DAPHNE

Je faisais rouler l'alcool dans mon verre, comme l'on fait rouler une bille après un coup de pouce, lentement, avec une précision plus ou moins délicate, le liquide léchant les bords du récipient, avide d'en découvrir toujours plus. Je ne sais pas vous, mais l'eau m'a toujours fasciné, sa texture, sa beauté. Bien entendu, en ce cas présent, il ne s'agit clairement pas du même genre de liquide, celui ci est plus fort, plus imposant, sa couleur jaune rayonne de part la transparence du verre. Bierre qu'ils appelent ça. J'ai toujours détesté. Mais en ces temps où mon être se surprend à aimer découvrir de nouvelles choses, l'aspect de cette boisson, son gout, tout me semble de nouveau vierge de sens, de matière. Ainsi, comme pour la première fois, mes lèvres goutent à cet alcool, qu'elles ne tardent pas à trouver répugnant. Tant pis, j'ai horreur du gaspillage, alors autant en finir tout de suite, l'avaler. La seule solution. Et c'est ce que je décide de faire, d'une traite, avant de légèrement secouer la tête tout en lâchant un soupir. Je suis une âme solitaire, n'aimant pas me sentir investi dans un groupe comme dans un autre. Je suis seul maitre de mes décisions, et l'ai toujours été. Après tout, il n'y a aucun intérêt à s'équiper d'un groupe qui ne fera que vous ralentir, je ne suis pas là pour ça. Redéposant mon verre sur le comptoir, je ne tarde pas à attendre la porte s'ouvrir, devinant la silhouette de la jeune femme blonde à travers le miroir qui faisait face à celle ci, et également à moi. « Alors, Blondie, tu t'es remise de tes émotions ? »

Blondie. Finalement ce surnom ne la dérangeait pas, peut-être même qu’elle commençait à l’affectionner. Pauvre Lulu, dire qu’elle n’avait pas hésité à vider une coupe de champagne à son visage dès le premier soir. Il n’avait pas mérité un tel traitement, même si son insolence n’avait pas été la bienvenue. Désireuse de repartir sur de nouvelles bases, Daphne profita donc de l’occasion pour lui présenter ses excuses. « Je tiens à m’excuser pour l’autre soir. Tu étais au mauvais endroit au mauvais moment. » Répondit-elle avec sincérité, le défiant du regard par l’intermédiaire du miroir. Elle se retourna ensuite et s’installa à ses côtés.

« J’avais imaginé de nombreuses possibilités quant à mon partenaire, partager l’aventure avec un homme marié n’en faisait pas partie. » En effet, se retrouver dès les premières minutes de l’aventure au bras d’un homme marié avait éveillé de nombreux souvenirs qu’elle aurait préféré oublier. Il fallait croire que son divorce avait laissé des séquelles plus importantes qu’elle ne l’aurait pensé.

Il faut dire que notre première rencontre avait laissé quelques traces, notamment sur mon tee shirt, des tâches qui je l'esperais pourraient s'effacer avec le temps. En toute logique, elles le feraient très certainement. « Je tiens à m’excuser pour l’autre soir. Tu étais au mauvais endroit au mauvais moment. » c'est une façon comme une autre d'envisager les choses. J'aurais plutôt dit qu'elle se trouvait, elle, au mauvais endroit, au mauvais moment, et ce depuis le début de l'aventure. Après tout, si elle n'était pas capable de supporter un homme marié, c'est qu'au final, elle laisserait paraitre plus de faiblesses qu'elle ne l'espèrerait. Rien à faire, ce n'est pas mon problème, après tout. Et sur ce, elle décide de prendre place à mes côtés. Je suis son chemin à travers le miroir jusqu'à ce qu'elle se pose sur un des tabourets. « J’avais imaginé de nombreuses possibilités quant à mon partenaire, partager l’aventure avec un homme marié n’en faisait pas partie. » un énième tour, et l'alcool se stabilise enfin à l'intérieur de mon verre. Là, je porte celui ci à mes lèvres, sont gout sonnant comme du déjà vu. Cette scène également. « A quoi bon. » lâchais-je en rabaissant mon verre, le déposant entre mes deux mains « C'n'est pas comme si tu allais le baiser. » la réalité était simplement là, je me permettais donc de l'exprimer « Être marié ne fait pas de l'homme un monstre, du moins, il ne me semble pas » ou alors « Du moins, tant qu'il ne tente pas de passer sa main sous ta jupe, t'as rien à craindre. » j'hausse un instant les épaules, lui adressant un regard, une simple fraction de seconde avant de le reposer dans le vide. « Dis toi simplement que ça te laisse envisager le mariage d'une nouvelle façon. » oh et puis qu'est ce que j'en ai à foutre ?

« Je suis en train de te présenter mes excuses, la moindre des politesses serait de les accepter ! D’autant plus que j’essaie de me confier à toi, épargne-moi tes leçons de morale ! » S’exclama-t-elle avec une pointe de colère. Daphne n’en revenait pas ; elle venait lui dire qu’elle était désolée quant à sa réaction de l’autre soir, il en profitait pour l’enfoncer davantage en prêchant la bonne parole. Lors du premier prime, elle avait tout simplement perdu le contrôle et s’était laissée submergée par ses émotions. Réaction humaine qui semblait en déranger plus d’un ici. Qu’ils aillent tous au diable. Furieuse, elle reprit : « Et pour ta gouverne, je ne veux pas me faire sauter par mon partenaire marié ! J’ai perdu mon sang froid le premier soir parce que moi aussi j’ai été mariée. C’était une période difficile de ma vie, avoir affaire à un homme marié a fait ressurgir des souvenirs douloureux. Mais je te l’accorde, c’est tellement plus facile de porter un jugement que d’essayer d’envisager un autre point de vue que le sien. » La jeune femme s’était levée pour se diriger vers le comptoir. Elle saisit une bouteille de scotch qu’elle porta directement à ses lèvres. Elle en avait besoin.

« Je suis en train de te présenter mes excuses, la moindre des politesses serait de les accepter ! D’autant plus que j’essaie de me confier à toi, épargne-moi tes leçons de morale ! » bon, une chose était sûre, elle n'aimait clairement pas la manière que j'utilisais pour m'exprimer. Loin de moi l'idée de vouloir déclencher un quelconque conflit, j'avais la nette impression qu'elle se débrouillait très bien toute seule. « Et pour ta gouverne, je ne veux pas me faire sauter par mon partenaire marié ! J’ai perdu mon sang froid le premier soir parce que moi aussi j’ai été mariée. C’était une période difficile de ma vie, avoir affaire à un homme marié a fait ressurgir des souvenirs douloureux. Mais je te l’accorde, c’est tellement plus facile de porter un jugement que d’essayer d’envisager un autre point de vue que le sien. » « Excuse moi d'avoir voulu te proposer une autre alternative à ta vision des choses, alors. » lâchais-je sur un ton des plus neutres, ton que j'employais maintenant depuis le début de la conversation, et qui ne semblait de toute évidence pas plaire à la jeune femme. Tant pis. « Et pour ta gouverne, ce n'est pas en te lamentant sur ton sort, ni même en t'en prenant à moi que cette situation va s'améliorer. » sur ce, je termine mon verre d'une traite et le repose délicatement sur la table, tournant celui ci pour que l'endroit où j'avais déposé mes lèvres soit placé le plus loin possible de moi, toc d'enfant qui m'était resté. « Maintenant si tu ne cherchais pas d'avis, il ne fallait pas venir en parler. Et certainement pas à moi. »

« Sérieusement j’ai l’air d’une femme qui se lamente sur son sort ? J’essayais de t’expliquer ! J’ai jugé, à tort certes, que tu méritais au moins ça. » Daphne avait beau s’énerver encore et encore après lui, d’une certaine manière elle le trouvait attachant. Elle ne saurait l'expliquer. Toutefois, affirmer qu’il ne l’intriguait pas serait un mensonge. « Heureusement que t’es un minimum sexy parce que t’es une vraie plaie ! » Ajouta-t-elle avec franchise. Elle ne demandait qu’un peu de soutien, pourtant elle ne tarda pas à réaliser qu’elle ne pourrait se tourner vers Lulu pour obtenir ne serait-ce qu’un soupçon de compassion. Il semblait aussi indifférent qu’un cactus sous un soleil de plomb. La bouteille s’avérait nettement plus réconfortante. Nouvelle gorgée de scotch.

« Sérieusement j’ai l’air d’une femme qui se lamente sur son sort ? J’essayais de t’expliquer ! J’ai jugé, à tort certes, que tu méritais au moins ça. » un léger rictus se dessine alors sur mes lèvres, amusé par cette situation « Clairement, oui. » repris-je alors en répondant à sa première question. Après tout, se plaindre sans cesse de son partenaire, ou de son statut n'avait clairement rien de quelqu'un qui semblait satisfaite de sa situation actuelle, n'est ce pas ? « Heureusement que t’es un minimum sexy parce que t’es une vraie plaie ! » un compliment ? Bien. J'étais donc un minimum sexy. Chose dont clairement, je n'en avais rien à faire. Que les gens aiment ou non mon enveloppe charnelle ne me dérangeait pas, du moment qu'ils n'en faisaient pas une obsession et n'en venais pas à la critiquer à longueur de journée, en bien comme en mal. « Je t'aurais bien retourné le compliment, mais après avoir vu ce trais de scotch couler sur ta joue droite, je vais simplement me contenter d'hocher la tête. » continuais-je amusé, avant de m'executer. « Et hormis ton partenaire, qui semble occuper tes pensées nuits et jours, qu'as-tu d'autre en tête en ce moment ? » certainement quelque chose de très positif à mon sujet, ça, je n'en doutais pas.

Ce qu’elle avait en tête ? Sa nomination, la culpabilité d’avoir entrainé Callan avec elle, la haine intarissable de la majorité des candidats à son égard, les chaussures qu’elle porterait le soir du prime, son divorce, son blog ultra-populaire, le risque de quitter le jeu après seulement une semaine, et la liste pouvait continuer encore longtemps. Qu’allait-elle choisir de partager avec son interlocuteur ? Elle avait une image superficielle et matérialiste à maintenir. Hors de question de faire tomber le masque dès maintenant.

« Je me demande quelles chaussures je porterai dimanche. Si je suis amenée à rentrer chez moi, autant marquer le coup. Mes cuissardes sûrement, ou mes bottines ? Peut-être mes escarpins rouges… En fait, ça dépend si je porterai une robe ou mon slim en cuir noir, ou alors ma jupe taille haute avec un chemisier. Un avis sur la question ? »

« Je me demande quelles chaussures je porterai dimanche. Si je suis amenée à rentrer chez moi, autant marquer le coup. Mes cuissardes sûrement, ou mes bottines ? Peut-être mes escarpins rouges… En fait, ça dépend si je porterai une robe ou mon slim en cuir noir, ou alors ma jupe taille haute avec un chemisier. Un avis sur la question ? » je lâchais alors un soupir. « J'en ai rien à foutre de tes chaussures. » je marquais alors un blanc avant de reprendre « Et ils en ont rien à battre également. » et par ils, j'entendais bien évidemment les autres habitants, qui semblaient lui mener la vie dure et ce depuis quelques jours. Bien que ce ne soit pas mes affaires et qu'elle fasse ce qu'elle en avait envie, le tapage notamment autour du conflit entre elle et Arès semblait prendre une ampleur considérable, si bien qu'elle arrivait à en affecter les autres habitants. Ce n'était pas encore mon cas, tout simplement parce que me mêler à ce genre de bagares enfantines me semblait quelque peu inutile, et que je n'avais pas envie de rejoindre une équipe, ou une autre. Je me contentais d'être neutre, non, de m'en foutre, chose que j'avais toujours fait à merveille, n'est ce pas ? « La seule chose que je remarque, c'est que tu es maintenant toute seule. » je pose alors mes yeux sur la jeune femme le temps d'une seconde avant de les fermer « Et Dieu sait que ce n'est jamais drôle. » croyez moi, j'en savais quelque chose « T'as peut-être l'impression que tu n'as pas besoin d'eux, mais au fond tu sais que c'est faux. Parce qu'un jour ou l'autre, c'est ce qui te coutera ta place. »

« Ne me sous-estime pas. Et ne prétends pas me connaître. » répliqua-t-elle sèchement, arborant un sourire satisfait avant de boire une dernière gorgée de scotch. « Parce qu’ils sont entourés de caméras, certains se prennent pour des acteurs et tentent de jouer la comédie. Moi j’ai simplement choisi d’être vraie. » Depuis le début de la semaine, Daphne n’avait fait qu’exprimer son opinion. Les conflits dont elle était objet avaient commencé par seulement deux citations postées sur son blog. Elle n’avait aucun remord. « Je n’ai rien à me reprocher, je n’ai jamais eu un mot plus haut que l’autre. Ils ont choisi de me haïr parce qu’ils savent pertinemment qu’une telle attitude attire l’attention sur eux. Mon seul tort aurait été de surnommer mes détracteurs comme mes petites salopes. C’est un mal pour un bien. »