faisait-elle un quelconque mal en observant ces écrans ? La punirait-on pour cela une fois son heure venue ? Mieux valait certainement ne pas y penser. Oui, c'était préférable. « Non, je ... je suis plutôt tranquille avec cette idée, en fait. Enfin, je veux dire que je me vois pas comme quelqu'un de malsain simplement parce que je satisfais ma curiosité ici ... Mais peut être devrais-je ... » Oui, peut être. Rah, pour le coup, Hamad la faisait douter. Et si, en fait, elle était une odieuse personne, simplement désireuse d'espionner ses camarades, le tout sans la moindre gêne ? Olala, si elle commençait à se dire ce genre de choses, on n'était clairement pas sortis. La jeune femme adressa tout de même un sourire à Hamad, notamment lorsqu'elle sentit la main de celui-ci se poser sur son bras. Ce qu'elle fabriquait ici ? Bah pour le coup, elle aurait un peu de mal à prétendre qu'elle était venue préparer des crêpes, ce qui au passage était plutôt le genre d'Hamad, hm. « Je viens guetter que rien de grave ne se passe à cet instant précis où que ce soit. Je suis chaque fois prête à intervenir. » Un petit rire lui échappa alors, tant l'idée que Tweedy pourrait intervenir en urgence pour n'importe quelle raison était invraisemblable. Pour autant, elle ne mentait pas. Il est bien vrai qu'en cas d'altercation, de désordre occasionné ou autre, elle n'hésiterait pas à se manifester. Bon, c'était peut être une manière comme une autre de soulager sa conscience, c'est vrai. Mais chut.

La demoiselle semble déstabilisée par mes affirmations. Pire encore, elle a l'air de prendre cela tellement à coeur que je ressens dans sa voix de l'hésitation et un peu de culpabilité. Je choisis de ne pas répondre, la laissant poursuivre. Elle tente ainsi de m'expliquer par la plaisanterie les raisons de sa venue ici. Forcément, après ce que je viens de lui dire, il était évident qu'elle changerait de sujet pour aborder un terrain moins glissant, plus détendu. J'arque un sourcil. « Te cherche pas d'excuse. » Je la coupe en secouant la tête, me reconcentrant sur les écrans en feignant une moue contrariée sur mon visage fermé. Je ne la regarde pas, mais un rictus menace de s'étirer sur mes lèvres, grignotant la commissure de ces dernières à mesure que j'essaye de le contenir. Je me tourne finalement de nouveau vers la demoiselle et plante un doigt entre ses côtes, la langue coincée entre mes dents, fronçant les sourcils en une expression mutine et profondément enfantine. « T'es une peeeeeeeeerveeeerse. » Je me moque d'une voix aigüe, à la manière d'une petite racaille de quinze ans qui taquinerait un vieux pote. Bien entendu que je n'irais pas blâmer la demoiselle de venir se rincer l'oeil toute la sainte journée sur les fesses des candidats prenant leur douche. Si elle a la conscience tranquille avec un comportement aussi étrange, grand bien lui fasse. Non, là encore j'exagère. Je me radoucie donc, les yeux rieurs, et relâche mes bras qui viennent s'écraser doucement sur mes genoux, ballants. « Je t'ai manqué ma Tweedoune? » Je lui demande, plus ou moins sérieux, l'implorant du regard de répondre à l'affirmative et me faire un gaté au passage. Parce qu'à moi, elle m'a manqué.

Attendez, est-ce que Tweedy était véritablement censée avoir mauvaise conscience, là ? Parce que soyez sûrs qu'elle ne tarderait pas à l'avoir si elle continuait de se persuader qu'il n'était peut être pas normal de passer autant de temps dans une telle salle. Notez d'ailleurs qu'elle avait été parfaitement tranquille avec cette idée jusqu'à ce qu'Hamad lui fasse savoir qu'il trouvait cela pour le moins malsain. Du coup, à cause de lui - oui parfaitement, c'était entièrement de sa faute - elle se mettait à douter. Et si elle allait trop loin en venant ici presque tous les jours ? Et si tout le monde la voyait maintenant comme une sale petite curieuse, ou pire, comme quelqu'un de véritablement malsain, qui se plait à espionner les autres pour avoir un sentiment de supériorité ? Et le pire, c'est que son délire mental ne fit que s'aggraver lorsqu'Hamad osa lui dire de ne pas se chercher d'excuses. Quoi ? Mais pourquoi ? Alors il la prenait vraiment pour quelqu'un de mauvais, simplement parce qu'elle venait régulièrement en salle de vidéo-surveillance ? Mais, mais ... ce n'est pas possible, pas lui. Non, il ne pouvait pas la voir de la sorte quand même. Pour le coup, Tweedy était désemparée. Heureusement pour elle que son camarade arbora subitement une mine amusée, la traitant de perverse, mais cette fois-ci, comme s'il s'en amusait. Ouuuuf. Bon, le coup du doigt entre les côtes, ça n'était pas trop au goût de Tweedy, mais au moins, elle n'avait plus l'impression d'être un monstre aux yeux de son camarade. Et ça, c'était clairement une excellente nouvelle. Un rire lui échappa alors. Petite andouille, qu'elle aurait voulu lui dire. Mais ce ne fut pas ce qui sortit de sa bouche, encore heureux. « Tu m'as fait peur, vilain » articula-t-elle simplement, faussement boudeuse. Bien évidemment, elle ne lui en voulait pas de lui avoir fait croire qu'il s'offusquait de sa venue ici, hein. C'était Hamad, et elle ne pouvait pas en vouloir à Hamad. Bah non. D'ailleurs, lorsque ce dernier chercha à savoir s'il lui avait manqué, la jeune femme lui adressa un large sourire, venant carrément s'assoir sur ses genoux et l'enlaçant à l'aide de ses petits bras. « Bien sûr que tu m'as manqué ! » s'exclama-t-elle alors, faisant ensuite cesser leur étreinte et posant son index sur le nez d'Hamad. So gamin, so Tweedy. « J'espère que c'est réciproque ... » Parce que si ça ne l'était pas, et bien, elle allait bouder. Ouais voilà, redoutable menace que celle-ci, hein.