La souffrance que ressentait présentement Raphaël devenait insupportable. Purement insupportable. Il n'en pouvait plus. Il ne parvenait plus à contrôler ses larmes, à les retenir, à s'empêcher de faire preuve d'une faiblesse qu'il détestait tant. Il aurait du être capable de se montrer fort et digne devant Arès. Il aurait du être capable de maitriser ses émotions, de les garder pour lui. Mais il n'avait pas pu, évidemment. Parce qu'il souffrait beaucoup trop pour être dans la capacité de garder pour lui ce qui ne demandait alors qu'à sortir. Arès ne s'en rendait peut être pas compte, mais il usait de termes terriblement blessants. Raphaël en venait carrément à penser qu'il avait rêvé, que sa relation avec Arès n'avait jamais été aussi complice qu'elle lui avait semblé l'être l'autre jour dans la salle de bain. Parce qu'à cet instant précis, s'il pleurait, c'était autant parce qu'il craignait de perdre définitivement Elliot que parce qu'Arès semblait profiter de la situation pour le blesser, pour l'intimider. Il évoqua même maladroitement sa mère. L'être qui lui manquait chaque jour un peu plus. Un être qui l'avait fait énormément souffrir, pendant des années, mais qui l'avait laissé terriblement seul lors de sa mort. L'expression de Raphaël devait alors être à mi-chemin entre une tronche de cire made by Madame Tussauds, et la tête d'une Rachel Berry pleurnicheuse. Autant dire qu'il devait avoir l'air plus abattu que jamais, tentant malgré tout de garder un tant soit peu de tristesse pour lui, mais ne pouvant au final s'empêcher de laisser se déverser les larmes qui ne demandaient naturellement qu'à couler. Il n'eut même pas la force nécessaire pour répondre à son camarade. Il venait de repenser à sa mère, à son chagrin, à tout ce qu'elle avait laissé derrière elle, notamment un fils solitaire et malheureux. Il repensait à ce qu'il était devenu après sa mort, à ce qu'elle avait fait de lui de son vivant. Tout lui revenait à l'esprit. Et ça n'était clairement pas une bonne chose de combiner cette nostalgie désespérante à la profonde tristesse qu'il ressentait à cet instant précis. Et plus il pleurait, plus il avait l'impression qu'Arès cherchait à le faire pleurer, à lui faire du mal, à profiter de son état actuel pour l'enfoncer, pour le punir d'avoir osé insinuer qu'il voulait Elliot pour lui tout seul, comme un pur égoïste, comme un être honteux. Se faire une raison. Oui, il lui fallait assurément se faire une raison. Parce qu'il ne pouvait pas continuer ainsi. Il ne pouvait pas continuer d'espérer qu'Elliot resterait avec lui, et uniquement avec lui. Qu'elle en oublierait Arès, mais que ce dernier le prendrait bien, comme dans un épisode des Teletubbies.Il ne pouvait pas se voiler la face plus longtemps. Il ne pouvait pas se faire souffrir plus longtemps. Arès s'était approché de lui, comme s'il cherchait véritablement à l'intimider. Raphaël, lui, pleurait encore et toujours. Une crise, voilà ce qu'il vivait. Une crise de larmes. Comme trop souvent, hélas. Son camarade semblait presque le menacer. C'était en tout cas de la sorte qu'il ne pouvait s'empêcher de percevoir les choses. Et il avait maintenant peur d'Arès. De ce qu'il disait justement être capable de faire pour pouvoir vivre ce qu'il voulait vivre avec Elliot. Le pire s'incrustait dans son esprit. Le pire du pire, même. Son camarade cessa alors de parler, tandis que Raphaël n'avait toujours pas réussi à placer le moindre mot. Sa peine était telle qu'elle l'empêchait de respirer correctement, au point qu'il craignait de s’étouffer s'il tentait de prendre la parole. Un silence les entourait désormais, pesant et embarrassant, avant qu'Arès ne reprenne la parole. Une immense douleur atteignit alors Raphaël. Au niveau du cœur. Au niveau de l'estomac. Au niveau des muscles. Une douleur généralisée. Une douleur bien vite insupportable. « Raphaël, pas Raph » furent alors les seuls mots qui parvinrent à s'échapper de ses lèvres. Des mots inutiles, sans intérêt, mais qu'il avait eu besoin d'exprimer. Au fond, il lui en voulait de ne plus se montrer aussi compréhensif qu'avant. Et Raphaël détestait les surnoms. Tout comme il se détestait. « Bonne fin de journée, Arès » termina-t-il, aussi digne que s'il venait de se prendre les pieds dans un tapis. C'est donc en larmes et particulièrement tenté par l'idée de se rendre dans les souterrains pour ne plus jamais en sortir, que Raphaël s'éloigna d'Arès. Il était venu chercher une réponse, il en avait récolté une dose impressionnante de mépris. Et il avait trop mal pour rester plus longtemps. De toute manière, il ne savait même plus ce qu'il foutait ici.