J'suis pas un bourreau. Et j'ai assez dévisagé Asmaa de haut en bas pour constater qu'une ou deux tartines de nutella ne lui feraient pas de mal. Elle est bien roulée, comme je les aime. C'est assez machos dit comme ça et on peut penser que je parle d'une clope mais bon. Elle a des formes comme il faut, où il faut. J'aime pas les filles trop minces, moi. On est de cette génération qui prône l’anorexie et moi, je trouve ça ridicule. Et triste, aussi. « C'est vrai. Merci » je souris, simplement. Je pense tout le contraire de ce que je dis, simplement pour l'embêter. On se connaît depuis quelques minutes seulement et je me permets de la taquiner. Ce doit être un poil déroutant, mais tant pis. Je suis comme ça, moi. Je fais le contraire de ce que je pense. Et je fais le contraire de ce que je dis. Et en l’occurrence, je lui glisse une tartine avant de nous en préparer deux autres. Je me fiche de manger n'importe quoi. A quoi bon créer du nutella - ou autres choses bonnes à s'en damner - et puis, dénigrer la mal bouffe ? Ce soir, je deviens penseur. Et je devrais peut-être m'y mettre sérieusement et poser quelques colles au gouvernement. « Vingt-et-un. » J'avale une bouchée de ma tartine et j'évite de sourire. J'ai bien peur que mes dents soient pleines de chocolat. Et même si l'envie est grande, de lui montrer ça, je m'abstiens. J'ai pas envie qu'elle me prenne pour 1. un gros lourd à cause de mes vannes pourries et 2. un dégueulasse qui ne sait pas se tenir. D'autant plus que la caméra dans le coin de la pièce film depuis tout à l'heure tous nos faits et gestes. Sachant que ce que nous nous racontons n'est pas très intéressant pour le moment, peut-être qu'un peu d'action - et en l’occurrence une jolie grimace - pourrait relancer l'attention sur nous. L'idée me traverse l'esprit et s'envole bien vite tandis que bouclette me parle d'elle. Je pose mes coudes sur le comptoir et je l'écoute, attentif. « Actuellement, j'habite à Lille. Autant le dire tout de suite, je suis originaire du Maroc. » Je ne dis rien, je n'exprime rien. Ça peut être déroutant mais c'est ma façon à moi d'écouter. Je suis concentré, j'imprime tout. « hm... J'ai arrêté mes études de lettres. » je penche la tête dur le côté et je fronce un sourcil. « Du coup, je m'occupe en écrivant des trucs, j'essaye d'écrire, un livre. Je dessine un peu, aussi... » Le-dit sourcil se lève et je me relève entier, avec lui. Je suis troublé, vraiment. « C'est bête. J'en ai marre d'être seule... Et j'aimerai rencontrer quelqu'un... » Et puis, je fini par un adorable sourire. On a pas mal de points communs, c'est assez affolant. Elle doit parler très bien français, je suppose. Alors, j'abandonne totalement l'anglais et je lui réponds en français, attendant impatiemment sa réaction. « Mes parents habitent à Paris, dans un quartier bourgeois, ils sont archéologues et je ne suis pas de leur délire.. » je raconte ça à tout bout de champs, je pense qu'ils vont finir par l'imprimer, eux aussi. A moins qu'ils ne regarde pas Fake-Lover, qu'un chantier les retienne, comme toujours. « Je suis des études de lettres, partiellement. Et sinon, je voyage, énormément. » un ange passe entre nous, et j'avale une bouchée de pain de mie. « J'aime la littérature, brute et ancienne. Et mes voyages m'ont apporté beaucoup d'inspiration, j'aimerais écrire un livre. » J'ai l'impression qu'elle me comprend. Qu'elle ne me juge pas. Et c'est bien la première fois. Et ça fait un bien fou.

Finalement, tartine en ma possession, ne fit pas long feu. Je la mangeais, petit bout par petit bout, mais assez rapidement au final. C'est que, même sans l'avoir avoué, je venais de prouver que j'avais la dalle comme lui et, même si une seule tartine ne suffisait pas à la rassasier, je me sentais déjà mieux. Au moins, ventre moins vide, je pouvais lui parler un peu plus aisément. Bien que je parlais plus à mon reste de tartine qu'à Arès même, mes yeux n'osant pas croiser les siens lorsque je parlais de ma vie. J'suis pas habituée à ce que l'on me donne la parole et encore moins à raconter ma vie à des inconnus à travers caméras et micros. Pourtant j'lui raconte, en gros, tout ce qu'il voulait savoir. J'ai pas une triste de vie, j'ai pas à me plaindre. J'veux dire, j'ai regardé plusieurs saisons et à chaque fois, les vies des candidats sembles réellement horrible. La mienne ne l'est pas et je ne peux pas dire qu'elle l'est véritablement été. Je n'avais pas précisé que Lille, c'était en France. Ça me paraissait logique, sauf que les étrangers ne connaissait peut-être pas cette ville du Nord. « Mes parents habitent à Paris, dans un quartier bourgeois, ils sont archéologues et je ne suis pas de leur délire.. » Mes yeux s'arrondirent et je n'eus pas le temps de le laisser parler. « Tu parles français ! » M'exclamais-je d'un seul coup, dans la langue de Molière, ma voix traversant la pièce peut-être un peu trop fortement. Un enthousiasme tranchant sûrement avec ma façon de parler depuis tout à l'heure, plutôt calme, posée, presque trop timide. Non j'étais sérieusement rassurée, oui, c'est le bon mot. « Tu me rassures... J'en ai déjà un peu marre du 'franglish' » C'est ma langue personnelle. Moitié français, moitié anglais, parce que je ne suis pas si douée que ça pour cette dernière langue. J'arrive très bien à me faire comprendre, mais c'est aussi un peu dû à du hasard. Enfin. Mais j'étais loin de penser que ce qu'il allait me répondre, serait de loin une très bonne surprise. « Je suis des études de lettres, partiellement. Et sinon, je voyage, énormément. » Je plissais légèrement mes sourcils, ne croyant pas mes oreilles. Il faisait, des études, de lettres ? « J'aime la littérature, brute et ancienne. Et mes voyages m'ont apporté beaucoup d'inspiration, j'aimerais écrire un livre. » Je pinçais mes lèvres, ou elles se pincèrent d'elles même, c'était fort possible. Étonnée, c'était un mot bien trop faible pour d'écrire ce que j'étais et ce que je ressentais en cet instant. Il était, comme moi, en quelques sortes et en pleins de points. Il aimerait écrire un livre et je suis là, depuis un bon moment, un an, à traîner mon carnet un peu partout avec moi. Et moi aussi, j'voyage, mais à ma façon. J'pourrais jamais l'avouer à la télé, parce que j'suis bonne pour passer par la case prison, mais j'prend du Khat. Ca me fait oublier tout, ça m'embarque sur un petit nuage et toute l'inspiration viens à moi. Certes, la cohérence n'est que très rarement au rendez-vous, mais j'aime ce que ça peut donner parfois. J'aimerais bien lui révéler ce 'secret', mais j'peux pas. Alors la seule chose qui sort de ma bouche, une bonne minute après, c'est « Waouh ». Quelques secondes passa et puis au final, je ne pouvais m'empêcher de sourire, comme une débile j'en convenais, à ce que je venais d'entendre. Non, j'en croyais pas mes yeux. J'pensais débarquer comme une ovni avec mes envies d'écrire un livre et finalement, j'suis pas la seule. Je secouais la tête subtilement de droit à gauche « J'sais pas quoi dire... c'est... troublant ! » Pour l'être ça l'est. J'avais même envie de sortir mon carnet de sa cachette magique et de le noter immédiatement, mais je ne le fis pas. Je rester plantée d'vant lui, lâchant un petit rire (du genre bécasse ouai). « T'as voyagé où ? » Lui demandais-je, avec intérêt. Pour me faire une idée. Je voyais bien un livre d'aventure, un truc du genre, un liiiivre quoi !