“ otherside ”

w/@léo.

Quand il se concentrait, le canadien pouvait encore entendre la voix stridente de sa professeure de théâtre résonner tout autour de lui. Cette femme l'avait formée pendant ses années de lycée, l'avait aidé à vaincre sa timidité, et avait souvent servi d'intermédiaire entre ses parents et lui, mais aussi de confidente pour l'adolescent en colère qu'il avait été. Il faut dire qu'entre son père qui s'était  persuadé qu'il n'y avait que les homosexuels pour se découvrir une passion pour le théâtre à un âge où beaucoup préféraient faire du sport, et sa mère qui s'était mise en tête qu'il avait trouvé par ce biais un moyen de se désintéresser du reste de ses cours, et donc d'en faire un minimum, le canadien ne s'était jamais senti soutenu, et ça lui avait fait mal, pendant des années. Jusqu'à ce qu'il parte pour Toronto et y voit une double chance : celle de concrétiser son rêve, et celle de s'éloigner de l'influence nuisible de ses parents. Aujourd'hui, tout ça était bien loin, il n'avait plus eu de nouvelles de sa professeur depuis des années, et il supposait que ça n'était pas plus mal, puisqu'à ce jour il ne saurait pas comment lui expliquer ce qui lui était arrivé, et s'il y avait bien quelqu'un qu'il n'avait jamais voulu décevoir, c'était elle. Égaré dans ses réflexions, il en fut tiré au moment où la pile de chemises qu'il venait de ranger dans son compartiment se renversa et qu'il put constater que celle qu'il avait porté dimanche soir n'y figurait pas, ce qui soit voulait dire qu'il n'avait pas été la récupérer à la laverie, soit que la vérité était plus sombre encore. « J'ai refusé de le croire mais Lamine avait raison » qu'il énonça alors d'une voix presque solennelle, sans nécessairement chercher à ce qu'on l'entende, puisqu'à vrai dire il était persuadé d'être seul dans le dressing à une heure où beaucoup l'avaient quitté depuis un moment. « Il y a un voleur parmi nous. » Les sourcils froncés, la mâchoire contractée, il lança quelques furtifs regards d'un coin à l'autre de la pièce. « Et ce voleur c'est ... » Dans un élan de théâtralité, il tendit cette fois l'un de ses bras devant lui, fit un tour rapide sur lui-même puis se stoppa net, un doigt pointé en direction d'un candidat qu'il avait prévu d'imaginer en lieu et place de celui qui se tenait réellement face à lui. « … toi. » Il se tut alors instantanément au moment où il reconnut Léo, qu'il avait rendu malgré lui témoin de son improvisation du jour, et qui dans le meilleur des cas était arrivé juste pour la fin. Le meilleur, ou le pire, c'était subjectif.

Encore dans ce qui me sert de pyjama soit un caleçon tout à fait honorable que je chéri tout particulièrement, le même genre que celui que j’ai pu ramener à Nirvana pour qu’elle l’utilise en doudou, je débarque dans le dressing en vue de me trouver une tenue du jour. Bon blague à part il faut que j’me trouve un short et un tshirt propre ce qui ne va pas être une mince affaire compte tenu de ma non-entente avec la machine à lavé. Elle et moi c’est une longue histoire tartinée de mésententes et saupoudrée d’impatience, bref tout ça pour dire que j’ai épuisé mon stock et qu’il faut que j’y aille. Le plus tard sera le mieux mais à fouiller dans mon espace dédié j’crois que le plus tard sera finalement aujourd’hui. En fond sonore y a ce mec, Allen, qui parle tout seul. J’comprends ce qu’il raconte mais j’vais le laisser dans son délire pour cette fois et faire demi-tour bien sagement pour aller me laver. Ma recherche est finalement assez rapide puisque je déniche un t-shirt rapidement et c’est pile au moment où je m’apprête à faire demi-tour que j’me fait pointer comme un criminel. Merde j’pensais m’en tirer tranquillement. « Oui ? » J’ai presque l’air d’un ange qu’on vient de faire atterrir sur Terre. Bref n’exagérons rien j’vais pas non plus me contenter de ça. « Ah tu veux parler du truc qui m’a servi à nettoyer le sol ? J’ai eu une crise de ménage c’était vraiment dégueu dans la salle de bain et j’ai pris le premier truc qui m’est tombé sous la main. » Y a beaucoup trop de contradictions dans ma phrase pour qu’elle soit crédible mais j’ose espérer qu’il va gober la chose. « C’était à toi ? » Dis-je avec mon air faussement compatissant. Mon regard glisse alors sur le sol pour constater les dégâts. « Tu rangeras avant de partir, hein. » Je désigne donc mouvement vague de la main le tas de chemises qu’il a foutu par terre comme si moi, le mec dont les fringues trainent partout, pouvait me permettre ce genre de réflexion. C’est d’ailleurs pour ça que j’le fait.

Désolée du retard !

L'une de ses chemises n'était pas rangée à sa place, et dans l'immédiat difficile de savoir si c'était lui qui l'avait oubliée à la laverie, ou si quelqu'un l'avait rangé au mauvais endroit. Parce qu'il n'était pas partisan de la théorie selon laquelle les candidats seraient du genre à se voler entre eux. Lamine avait bien tenté de le convaincre qu'ils étaient tous déterminés à ne pas se faire de cadeaux, mais il aimait quand même penser qu'ils étaient au-dessus de ça. Pour autant, il s'amusa à improviser un petit monologue, inspiré par la situation, et prit ainsi son air le plus sérieux, avant de lâcher quelques bêtises, loin de s'attendre à ce qui que ce soit entre au moment précis où il aurait l'air le plus idiot. Et ce moment, ce fut celui où il tourna sur lui-même et pointa du doigt Léo, entré pendant ce temps. Tout laissait alors penser qu'il l'accusait d'avoir commis un vol, mais c'était juste le timing qui était un peu contre lui. Son camarade, cependant, attira son attention lorsqu'il laissa entendre qu'il était probable qu'il ait nettoyé le sol de la salle de bain avec cette chose qu'il avait perdu, et la mine du canadien se crispa légèrement. « Tu t'es servi de ma chemise comme d'une serpillière ? » s'étonna-t-il, parce qu'il n'avait avancé l'idée d'un vol que pour délirer, jamais il n'aurait pensé que quelqu'un aurait pu subtiliser sa chemise, et certainement pas pour faire le ménage. « Je l'aimais bien, moi, cette chemise. » Il n'était généralement pas plus attaché que ça à ses fringues, mais à choisir d'imaginer l'une d'elles être frottée contre le sol, il aurait autant aimé que ce soit l'un de ses vieux t-shirts, et pas une chemise blanche qui faisait un peu habillée. « Ta partenaire aussi, d'ailleurs, alors tu régleras ça avec elle » reprit-il dans un fin sourire, pas du genre à en vouloir à quelqu'un pour si peu, ni à sérieusement imaginer que Mylah pleurerait la disparation de sa chemise. Certes, elle l'avait complimenté sur sa tenue dimanche soir, mais la blonde devait avoir l'habitude de fréquenter des hommes bien mieux habillés que lui. La voix de Léo s'éleva alors à nouveau et celui-ci sembla compter sur le canadien pour ranger le dressing, il est vrai un peu en désordre. « Oh oui, certainement » qu'il acquiesça docilement, faisant quelques pas à travers la pièce pour ramasser une première chemise, avant de se tourner vers son camarade. « Et j'imagine que t'étais sur le point d'ajouter que tu serais ravi de me donner un coup de main. » C'est qu'il voulait bien rendre service à tout le monde en rangeant tout ce qui devait l'être, mais le faire alors que Léo repartirait comme il est venu, ça le tentait moins. « Parce que c'est le cas, pas vrai ? » Oh, probablement pas, mais qui sait s'il ne se sentirait pas obligé de lui prêter main forte maintenant qu'il avait émis cette folle idée. Ça valait le coup d'essayer.

Spoiler:

Je ne saurais décrire ce plaisir que j’ai à voir des visages se crisper à mes provocations aussi fausses que futiles. Non j’ai pas utilisé une quelconque chemise en guise de serpillère, je suis encore en mesure d’aller en chercher une dans la buanderie mais surtout, par-dessus tout, j’vois pas pourquoi j’me coltinerais du ménage. J’essaie déjà de soudoyer Mylah pour qu’elle s’occupe de mon linge, bon disons chantage ce sera plus approprié, donc c’est pas moi qui fera l’ménage ici. J’le regarde les sourcils à demi froncés comme s’il venait de me mettre le doute. Pourtant c’est une évidence. « J’crois, ouais. » J’hausse les épaules pas plus dérangé que ça par la perspective d’avoir utilisé un de ses biens perso pour le bien de la communauté même si c’est absolument pas vrai. De toute façon le mec s’en fou. Un type un minimum attaché à ses affaires aurait réagi au quart de tour mais pas lui, la vanne serait à essayer sur Mylah d’ailleurs mais pas sûr qu’elle morde pour le coup. Il parle de sa chemise comme si elle avait appartenu à un autre. Je claque mon pouce et mon index droit entre eux, pointant ce dernier sur Allen dans un sourire aussi grande qu’éphémère. « J’ai bien aimé aussi. » Je m’apprête à faire demi-tour puisque j’ai plus rien à faire là maintenant que j’ai trouvé les fringues qui me feront la journée mais les mots « partenaire » et « régler » m’interpellent. Tout ça est une très mauvaise idée mais il doit déjà le savoir, ce mec entretien de meilleures relations avec la blonde frigide que moi. « On a déjà un tas de choses à régler j’te laisse celle-là. » Et aussi coincée soit-elle elle ne pourra pas nier qu’elle le préfère sans. Ouais j’les ai pistés, ce genre de truc dans les saisons précédentes ça fini souvent en histoire, de cul ou de coeur ça dépend mais histoire quand même. Bref en attendant Allen se chargera de débarrasser son bordel hein, on vit pas dans une porcherie ici. J’déconne, je m‘en fou mais ça m’fait plaisir de le souligner. Le truc le plus magique qui se produit sous mon nez c’est qu’en fait le mec m’obéit. Là j’hallucine. Amusé par la scène, un sourire s’immisce sur mes lèvres jusqu’à ce que le candidat tente de m’inclure dans l’histoire. « T’imagines plutôt mal, j’étais sur le point de te raconter l’histoire de ma scoliose qui m’empêche par exemple de me pencher pour ramasser des objets par terre. C’est bien sûr qu’un exemple parmi d’autres mais c’est le plus imaginer. » Evidemment. Donc non, Allen était à côté de la plaque mais j’peux bien faire un effort. « Tu veux que je t’encourage peut-être ? » J’propose avec compassion, ça part d’une bonne intention.