Fin du prime. Je n'y avais fait qu'un bref passage, mais d'après les résumés que j'étais parvenue à décrocher, j'étais arrivée au meilleur moment. Mais le meilleur moment n'était pas bien palpitant pour autant non plus. Je n'avais pas fait long feu dans cette salle trop chargée d'électricité, qu'elle soit sexuelle ou haineuse, et j'avais décidé d'aller faire un tour, mon regain d'énergie me refusant un retour si rapide au château. Je porte un regard nouveau sur tout ce qui se passe autour de moi. En regardant les images, j'avais compris que mon aventure n'avait pas été si horrible que ça, quand on regardait les autres candidats. Ils s'étaient tous pris au jeu, perdant les notions de réalité et virtualité, ne voyant plus la frontière entre les deux, se laissant balader par des émotions trop fortes. Tous, ou presque, semblaient prêts à céder sous la pression d'un poids inimaginable, quelque chose comme un mélange de génocide et de faim dans le monde. Et voilà qu'on vous donnait des pleurs, des cris, du sexe toujours justifié quand je n'y voyais que pulsion indécente, et par-dessus tout, la crème de la crème, le plongeon dans l'abîme, ce trou béant et dévorant qu'était l'amour, que nul ne saisissait, mais vers lequel tous s'approchaient, dans lequel tous sautaient, les bras en croix, prêts à donner leur vie pour l'élu inconnu encore il y a deux mois. J'avais donc observé le manège sceptique, soupiré, roulé des yeux, rit un bon coup quand la situation frôlait le comique tant elle était ridicule et vous fournissait en pathos pour une année entière, et puis finalement, j'avais éteint ma télévision. Mais j'étais retournée dans l'antre, en réclamant plus fallait-il croire, réclamant plus de folie, de drama, de perdition. Un cri me fit m'échapper de ce monde que je recomposais quand bien même j'avais cherché à m'en extirper un instant. Il venait de la forêt, elle que je longeais depuis plusieurs minutes déjà. Parée d'une indicible appréhension, j'avais accouru jusqu'à la supposée scène de crime. S'il n'y avait pas de crime, c'était bien une scène en tout cas. Nora hurlait là, et je me sentis tellement bête, d'avoir cru l'affaire possiblement grave, que je me mis à rire nerveusement. En m'arrêtant, je regardais la demoiselle visiblement chamboulée. Était-ce lié à l'affaire que j'avais surprise, dans laquelle elle avait semblé tout particulièrement mal à l'aise ? « J'ai toujours rêvé de faire ça. » Peu à peu, je reprenais mon sérieux, laissais s'évader la pression sur mon organe battant, liée à l'effroi, la crainte, ou je ne savais bien quoi encore. « On craque ? » Le "on" n'est que généralisant. Je parle d'elle, bien sûr. De la douce Nora cachant au fond d'elle ce qui la tracasse, vous dupant par son grand-sourire, l'enfant qu'on oublie de cajoler.