Ce soir tout le monde s'attend à ce que je joue l'épouse inquiète, compatissante, l'épouse qui craint que son mari quitter brusquement les lieux. Je suis supposée me sentir mal à l'aise et tirer une tête de six pieds de long puisqu'il est clair qu'on va mettre Callan sur le buchet. C'est ce à quoi l'élimination est comparée : la mort. Puisque évidemment après Fake Lover, tout s'arrêter, je ne pourrais plus jamais le revoir et pire encore, notre vie est fichue. Alors j'ai choisi une tenue de circonstance, un tailleur noir. Rien de plus qu'un tailleur noir. J'ai rejoins l'assemblée, le visage blême, terrifiée à l'idée de me voir éloigné de mon défunt, euh nominé époux. Avant d'entrer, j'ai grillé une cigarette. Le minimum. Je suis entrée, j'ai observé Callan, lui ai adressé un sourire, il sait très bien ce que je pense de tout ceci. Je pourrais m'asseoir à ses côtés, c'est ce que je devrais faire, au lieu de cela, je m'assieds à côté d'un tatoué (LULU) visiblement en deuil. « Tu enterres qui toi ? » Je murmure afin ne pas heurter la sensibilité des plus jeunes. On ne sait jamais, des fois qu'il y aurait un susceptible dans le coin. Du genre de Kirikou à la soirée de mercredi. Mes propos ont toujours tendance à être mal interprété il faut dire.

Je n’ai pas pensé à repérer les lieux avant de m’y rendre. J’ai déjà eu un mal de chien à apprendre la topographie du village, le quadrillé de ses ruelles, et les chemins de sa périphérie, si bien que je n’ai pas songé une seconde au dimanche arrivant, et au plateau qu’il me faudrait trouver. Le premier soir, le trajet en voiturette ne m’a, malheureusement, pas appris grand chose, je sais juste quelle rue prendre en partant de la place du village, ensuite... Ensuite... Ensuite j’ai mon GPS humain : ma partenaire. Aussi je ne m’inquiète pas, et me repose tranquillement sur cet acquis, passant ma journée à faire tout autre chose que ça. Je m’offre même le luxe d’attendre que le gros du dortoir est achevé sa mise en beauté, pour accéder à la salle de bain, et me préparer à mon tour. Sauf que, lavé, habillé, approximativement coiffé, lorsque je retourne attendre ma partenaire au dortoir, je comprends mon erreur. Il me suffit d’interroger quelques personnes, à la cinquième tentative, on m’informe qu’elle est déjà partie. En me laissant là ? Tout seul ? Un peu plus et j’en ai la babine tremblotante. Presque. J’enfile un truc en laine dont l’absence de couleur m’attire, et me drape de dignité avant de marcher dans les pas des autres, des précédents, de ceux qui, j’imagine, suivent eux-même d’autres pas les précédant. J’en profite pour gonfler mes poumons de nicotine, me faisant l’effet, pour la deuxième fois en une semaine, d’être un mouton se rendant de lui-même, docilement, bêtement, à l’abattoir. Lorsque le bâtiment se profile les falaises en arrière-plan, j’écrase ma deuxième cigarette. Cette fois-ci, je refuse d’être un mouton, et accélère le pas. Maintenant que je sais où je vais, je n’ai plus besoin de suivre, et je prends la tête, dépassant quelques personnes avant d’entrer dans cette étrange grange que je découvre. Il me suffit d’un quart de seconde pour repérer Ismay, que je rejoins au moment où une brune lui parle de se tirer avec elle. « Hors de question ! » je tonne en contournant le canapé sur lequel elles siègent pour imposer ma présence. « Si elle doit partir à nouveau, ça ne se fera pas sans moi. » j’affirme en me laissant tomber sur le fameux canapé. « Je ne te remercie pas, j’étais perdu sans GPS. » Non, je ne fais pas la tête, je me contente simplement de m’assurer que cette fois, elle signe au bas des règles du jeu. Des règles de mon jeu.

Ce prime serait peut être difficilement vivable pour Raphaël. Ce dernier s'y était préparé, en s'étant dit qu'il devrait faire quelques efforts pour ne pas passer une trop mauvaise soirée et que son ressenti final dépendrait essentiellement de lui et de ses dispositions à faire lesdits efforts. Mais maintenant qu'il se tenait assis dans son coin, et que son regard se posait sur les jeunes gens qui débarquaient successivement, le jeune homme avait tendance à se sentir mal. Il savait qu'ils allaient être plus d'une trentaine, mais les choses lui paraissaient bien différentes de la semaine dernière. C'était pire, à ses yeux. L'aventure avait véritablement commencé, et il n'avait semble-t-il aucun moyen de se téléporter à l'extérieur de ce village, à l'extérieur de ce plateau. Et tandis que ses pensées lui renvoyèrent avec une certaine douleur le fait qu'il vivrait probablement ce prime avec quelques difficultés, voilà que son regard se posa sur Elliot, qui venait visiblement tout juste d'arriver et qui avait gentiment pris la peine de s'adresser à lui. L'esquisse d'un sourire parvint alors à naitre sur ses lèvres - la jeune femme n'était pas comme le reste de ses semblables, il en avait la certitude depuis qu'il avait longuement conversé avec elle - tandis qu'il lui fit une place à ses cotés. « Naturellement, Elliot » répondit-il alors, l'invitant de ce fait à prendre place près de lui. Il avait alors tendance à penser que la présence de la jeune femme ne pourrait que l'aider à se détendre ce soir. Dieu sait qu'il en aurait assurément besoin. Observant silencieusement sa camarade, il se mit bêtement à rougir en pensant qu'il pourrait avoir l'air d'un petit voyeur. « Je ... Ne va pas t'imaginer que je me plaise à te détailler du regard. Simplement, et même si je conçois que ça n'a rien d'original de la bouche d'un homme, je ... je te trouve extrêmement belle. » Et il avait survécu à cela, nom de dieu. Prochaine étape : avoir l'air un peu moins con.

Somnolant, rêvant presque, enfoui au fin fond du lit conjugal, je suis violement réveillé par la voix de Cupidon résonnant sur tout le village de par les antiques hauts-parleurs: je me réveille en sursaut, les yeux et le cerveau embrumé, presque choqué de constater que je me suis endormi en plein après-midi. Première semaine dans le Nid, première sieste depuis une bonne dizaine d'années, somme toute, un grand changement dans ma routine marseillaise. En trombe, je me lève, et, comme toujours à moitié à poil, cours le souffle coupé jusque là où sont entreposés nos tenues spéciales. J'attrape hativement la housse à mon nom et, voyant que je suis manifestement le dernier non-apte encore à participer décemment au prime, m'enferme dans les toilettes les plus proches, me déshabillant aussi vite que possible et enfilant finalement mon habit de soirée, écarquillant les yeux devant la griffe Jean-Paul Gaultier; après tout, la production peut tout se permettre. En guise de coiffure, une sympathique main dans les cheveux, et me voici fin prêt. Je sors de mon antre, le pas lent, le visage éteint. Baillant, je m'avance dans le salon, cherche un visage familier, m'approche de Fantine et, souriant à Sven et Mads installés à ses côtés, s'assieds lourdement à la droite de ma partenaire, posant doucement ma tête sur son épaule, fermant les yeux. Joyeux second prime à tous.

C'est bon je me fais chier et même la petite devinette du présentateur ne me fait pas sortir de cette douce torpeur qu'est l'ennuie. Je regarde Gaspard qui entre à la suite de plusieurs autres. Je vais pas aller lui parler parce que ça me fatigue, alors je vais me contenter de le regarder trente seconde de plus avant de regarder l'italien. Je suis censé être son ombre sauf que ça aussi ça me fatigue alors je vais faire grève ce soir. Alors je regarde GT1. Là je sors de ma torpeur et me lève pour aller le rejoindre en même temps que la femme marié. « Tu enterres qui toi ? » Je l'entends lui dire que je m'échoue à coté de Lulu. Je regarde la femme marié un instant de plus. Cette nana je dois la garder à l'oeil. « Et on dansera sur leurs tombes. » Je lance comme si je débitais un poème, une phrase sacrée. Puis je regarde un part un les candidats, les groupes qui se forment. Et l’électron libre, le connard, mon connard. Ça fait sourire Janka, bois, bois jusqu'à plus soif. Le prime stagne, ou peut être qu'il n'a jamais réellement commencé, j'attendrais presque l'angelot avec impatience... j'ai dis presque.