Bon, l'heure était grave. Non, personne n'allait mourir. Mais tout de même, aux yeux de Tweedy, l'heure était véritablement grave. Parce que la jeune femme était chargée d'une mission. Non, pas par Cupidon, par elle-même. Oui parfaitement, elle s'était auto-chargée d'une mission. Une mission de la plus haute importance. Une mission qui s'apparentait à peu de choses prés à trouver Loxias, à le conduire dans la forêt et à se charger de son cas. Non, vous ne rêvez pas. Tweedy était déterminée à se rendre dans la forêt. Et attendez, non seulement elle allait s'y rendre, mais en plus, elle allait faire l'effort de ne tomber dans aucune crise de paranoïa. Parce qu'aujourd'hui, elle ne pouvait se permettre de penser qu'un quelconque monstre surgirait d'on ne sait où pour la dépecer. Ah non, ça n'était juste pas envisageable. Et puis, il était grand temps qu'elle grandisse un peu et qu'elle apprenne que le plus grand danger qu'elle pourrait rencontrer dans cette forêt était sa propre personne, hm. Quoi qu'il en soit, la première étape de la mission qu'elle s'était attribuée consistait ni plus ni moins à localiser Loxias. Mais vu que Tweedy n'était malheureusement pas dotée du moindre Global Positioning System, elle se devait de prendre le temps de fouiller dans les moindres recoins du château. Partant du rez-de-chaussée, elle commença alors à chercher en direction du salon, de la cuisine, du cellier ... Mais rien. Bon. Pourquoi ne pas aller jeter un coup d’œil du coté du premier étage, hein ? Pas de Loxias dans les chambres, ni dans la salle de bain, de même ailleurs à cet étage ... D'accord. Bon, peut être se trouvait-il tout simplement au sous-sol ? Et justement, tandis que la jeune femme poursuivait cette partie de cache-cache un peu longue, elle finit par tomber sur Loxias, du coté de la chapelle. Sans dire un mot, elle saisit alors la main du grand brun, avant de prendre la direction de l'extérieur. Continuant de marcher, toujours silencieuse, elle ne chercha même pas à croiser son regard. Il faut dire qu'elle craignait d'avoir droit à un regard noir censé lui ordonner de le lâcher. Ce n'est qu'une fois arrivés à l'entrée de la forêt qu'elle l'observa, toujours silencieusement, avant de reprendre la route et de s'engouffrer entre les arbres. A un moment donné, elle s'arrêta net, lâcha la main de Loxias et lui fit face. « Note les efforts que je fais, là. Je suis dans cette forêt, je tremble à peine, je ne me mets pas à voir des créatures dantesques partout ... Vraiment, je prends sur moi. » Bon, maintenant que c'était dit, Tweedy pouvoir tourner le dos à Loxias, s'accroupir près d'un buisson et se mettre à tapoter doucement sur son genou. Son but ? Attirer leur fils écureuil, bien sûr. Sauf que ce dernier semblait vouloir se faire désirer. « Il va venir. Je lui ai parlé ce matin, il m'a assuré qu'il serait là. Il sait que son papa a besoin de lui. » Et donc, bébé écureuil allait se pointer. Il avait intérêt, en tout cas.

La chapelle... J’sais même pas pourquoi je suis là, certainement parce que j’ai le sentiment d’être en deuil et de devoir m’en ouvrir à quelqu’un. Alors pourquoi pas à Dieu ? A moins que ce ne soit le calme apparent de cette pièce qui m’ait poussé jusqu’à elle ? C’est possible. Il n’y a pas âme qui vive, ici, j’ai même du mal à comprendre ce qu’une chapelle fait dans un jeu de télé-réalité. On viole les commandements de Dieu au moins quinze fois par jour, alors techniquement... Oh, et puis je m’en fous, replié dans un coin je profite du silence, m’abrutissant de son absence omniprésente. Pas celle du silence, non la sienne à Elle... Elle au pluriel, mais qui dans ma tête devient une seule et même personne dont les traits du visage change régulièrement. J’vais mieux... Non, sérieusement, je vais mieux, mais j’ai encore du mal à me faire à tout ça, à ce jeu qui n’en est pas un, à ce jeu qui n’a rien de drôle... J’entends les autres candidats se plaindre des nominations jugées arbitraires, mais je n’entre pas dans le débat... J’ai envie de leur demandé si la nomination d’Adie et Evan ne l’a pas été, arbitraire, pourtant je n’ai entendu personne les plaindre... Et sans cette nomination, Valentina serait encore là... Je n’ai entendu personne la plaindre... Se caresser les couilles en répétant “c’est trop injuste, c’est vraiment trop injuste” ça, ils savent faire, mais est-ce que quelqu’un a essayé de se mettre à ma place 5 minutes ? J’me sens comme Highlander après avoir décapité tout le monde... Reste que moi... C’est pas vrai, y a Nora aussi, y a Malo, Andreas, Tweedy, Laoise, Adie... Et voilà que je me met à craindre pour eux, comme si je portais la poisse. De moi approche-toi, et éliminé tu seras. La tête dans les mains, j’en ai marre de broyer du noir, d’autant plus que j’imagine Valentina entrain de frapper son écran télé en hurlant «bouge-toi, andouille !». Ça me fait sourire... Trois secondes... Puis je me traine entre les rangées, cherchant et gagnant la sortie. J’crois que je suis censé dire un truc, genre Im nomine patri kiki, fili, spiritus santi... mais j’sais pas faire, alors je me contente d’un dernier regard vers le type clouté, et je sors... Et là, punition divine, j’sais pas, je me retrouve happé par un vortex qui m’aspire et m’attire. Je mets quelques secondes à comprendre qu’il s’agit de Tweedy, me trainant par le bras vers je sais pas où... Le pilori, p’t’être ? Je ne proteste même pas, je me laisse faire. On sort du château, on traverse le parc, et je n'émets toujours aucune objection... La forêt... Elle gagne la forêt... J’sais pas ce qu’elle compte y faire, mais je ne pense même pas à gueuler pour alerter les secours. Brusquement, elle me lâche, et le vide revient. J’suis au milieu de la forêt, et je l’observe gagner un bosquet. Elle me parle, m’explique qu’elle fait des efforts pour ne pas trembler, mais je comprends pas qui lui a demandé de venir ici et de se faire violence. Moi ? Aucun souvenir. Et puis elle tapote ses genoux, et m’annonce que quelqu’un va venir, que ce quelqu’un sait que son père a besoin de lui... Merde, elle a viré barge, la naine ? « Tweedy ? » Je l’appelle, depuis mon coin, les bras repliés autour de mon torse comme si j’avais froid... Non, je me contente de contenir le vide en moi, afin qu’il ne progresse pas. « Tu fais quoi, là ? » finalement, j’suis peut être pas le seul a perdre la raison.

Quand Tweedy se mettait une idée en tête, il était généralement difficile de la lui enlever. Parce qu'elle était du genre têtue, et que la persévérance était l'un de ses principaux traits de caractère. Ainsi donc, quand elle décida de rejoindre la forêt en compagnie de Loxias, qu'elle avait pris soin de kidnapper au passage - lui qui ne se montra pas le moins du monde réticent, d'ailleurs - elle fut bien décidée à ne pas abandonner en chemin. Car la forêt représentait en quelques sortes le lieu de tous ses cauchemars. C'était là où elle avait fait des rencontres cauchemardesques, imaginé les pires créatures, connu ses pires frayeurs. Voilà pourquoi la petite brune ne manqua pas de faire savoir à son camarade qu'elle faisait là de gros efforts pour ne pas s'enfuir en hurlant, hm. Il était véritablement nécessaire que Loxias comprenne que si elle était là, c'était pour lui, et que pour ça elle était largement prête à dépasser sa peur, ses appréhensions. Tout de même maligne, la jeune femme avait veillé à se rendre dans la forêt aux alentours de seize heures trente, et non pas en pleine nuit. Autant mettre toutes les chances de son coté, hein. Mais alors qu'elle termina son petit monologue, véritablement censé persuader Loxias que la mère de son bébé écureuil était absolument formidable - quoi que, il le savait probablement déjà - Tweedy convia justement ce dernier à les rejoindre. Elle s'accroupit en effet près d'un petit buisson, faisant suffisamment de bruit pour attirer la bestiole, espérant véritablement que celle-ci surgirait sans tarder. Là encore, il était question d'efforts. Car si Tweedy appréciait grandement les animaux, elle pouvait être facilement impressionnée par un petit écureuil, aussi adorable soit-il, et même s'il était supposé être son rejeton. Sauf qu'ici, encore par soucis d'aider Loxias - si tant est qu'elle le puisse de cette manière, ce qu'elle espérait- Tweedy était prête à laisser tout cela de coté et à ne penser qu'à ce qu'elle pourrait faire si son fils daignait apparaitre. Parce que là, ça devenait long. Pourtant, comme Tweedy l'annonça à Loxias, elle avait précédemment négocié avec leur enfant, qui lui avait alors promis de se pointer. Sauf que Loxias, lui, semblait trouver tout cela extrêmement bizarre. Car la petite brune put l'entendre s'exprimer, se demandant ce qu'elle était en train de faire. Bah, ça paraissait pourtant logique ... « J'essaye de faire venir notre enfant. Il est tellement mignon avec sa petite bouille à bisous, qu'il pourrait te redonner le sourire, au moins un instant. Il ... il s'est mis en retard, mais il va arriver. » Sur ces mots, elle se surprit à prier pour que l'écureuil daigne apparaitre, histoire de ne pas avoir à faire à un Loxias suicidaire. Et là, ô miracle, une petite bête sortit du buisson. C'était lui. « C'est bien mon fils » fit-elle alors, légèrement tremblotante. Petit rappel, elle prenait sur elle là. « Regarde comme il est obéissant » reprit-elle, à l'attention de Loxias. « Vas voir ton père, il a besoin de toi » adressa-t-elle à la bestiole. Sauf que celle-ci resta statique, en mode bug. Ah. « Oui bon, tout ça mériterait d'être amélioré ... mais, t'as vu, y'a du travail ... » Et là, si Loxias pouvait confirmer, ça l'arrangerait. Ou juste sourire. Juste ça.

J’suis même pas en état de protester, ni même d’exprimer ma curiosité quant à l’endroit où elle me mène, parce que de la curiosité, j’en ai même plus. J’suis juste fatigué, extrêmement fatigué, alors je me laisse faire, tout simplement, et si elle compte me tuer dans un endroit reculé et offrir mes organes en guise de sacrifice rituel à un dieu quelconque de sa religion quelconque, ça m’est bien égal. Limite j’veux bien m’ouvrir le bide moi-même tellement j’ai l’impression d’être sous anesthésie générale... Enfin, c’est paradoxal, parce que mon enveloppe externe semble anesthésiée, mais la douleur interne, elle, elle part pas, elle part jamais. Je tente des feintes, j’essaye de l’amoindrir, de la remplacer par de la colère, mais ça ne marche pas, ça ne marche jamais... Alors, je me contente de subir, comme je subis la main de Tweedy dans la mienne, me tirant, m’attirant vers la forêt. Je la laisse faire, pire que ça, je la suis, rythmant mon pas sur le sien. Et lorsqu’à l’orée, elle me libère, c’est comme un abandon, un énième départ que je n’assume pas. Mes bras se referme sur mon corps, empêchant tout signe extérieur de douleur, et je la suis du regard. Je comprends pas trop ce qu’elle fait, j’imagine que je ne suis pas le seul à virer barge, mais... de toute manière, elle n’a jamais été très nette, pas vrai ? Je l’interroge tout de même, sur notre raison d’être ici, et sur son action bizarre de s’accroupir pour tapoter ses cuisses. « J'essaye de faire venir notre enfant. Il est tellement mignon avec sa petite bouille à bisous, qu'il pourrait te redonner le sourire, au moins un instant. Il ... il s'est mis en retard, mais il va arriver. » Notre enfant ? Je plane un instant, avant de comprendre qu’elle parle de l’écureuil. Un sourire tente de naître au coin de mes lèvres, mais échoue. J’baisse les bras, et fini par m’approcher avec précaution. Et je m’immobilise dès que la bestiole pointe le bout de son nez, surprit et choqué de le voir arriver... J’imaginais que la bête avait été sortie du nid depuis le temps, ou tout du moins qu’elle se planquait dans un coin, pas qu’elle se pointait sur demande d’une Tweedy tremblotante. Elle a peur, je le sais, il le sent, alors il ne bouge plus, stoïque, aussi flippé que sa “mère”. Elle tente de le faire venir jusqu’à moi, mais c’est peine perdue. C’est pas un chien, c’est un bestiot sauvage et trouillard, comme sa mère. « Oui bon, tout ça mériterait d'être amélioré ... mais, t'as vu, y'a du travail ... » Oui, je le vois, oui j’ai conscience de la rigueur qu’elle s’afflige pour m’offrir ça, juste ça... TicTac ne bouge pas, mais moi si. Je m’approche doucement, lentement, venant me mettre aux côtés de la brunette, m’accroupissant auprès d’elle, récupérant sa main, l’engloutissant dans la mienne, avant de l’aider à la tendre au petit truc poilu (l’animal, hein.). « N’ai pas peur, d’accord... » j’sais pas vraiment à qui je parle, Tweedy ou bien Tac ? Peu importe, les deux sont aussi flippé. Une main soutenant toujours la sienne, je fouille ma poche de l’autre, à la recherche d’un truc mangeable comme... C’est quoi, ça ? Un vieux Mentos... Ok, ça fera l’affaire. Je souffle dessus, puis le dépose dans la paume offerte de la brune, et approche un peu plus nos deux mains de la bestiole.

Tweedy n'était pas folle. Disons qu'elle avait simplement un petit grain. Et quand on y pense, tout le monde en a un. Simplement, ce "grain" était plus accentué chez les personnes comme Tweedy. Ainsi donc, pas étonnant que la jeune femme entreprenne de se rendre dans la forêt dans l'unique but d'y recroiser le petit écureuil qu'elle avait adopté avec Loxias quelques temps auparavant. Et pourquoi ? Simplement pour tâcher de remonter le moral au jeune homme. Car ce dernier avait visiblement souffert des récents départs de Sive et Valentina, ce qui n'avait véritablement pas échappé à Tweedy. La jeune femme se sentait donc obligée de tenter tout son possible pour remédier à cette triste situation, dans la mesure où elle n'aimait pas voir quelqu'un broyer du noir, qui plus est une personne qu'elle appréciait autant qu'elle pouvait apprécier Loxias. Lui qui pouvait faire preuve d'un sens de l'humour si plaisant - pourri, certes, mais plaisant - était aujourd'hui bien morose. Et franchement, Tweedy n'aimait pas le voir comme ça. Non, vraiment pas. Alors, la jeune femme osait espérer que leur enfant serait au rendez-vous, car c'est de lui que dépendait le succès de toute cette opération. C'est bien simple, sans l'écureuil, ses chances de redonner un semblant de joie de vivre à Loxias avoisinaient le zéro, alors la bestiole avait tout intérêt à se pointer. Et justement, à force d'attente et d'acharnement - et de prières aussi - le petit chou finit par pointer le bout de son museau. Sauf que Tweedy n'était pas très convaincante quand elle essayait de nous faire croire qu'elle n'avait pas peur de son fils en ce jour. Parce qu'elle avait peur, bien sûr que si. Ça n'était pas pour rien qu'elle continuait de trembler, après tout. Mais, pour Loxias, et parce qu'elle tenait véritablement à ce que cette mission soit une réussite, elle prenait sur elle autant que possible et tâchait d'oublier que cette bestiole n'était pas tellement rassurante à ses yeux. Un comble, franchement, quand on sait que Tweedy était généralement gaga des animaux. Le bébé écureuil ne se montrait en tout cas pas tellement obéissant. Okay, il était venu, et Tweedy avait véritablement envie de croire que c'était grâce à elle, mais voilà qu'il refusait d'aller voir son père. Non mais oh, qu'il y aille et puis c'est tout. Sauf que non, il préférait rester immobile. Ça l'amusait de faire souffrir Tweedy, ou bien ... ? Non parce qu'elle tenait vraiment à l'amadouer, ce petit écureuil. Bah oui. Lui par contre, il s'en fichait éperdument. Pff. Mais voilà qu'elle sentit Loxias approcher. Non attendez, il vint carrément s'accroupir à ses cotés, venant saisir sa main pour l'aider à tendre celle-ci vers l'animal. Il lui fit ensuite savoir qu'elle n'avait pas à avoir peur. Du moins, il lui semblait évident qu'il s'adressait à elle. A moins qu'il ne conseille à la bestiole de ne pas craindre Tweedy. Bon, disons que l'un n'avait pas à avoir peur de l'autre, et vice versa. Tweedy tâcha alors de se calmer, de ne plus trembler, tandis qu'elle sentit Loxias fouiller quelque part pour en sortir quelque chose. Vachement précises ces données, hein. Bon, visiblement, il comptait offrir un mentos à la bestiole, le déposant dans la main de Tweedy, qui fut forcée d'approcher ladite main de l'animal. Et tandis qu'elle s'attendait au pire, l'écureuil s'approcha tout doucement, même progressivement, jusqu'à venir renifler le mentos. « Il n'a pas l'air méchant ... » souffla-t-elle, comme pour se rassurer. Puis finalement, le mentos disparut, emporté par l'écureuil. Ce dernier resta tout près, mais Tweedy n'osa plus bouger. « Tu ... tu crois que ça va lui plaire ? » Autrement dit, tu crois qu'il va me jeter le mentos en pleine figure dans la seconde ? Hm.

A force de rester centré sur ma propre tristesse et de me contenter de pleurer mes pertes, j’ai oublié ceux qui m’entouraient encore, j’ai oublié de leur accorder cette importance qu’ils ont, pourtant. C’est vrai ce qu’on dit, un être vous manque et tout est dépeuplé... Sauf que le monde il est là, il existe, et il ne m’ignore pas. A l’image de Tweedy qui semble déterminée à me sortir de mon état pourri, quitte à se faire violence pour ça. Je n’ignore rien de sa peur intrinsèque des bestioles plus ou moins sauvages qui peuplent la forêt. Bon, en l'occurrence, cette forêt semble tellement factice qu’on se demande comment un écureuil a pu s’y retrouver, mais le problème n’est pas là. Tweedy a peur, et malgré cette peur elle s’efforce à y demeurer, allant jusqu’à attirer la bestiole dans le simple but de me distraire. Et ça... ça... ça me retourne les tripes, parce qu’elle fait ça pour moi, et que moi, jusqu’à présent, je ne la voyais même pas... Du fond de mon puits, je n’avais de visibilité que sur ce que j’ai perdu, pas sur ce qui demeure encore et toujours à mes côtés. Je l’ai délaissé, mais ça va changer. Ce qu’elle fait pour moi, ce que je réalise seulement maintenant, c’était peut être ça, l’électrochoc nécessaire, le coup de semonce dont j’avais besoin. J’sais pas trop comment lui faire comprendre tout ça, j’suis pas certain qu’un simple “pardon” ou encore un “merci” soit suffisant. Alors je m’approche, doucement, lentement, m’accroupissant à sa hauteur pour lui prendre la main, et la tendre à l’écureuil tout en tentant de les rassurer, elle et lui. Encore une fois, elle se fait violence pour me laisser faire, et j’espère que ma main qui entoure la sienne sera suffisante pour apaiser ses craintes. Je trouve un vieux mentos dans ma poche, et le place dans sa paume tendue. L’animal, craintif de prime abord, fini par s’approcher et renifler nos doigts, et la brunette avoue qu’il n’a pas l’air méchant d’une voix mal assurée. « Il ne l’est pas, non... Il a peur de toi... » je lui souffle, dans un murmure, pour ne pas faire fuir l’animal qui, d’un mouvement rapide, subtilise le bonbon pour se retirer un peu plus loin. « Tu ... tu crois que ça va lui plaire ? » me demande-t-elle, pas super rassurée la gamine. « Aucun risque, mais si c’est le cas, ce sera le premier écureuil a l’haleine extra-fraîche. » je lui assure en ramenant nos deux mains. « C’était juste pour le faire venir, pour que tu vois qu’il n’y avait aucune raison d’avoir peur. » Et c’est le cas, non ? Elle n’a plus peur, si ? Je me laisse tomber sur les fesses, à côté d’elle, m’adossant à l’arbre qui se trouve juste derrière moi, et, contre toute attente, malgré tout ce que j’ai pu penser de l’insuffisance de ce simple mot, je lâche un simple « Merci... » qui contient tout ce que je ne sais pas encore dire.

Avoir peur d'un écureuil, ça n'était assurément pas normal. Non mais franchement, qui a peur d'un écureuil ? Sans doute personne, à part Tweedy. Car la jeune femme était aussi rassurée face à cette petite bestiole pourtant inoffensive que si elle était devant un loup. En réalité, c'était surtout le fait de ne pas être habituée à côtoyer un animal comme celui-ci qui avait tendance à la tétaniser. Et du coup, ça la laissait imaginer qu'il pourrait se mettre à grossir, au point de devenir deux fois plus gros qu'elle, simplement pour la dévorer. Ouais ouais, c'est véritablement ce à quoi elle était tout à fait capable de penser lorsqu'elle se retrouvait face à cet écureuil. Et pourtant, elle prenait sur elle, elle faisait de gros efforts pour ne pas abandonner et partir en courant. Parce qu'à vrai dire, la petite brune avait été tentée de le faire à plusieurs reprises. En arrivant dans la forêt tout d'abord, puis en s'approchant du buisson, et enfin en voyant l'écureuil sortir de sa cachette. Mais étrangement, sa crainte s'était quelques peu atténuée au moment où elle avait senti Loxias approcher et que le jeune homme avait saisi sa main, probablement autant pour tenter d'apprivoiser la bestiole que pour tâcher de calmer Tweedy. Et ça, la jeune femme ne manqua pas de le comprendre. Mais bien évidemment, elle ne pouvait pas aussi facilement en oublier sa peur et ne parvenait pas totalement à regagner en sérénité. Elle tenta pourtant de s'auto-convaincre que l'animal auquel elle avait à faire n'était probablement pas méchant, ce que Loxias ne manqua pas de lui confirmer, en assurant que la petite bête avait simplement peur de la grosse. Là, Tweedy semblait comprendre qu'elle se tracassait pour rien et qu'elle ne risquait assurément pas grand chose au final. Surtout qu'en compagnie de Loxias, elle avait déjà tendance à avoir un peu moins peur, donc bon. Tweedy n'eut même pas le temps d'articuler quoi que ce soit que l'écureuil s'empara du mentos préalablement tendu par les deux jeunes gens, sur une idée ingénieuse de Loxias. La petite bête resta cependant tout près, tandis que la réplique du grand brun ne manqua pas de faire doucement ricaner Tweedy. Il lui expliqua ensuite qu'il avait simplement tenu à la rassurer, à lui faire comprendre qu'il n'y avait au final aucune crainte à avoir face à cette bestiole. « J'ai vu ... grâce à toi, j'ai vu » répondit-elle doucement, comme pour faire savoir à Loxias qu'il n'avait pas fait cela pour rien. Okay, Tweedy n'était peut être pas extrêmement rassurée, mais elle était beaucoup moins craintive que tout à l'heure, et c'était déjà une excellente chose. C'est alors qu'elle vit Loxias s'adosser à l'arbre le plus près puis qu'elle l'entendit la remercier. Un petit sourire gagna ses lèvres, tandis qu'elle alterna son regard entre Loxias et leur enfant écureuil. « Aux dernières nouvelles, est-ce qu'il a un nom ce petit ? Non parce que je me souviens de notre mésentente à ce sujet, mais pas d'un accord final ... » Oui, Tweedy préférait éviter de parler du sujet sensible avec Loxias. Après tout, elle était ici pour lui changer les idées.

Je ne sais pas pourquoi elle fait ça pour moi, ni même ce que je peux bien représenter à ses yeux, d’autant que j’ai le sentiment de l’avoir un peu trop délaissée au profit de mes soucis pseudo-existentialistes... Mais elle est tenace, la petite brune, et peu importe, sa présence et son acte me font réagir aussi bien qu’une décharge de 22 long rifle dans l’arrière train. Je cesse de courir, je cesse de fuir ou de me terrer, et j’ouvre les yeux sur le monde qui m’entoure. Notamment elle et cette petite bestiole qui semble nous avoir adopté. En même temps, j’crois que l'écureuil égaré doit se sentir bien seul et isolé des siens dans ce décor factice. Un peu comme nous, dans maximum deux semaines et demie, il retrouvera sa liberté. Parce que c’est le maximum de temps qu’il nous reste en ces lieux, et rien que de l’évoquer, mon palpitant tambourine d’une légère panique nouvelle. Il nous faut profiter tant que nous sommes encore là. Qui sait ce qui nous attend, chacun, à l’extérieur ? Qui sait si je devrais me remettre à courir et laisser mes rencontres, ces gens qui comptent, loin derrière moi ? Il faut en profiter, je dois en profiter, et cesser de me masturber le cerveau sur ce que je ne maitrise pas... A cette idée, mon esprit s’apaise et un sourire étire mes lèvres... Profiter. Je peux faire. Je réintègre le lieu et l’espace lorsque Tweedy avoue qu’elle vu qu’elle n’avait pas à craindre la bestiole... Grace à moi. « Je n’ai pas fait grand chose. » je rétorque. Je me suis contenté de l’aider à tendre sa main. Rien de bien exceptionnel, d’autant qu’il s’agissait autant de la rassurer que de l’empêcher de faire un mouvement brusque en retirant sa main, un mouvement qui aurait terrifié la mascotte autant que Tweedy. Après quoi, j’hausse les épaules et m’installe plus confortablement, m’adossant à l’arbre et étendant mes jambes devant moi. J’éprouve le besoin de la remercier, mais elle, semble éprouver le besoin de ne pas s’étendre là-dessus, et après un bref sourire, elle enchaine sur le prénom de la bestiole aka notre progéniture, son regard oscillant de l’un à l’autre. C’est vrai qu’on n’avait jamais terminé cette discussion, si bien que l’animal à poil n’a toujours pas d’identifiant. « Il me semble que j’avais proposé Loxias Junior et toi Scrat... Sauf que Scrat c’est déjà pris, tout comme Tic et Tac, et que Loxias Junior c’est pas vraiment un bon départ dans la vie... Donc nous revoilà à notre bonne vieille case départ, à moins que l’on décide de mélanger nos deux prénoms pour en fabriquer un nouveau. » ce qui nous donnerait... Hum... « Loxeedy... Ou... Tweexias... Ce qui fait un peu trop long pour la race des écureuils qui aiment les prénoms d’une seule syllabe, ou deux. » j’invente rien, regardez Scrat, ou Tic, ou Tac... « Qu’est-ce que tu penses de Tiax ? Ou Leex ? Une version condensée de nos prénoms. » Après un bon mélange des lettres, tout de même.

Pour ceux qui oseraient encore en douter - sait on jamais que ce soit possible - l'amitié était un concept qui comptait beaucoup aux yeux de Tweedy. Elle n'était pas nécessairement plus sympathique qu'une autre, mais lorsqu'elle parvenait à se faire des amis, de vrais amis, elle ne les laissait jamais tomber. La plupart du temps, c'était elle qu'on laissait tomber, qu'on abandonnait ... Bah oui, à force, la Tweedy avait tendance à en saouler plus d'un. Mais tant que Loxias n'aurait pas décrété qu'il valait mieux pour lui qu'il évite de trop fréquenter Tweedy ces prochains temps, la jeune femme était bien décidée à agir comme une véritable amie à son égard. Et à ses yeux, une véritable amie se doit naturellement de vous aider, de vous épauler, de faire tout son possible pour vous tirer vers le haut quand une certaine morosité a elle tendance à vous entrainer vers le bas. Pour Loxias, la cause de la peine qu'il semblait ressentir était assurément les départs de Valentina et Sive, qui avaient quitté l'aventure quelques jours plus tôt. Et vu qu'il avait semble-t-il besoin de quelqu'un pour lui changer les idées, pour lui faire passer un - espérons-le - agréable moment, Tweedy était tout naturellement prête à tenir ce rôle à ses cotés. Parce qu'encore une fois, s'agissant de Loxias, et donc de l'un de ses amis, elle ne saurait le laisser dans cet état sans même prendre la peine d'essayer de l'en sortir, ne serait-ce que le temps d'une virée dans la forêt. Et jusqu'à présent, même si elle avait d'abord laissé sa peur des écureuils la paralyser quelque peu, la petite brune avait la prétention de penser qu'elle ne s'en était pas trop mal sortie. D'accord, peut être ses efforts n'étaient-ils pas encore suffisants pour redonner à Loxias une certaine joie de vivre, et même une certaine gaieté, mais elle osait tout de même espérer que tout cela était en bonne voie. Parce que le Loxias, disons qu'elle le préférait plus frais que ça, hm. En tout cas, elle avait maintenant de quoi lui être reconnaissant. Parce que grâce au jeune homme, Tweedy était parvenue à comprendre - après un certain temps tout de même - que ce mignon petit écureuil ne lui ferait aucun mal, qu'il était bien impossible qu'il puisse ne faire qu'une bouchée de sa personne. Ainsi donc, elle avait véritablement tendance à le tenir responsable de cette agréable prise de conscience, mais semble-t-il qu'il n'était pas tellement de cet avis. La jeune femme se contenta de lui sourire, comme pour insister d'une très douce manière, avant de prendre la décision de changer de sujet lorsqu'il la remercia. Bien sûr, elle aurait pu revenir sur les départs qui avaient causé la peine de Loxias, mais étant donné que son objectif était de lui changer les idées, pas sûr que ce soit préférable. Ainsi donc, elle opta pour une discussion basée sur le nom, ou plutôt le non-nom, de leur enfant. Parce qu'au final, ils ne s'étaient toujours pas mis d'accord. Loxias prit alors la parole, revenant sur ses propositions, faisant par la même occasion ricaner sa camarade, avant de proposer de fabriquer un nom à l'aide des leurs. Hm, pourquoi pas. Loxeedy ? Tweexias ? Ouais non, comme il le disait lui même, c'était un peu long pour une bestiole de ce type. Le reste, par contre ... « Ah, j'aime beaucoup les deux. Mais j'ai peut être, hm, une préférence pour ... » Pour lequel, en fait ? Bon allez, au pif ... « Leex ?! » Ouais, ce serait pas mal, effectivement. « Leex ! Leex ! » s'exclama-t-elle soudainement, sans trop hausser la voix toutefois, afin d'attirer l'écureuil. Et, miracle, il la fixa, comme véritablement interpelé par cette appellation. « Oh, il a réagi, c'est dingue. » A moins que ... « Ou alors c'est parce qu'il a entendu un bruit derrière nous ... » C'était probable ça aussi, hm. « Non, c'est bien parce qu'il s'est reconnu. Oui, il sait qu'il s'appelle Leex maintenant. » Ah oui, vraiment ? Tournant la tête vers Loxias, elle reprit. « Laisse-moi rêver. » Ah bah d'accord, hein.