NICOLE

« Putain, Nicole, c'est la seconde fois que tu t'endors. » j'hausse les épaules alors que la jeune femme peine à ouvrir les yeux, un à un « Remarque, je t'avais prévenu, Charlie Chaplin, c'est pas pour toi. » non elle à la limite, il fallait lui mettre un film du genre Mean Girls, peut-être que là, elle aurait réussi à le suivre jusqu'à la fin. Bon, bien entendu, ce que je ne lui précisais pas, c'était que pendant son premier évanouissement, j'avais tout de même profité pour en faire tout autant. J'avais du mal avec les films du genre. Modern Times était le nom de ce dernier, vous savez, le film où ce mec se retrouve ouvrier dans une grande industrie, et en devient malade, gardant des tocs de celle ci, retraçant toutes les conditions du travail en usine, le travail à la chaine, le rythme à adapter et toutes ces conneries impensables. Il faut dire que les films muets avaient quelque peu tendance à m'assommer. j'avais besoin de son, de consistance auditive sinon quoi je risquais simplement de ne pas réussir à le suivre. Mais ça, j'esperais qu'elle ne l'avait pas remarqué. Le film se termine, j'étouffe difficilement un bâillement avant de m'étirer de tout mon long. « Alors ça fait quoi d'être soutenue par le public ? Tu dois te sentir puissante non ? » lâchais-je sur un ton détaché, mon calme habituel refaisant surface. Jusque là, je n'avais pas été soumis aux votes du public, restait à voir si cette semaine j'y échapperai. Dans tous les cas, j'avais une voix contre moi d'avance. Merci Mads. Mais bon, vous savez, nominé ou pas, j'étais là pour jouer après tout.

« Je ne vois pas de quoi tu parles, j’adore. » je ne savais pas trop de quel autre film elle avait pu rêver mais « C'est que t'as de plus mauvais gouts que je ne l'aurais imaginé. » continuais-je moqueur. Bien entendu que je me doutais qu'elle n'avait pas du en suivre ne serait ce que la moitié, j'étais d'ailleurs très certainement dans la même position. Cela faisait d'ailleurs un petit moment que je n'avais pas mis les pieds dans un vrai cinéma, matter un vrai film. Enfin "vrai" était un grand mot lorsque l'on parlait de ce navet là. Soit. « Mega puissante. Genre plus que toi, si tu vois ce que je veux dire. » j'étouffais alors un sourire « Je ne vois vraiment pas, non. » continuais-je ironique, un air presque angélique aux lèvres. Presque, puisque je crois que personne ne me confondrait jamais avec un ange, ou alors, dans un cas extrême. Du genre fin du monde, dernier mec à pouvoir les sauver, vous voyez, ce genre de conneries totalement clichées que l'on retrouve dans tous les mauvais courts métrages. J'avais vu un film de ce genre d'ailleurs. Priest, de son petit nom, il me semble. Une vraie daube. « J’ai une voix double cette semaine en plus… deux plus deux ça fait bien quatre nan ? Quatre voix sur le nombre de candidats qu’on est ça fait combien de chance de se retrouver sur la sellette ? » je secoue alors la tête de droite à gauche « Parce que tu sais compter ? Tu me surprendras toujours, Nicole. » au fond, je m'amusais bien, même si je ne voulais pas non plus me l'avouer. Une façon de tuer le temps, tenté qu'il y ait quelque chose à abattre. « Allez fais pas la gueule ! » Oh la garce. Un léger rire s'échappe alors de mes lèvres, tandis que la jeune femme se balance de droite à gauche comme une pure attardée, me cognant au passage avant de se rapprocher quelques instants. « Je lui ai fait envoler 5 000€ pour te venger. » me venger ? Qui ça ? Oh. Je ne réponds rien, ne sachant même pas si il s'agit de vengeance. Non, je ne crois pas, mais après tout. Ainsi, je me levais, balançant vivement mes bras de l'avant à l'arrière avant de reposer mon regard sur la jeune femme « Tu vis vraiment en Asie ? » quoi, y'avait bien des asiatiques bâtards. « Genre, tu manges à genoux et tout ? » vive les crampes.

« Tu veux ma lentille pour y voir plus clair ? » Elle portait des lentilles ? ne me dites pas qu'en plus de ne pas avoir une couleur naturelle de cheveux, ses yeux étaient également truqués ! Je ne m'en serais pas remis. En espérant pour elle que le reste soit bien plus naturel. Alors, muet, je l'observais, un sourcil arqué. « Je suis allée au-delà du collège je te signale. Mais toi alors ? Tu esquives ma question, je te pensais plus matheux ! » j'échappe un léger rire « Règle numéro un jeune fille, ne jamais dévoiler toutes ses cartes avant l'heure. » un léger sourire en coin, amusé, s'esquisse alors sur mes lèvres. Moins je pouvais en dire sur moi, mieux je me portais. Ou non, c'est très certainement parce que je n'avais rien à leur dire, ou du moins que je ne voyais pas en quoi ça les regardait que je délivrais rien. Après tout, qu'en avaient-ils à foutre de savoir quelle moyenne j'avais en telle ou telle classe ? Si j'avais un prof chauve ou une tante lesbienne ? Franchement, j'voyais pas vraiment l'intérêt. « Nan mais n’importe quoi ! Je te demande si tu te trimballes avec une baguette sous le bras moi ?! » baguette de pain, pour la précision. « Je suis Irlandais, hein. » dis-je en riant quelque peu. Oui, la baguette c'était plutôt pour les français, mais soit. Cependant je pensais mon accent plus marqué que cela. « Et d’où t’as entendu que je vivais en Asie ? Je suis née à New-York et même si je traverse le monde je n’ai jamais à proprement parlé vécu en Asie. Donc je n’ai jamais mangé à genoux monsieur le tatoué ! … enfin si. Une fois. » elle est américaine en plus ? Décidément y'a tout de faux chez elle, même pas une vraie asiatique ! « Ah, tu vois, tu confesses. Et donc, tu t'es sentie connectée à ta nation d'origine ? » lâchais-je ironique. Ou alors elle avait eu une crampe ouais. « Et toi Lulu, d'où viens-tu? » ce qui est bien avec Nicole c'est qu'elle pose les questions que personne n'osent poser. En effet, et ce depuis le début du jeu, personne ne m'avait réellement posé de question sur ma vie. Pour le coup, il est clair que j'étais quelqu'un de mystérieux, à partir du moment ou personne ne demandait rien, je ne racontais pas. Aussi simple que ça. « Ou plutôt qui es-tu? Hm...c'est compliqué quand même. je vois que tu es un homme déjà. Qui aime bien graver sa vie sur lui mais qui pourtant n'aime pas en parler. T'es contradictoire dans ton genre, non? » j'esquisse un nouveau sourire, moins marqué que ses précédents cependant avant de reprendre la parole. « Je préfère laisser travailler l'imagination de mes camarades, Dieu sait que c'est une chose importante. Alors Nicole, d'après toi, qui suis-je ? » mes yeux la fixent le temps d'une instant, une moue légèrement amusée.

Elle roule des yeux, avant de reprendre la parole. « Je t’en prie, ne tente pas de m’apprendre la vie. » et pourtant, une fois de temps à autres, ça ne peut faire de mal à personne. Mais là encore, je choisissais de ne pas lui préciser cette dernière pensée, imaginant que cela ne ferait que dégrader la situation, chose que je ne souhaitais pas, le moins du monde. C'est alors qu'elle abrégea mes souffrances, me proclamant français, à la vie à la mort, et ce sans que je n'ai à en redire mot grace à la simplicité de quelques paroles « C’est pareil ! Je m’en fou ! » Oui... Je suppose que les chinois ne devaient pas réellement faire la différence, il faut dire que leur pays est bien trop coupé du reste du monde, je crois d'ailleurs que toute presse est filtrée, c'est quelque chose d'assez conséquent. Chinois ou Japonais d'ailleurs ? Ah ouais. Américaine. J'avais presque oublié. « Il me suffit de voir ma mère pour m’y sentir connectée. » qu'avait sa mère pour qu'elle puisse en parler de la sorte ? Etait-elle une de ces conservatrices avares, proclamant l'origine de sa "race" en châtiant toutes les autres ? Aucune idée. Et je ne voulais pas savoir. Oui parce qu'au final, j'avais déjà bien à faire avec mes propres problèmes, sans avoir à récolter les siens, n'est ce pas ? Tenté que sa mère en soit un, ou du moins son attitude, ce dont je n'étais même pas sûr... Passons. Alors je décidais de la laisser deviner mon identité, me disant qu'au final, c'était bien plus drôle de la laisser présumer plutôt que de tout dévoiler directement, n'est ce pas ? Oui, certainement. Vous remarquerez à quel point j'ai tendance à faire des monologues, auxquels personne ne pourra jamais répondre. « Le Quasimodo des temps modernes ? » le quoi ? « Avec la bosse ? J'vais me vexer là. » lâchais-je d'un visage interrogateur, une moue tout de même amusée trônant sur mon visage « En laissant ton secret de côté je dirais que tu es un artiste… quelqu’un qui aime observer les choses sans y voir leur côté matériel. » j'hochais ainsi la tête, de haut en bas « Alors je te l'accorde, je suis un artiste. » bon, elle avait au moins ne serait-ce qu'une toute petite partie de ma personnalité, c'était déjà ça non ? « Honnêtement c’est difficile à deviner. Ça t'emmerde de parler de toi ou c'est juste que tu considères les gens comme de simple distractions? T'es pas obligé remarque, mais moi je te trouve différent et c'est justement ce que je trouve intéressant. » « On est tous plus ou moins différents les uns des autres, non ? » bon allez, j'allais quand même répondre à sa question, histoire de me diversifier. « Les gens ne sont pas qu'une distraction, à partir du moment où je les juge un minimum intéressant. Disons simplement que je ne suis pas le plus bavard, ni du genre à confier quoi que ce soit sur ma vie. »