emilien

J'avais décidé de me détendre derrière le piano. J'avais menti. Je savais plus ou moins bien chanter mais n'aimais cependant pas être entendu. Ce n'était pas quelque chose que j'aimais partager, pas quelque chose qui m'était essentiel, et certainement pas un projet d'avenir. Bien trop dangereux financièrement parlant. Après tout, j'avais tout de même Mado et Aaron à nourrir, même si celle ci avait également un job, joindre les deux bouts à trois s'avérait parfois bien difficile. Je me souviens encore lorsque j'étais gamin et que je jouais du piano chez nos parents. C'était le bon temps. Maintenant le tout était bien plus compliqué puisque nous n'avions ni les moyens, ni la place de loger un piano chez nous. Alors je n'en faisais que très peu, seulement dans le club où je travaillais, pour un numéro plus intimiste lorsqu'on me le demandait. Et ce soir là, j'avais simplement besoin de me retrouver. Alors, je m'étais assis là, et j'avais simplement joué, pensant que personne n'oserait s'aventurer si tard dans le salon.

Mes doigts parcouraient donc l'instrument alors que je laissais ma voix être guidée par cette mélodie. Je n'avais pas un grain de voix extraordinaire, disons simplement que je connaissais les bases, et notamment au niveau de la puissance et de la justesse. J'avais plus jeune pris des cours de musiques, avant de finalement me diriger vers la danse, qui m'avait bien plus passionné que le reste. J'étais simplement passionné. Et je crois que cela pouvait se voir lorsque j'exécutais mes chorégraphies. Être strip teaser n'était pas un choix, seulement je voulais vivre de la danse, alors que je me contentais pour le moment de survivre. Il fallait bien que je trouve ma place dans ce monde. Et alors que le morceau se développait, je ne remarquais pas la présence d'Emilien, se dessinant peu à peu derrière moi.

Il n’avait pas envie de se coucher. Pas encore, tout du moins. Il était encore tôt. Trop tôt. Emmeline était sûrement déjà au lit à cette heure-ci. Il aurait pu aller la rejoindre, venir l’embêter alors qu’elle essayait de trouver le sommeil. Il avait décidé de trouver une autre occupation. Il ne savait pas quoi. Comme toujours, allez-vous dire. Oui, c’est vrai. Emilien n’était pas ce garçon qui savait beaucoup de chose sur la vie. Sur sa vie. Les livres, les notes de musique, il connaissait. Le reste du monde lui était inconnu. Cela était peut-être dû à cette surprotection de ses ainés. Il tentait petit à petit de s’émanciper de ce candide monde auquel il appartenait jusqu’à présent. Ca lui faisait peur, vrai. Il avait trouvé refuge dans le salon. Il aimait bien cette pièce, étonnamment. Non pas pour son appellation. Salon, mot banal, pièce banale. Non, c’était pour la présence de ce piano. Comme chaque fois où il s’ennuyait, il s’adonnait à quelques envolés lyriques, laissant parler le piano à sa place. Laisser parler l’autre à sa place. C’était tellement plus simple. Ca facilité tellement les choses. Lorsqu’il entra dans la pièce, il put constater la présence d’une personne. Le simple fait d’entendre quelques notes émaner du piano ne pouvait pas le tromper. A moins qu’un fantôme hante ce chalet. Emilien se laissa bercer par cette mélodie, par ce chant. Tout en s’approchant doucement du grand instrument, tout doucement. Il ne voulait pas faire de bruit. Il ne voulait pas le déranger. Alors, il se faisait le plus discret possible. Ne voulant pas briser cet instant mélodieux, cet instant privé, cet instant intime. Un sourire s’esquissa timidement sur ses lèvres lorsque son regard se posa sur le visage concentré d’Ezra. Il s’avança. Toujours aussi discrètement. Comme pour ne pas se faire surprendre par le jeune homme. Il se posa à côté du piano, toujours debout. Il plongea les mains dans ses poches. Observant silencieux le pianiste éphémère. Ce moment devait durer éternellement. Il affichait toujours ce même timide sourire sur ses lèvres. Ce soir, ce n’était plus lui l’acteur. Il n’était plus que spectateur. Il espérait qu’Ezra ne l’avait pas remarqué. Peut-être pour continuer de l’entendre jouer, ou continuer d’entendre sa voix qui le bercer. Ou un peu des deux à la fois. Ce moment ne devait pas s’arrêter. Il ne pouvait pas. Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin disait l’expression. C’était peut-être vrai. Un petit air surpris se peignit sur le visage d’Emilien lorsque l’instant musical s’envola pour laisser place à un silence. Il ouvrit légèrement la bouche, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche. Il finit alors par faire un geste de la main désignant la porte. « Je ne faisais que… passer. » ajouta-t-il alors à cette gestuelle. Il ne faisait que passer, évidemment. « Je vais y aller… » souffla-t-il alors dans un murmure presqu’inaudible. Il ne savait pas pourquoi il venait de dire cela. Mais il s’apprêtait déjà à tourner les talons et à suivre la direction qu’il avait indiquée au jeune garçon. Au fond, il espérait peut-être qu’Ezra le retienne. Qu’il lui dise de rester là, à ses côtés. Pour passer un peu de temps ensemble. Peut-être se faisait-il des illusions et qu’il se contentera alors de le saluer très brièvement, comme de bons copains.

Jouer du piano, chanter, n'était pas une passion, seulement un passe temps. jamais je n'envisagerais quoi que ce soit dans ce sens, cela me servait simplement à tuer le temps. Lorsque j'avais réellement besoin de me retrouver avec moi même, je dansais. Je dansais jusqu'à en avoir le souffle court. Cependant, hormis Everleigh, et bien évidemment Mado, personne ici ne m'avait déjà vu à l'oeuvre. Non pas que j'étais quelqu'un de timide lorsqu'il s'agissait de montrer mes compétences dans une certaine activité, seulement je n'en avais simplement jamais eu l'occasion. Peut-être lui montrerais-je. Ou peut-être pas. Je n'en savais encore rien, et je n'essayais même pas de donner réponse à cette question, vu qu'il me semblait bien trop tôt pour décider quoi que ce soit. Je sens finalement une présence derrière moi, alors que le morceau touche à sa fin. Surpris, mais pas désagréable, je découvre les traits soignés du suisse, que j'avais appris a apprécié au fil du temps. Au fil du jeu. Certains avaient bien du mal à savoir ce qu'il y avait entre nous, tenté qu'il y ait réellement quelque chose de concret. Tout comme nous. Nous ne comprenions pas. Et je préférais arrêter de me poser des questions, et prendre ce qui m'était offert sans rechigner. « Je ne faisais que… passer. » commença-t-il, hésitant, avant d'enchérir « Je vais y aller… » Là dessus, il fit demi tour, pivotant sur lui même. Presque aussitôt, ma main vint délicatement saisir la sienne pour le stopper. Je n'avais clairement aucune envie qu'il parte. Si ça avait été une tiers personne, certainement que le fait qu'elle ait entendu ce moment m'aurait gêné, pourtant, là, je ne l'étais pas. Et c'est certainement parce qu'il s'agissait du jeune homme, et pas d'un autre candidat. « Reste. » mais après tout, peut-être n'en avait-il pas envie. Peut-être avait-il d'autres choses à faire. « Juste un peu... » mon visage esquissa un sourire, l'invitant à prendre place à mes côtés, sur le banc face au piano. « Tu joues du piano bien mieux que moi, j'peux t'entendre une nouvelle fois ? »

Il ne faisait que passer. Ce fut les quelques mots qu’il avait réussi à prononcer lorsque la musique s’interrompit. Il trouvait plus judicieux de dire cela, de prôner cette excuse-ci. Puis il n’avait pas tant menti que cela. Il ne faisait que passer, sa route s’était juste interrompue lorsqu’il avait entendu la musique dans le salon. Malgré cela, il aurait pu trouver d’autres mots, et surtout il aurait pu ne pas tenter de fuir. Fuir. S’échapper. C’était ce qu’il était en train de faire en disant cela. Il ne savait pas pourtant. Il avait une partie de lui qui lui disait de partir, une autre de rester. Dilemme. A peine venait-il de prononcer ces quelques mots, il sentit sa main être saisie par celle du jeune homme. Son regard baissa doucement les yeux, observant ce geste qui, en apparence, semblait banal. Si banal. Mais ça ne l’était pas. Pas pour lui. Pas pour Emilien. Un léger sourire se dessina alors sur les lèvres du jeune suisse lorsqu’Ezra lui demanda de rester. C’était ce seul mot qu’il avait voulu entendre. Comme il venait de lui demander, Emilien s’installa sur le petit banc. A côté de lui. Juste à côté de lui. Il tourna doucement son visage en direction d’Ezra. Un léger sourire, un peu timide certes, éclaira le visage du suisse. « Tu joues du piano bien mieux que moi, j'peux t'entendre une nouvelle fois ? ». Il voulait l’écouter une nouvelle fois jouer du piano. Emilien baissa du regard, avant de tourner son attention sur le clavier qui se trouvait juste en face de lui. Il se pinça les lèvres quelques secondes. « Je… » souffla-t-il avant de relever la tête. Sa main venant caresser quelques touches instinctivement. « Je n’aime pas vraiment jouer quand quelqu’un me regarde, mais… je peux faire un effort… pour toi » dit-il un peu hésitant. Ce n’était plus un secret cela. L’un des rares candidats, pour qui Emilien avait joué, avait dû se retourner pour l’écouter. C’était Peyton. Le seul jusqu’à présent à avoir eu l’honneur d’écouter un morceau de piano joué par Emilien. Sans à avoir le surprendre en train de le faire. Un léger sourire étira peu à peu ses lèvres. Un soupir s’échappa furtivement de sa bouche, au moment où il se concentra. Il posa ses mains sur les touches, et au contact de ses doigts longilignes, des notes émanaient du grand piano. Il ne jouait aucun morceau qu’il avait appris. Trop scolaire, selon lui. Il se contentait de jouer, jouer une petite mélodie qui se baladait dans le creux de sa tête, certainement. C’était tellement plus simple de s’exprimer comme cela. De laisser parler des notes. Elles savaient plus facilement faire passer le message que nous autres, pauvres humains. Emilien en avait presqu’oublié le regard d’Ezra posé sur lui. Etait-il encore là, d’ailleurs ? Emilien était trop concentré et appliqué à jouer pour jeter un coup d’œil. Ca se trouve, il en avait profité pour se tirer. Pour se faire la belle. Oh non. Il ne voulait pas… Et lui, qui n’aimait pas jouer en présence d’une personne lambda, s’inquiétait sur la présence ou non d’Ezra. Le monde à l’envers. Ses doigts se baladaient sur le clavier avec une aisance et une vitesse déconcertante. Il aimait cela. La musique. Il aimait la musique. Il ne savait pas vraiment si cet amour était réciproque d’ailleurs. Peut-être que la musique, elle, ne l’aimait pas. C’était souvent comme cela. On aimait quelqu’un qui ne nous aimait pas et on s’attachait malgré tout. Le jeune suisse laissa parler son inspiration sur le piano. Après tout, les écrivains le faisaient bien sur une page blanche. Pourquoi lui n’aurait-il pas le droit de le faire sur un piano ? Ne le jugeait-on pas de musicien, après tout ? Il ne savait pas combien le moment avait duré, peut-être pas assez. Une petite moue se dessina sur son visage lorsqu’il s’arrêta de jouer. Toutes les bonnes choses avaient une fin. Il ne faisait qu’appliquer cette expression. Il tourna son attention sur le jeune homme qui était encore à côté de lui. Presque soulagé de l’apprendre. « Voilà…. » souffla-t-il.

Je l'avais surpris une fois entrain de jouer de cet instrument, et il est vrai que son niveau m'avait paru bien plus élevé que le mien. Il m'avait semblé avoir de l'assurance dans ce qu'il faisait, contrairement à moi qui avais sans cesse peur de me tromper de touche. C'est certainement parce que j'avais tout appris de moi même sans jamais prendre aucun cours. Lui, il semblait en avoir fait des années, et des années. Et je me demandais d'ailleurs bien si il accepterait de jouer pour moi. Après tout, peut-être n'en avait-il simplement pas envie. Peut-être n'aurait-il pas envie d'en faire pour moi. Il ne me devait rien après tout. Oui, peut-être allait-il simplement quitter cette pièce. Et ne pas se retourner. Il baissa un instant le regard, laissant ses doigts caresser les douces touches avant de reprendre « Je… Je n’aime pas vraiment jouer quand quelqu’un me regarde, mais… je peux faire un effort… pour toi » mon regard s'illumina, comme flatté de savoir qu'il pourrait se forcer juste pour moi. Pourtant je ne voulais pas qu'il se force moi. Je voulais juste qu'il prenne du plaisir. Et ce fut très certainement le cas, lorsqu'il commença enfin à jouer. C'est fou comme il semblait être transformé, là, assuré dans chacun de ses gestes, comme dans une transe presque parfaite. J'étais là, à observer ses doigts jouer impeccablement bien, comme je ne pourrais jamais le faire. A détailler son visage trop parfait, cet air concentré et ses incroyables yeux bleus cherchant à fixer un inconnu. A écouter cette mélodie venue d'une autre planète, dont le son m'échappait mais dont la consonance n'en était que trop agréable. J'en perdais la notion du temps, là, bercé par le suisse. J'aurais pu l'écouter des heures et des heures, assis juste à ses côtés, dévorant sa simple présence des yeux, de tout son être. De tout mon être. En tirant parti chaque seconde passée à ses côtés, comme s'il s'agissait de notre dernière. Comme si il allait décider de partir. « Voilà…. » souffla le blondinet en reportant enfin l'attention sur moi. Mon sourire s'étira, ce qui en disait déjà long sur l'avis que je m'étais fait. « T'es un magicien. » oui voilà. C'était le seul compliment que je pouvais lui faire. Il était hors du commun. « C'est fou comme j'aime passer du temps avec toi. Comme j'aime t'entendre, te voir... » lâchais-je pensif, détournant un instant mon regard du sien avant de finalement s'y replonger. « Te toucher…. »

Il trouvait cela intimidant. Intimidant de jouer sous le regard d’une tierce personne. Il savait que peu importe qui pouvait bien l’écouter, celui-ci portait sur lui un regard critique. Que ce soit positif ou négatif. Qu’importe. On ne pouvait pas s’empêcher de juger, de critiquer. C’était comme cela. Ca faisait parti des caractéristiques des êtres humaines, certainement. Malgré cela, il lui avait dit qu’il ferait un effort. Un effort pour lui. Il ne savait même pas pourquoi il lui avait dit cela. Il aurait pu se contenter de dire qu’il essaierait, qu’il ferait un effort. Pourquoi fallait-il qu’il ajoute cela ? Pour lui. Comme s’il allait jouer pour lui. Il y avait un peu de vrai derrière cela. Après tout, il lui avait demandé de jouer. De lui jouer un morceau de piano. L’entendre de nouveau jouer. Il s’était mis alors à jouer, oubliant presque la présence d’Ezra. Cette présence qu’il commençait à apprécier. Il semblait légèrement troublé par cette sensation. Ce n’était pas si mal que cela s’il appréciait Ezra, non ? Il avait eu peur qu’ils s’éloignent. Et voilà qu’à présent il apprenait à l’apprécier. A apprécier sa présence à ses côtés. Lorsqu’il s’arrêta de jouer, il pouvait constater la présence d’Ezra. Qu’il était encore à côté de lui. Un soupir de soulagement s’échappa discrètement de sa bouche, avant qu’il prenne la parole. Un seul mot avait réussi à sortir de sa bouche. Un mot sorti un peu maladroitement dans un souffle légèrement audible. Un léger sourire un peu gêné se dessina sur les lèvres d’Emilien lorsqu’Ezra prit la parole. Il le jugeait de magicien. Emilien n’avait pourtant rien de magique, il n’avait aucun pouvoir, selon lui. Peut-être qu’Ezra en rajoutait un peu. Oui, ça devait être cela… Il en rajoutait. Malgré cela, Emilien resta silencieux. Se contentant de lui répondre par un petit sourire. Son regard se balada sur le visage du jeune homme, au moment où il prenait la parole une nouvelle fois. « C'est fou comme j'aime passer du temps avec toi. Comme j'aime t'entendre, te voir... (…) Te toucher…. ». Il baissa la tête légèrement à l’écoute de ces quelques mots, croisant ses mains. Pourquoi lui disait-il cela ? Il aimait l’entendre, le voir, d’accord… mais le toucher ? Pourquoi lui avait-il dit cela ? Qu’il aimait le toucher ? Emilien aurait voulu lui demander. Lui demander pourquoi il disait cela, mais il trouvait cela trop indiscret. Il releva la tête, posant ses yeux azurés sur Ezra. « Tu… » lâcha-t-il, avant de s’interrompre. « J’aime bien être… avec toi, moi aussi. Je ne sais pas pourquoi, mais… je me sens bien. » dit-il alors. Il se sentait bien quand il était avec Ezra, à ses côtés. Il ignorait les raisons de cette béatitude qui lui paraissait étrangère. Peut-être n’aurait-il pas dû lui dire cela. Lui, il ne voulait pas lui dire. Les sons s’étaient échappés entre ses lèvres comme pour composer un flot de paroles discontinu, sans même qu’il puisse faire quelque chose.

J'avais eu besoin de lui dire ce que je pensais. Ce que je ressentais. Peut-être n'était ce simplement pas réciproque. Peut-être était-ce juste passager, et peut-être que dans quelques jours, dans quelques semaines, je n'aurais plus envie d'être à ses côtés. C'était souvent le cas. Je n'arrivais simplement pas à sûr quelqu'un. A être avec quelqu'un. Trop souvent déçu je suppose. Peut-être étais-je simplement trop exigeant, oui, c'était certainement le cas. Mais Emilien était tout ce qu'il n'était pas, et c'était certainement pour cette raison que j'en venais à l'apprécier. Peut-être un peu trop. Laissant mon regard couver son visage, grattant chaque pore de sa peau de mes pupilles, je terminais finalement par baisser les yeux, un sourire aux lèvres. C'est fou comme de la première semaine à la seconde, notre relation avait évolué, comme nous avions appris à échanger, à nous apprécier, et ce malgré toutes les différents qui nous opposaient. Malgré toutes les incompréhensions et incohérences qui se mettaient entre nous. Malgré tous les regards et murmures. Il n'y avait d'ailleurs pas vraiment de nous, si bien que l'on avait bien du mal à définir ce que nous étions exactement. Peut-être n'y arriverions nous jamais. Ou peut-être pas. Tant de questions qui restaient à mes yeux irrésolues. Et qui le resteraient très certainement. Mon regard revint au sien, au moment où il choisit de reprendre la parole. « Tu… J’aime bien être… avec toi, moi aussi. Je ne sais pas pourquoi, mais… je me sens bien. » il y a quelques semaines, il ne m'aurait clairement pas récité le même discours, puisque j'étais presque certain qu'il avait eu à un moment ou à un autre peur de moi. Il faut dire que j'avais une façon d'agir, de penser plutôt atypique et que clairement, tout le monde ne pouvait réussir à la comprendre. Mais lui, il avait réussi. « Je crois qu'on a fait un bout de chemin non contestable depuis la première semaine. » un léger rire s'échappa alors de mes lèvres. « Je me demande ce que nous réserve la suite, du coup... » et pour la première fois, je m'inquiétais de mon avenir. De ce qu'il adviendrait de moi, de nous. Peut-être y'avait-il un nous au final. Oui, seul l'avenir pourrait nous en dire autant.

Au tout début de cette étrange aventure, jamais Emilien ne se serait vu lui dire cela. Dire cela à Ezra. Dire qu’il était bien avec lui, qu’il se sentait bien avec lui. Depuis le début, il n’avait cherché qu’une chose : le fuir. Il ne l’avait pas apprécié, il lui faisait peur. Oui voilà, il avait peur de lui. Mais fallait-il croire que leur relation ne dessinait pas comme Emilien l’avait prédit. Lui, au début, il avait voulu qu’Ezra l’oublie, le mette aux oubliettes… et à présent, toutes ses pensées initiales s’étaient estompées. Il se surprenait à l’apprécier, à aimer être avec lui. Comment était-ce possible ? Comment ? Emilien aurait voulu comprendre. Comprendre comment l’image, qu’Emilien avait eue d’Ezra, avait pu changer en quelques jours, quelques semaines. Il fallait croire que cela resterait un mystère. Le mystère de leur relation. Comment pouvait-on appeler leur relation ? Emilien ne savait toujours pas. Ezra prit alors la parole. « Je crois qu'on a fait un bout de chemin non contestable depuis la première semaine. ». Emilien hocha la tête. Il n’était donc pas le seul à avoir remarquer cela. Tout ce chemin parcourut… ensemble. Oui parce que cette relation n’avait pas évolué toute seule. C’était grâce à Ezra, à Emilien… à tous les deux. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Aucun des deux n’aurait pu imaginer cela. « Je me demande ce que nous réserve la suite, du coup... ». Emilien déglutit difficilement. La suite. L’avenir. Le futur. Il voulait vraiment savoir ? Savoir à quoi ressemblait le dessein qu’ils étaient entrain d’esquisser ensemble. Le jeune suisse tenta de le fuir du regard, comme gêné, angoissé par les derniers dires du jeune homme. « Tu veux vraiment savoir ? » lui demanda alors Emilien, plongeant ses yeux azurés dans son regard. « Ca ne te fait pas peur, toi ? ». Parce qu’à Emilien, ça lui faisait peur. Peur de savoir ce que cet avenir allait bien pouvoir être. Peur de la suite. Il n’aimait pas se projeter dans l’avenir. Ca lui faisait peur. Trop peur. Et avant de vouloir mettre la main sur son devenir, il voulait déjà comprendre son présent. Ce qu’il vivait l’inquiétait déjà grandement.

Oui, notre relation avait décidément bien évoluée, au point même que je ne savais même plus ce que nous étions. Si nous prétendions être amis. Si nous l'étions réellement... Ou si nous étions tout simplement plus que ça. Ou peut-être n'étions rien. Peut-être n'y avait-il pas de nous qui tienne. Pourtant il me semblait le contraire, il me semblait en vouloir. Ne serait-ce qu'imaginaire. Un nous imaginaire. Ça sonnait toujours mieux qu'un rien enveloppé de papier mâché. Un sourire parcoure son visage lorsque je fais la remarque sur notre parcours. Moi aussi ça me fait drôlement sourire, parce que de base, tout nous opposait. Parce que de base, j'savais qu'il avait du mal à m'encadrer. Parce que de base, jamais je n'aurais pu être attiré par un homme. Jamais je ne l'avais été. Et peut-être ne l'étais-je pas ? Mais alors pourquoi avais-je cette invraisemblable envie de l'embrasser, et ce à chaque seconde s'écoulant à ses côtés ? Mystère. Je n'aimais pas les surprises. D'autant plus lorsque mes sentiments servaient de jouets. Finalement son regard s'échappa, s'évaporant dans un néant, alors que j'évoquais la suite. Une possible suite. Une suite espérée. « Tu veux vraiment savoir ? » reprit-il finalement en plantant son regard ocean dans le mien. « Ca ne te fait pas peur, toi ? » j'hausse un instant les épaules. Pourquoi devrais-je avoir peur ? Pourquoi a t-il peur ? Peut-être y'a t-il des paramètres que je n'ai pas encore pris en compte... ce qui serait tout à fait possible, puisque j'avais tendance à ne jamais penser à ce genre de choses en tant général. Mais tout comme le jeune suisse, j'apprenais à changer à ses côtés, à m'essayer à de nouvelles choses. Comme à définir mon avenir, ou du moins, mon avenir proche. « Pas vraiment... » je marque une pause avant de reprendre « Pourquoi on devrait avoir peur après tout ? Et toi, pourquoi tu as peur ? »

Il avait peur. Il était inquiet. Inquiet de son futur, de son présent, de ce qu’il avait parcourut depuis son entrée dans le nid. En six semaines, il en avait fait du chemin. Un chemin qu’il n’aurait sûrement pas pu faire s’il n’avait pas tenté cette aventure. Il s’en est passé des choses en quelques semaines. Tout ce qu’il était en train d’écrire ici l’inquiétait. Ezra semblait se poser des questions au sujet de ce futur, de ce qu’il adviendra d’eux d’ici quelques jours, quelques semaines… Dés qu’Emilien tenta de prendre la parole, une légère inquiétude se peignit sur son juvénile minois. Il ne put s’empêcher de demander à Ezra si ça ne lui faisait pas peur. Au fond, Ezra ne le laissait peut-être pas paraitre, mais il avait sûrement peur… un peu moins qu’Emilien, certainement. Pourtant, il lui confirma le contrairement. Pas vraiment. Il n’avait pas vraiment peur. C’était ce qu’il venait de lui confier. Comment pouvait-il pour ne pas avoir vraiment peur ? Il haussa légèrement les épaules lorsqu’Ezra lui posa une question. Pourquoi as-tu peur ? Le jeune suisse baissa la tête. Son esprit se focalisait à présent sur la brève question qu’il venait de lui poser. Elle n’était pas difficile comme question. Il n’avait qu’à lui citer les raisons de ses peurs, de ses anxiétés, de ses craintes. Mais ce n’était pas si simple que cela. « Je… Je ne sais pas… » dit-il en relevant la tête. « Je crois que c’est pour cela que j’ai peur, parce que je ne sais pas justement. » continua-t-il. Sa voix s’interrompit un long moment. Une énième fois, ses pupilles céruléennes vinrent se déposer sur le visage du français. Il voulut chercher un peu de quiétude. « Prends-moi dans tes bras… » souffla-t-il. Cette phrase venait de sortir de nulle part. Il n’avait pas à lui dire cela. Il ne savait pas pourquoi il venait de dire cela. Il fit un bref geste de la main comme pour chasser ces mots qui venait de s’échapper de sa bouche. « Je… Oublie ce que je viens de te demander. Je suis stupide, je n’ai pas à te demander des choses comme ça… ».