Dur, c’était trop dur de faire semblant que tout allait bien, que je ne stressais pas le moins du monde, que j’étais en accord avec la décision de cupidon et que je me voyais déjà revenir, que tout irait bien, car tout allait toujours bien, n’est-ce pas ? Et non, on ne devrait jamais faire de promesse qu’on ne peut pas tenir, pourtant je l’avais fais, et j’avais récidivé. J’avais promis à Tweedy que tout irait bien, plusieurs fois, juste pour qu’elle aille mieux et pour que moi aussi j’aille mieux. J’essayais de me convaincre en la rassurant, elle. Mais j’en avais marre, je voulais aller quelque part ou l’obscurité serait trop épaisse pour que les caméras me capturent et me montre clairement dans la salle de vidéo surveillance. Je marche, déversant ma frustration et ma colère dans chacun de mes pas. D’où est-ce que je méritais d’être nominé hein ? D’où est-ce que les autres méritaient leurs places, d’office, en finale ? Je fulmine, ce n’est plus seulement intérieurement car je chacun de mes pas est violent, écrasant des brindilles par dizaines sous mes pieds. Et finalement, j’arrive dans la clairière, je me calme, j’inspire longuement par le nez, je recrache par la bouche, je pose une main sur mon ventre pour le sentir se gonfler et se dégonfler et doucement, je reprends contenance. C’est à ce moment précis qu’arrive Anabel. Je tourne la tête vers elle, ma bataille intérieure étant terminée je lui souris même. « Félicitations, pour ta place en demi-finale. » Je dis doucement. Je ne suis pas fâché contre elle, ni contre les autres. Personne ne savait qu’en notant, nous serions nominés moi, andreas, keelan, samin, irène et santiago.

La forêt. Pour être franche, il y a un bon moment que je ne suis pas venu me balader ici. La première fois, et surement l’une des dernières, fut le moment fatidique où j’ai fais la rencontre d’un certain candidat dont je me serais bien passé, dans ma vie. Ezéquiel, le grand noir menaçant. Vous comprenez, maintenant, pourquoi j’ai un très mauvais sentiment envers ce lieu. Mais bon, il y a plusieurs semaines, maintenant, qu’il n’est plus des nôtres, et il serait peut-être temps pour moi de me réconcilier avec cette étendue boisée, non? Enterrer la hache de guerre avec ce pauvre lieu qui n’a rien fait pour mériter ma haine. Je décide donc d’aller m’y balader, en cette fin d’après-midi. L’endroit me parait paisible, et outre le bruit des oiseaux et celui de mes propres pas, c’est le silence complet. Je suis d’ailleurs étrangement calme en ce moment, moi qui craignais une espèce de crise résultante du traumatisme que m’a fait vivre le maniaque. Tant mieux, je préfère être en plein contrôle de moi-même, et profiter de ce moment pour me ressourcer un peu. Au moment de déboucher dans une clairière, je suis surprise de trouver Finnick. Il faut dire que les chances que je tombe sur quelqu’un, dans le coin, sont plutôt rares. Il me sourit, en remarquant ma présence. « Félicitations, pour ta place en demi-finale. » Je souris à mon tour. Il est le premier à me faire cette remarque, et en fait, je n’avais pas encore tout à fait réalisé ce fait. Mais pour moi, la demi-finale ne serait pas officielle tant et aussi longtemps que nous ne serons pas au complet. « C’est un peu tôt pour s’en réjouir, je trouve… mais merci. » Il faut que j’apprenne à me taire et à apprécier les compliments, en toute simplicité, vraiment. « Et toi... tu t'en sors comment ? Tu supportes bien la pression? » que je lui demande, en référence à cette nomination qui lui est tombé sur la tête, la veille.

« C’est un peu tôt pour s’en réjouir, je trouve… mais merci. » La jeune femme sourit à son tour lorsque je dis ça. Je ne sais pas si pour elle c’est quelque chose de particulièrement excitant ou pas, d’être en demi finale, ou si ce n’est qu’une étape, trop facile, de plus à franchir. J’aimerais pouvoir me reposer sur mes lauriers cette semaine encore. N’ayant jamais été confronté aux votes du public avant, je me sens vraiment vulnérable, je ne sais pas ce qui m’attends, c’est effrayant… « Et toi... tu t'en sors comment ? Tu supportes bien la pression? » Je secoue la tête de droite à gauche. « Pas tellement, non. C’est ma première nomination et je n’ai vraiment pas envie de partir si proche du but. » Je n’ai pas pour but de gagner, face à des gens comme Tweedy et Andreas je ne pourrais jamais gagner, mais j’aimerais au moins aller en demi-finale. Je pense que mon parcours est assez exemplaire : aucune nomination jusqu'à cette semaine. « Mais contrairement aux autres, je ne suis pas fâché contre qui que ce soit pour cette nomination. » J’enfonce les mains dans mes poches avant de hausser les épaules. « C’est le jeu. » J’ajoute avec un petit sourire.

En toute honnêteté, je ne m’attendais pas à me retrouver en demi-finale. Je ne songe même pas à gagner cette aventure, alors réussir à me rendre aussi prêt du but ne m’avait réellement frôlé l’esprit, vous imaginez. Et même si certains savourent cette nouvelle, je prends la chose tout en légèreté, sans trop de prise de tête. Ça n’en vaut pas la peine. Pas du tout. De toute façon, d’autre chose m’occupe l’esprit, comme ces nominations, par exemple, cette épée de Damoclès qui est perché au dessus de la tête de plusieurs candidats que j’apprécie. Je m’inquiète pour eux, et plus particulièrement pour Finnick, en ce moment, puisqu’il se trouve à proximité. S’il supporte bien la chose? J'en doute, et je n'ai pas tord. « Pas tellement, non. C’est ma première nomination et je n’ai vraiment pas envie de partir si proche du but. » J’acquiesce d’un signe de tête. Par chance, je figure dans ceux ayant eu le moins grand nombre de nominations, et la mienne n’était dû qu’au sadisme de Cupidon, alors qu’il confrontait Laoise à un choix draconien. Sa place, ou la mienne, au sein du jeu. J’aurais pu lui en vouloir à cause de cette histoire, et pourtant, il n’en était rien. Et j’étais toujours là, à la porte des finales. Fascinant. « Mais contrairement aux autres, je ne suis pas fâché contre qui que ce soit pour cette nomination. » Je le regarder fourrer ses mains dans ses poches, puis hausser finalement les épaules, l’air de rien. « C’est le jeu. » En effet. Et nous n'y pouvons rien. « Ces estimations me fendent le cœur. Je n’ai envie de voir partir aucun d’entre vous. » Bon, sauf peut-être Andreas, mais j’allais passer outre ce petit détail qui m’apparaissait évident. Quoique la situation, entre lui et moi, me semblait plus… calme, dernièrement. Nous réussissions à nous parler, et cela relevait d’un grand exploit.

J’avais été nominé par les candidats, comme tout le monde, donc en soit je ne voyais pas pourquoi tout le monde était en colère. Je n’étais pas le favoris parmi mes camarades – c’était Tweedy – mais en un sens je n’étais pas non plus le moins aimé et ça me réconfortais de penser que, a un point près, je n’aurais pas été nominé. Comme quoi. « Ces estimations me fendent le cœur. Je n’ai envie de voir partir aucun d’entre vous. » Je fais la moue un instant avant d’à nouveau hausser les épaules. « Je comprends, moi non plus je n’ai pas envie de voir l’un de nous partir… Enfin… » Ouais, si, si Keelan pouvait être éliminé je n’allais pas pleurer, hein. « J’ai surtout peur de l’extérieur. » Voilà, c’est dit. J’imagine qu’elle aussi doit être effrayée par tout ça, la perspective de ce qui nous attend n’est pas réjouissante. Les journalistes répondront à l’appel mais, pire, il y aura les paparazzis. Quoi que ça, encore, je pense pouvoir le gérer, mais c’est surtout de devoir affronter ma famille qui me fait peur et la suite de ma relation avec Tweedy, aussi, bien sur.

Je ne sais pas si je dois remercier ma position favorable dans les estimations des candidats pour m’éviter d’être nominés, cette semaine, mais tout compte fait, je ne considère pas que Finnick – tout comme d’autres – ait mérité ces places en bas de palmarès. On ne peut pas plaire à tout le monde, c’est bien connu. Et de toute évidence, ici, ce sont les masses qui parlent. Que Finnick, Keelan, ou Sami figure en tête de liste de mes préférences personnelles ne semble pas suffisant pour les rescapés des derniers paliers. Mais ma voix, comme celle des autres, ne compte pas plus pour autant que j’en décide ainsi. Ce n’est pas possible. Et je vais devoir me faire à cette idée. Bien que je ne sois pas tellement difficile à convaincre. Il affiche une moue sur son visage, peu après ma remarque. « Je comprends, moi non plus je n’ai pas envie de voir l’un de nous partir… Enfin… » Petite hésitation de sa part, et sans même prendre parole, je suis consciente que son esprit divague vers un certain candidat qui n’est pas vraiment dans son cœur. Keelan, bien sûr. À son contraire, le départ de ce dernier me ferait de la peine, mais nous n’entretenons pas vraiment le même genre de relations avec lui, Finnick et moi. « J’ai surtout peur de l’extérieur. » Le dur retour à la réalité. « Moi aussi. » En fait, je crois que cette peur est partagée par l’ensemble des candidats restant encore en lice. « Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus… la réaction des gens sur mon secret, les critiques, les regards, les remarques… ou la crainte de perdre de vue tous ceux que j’apprécie. » Parce qu’ils me manqueront. Ce n’est pas qu’une impression, c’est une certitude.

Je l’ai déjà dit à Tweedy, ce qui me fait peur ce n’est pas d’être éliminé aux portes de la demi-finales, c’est l’extérieur qui me fiche les jetons. Je sais que pendant ces presque trois mois les gens ne se sont pas gênés pour me juger, pour nous juger tous et je n’ai pas tellement envie de me prendre toutes ces claques dans la gueule. « Moi aussi. » Avoue la jeune femme quand je lui dis l’extérieur me fait peur. Je tourne la tête vers elle, elle aussi elle a pas mal de choses à son actif, son secret pour commencer mais aussi les différentes humiliations qu’elle a subit pendant le jeu. J’inspire longuement avant de soupirer tout aussi longuement. On a tous peur. « Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus… la réaction des gens sur mon secret, les critiques, les regards, les remarques… ou la crainte de perdre de vue tous ceux que j’apprécie. » Dit-elle. Je hoche la tête, suis-je le seul à m’être attaché qu’a une poignée de personnes ? Même Andreas s’est attaché à plus de personne que moi. Moi j’ai Tweedy, Anabel, Adie et lui, justement, Andreas. Et mon frère bien évidemment mais quelque part j’ai toujours eu mon frère pour moi. « En tout cas… On se reverra toi et moi. Ce n’est pas comme si j’allais éviter Paris les prochaines semaines. » Dis-je en souriant, j’allais en effet passer du temps en France puisque Tweedy habitait là-bas. « Pour ce qui est de ton secret… Je pense que tu sauras très bien gérer ça, au pire tu n’auras plus à te cacher des caméras si tu dois te lâcher à nouveau. » Je fais référence au jour où elle et moi on est passé de ‘connaissances’ à ‘amis’ ce jour où j’ai été là pour elle alors que la pression était trop forte. Elle ne serait plus seule désormais, beaucoup de gens appréciait Anabel. J’étais certain qu’elle les reverrait tous.