Vivre seul n'était pas tellement une chose plaisante. La solitude n'était pas toujours de très bonne compagnie - cherchez la logique de cette phrase - et les gens comme Raphaël s'enfermaient petit à petit dans une cage qui les isolait de plus en plus du reste du monde. Pour autant, sur certains points, vivre dans une profonde solitude n'était pas que déplaisant. Raphaël partait en fait du principe que les personnes trop entourées devenaient des assistés, et qu'ainsi, il ne leur était pas aisé de se débrouiller au quotidien. Lui au moins, et puisqu'il n'avait personne pour l'aider d'une quelconque manière, il avait tâché de se débrouiller, d'apprendre à cuisiner, à faire ses courses, à faire sa lessive. Et justement, en parlant de lessive, il était présentement temps d'en faire une. Il n'était pas un as de ce genre de choses, mais il est vrai que sa solitude lui avait au moins valu d'apprendre à ne plus faire n'importe quoi à ce niveau là. Parce qu'évidemment, comme tout le monde, il avait mis un certain temps à comprendre qu'on ne pouvait pas utiliser n'importe quelle lessive pour n'importe quel vêtement, ni mélanger les vêtements blancs des vêtements colorés. Oh et à ce propos, il semblerait que l'une de ses camarades n'ait pas tellement compris ce principe, puisqu'à peine venait-il d'entrer dans la laverie qu'il avait vu une demoiselle remplir le tambour de divers vêtements, tantôt noirs, tantôt blancs, tantôt rouges, tantôt bleus ... Autant dire que si elle mettait la machine en marche, elle obtiendrait probablement un résultat peu satisfaisant. Pour autant, Raphaël ne se voyait pas jouer les héros en lui criant qu'elle ne devrait pas faire une telle chose, qu'elle pourrait le regretter. Comprenez bien que ça n'était qu'une lessive, hm. Au pire, elle y perdrait quelques vêtements, mais elle s'en remettrait. Quoi qu'il en soit, la jeune femme semblait hésiter. Alors quoi, elle avait un mauvais pressentiment ? Espérons le. Mais voilà qu'elle se mit à danser, à chanter, laissant sa petite lessive en plan, devant un Raphaël assez stupéfait. Le jeune homme se décida finalement à avancer, prenant la peine de tousser légèrement histoire de se faire entendre. « Hm, excuse moi ... » commença-t-il alors, tout en attendant que sa camarade se retourne pour poursuivre. « Tu ne devrais pas laisser les choses en l'état. Je veux dire ... tu devrais faire plusieurs machines, afin de séparer les vêtements blancs des vêtements colorés. Ils ne nécessitent pas le même traitement, le même produit ... Et je suppose que tu tiens un minimum à tes affaires, alors il serait dommage de les endommager. » Oui bon, Raphaël avait un peu l'impression de se mêler de ce qui ne le regardait pas. Mais il voulait simplement bien faire, voilà tout.

Il était quelques peu surprenant de tomber sur une demoiselle en train de danser et chanter dans une laverie automatique, en cette fin d'après-midi. Qui plus est une demoiselle visiblement pas très au courant des recommandations concernant toute lessive. Disons qu'elle s'y prenait assez mal, dans la mesure où elle ne semblait avoir aucun problème à l'idée de mélanger les vêtements blancs et les vêtements colorés. Au fond, elle était évidemment libre de faire ce qu'elle voulait, de laver ses vêtements comme bon lui semblait, mais il fallait tout de même reconnaitre qu'en agissant de la sorte, elle risquait fort de pleurer certains de ses biens après sa lessive. Ainsi donc, et même s'il n'estimait pas avoir un quelconque droit de lui faire remarquer qu'elle avait fait une erreur pour le moins critique en disposant ses affaires de la sorte, Raphaël ne put faire autrement que de se manifester, s'adressant à sa camarade, simplement histoire de lui faire voir qu'elle risquait fort de constater que sa manière de faire une lessive ferait quelques dégâts du coté de sa garde robe. Il aurait naturellement pu s'en foutre, à la limite se délecter du spectacle de son début à sa fin, mais ça n'était comme qui dirait pas du tout son genre ... Disons qu'il laissait volontiers cela à Zofia, hm. Sa camarade sembla alors quelques peu embarrassée. Pire, il lui semblait qu'elle se mettait à rougir. Oh non, il n'avait jamais voulu la mettre mal à l'aise. Il avait simplement eu l'intention de lui faire remarquer qu'il serait préférable de procéder d'une autre manière. Vraiment, il commençait à s'en vouloir d'avoir osé se manifester, si c'était pour qu'elle se mette dans cet état. « Ne t'embarrasses surtout pas pour ça » fit-il alors, sans doute pour la rassurer. Il était assez étrange pour lui de dire ce genre de choses, vu que c'était bien souvent lui qui se trouvait gêné. « Je ne dirai rien » reprit-il, dans l'esquisse d'un sourire. Si cela devait être leur "petit secret", et bien qu'il en soit ainsi. Après une hésitation, il s'approcha quelques peu de sa camarade et de la machine à laver. « Je vais t'aider » ajouta-t-il alors, tout en s'agenouillant au niveau du tambour, n'osant cependant pas toucher aux affaires de sa camarade. « ... enfin, si tu m'autorises à manipuler tes vêtements. » Parce que ça n'était pas à lui et que même s'il voulait simplement l'aider, il n'avait pas à y toucher sans son autorisation.