Evan

C'était un samedi matin des plus banals, et je m'étais rendu dans la salle de bain comme chaque fois après m'être levé pour me doucher. Jusque là, rien de bien extraordinaire. Je posai ma serviette et mes affaires propres non loin d'une cabine histoire de les avoir à portée de main au moment d'en sortir, puis je pris place dans l'une des douches, avant d'entreprendre de me savonner et de me laver les cheveux. Cependant, une fois ma douche terminée, je tendis le bras pour me saisir de ma serviette et là... le vide quoi. « aber ... was zum teufel war das? » En clair, c'était quoi ce bordel ? Point de serviette à l'endroit où j'avais pourtant posée la mienne avant d'entrer dans la douche. Donc y'avait comme un soucis là, clairement. Comment une serviette pouvait-elle s'évaporer en l'espace de dix petites minutes... si personne n'était venu me la dérober entre temps, hm ? Non, je ne voulais pas croire en la piste d'un éventuel voleur. Par contre ce à quoi je voulais bien croire, c'était à la présence de quelqu'un dans cette salle de bain. Car je ne tardai pas à ressentir une sorte de frisson dans tout le corps, comme si la porte venait de s'ouvrir. Je me retournai donc, et aperçus Evan, dont je commençais à mémoriser le véritable prénom, sur le point d'entrer dans la pièce. Alors immédiatement, je décidai de voir si monsieur avait vu ou entendu quelque chose. Sait-on jamais... « Hep, Evan ! T'aurais pas croisé ma serviette dans le couloir, par le plus grand des hasards ? » Des fois que celle-ci l'ait salué et soit partie en courant, hum... Non sérieusement il me fallait remettre au plus vite la main dessus quoi. J'allais quand même pas sortir de la douche dans cette tenue. Y'aurait attentat à la pudeur, et pas sur que les associations de parents d'Irlande apprécient beaucoup. Bref, fallait résoudre ce problème de serviette perdue.

Une fois n'est pas coutume, je me suis levé tard, va falloir que ça change parce que c'est pas dans mes habitudes à l'extérieur. Non, j'suis carrément un lève tôt, mais je n'ai pas le choix, y'a ma puce à conduire à l'école, la galerie à ouvrir et les contrats à honorer. J'ai comme l'impression que mon organisme tente de récupérer le manque de sommeil accumulé ces dernières années, et il s'y prend plutôt bien, mais dans l'idéal, ce serait mieux que je reprenne un rythme normal. Parce que mes jours ici sont plus que comptés, qui sait, peut être que demain, je serais forcé de quitter les lieux, ou pas. On verra, mais de toute évidence, nous n'allions pas rester éternellement ici, l'aventure approchait plus de la fin. Bref, de toute façon, une fois encore, je me suis levé tard, et une fois encore, j'dois rejoindre la douche à l'heure de pointe. Je me traîne difficilement jusqu'à la salle de bain, j'ai légèrement traîné à prendre mon petit-dej, néanmoins. Il arrive un moment, où il faut affronter ses pires démons, ceux qui consistent à partager la douche avec une horde de candidats mal réveillé. Sauf ô stupeur, y'a simplement Andreas. Ce qui est plutôt cool finalement. J'suis prêt à le saluer lorsqu'il m'interpelle et m'interroge au sujet de sa serviette qui s'est visiblement fait la mal. Je me gratte l'arrière de la tâte, m'étendant ainsi de tout mon long. « Salut ! Hum, si, justement, elle m'a dit qu'elle en avait marre d'être collé à ton cul, elle avait finalement envie de vivre sa vie de serviette, en tout liberté. » Mais bien sûr, on va te croire Evan, c'est ça. Le pire c'est que j'ai l'air totalement sérieux. Non sérieusement, j'ai vu personne se tirer avec une serviette donc son histoire me semble bizarre, j'sais bien que j'ai la tête dans le cul avant ma douche mais à ce point, ça m'étonnerait. « Au pire, tu peux essayer d'en apprivoiser une autre, y'a des tas de serviettes vierges de tes fesses dans ce placard là bas. » Je lui montre du doigt, bon bien sûr, j'pourrais même lui en apporter une s'il demande. Ouais, j'sais j'suis cool.

Au fond, j'osais espérer qu'une serviette ça ne disparaissait pas comme ça. Bah si, fallait croire. Le temps d'une douche express et hop, plus rien. Encore heureux que mes vêtements propres, eux, n'aient pas été dérobés dans la foulée. Seulement il me fallait me sécher là, et tout de suite. Alors bien sur Evan tomba à pic, puisque je pus d'emblée lui demander s'il avait certaines infos à me rapporter concernant l'évanouissement dans la nature de cette fameuse serviette. « Salut ! Hum, si, justement, elle m'a dit qu'elle en avait marre d'être collé à ton cul, elle avait finalement envie de vivre sa vie de serviette, en tout liberté. » Si ceci était censé être hilarant, laissez-moi vous dire que le monsieur avait encore quelques progrès à faire avant de ne pouvoir officiellement être considéré comme étant "drôle" à proprement parler. Bah, que voulez-vous, tout le monde n'avait pas mon humour et mon aisance. Sa blague était vaseuse, voilà y'avait rien à dire de plus. Après ça partait certainement d'un bon sentiment, hein. Mouais. « Oh la salope ! » m'exclamais-je alors, tout en effectuant de grands gestes avec mes bras pour feinter la stupeur. Allez, je préférais encore entrer dans son jeu, au moins j'en oubliais un instant l'atroce vérité : la disparition plus que mystérieuse et suspecte de ma serviette. Alors là, vraiment, c'était louche. « Au pire, tu peux essayer d'en apprivoiser une autre, y'a des tas de serviettes vierges de tes fesses dans ce placard là bas. » Oh bah justement, puisque j'étais totalement nu et que sortir de cette douche choquerait probablement plus d'un téléspectateur, il pouvait peut-être me rendre un petit service, hm ? « Ouais j'vais faire ça. Et puis tu vas m'en passer une, hein, d'ailleurs. » Oui, c'était ma façon à moi de lui dire "Hey mec, tu pourrais me passer une serviette s'te plait ?". Wow, chacun sa façon de demander les choses, hein. Et d'ailleurs, qu'est ce qui me garantissait que le photographe n'était pas impliqué dans la disparition de la serviette ? Je le regardai bientôt d'un air suspicieux, pour finalement ajouter. « T'es sur que t'as rien à voir là-dedans, hm ? » Le mec il se pointait comme une fleur dans la salle de bain en mode tranquillou, et ma serviette disparaissait quasiment au même moment. De plus il prétendait n'avoir rien vu, rien entendu... et à une heure pareille certaines candidats dormaient encore. Toutes les preuves étaient contre lui : il était grand temps d'avouer.

Andreas n'est pas vraiment réceptif à ma blague, c'est vrai qu'au réveil j'suis loin d'être compétant. J'suis même plutôt naze, il se pourrait aussi que le grand blond et moi ne partagions pas du tout le même humour ce qui était fort probable. C'était une façon à moi de tourner tout ça en dérision, mais c'est vrai que c'était lui qui avait le cul à l'air dans la douche, et pas moi. Mais finalement il rentre dans mon jeu, un peu après, mais c'est l'intention qui compte. La salope, ouais, une serviette ça parle, ça marche et ça agis comme une gonzesse, c'est bien connu. Ridicule lorsqu'on y pense, néanmoins, c'est moi qui ait lancé le truc. Alors du coup j'continue. Encore et encore, lui proposant d'en apprivoiser une nouvelle. A quoi bon, s'entêter sur une vulgaire serviette quand une pile vous attend bien sagement dans le placard ? Bon, il est plutôt d'accord, et dans son langage, ça signifie que je lui en apporte une. « D'accord ça roule ! » Je me dirige vers le dit placard et attrape une serviette, la première de la pile, assez grande qui plus est sauf que je ne me suis pas encore redressé qu'il m'accuse de lui avoir subtilisé la première. « Quel est l'intérêt de te voler ta serviette si c'est pour t'en proposer une nouvelle que je te donnerais volontiers ? Y'a comme un couac dans le scénario Derrick ! » Pourquoi Derrick ? Parce qu'il est allemand pardi, j'aurais tout aussi bien pu l'appeler Navarro, mais ma référence aurait été veine, donc à quoi bon. « Si j'avais voulu te voir galérer à poil, je me serais posté dans un coin, et j'aurais attendu que tu sortes. Enfin te vexes pas, mais t'es pas trop mon type. »Si bien que je n'ai pas parfaitement envie de voir son engin se balader. Je m'en fiche totalement d'ailleurs. Non mais regardez le, j'suis sympa, je lui propose mon aide, et lui ne fait rien de mieux que m'accuser. Je crois rêver. Alors je me relève, la serviette en main, mais ne m'approche pas de la douche pour autant. « Mais t'es sûr de l'avoir prise cette serviette au moins ? Si ça c'trouve t'as oublié et voilà. Y'a pas de honte, ça arrive mon grand ! » Et là je me mets à sourire. C'est bien, au moins cette aventure de serviette aura eu le don de me réveiller.

Selon Evan, ma serviette en avait eu tellement marre d'être collée à mon cul qu'elle avait choisi de s'enfuir pour de bon. Et selon moi Evan fumait un peu trop la moquette ces derniers temps. Par contre je n'étais pas contre le fait qu'il m'en apporte une autre, de serviette. « D'accord ça roule ! » C'est alors qu'il ouvrit le placard et en sortit une nouvelle, quasiment identique à celle recherchée. Néanmoins je ne lui laissai pas le temps de me la donner, puisque bientôt il était question du fait que sa venue dans cette salle de bain une minute seulement après la disparation de ma serviette était franchement étrange. En clair, pour moi, il était impliqué dans tout ça. « Quel est l'intérêt de te voler ta serviette si c'est pour t'en proposer une nouvelle que je te donnerais volontiers ? Y'a comme un couac dans le scénario Derrick ! » Oui tout ceci n'avait aucun sens, et peut-être aussi n'étais pas assez bien réveillé en fin de compte. « Si j'avais voulu te voir galérer à poil, je me serais posté dans un coin, et j'aurais attendu que tu sortes. Enfin te vexes pas, mais t'es pas trop mon type. » Hin, foutaises ! Le sale petit voyeur qu'était Evan ne voulait que ça, me voir à poil et se rincer l’œil. Et bien sur que si, j'étais tout à fait son type. D'ailleurs s'il sentait que quelque chose était réellement possible entre nous, il n'hésiterait pas une seule seconde à laisser tomber sa bonne femme enceinte. Mais hélas pour lui, ces sentiments n'étaient pas réciproques. Le mieux était effectivement de se mentir à lui-même - au moins il souffrirait moins. « Oui, c'est ce qu'ils disent tous... » Allez, à d'autres hein. Je savais l'effet que je faisais aux mâles, ici comme dehors. Le truc c'est que j'étais capable de faire virer un hétéro gay en un seul mouvement de tête. Bon il était bien gentil le photographe là, mais la serviette j'allais l'avoir aujourd'hui ou demain ? Quand il fit quelques pas vers moi, je crus qu'il allait me l'apporter... mais non, il n'en fit rien. Au lieu de ça il tentait de me faire passer pour un con devant l'Irlande toute entière. « Mais t'es sûr de l'avoir prise cette serviette au moins ? Si ça c'trouve t'as oublié et voilà. Y'a pas de honte, ça arrive mon grand ! » Non mais j'avais encore toute ma tête, oh. Je n'étais pas du genre à m'en faire pour quelque chose que je n'étais pas certain d'avoir posé près de la cabine de douche avant d'y entrer. « Je sais encore ce que j'ai fait en entrant dans cette salle de bain. J'avais avec moi ma serviette, je l'ai posée, je me suis douché. Basta. Maintenant elle est plus là, et c'est louche à mon sens. Donc excuse-moi de t'accuser sans preuve mais bon, j'ai vu personne roder dans le coin excepté toi,... "mon grand". » Pour moi il était le suspect number one dans cette affaire, même si rien n'indiquait réellement qu'Evan avait dérobé cette fameuse serviette. En attendant j'étais toujours à poil, et je me les caillais. La serviette bordel !