L'école des garçon, j'y passe tellement peu de temps que j'ai l'impression que je la découvre pour la première fois, sans l'effet de surprise parce qu'il n'y a rien de réellement surprenant à ce bâtiment, à cette chambre qui alignent des lits et où règne un certain désordre qui ne me dérange pas. Cet après midi je me retrouve dans ma chambre je ne sais pas pourquoi, j'imagine que je grand air ne m'appelle pas. Parce que c'est comme ça, je suis dans une pièce et soudain je me sens oppressé, je sens un poids énorme sur ma poitrine et je sais immédiatement ce que cela veut dire alors je laisse tout tomber, tout ce que je faisais et je sors dehors. Il m'est arrivé d'être dans la douche, ou même de faire la cuisine lorsque ce sentiment empoisonne mon cœur et je laisse tout tomber, comme ça sans préambule. Mais aujourd'hui pour l'instant je me sens bien là à effleurer du bout des doigts les quelques partitions qui m'accompagnent la plu part du temps avec moi. La musique s'imprègne de mes oreilles sur le ipod fournis par la production, j'imagine les notes s’aligner, se créer au son du piano, à chaque touche blanche ou noir effleurer de mes doigts. Aussi étrange soit-il je ne suis pas assise sur le lit, sur ce lit confortable, non je suis sur le sol juste entre mon lite (enfin notre lit techniquement) et celui d'un autre couple. Je suis dans mon petit cocon le regard animé d'une passion qu'on ne me connaît guère. Les traits apaisé comme si toute la colère qui me caractérise c'était envolé en un clignement, en un battement de cil, en une respiration. Je crois quand ses moments là il m'arrive de sourire, je veux dire réellement sourire pas le sourire faux que je ressors à toutes les sauces et que je coltine depuis tellement d'années qu'il arrive maintenant à paraître vrai, palpable, réelle et provoque même de vives émotions chez certaines personnes. Alors qu'il n'est que vide. Il faut savoir que j'ai une ouïe ultra développé, je peux écouter de la musique lire une partition complexe avec de multiples variations et entendre les pas peu discrète d'un intrus. Alors je les entends ses pas qui font grincer le vieux parquet. Inévitablement mon regard se lève, aux aguets je rencontre son regard un quart de seconde. Pas lui, pas maintenant. Je retourne à mes partitions, sachant que la musique allait m'aider à l'oublier mais j'imagine très bien qu'il se fera bien entendre une fois de trop avant de sortir son cul de la pièce.

Laver son linge sale au lavomatic représente ce que j'appelle la galère de l'étudiant tristement célibataire et sans le sou. J'avais toujours réussi à l'éviter, jusqu'à ce que Fake Lover m'oblige à vivre cette horreur. Je me trimballe un sac d'une tonne sur l'épaule, poireaute trente minute devant une machine à laver, fumant joint sur joint, parce que c'est le seul moyen pour que j'évite de me barrer et d'oublier de revenir, puis vingt minutes assommantes à m'enfumer la face devant le sèche-linge. What else? Obligé de retourner au dortoir pour ranger les fringues propres, forcément. J'ai fait un grand lavage de jeans, t-shirts et pulls. Bien qu'il ne s'agisse que de la première semaine, j'apprécie la propreté en communauté et j'ai changé de fringues tous les jours, voire deux fois par jour selon les désirs despotiques de la production. Sac sur le dos, je monte deux à deux les marches des escaliers qui mènent aux dortoirs, déserts à cette heure, et pousse la porte entrouverte. Un rapide coup d'œil en direction de la forme assise entre le lit et le mur m'indique que Janette se trouve évidemment dans les parages – on se voit pas la nuit, le destin nous oblige à nous croiser le jour. Elle a sa tête des plus beaux jours: elle fait autant la gueule qu'une ado de quinze ans qui croise son père dans le couloir de la maison. Ça va Janette, on a compris, pas dignes de ne serait-ce que poser les yeux sur toi. Les autres partenaires, de ce que j'ai vu, ont l'air globalement sympathiques. Pourquoi fallait-il que ce soit moi qui me coltine celle qui fait toujours la gueule, même quand elle se colle un sourire sur le visage? J'ai bien une petite idée. J'aurais pas du balancer autant de conneries lors de mon entretien avec la prod, ils m'ont pris pour un psychiatre, c'est obligé. Je continue mon chemin jusqu'à ma valise, de l'autre côté du lit. Ça m'arrange, je ne vois plus que le haut de sa tête qui dépasse au-dessus du matelas et le son matelassé, indistinct de la musique qui s'échappe dans ses oreilles. Rapidement, je balance mes fringues sans les plier dans ma valise: perte de temps, plus de temps en sa compagnie, aucune envie, on verra plus tard.

Je ne le regarde même pas parce qu'il m'en demande toujours beaucoup trop. Mais qui pourrait lui en vouloir, m'avoir comme partenaire est certainement la plus grande des punitions. Il a dut faire quelques petites choses pas nette pour que Dieu le puisse ainsi. Moi je m'en fiche, de toute manière j'aurais détesté n'importe lequel de mes partenaires. Sauf que lui il m'arrive de le détester moins que d'autres. De temps en temps. Pas aujourd'hui. Je me concentrer sur la musique qui s’infiltre dans mes oreilles jusqu'à mon cœur pour éviter d'avoir affaire à lui et pour oublier toute autre présence que la mienne. Sauf qu'il fait bien trop de bruit, il fait grincer le parquet, il marche comme un hippopotame, frotte son jean et grince même des dents. Sans oublier le bruit qu'il faite en foutant ses fringues dans sa valise. Parce que j'ai pas besoin de le regarder, je sais bien qu'il se content de laver et tout foutre en boule après, c'est pour ça qu'il a une dégaine de débrailler et c'est aussi ce que j'arrive à apprécier chez lui. Cette imperfection assumée. Sans soupirer alors que je le devrais, j’ôte mes oreillettes et plie en deux mes partitions. Je grime avec agilité sur notre lit. « Tu veux le lit ce soir ? » Je lui demande sans la once de bonne volonté. J'aimerais avoir envie de faire des efforts mais ça va pas marcher de toute manière et il l'a certainement comprit avant moi et c'est très bien ainsi. Alors les faux semblant on les met de coté et on fait avec ce qu'on nous donne. Dans le cas présent un partenaire de merde, un connard, un mec privé de toute empathie. « Je crois que le canapé de l'Auberge est pas mal, tu l'as testé ? » Regarder ça totalement pitoyable, parler des meubles que l'on teste parce que nous ne voulons pas dormir dans le même lit, parce que se supporter la journée c'est déjà beaucoup nous demander. Je ferme les yeux et bat la mesure, j'attends aucun réponse de sa part, je n'en veux même pas. Parce que le son de sa voix n'est pas mélodieux, parce que ça force mon cerveau à rendre sa voix plus agréable et que donc logiquement ça me fatigue.

Janette fait la gueule, ça je l'ai bien compris, mais en plus elle fait de l'ironie. Elle la fait mal, ça va de soi, à la différence près qu'elle le fait exprès. Essoufflée, épuisée alors que rien n'a lieu, que rien ne se passe, assommée qu'elle est par le néant de notre duo, qu'elle a elle-même créé, voulu, exigé. Dingue comme se faire des films doit être fatiguant. Je balance mon dernier t-shirt sur la pile dans ma valise ouverte, et lui jette un regard en biais. Elle évite soigneusement de me regarder dans les yeux – peut-être fait-elle bien de s'éviter ça. Je suis surpris par ses mots, surpris qu'elle ait eu l'idée de me faire cette proposition, même ironique. Je pensais qu'elle n'avait pas besoin de ça. Mes sourcils se froncent légèrement tandis que je ne bouge pas d'un pouce. « Non. Bien sûr que non. » Bien sûr que je ne veux pas le lit, ni pour ce soir ni pour demain, bien sûr qu'il n'est pas question que je me prélasse seul la nuit sur ce matelas – la seule chose qui ne me donne pas mauvaise conscience lors de mes nuits au feu de camp, c'est de la savoir entre ces draps doux et chauds, dans cette pièce chauffée. Je n'aurai jamais froid dehors, jamais peur seul dans le noir. Mes ancêtres tziganes, sédentarisés en Allemagne après Porajmos, m'auront au moins légué ce don parmi toutes les disgrâces que m'ont valu de porter le nom de Jenisch. Si quelqu'un doit quitter ce lit, ce n'est certainement pas elle. J'évite de répondre à sa provocation, je sais qu'elle n'est pas joueuse, aussi nous ne jouerons pas. D'un coup de pied, je balance sous le lit le sac à linge sale et un sourire moqueur en coin, je retire mon sweat. « Par contre je me ferais bien une petite sieste, là maintenant tout de suite. » Faux. J'ai autant envie de faire une sieste que de bouffer une paella, mais si elle vient me chercher, ce serait dommage de ne pas me trouver. Je m'écrase sur le matelas et m'allonge de tout mon long, bras derrière la tête en guise d'oreiller. Subsiste une ridicule trentaine de centimètres entre nous. J'empiète sur son territoire, puisque ce lit est à elle depuis le début, mais il paraît qu'elle se plaint à qui veut l'entendre qu'il n'est pas assez à nous. « Vu que tu sembles bien aimer le plancher... » Et je la vire avec ça, la totale. Comme si Janka allait accepter d'écouter sagement sa musique à mes pieds, en gentil toutou. Je la cerne du regard. Fais pas semblant d'être calme, Janka.

« Non. Bien sûr que non. » Ah oui c'est vrai. Monsieur est un connard mais un connard à peu près éduqué alors il laisse le lit à la fille. Non il est pas éduqué, pas plus que ça. Parce qu'il le fait seulement pour lui, pour pas se sentir coupable j'en suis certaine. « Évidemment. » Quel idiot, quel idiot. Je peux dormir dehors. D'ailleurs s'il avait passé du temps avec moi la nuit il saurait que je ne dors pas ou presque. Je ne trouve jamais le sommeil complètement je me contente de bribes. Et puis je suis polonaise, je connais les froids de l'hiver ici c'est de la gnognotte pourquoi je me trimbale toujours à poil à votre avis ? Je le provoque intentionnellement mais pas vraiment par plaisir, ça me lasse vite fait en faite, parce que je sais ce qu'il va me répondre. Rien. Et comme prévu il garde le silence et c'est très bien ainsi. Enfin ce serait mieux s'il ne faisait pas autant de bruit, c'est pas possible de faire autant de bruit. Je ne peux même pas apprécier le silence qui nous entoure. C'est quoi ce sourire ? Pourquoi il enlève son sweat ? C'est quoi ce sourire ? Je le regarde sans moindre intérêt pour ce qu'il fait. Parce que même si je me pose les questions, en connaître les réponses ne m'intéresse pas plus que ça. « Par contre je me ferais bien une petite sieste, là maintenant tout de suite. » Il se fout de ma gueule n'est-ce pas ? Ben vas y viens faire ta sieste mais si tu crois que je vais bouger. « Je vais pas te chanter une berceuse si c'est ce que tu attends de moi. » Je lui lance lasse. Il se fout sur le lit se rapproche de moi. Non mais c'est quoi son problème ? Je reste impassible. « Vu que tu sembles bien aimer le plancher... » Je n'ai pas le temps de réagir que je me retrouve justement sur le plancher. J'ai bien compris où tu veux en venir Gaspard. Je ferme les yeux. Il croit quoi qu'il a le droit de s'amuser avec moi comme ça ? Non. Personne n'a ce droit. On ne me pousse pas, on ne m’éjecte pas du lit. Je suis maître de mes propres décisions et si je veux rester sur ce lit, je resterais sur ce lit. Mais réagir vivement serait réagir exactement comme il le souhaite. Alors je reste calme, je me relève et retourne sur le lit le poussant avec délicatesse pour retrouver ma place. « Si tu voulais un câlin fallait le dire. » Je crois qu'il aime pas ça les câlins. Alors je me colle à lui, il ne voulait pas de moi et bien trop tard je me colle à lui. « Tu ferais mieux de ne pas recommencer ton manège... Gaspard. Cette fois je pourrais pas retenir le Hulk qui est en moi. » Je lui sors sarcastique au possible. Ma main droite se balade sur son bras gauche je que je presse avec une certaine violence, qu'il ne me cherche pas. Parce que je n'ai rien à perdre, rien.

Je vire mes pompes pour être plus à l'aise et l'observe sur le plancher, bouillonnante mais maitrisée. C'est bien, on fait des efforts? Ouais, sauf que c'est pas pour moi qu'elle le fait, l'effort, mais pour elle. Parce que réagir exactement comme je l'attends ne lui plait pas. Elle se fout entièrement de mon confort, et c'est d'ailleurs pour ça qu'elle remonte sur le lit et se colle à moi comme une sangsue. Je me tourne vers elle pour lui demander – centième fois au compteur – de dégager expressément, quand je me stoppe, les mots encore dans l'esprit. Elle est là, collée à moi, me regardant avec des yeux de chat vexé, et je ne comprends pas ce qu'elle fout, là. Ça ne ressemble pas au premier jour, quand elle a glissé sa main dans la mienne et que j'ai eu envie de m'en débarrasser, ça ne ressemble pas à sa tête posée sur mon torse auprès du feu, où j'ai eu envie de m'éloigner le plus loin possible. Ça ressemble plus à un pardon muet qu'à une attaque. Je suis pourtant pas assez con pour risquer un câlin avec ma partenaire. N'importe qui sauf elle. Elliot, même, dont le parfum est encore odorant contre les draps. Je hausse un sourcil sans savoir que faire, partagé entre l'envie de ne pas la bouger et de pioncer dix minutes ou de me casser et de lui laisser le lit. Elle change d'avis aussi rapidement qu'une cyclothymique, c'est flippant, et dans cinq secondes elle va peut-être m'insulter ou me mordre, et je vais devoir me retenir de lui en foutre une sous peine de me faire virer de l'émission. Je préfère me barrer. J'entame un mouvement pour me glisser hors du lit et retrouver mes chaussures, quand elle s'empare de mon bras. Gaspard? C'est Gaspard à présent? Je regarde soudain sa petite main presser mon bras, qu'elle n'arrive pas à entourer, pression si faible qu'elle en est presque douce. Je retiens un sourire. Je crois bien que si je serrais cette fille dans mes bras en forçant un peu trop, je pourrais lui écraser les côtes. Elle n'en paraît pas consciente. Elle doit vraiment imaginer qu'elle est capable de se transformer en un Hulk déchainé qui annihile tout sur son passage. Que peut faire Janka sans couteau et sans flingue dans les mains, à part cracher, mordre et griffer? Pas grand chose qu'un homme ne soit pas capable d'arrêter. Mais je n'ai pas envie de la contrarier. Ma main soulève la sienne sans la saisir, pour qu'elle cesse de presser mon bras, et je colle alors ma paume contre sa paume, doigts écartés, lui montrant la différence de largeur entre ce qui m'appartient et ce qui est à elle. Son poing fermé tiendrait entier dans ma main si je décidais de la refermer sur la sienne. « Comment je dois t'appeler maintenant, Janette, Miss Hulk, Elektra, Super Vilaine? »

Il croit m'avoir compris, il pense détenir toutes les clefs et toutes les réponses en ce qui me concerne. C'est vrai qu'il y a certaines choses qu'il a assimilé, mais faut dire qu'il n' aucun mérite. Et surtout il est loin de la vérité. J'en suis presque désolée. Désolée e lui faire subir une partenaire dans mon genre, j'imagine qu'il ne pensait pas finir avec quelqu'un comme ça. Mais j'ai dis presque, parce que je le suis pas et je ne le serais jamais. Je bouillonne dans mon coin et je sens son regard lissé sur moi, je devine un sourire ou toute autre trace de contentement sur son regard. Je ne vais certainement pas en rester là, certainement pas. Je grimpe sur le lit agile et tente de l'humour, pour cacher la colère imminente. Je le serre contre moi pour l'agacer mais aussi pour sentir la chaleur de quelqu'un je crois. Je suis seule, je me plais à être seule parce que je me dis que personne ne me convient, et c'est une vérité personne ne me convient alors je reste seule. Mais cette chaleur, cette présence, sentir son âme s'immiscer dans celle de l'autre, je ne connais plus ce genre de choses depuis bien longtemps. Et je crois que je veux autant l'emmerder que le sentir proche de moi. Ce qui n'a aucun sens, parce que j'aurais beau me coller à lui jamais, non jamais je ne ressentirais cette chose. Parce que nous sommes à deux pôles différents, parce que nous ne sommes pas un duo, nous ne sommes pas partenaires. L'on est simplement rien pour l'un et pour l'autre et c'est ce que je voulais, c'est ce que je veux toujours. Je presse son bras pour l'empêcher de partir et pour lui dire qu'il ne veut pas me chercher, qu'il ne devrait pas le vouloir et je comprends son petit jeu. Il retire ma main comme je l'imaginais. A quoi il joue il veut faire la taille c'est ça ? Je ne suis pas stupide je sais qu'il est plus fort comme moi. Sauf que je n'ai peur de rien, ou pas de ce genre de choses. Ça peut être une faiblesse, mais moi c'est ma force. « Comment je dois t'appeler maintenant, Janette, Miss Hulk, Elektra, Super Vilaine? » Je ne souris pas, je me contente de planter mon regard dans le siens. Un regard sans pudeur, un regard qui ne lui cache rien. Je pensais le mettre dans le mec sac que tous les autres mais y a une dimension à laquelle je n'avais pas pensé. Et... je ne peux pas le mettre dans le même sac. Il reste à part. « Janka. » j'articule avec une certaine gravité dans ma voix. « Je peux te faire du mal, je peux te blesser, ça ne me fera rien. » je lui réponds d'un ton triste je crois. Mon index vient caresser la paume de sa main. « Je n'ai rien à perdre, ne joue pas avec moi. » ce n'est pas une mise en garde ni un conseil, presque une supplication. Je les détestes eux tous, mais plus encore je les envie.

J'insiste, je persiste à ne pas vouloir accepter cette présence d'elle contre moi qui n'a rien de vraie, rien de sincère. C'est pour elle qu'elle le fait, pour se fondre dans la masse des partenariats alors qu'elle n'en a aucune envie. Elle ignore que je préfèrerais qu'on se batte un coup et qu'on n'en parle plus, plutôt que de subir son bon vouloir. Personne n'est à son service, personne ne lui doit rien, et je n'attends rien d'elle. Pas même une partenaire. Mes partenaires, de jeu, de pensée, d'expériences, je les trouve ailleurs. Ils ne manquent pas. Elle croit me faire une fleur lorsqu'elle me dit « Janka ». Je soupire. « Ne le dis pas pour moi, dis-le pour toi. » Je l'appellerai Janette aussi longtemps qu'elle le sera, qu'est-ce que ça peut me faire? Je ne meurs pas d'envie de connaître Janka, non, je prends ce qui vient à moi, je prends ce qu'on me donne, qu'importe ce que c'est, qu'importe sa forme et sa vérité: je prends. Ses menaces, je ne les ignore pas. Je les relègue seulement à ce qu'elles sont: des broutilles négligeables. Ce n'est pas de souffrir qui me fait peur – ça n'arrivera pas – c'est de savoir qu'elle aura ce réflexe de faire mal. Elle que j'ai cent fois vue aux pieds d'autres mâles, ses yeux suppliant presque qu'on la soumette, pathétique, véritable. Janka n'a rien de sauvage. Elle choisit ses proies et en épargne d'autres: aucun animal sauvage n'agit ainsi, aucun sauvage ne fait dépendre son instinct de sa vérité. Janka joue, et j'ignore à quoi, j'ignore pourquoi moi, elle me fatigue. Je regarde mes bras, recouverts de tatouages, les cicatrices sur mes mains et mes phalanges, sur mon torse, il suffit de me regarder une seconde pour comprendre que la douleur n'est pas ce qui m'effraie. « Si tu veux m'inquiéter, trouve autre chose. Tu as tout à perdre. » Tout. Y compris moi, son partenaire, qu'elle retient inutilement contre elle. Je me redresse sur le matelas, prêt à quitter les lieux. Ma présence n'a pas sa place ici, je le sais, mon instinct le sent. « Et je n'ai pas envie de jouer. »