Courir était pour moi un sacré rituel. J'en avais vraiment besoin pour me sentir bien, sinon, j'avais tendance à manger trop et à prendre trop rapidement du poids. Dans ma profession, il valait mieux éviter les kilos superflus si on voulait percer, sinon, on faisait rapidement chou blanc lorsqu'on montait sur scène. Voilà pourquoi j'adorais m'entraîner. Au départ, c'était plus par obligation que par contentement mais rapidement, c'était devenu une sorte de loisir à côté de mon loisir principal, la danse. Je dévalais les escaliers à vive allure sans m'arrêter, sans même prendre la peine de voir si Franz tenait bon et s'il me suivait encore. J'entendais très vulgairement des bruits de pas derrière moi, j'en déduisais donc qu'il était à l'affut. Lorsque je poussai la porte de la véranda, je fus surpris par le froid, mais plutôt que de grelotter, je pris une longue inspiration... Profitant pleinement de cet air frais pour me revigorer. Franz arriva quelques instants plus tard, clopinant. Je souris en le voyant me rejoindre... Il était adorable. Impuslif, mais adorable ! Hey minute papillon! On ne s'échauffe pas avant? Je veux dire, tu ne crains pas... Un accident? Un claquage? Une rupture des ligaments ou une quelconque connerie de ce genre? me dit-il, presque à bout de souffle. Je ne pu m'empêcher de sourire, sautillant doucement sur place. Je le fixai d'un regard attendri avant de lui dire simplement Bien sur qu'on s'échauffe, la course, c'était juste un hors d'oeuvre pour quitter le confort de la maison avant de passer aux choses sérieuses. Je lui adressai un clin d'oeil avant de commencer à faire des demi-cercles de la tête. Puis, j'attrapai mes mains et les tendis en l'air, pour me délier les muscles, rapidement imité par Franz. On va commencer par s'étirer un peu, histoire de chauffer les muscles, ensuite, on va faire un ou deux tours du jardin pour terminer par une petite séance d'abdo et de pompes. lui dis-je rapidement. Une brève description de ce qui nous attendait nous permettait toujours de nous mettre dans l'ambiance. Je n'oubliais pas de lui demander en sourcillant Tu es prêt ?

Les températures ne me freinaient jamais. J'aimais beaucoup vivre "dangereusement" même si dans ce cas, le seul risque que je prenais était une bronco-pneumonie pour la semaine à venir. Mais qu'importe. Lorsque je commençais à m'étirer, je vis Franz m'imiter et je trouvais cette situation plutôt rigolote. Je n'étais pas professeur, j'étais juste danseur et d'habitude, j'étais dans la situation de Franz... à imiter les autres plutôt qu'à me faire imiter. Mais je devais bien avouer que pour une fois, ce n'était plutôt pas désagréable. Lorsque je lui fis l'énoncé de ce qui allait nous attendre, il me répondit très rapidement, un peu sur la défensive De la nioniotte, c'est pas comme si je n'en faisais pas tous les jours le petit doigt levé. tout en bombant du torse, comme s'il cherchait à me prouver quelque chose. Je trouvais cela très amusant et ne me permis pas de le "coiffer au poteau" par une remarque acide qui l'aurait sûrement confronté à la réalité des choses : j'étais bien plus préparé que lui à ce genre d'exercice. Mais qu'importe, je n'aimais pas la compétition et j'adorais partager. Le simple fait qu'il m'ait suivi jusque dehors témoignait qu'il aimait aussi apprendre des autres et qu'il n'était pas aussi égoïste et superficiel qu'il pouvait avoir l'air. Bien au contraire. D'ailleurs, il ne m'attendis pas pour démarrer sa course, il fonça, tel une flèche. Je secouai le visage en riant doucement, il s'essouflerait rapidement, malheureusement. Néansmoins, et sans vouloir me vanter, je le rattrapai très rapidement. Courant à ses côtés, je n'accélairais plus. Je ne savais pas si je l'avais rattrapé parce que je courais vite ou tout simplement car il avait ralenti, mais je lui dit en souriant, une fois à sa hauteur, Ce n'est pas un concours de vitesse tu sais. Pas besoin de chercher à me prouver quoi que ce soit, je ne suis pas entrain de juger de tes performances phyisques. Il y a bien d'autres moyens pour ça, tu sais. Je lui adressai un clin d'oeil complice et accélérai le rythme pour m'éloigner un peu.

Franz avait été le premier garçon à être venu me parler lors de mon arrivée, le premier de tous les habitants à m'adresser un sourire lors de mon entrée... Même sa soeur, ma prétendue candidate avec qui je n'avais pas passé un seul instant depuis vendredi passé, ne m'avait pas adressé le moindre mot en entrant. C'était peut-être frustrant mais en même temps, je m'étais fait à l'idée d'être l'individu "original" de la maison. Celui qui se levait aux aurores pour courir et qui préférait la solitude à la compagnie. J'étais un peu la bête de foire, mais je m'en fichais royalement, j'aimais être différent et de ce fait, j'aimais les gens différents. Franz en faisait parti. Et je ne pouvais m'empêcher de le regarder d'un air taquin, lui qui faisait d'énormes efforts pour passer un peu de temps en ma compagnie. Même si je ne comprenais pas ce qui l'attirait dans ma présence, j'aimais le fait qu'il s'intéresse la moindre à ce que je faisais. Je l'avais dépassé en peu de temps, mais je m'en fichais, ce n'était en aucun cas une compétition pour moi, plus un partage. Je lui souris en lui adressant un sous-entendu lourd de sens, mais qu'importe. Il me répondit du tac-au-tac sur un ton amusé Fais attention à ce que tu dis mon vieux, je pourrais bien te défier si tu me le demandais. Néanmoins, dans ses propos, je ressens la fatigue qui le gagne. Et je ne me trompais pas. Quelques instants plus tard, je l'entends qui s'écroule lourdement sur le sol. Par habitude, je continue ma course sans m'en rendre directement compte. Pourtant, en me retournant, le voyant déshydrater, allongé sur le sol, je fus pris d'un élan de tendresse et m'arrêta net. Je courus en sa direction et agenouillai près de lui. Je lui fis un petit sourire complice et décrocha ma petite bouteille d'eau de ma ceinture pour l'ouvrir. Je passai mon bras sous son visage pour surélever sa tête et lui fit couler l'eau fraîche dans la bouche en lui disant, complice toujours, Ne jamais négliger de boire lorsqu'on fait de l'exercice. Je lui souris, amicalement, m'occupe alors de lui comme s'il s'agissait là de mon propre petit frère. Est-ce que ça va aller ? Tu veux rester allongé un petit moment ?