Raphaël

JEUDI 25 OCTOBRE ; 18H41
QUARTIER AUBANEL - MANOIR EN RUINE

Cela n'était assurément pas une bonne idée. Non, assurément pas. Cette histoire de soirée d'invocation d'esprits aurait du lui apparaitre comme une idée tout à fait saugrenue qu'il aurait alors du décliner. Mais il n'en fut pas capable. Non, il ne parvint pas à faire savoir à Malik qu'il n'était pas tellement d'humeur à jouer à ce genre de petits jeux, qui plus est dans un endroit aussi effrayant que le manoir. Ainsi donc, ils s'y rendirent en fin d'après-midi, et Raphaël n'eut décidément pas le cran de tout annuler au dernier moment, pensant naturellement que cela ne se ferait pas, que ce ne serait tout simplement pas correct vis à vis de son camarade. Alors, sans broncher, et lorsque son camarade l'y invita, le suisse entra dans le manoir qui ne lui inspirait décidément pas confiance, peu fier et peu valeureux, et ayant presque aussitôt envie d'en ressortir. Vraiment, invoquer les esprits, ça ne lui disait que moyennement. Lui qui avait peur de tout, de tout le monde, et cela en permanence, ne risquait pas de faire de vieux os si un quelconque phénomène paranormal venait à apparaitre sous leurs yeux. Il imaginait déjà divers scénarios horrifiques se finissant alors généralement de la même façon : lui en pleurs dans les bras d'un Malik blasé au possible et regrettant amèrement de l'avoir amené ici. Espérons alors qu'ils n'aient pas à en passer par là. Les deux jeunes hommes avancèrent donc à l'intérieur des lieux, Raphaël étant bien évidemment peu rassuré par cette atmosphère pesant qui, pourtant, et nombreux devaient être ceux à le supposer, était censée lui être familière. Et justement, il eut droit à une question pour le moins intéressante de la part de son camarade, après que celui-ci lui ait gentiment fait savoir qu'un pauvre homme était décédé dans le coin. Voilà qui ne le rassurait pas, mais alors pas du tout. Quant à la question, et bien ... « S'il est vrai que je côtoie des morts, ne serait-ce qu'à travers mon activité professionnelle, il n'en est pas pour autant véridique que je suis féru de choses occultes et que je me passionne pour les esprits » avoua-t-il alors, dans un sourire gêné, et en haussant doucement les épaules. Son regard balaya alors les alentours. Décidément, il allait avoir du mal à survivre par ici, hm. Et voilà que Malik en vint à parler de ... sims ? Sérieusement ? Un fin rictus s'échappa étrangement des lèvres du suisse qui, n'ayant pourtant jamais joué à ce jeu, avait souvent surpris sa sœur Salomé en pleine tuerie de familles entières à Montsimpa. Il en était partiellement resté traumatisé. « Je ne pense pas, non. Tout comme je ne pense pas que l'on puisse voir les fantômes. Sentir leur présence, leur influence, sans nul doute, mais les voir ... non, ça me parait impossible. » Et croyez bien que s'il sentait bien souvent sa mère tout près de lui, il ne l'avait pour autant jamais vue apparaitre nul part. Raphaël lança un regard confus à Malik avant de s'emparer de quelques bougies, qu'il alluma à l'aide de son briquet. Il fallait bien qu'il serve à quelque chose, puisqu'il ne fumait plus. « Tu as déjà invoqués les esprits ? Parce qu'autant être honnête, c'est une première pour moi. Alors je ne suis pas sûr de deux choses : de savoir comment disposer ces bougies, et de pouvoir survivre à cette expérience. » Oui, Raphaël était toujours d'un optimisme incontournable.

Il va de soi que Raphaël n'était en rien rassuré par cette histoire d'invocation d'esprits. Non, l'on pouvait même clairement dire que cela l'angoissait grandement. Il faut dire qu'il était particulièrement peureux de nature, et qu'il suffisait qu'une activité ait l'air un tant soit peu sordide pour qu'il s'en effraie. La peur de l'inconnu, encore et toujours, hm. Ainsi donc, s'il était présentement blanc comme un cachet d'aspirine et aussi peu fier que s'il entrait pour la toute première fois dans le Space Mountain, c'était plutôt normal disons. Et visiblement, Malik saisit la petite remarque de Raphaël pour en savoir plus au sujet de l'activité professionnelle de celui-ci. Apparemment, il n'en savait rien, ce qui n'était aucunement blâmable, dans la mesure où il partait du principe que c'était un défait que beaucoup étaient censés ignorer. « Je suis thanatopracteur. Je m'occupe des corps de certains défunts, afin de leur éviter un état de décomposition qui nuirait à l'apparence qu'ils avaient de leur vivant. C'est mon travail justement, conserver leur apparence pour qu'ainsi leurs proches soient amenés à faire un deuil plus simple, moins douloureux. » Il ne prétendait pas rendre un décès moins difficile à surmonter avec quelques injections de produits, mais il avait vu des mères, des veuves, des filles sourire devant son travail, être émues devant le résultat. Il ne se prenait évidemment pas pour Dieu. Oh non, jamais. Il se contentait de faire ce que très peu seraient probablement tentés de faire. Mais comme il le pensait bien souvent : il faut bien quelqu'un pour faire ce genre de métiers. Et lui, ça ne le dérangeait pas. Naturellement, ça n'était pas le rêve de toute une vie - oh mais quelle joie de manipuler des cadavres à longueur de temps, tout de même - mais il est vrai qu'il se satisfaisait d'une telle activité. Il y avait mieux, mais il y avait surtout pire. Puis vint cette étonnante référence aux sims qui, entre nous, sortait un peu de nul part. Décidément, ce cher Malik avait bien de l’imagination. Un peu trop, peut être. « Mais la vie, ça n'est pas Les Sims, Malik. Non, la vie n'est pas un jeu » lui assura-t-il, presque désespéré devant la crédulité de son camarade. Pour le coup, il passerait presque pour quelqu'un de lucide. Rendez vous compte, tout de même, qu'il avait à faire à quelqu'un qui se croyait dans un jeu vidéo. Un cas préoccupant, à n'en point douter. Bon et sinon, est-ce que Malik était sûr de lui ? Non parce que Raphaël apprécierait peu d'avoir la trouille de sa vie, vous voyez. S'il s'était laissé embarquer la dedans, c'était non seulement pour faire plaisir à Malik, mais également pour faire encore et toujours des efforts. Mais hors de question d'en ressortir traumatisé, hein. Malik le taquina légèrement, ce qui le fit plus grimacer qu'autre chose. Pour les rires, on repassera disons. Il proposa ensuite de disposer les bougies en cercle autour d'eux. Honnêtement, Raphaël ne savait pas quoi penser. Bonne, mauvaise idée ... Il hésitait, hm. Et lorsque Malik reprit la parole, il soupira d'embarras. « Au contraire, il me faut connaitre ce genre d'expériences. J'en ai besoin. Je dois faire des efforts, comme je dois prendre des risques. Sinon je ne dépasserai jamais ce que je suis. Et c'est nécessaire. Alors, si tu veux bien, on va commencer. » Et par là, il l'invitait à commencer, en fait. Parce que lui, évidemment, il allait d'abord se contenter d'observer. Le mieux à faire dans l'immédiat, oui.

Raphaël avait toujours vécu en compagnie des morts. Ils avaient toujours constitué son quotidien. De par le fait que sa famille tienne une entreprise de pompes funèbres depuis des décennies, qu'il ait lui même reprit le métier de thanatopracteur et que le suisse soit particulièrement morbide et reconnu comme tel à travers toute Neuchâtel, oui, l'on pouvait dire qu'il était étrangement lié à la mort. D'ailleurs, Malik ne manqua pas de lui demander quelques informations au sujet de son emploi qui, il est vrai, ne devait pas apparaitre comme étant très clair aux yeux de la plupart des gens. Mais ça, il pouvait le concevoir, dans la mesure où rares étaient ceux qui effectuaient ce genre de tâches. Lui, ça lui allait. Nous n'irons pas prétendre qu'il avait toujours rêvé d'entretenir des cadavres, ni que cela ait constitué une quelconque vocation, mais il est clair qu'il se satisfaisait grandement de ce métier atypique. Il avait souvent eu droit à des regards douteux ou à des remarques étonnantes quand il avait fait part de son activité professionnelle au peu de gens qu'il lui arrivait de fréquenter, si bien que tout le monde au sein de sa ville le connaissait sous le fait qu'il exerce une profession aussi improbable. Car tout le monde ne voyait pas d'un très bon œil que l'on puisse manipuler des cadavres et tâcher de leur redonner une apparence semblable à celle qu'ils ont pu avoir de leur vivant. Lui, il ne trouvait ça ni mal, ni bien. Il avait simplement observé que c'était nécessaire, que certaines familles endeuillées avaient tout simplement besoin de ses services. Alors, pour ces gens là, il continuait, même s'il avait de moins en moins envie de rester en compagnie de mort toute la journée. Son idéal, c'était d'avoir le cran d'abandonner son job et cette entreprise familiale pour faire quelque chose qui lui ressemblerait tout autant, mais qui aurait tendance à le rapprocher des vivants, et non des morts. Quoi qu'il en soit, Malik n'osa pas enchérir, ce qui était probablement une bonne chose. Le but n'étant tout de même pas d'épiloguer sur la profession de Raphaël durant toute la soirée, hm. Raphaël ne put ensuite s'empêcher de signifier à son camarade que, contrairement à ce qu'il semblait croire en évoquant ses Sims et en cherchant à faire un navrant parallèle entre la mortalité et des fantômes virtuels, la vie n'était aucunement un jeu. Lui, il ne la voyait effectivement pas de la sorte. A la rigueur, il la percevait comme un fléau, comme un fardeau, comme une souffrance perpétuelle, mais certainement pas comme un jeu. Au final, le résultat demeurait le même : aucun gagnant, que des perdants. La vie n'est pas un jeu, pour la simple et bonne raison que personne ne peut gagner contre la mort. Non, personne. Là encore, point de réponse de la part de Malik. Bien, hm. Mais voilà que Malik douta du fait que Raphaël soit disposé à bien vivre l'expérience qu'ils étaient sur le point de réaliser - à savoir invoquer des esprits - le suisse tint à lui assurer qu'il en était au contraire plutôt capable. C'était surtout une question de volonté, à vrai dire. Lui qui voulait tant faire des efforts, dépasser ses limites personnelles, avait tout intérêt à saisir la présence occasion pour combattre son embarras et ses nombreuses frayeurs. Il devait se battre pour gagner en assurance. Oui, il le devait. Ainsi donc, les bougies ne tardèrent pas à allumer et disposer en cercle autour d'eux. Ils s'assirent alors au centre, et Raphaël laissa à Malik l'honorer de diriger la cérémonie, parce que ... et bien ... parce qu'il n'y connaissait rien, et que ça n'était clairement pas le soir opportun pour s'improviser expert en choses occultes. Alors Malik débuta un monologue des plus particuliers, qui parvint à faire quelques peu sourire le suisse. Il était carrément question de gâteaux secs, comme pour inciter les esprits à se montrer. Mouais, pas sûr que ça puisse fonctionner de la sorte, hein. Ainsi donc, suite au murmure de Malik, Raphaël lâcha un petit rictus compréhensif. « Ils ne viendront pas » lâcha-t-il, plus comme un constat logique que pour le faire culpabiliser. Au fond, ça ne venait même pas de lui. « Restons tous les deux et parlons » proposa-t-il finalement, comme pour renoncer à l'envie de s'enfuir brusquement. « Parle-moi de ton aventure, Malik. Parle-moi des liens que tu y as forgé, de tes ressentis ... J'aimerais beaucoup savoir comment tu vis tout ça ... » Parce qu'il pourrait ainsi adopter un point de vue extérieur, et ne plus se contenter de ressasser sa propre aventure. Cela lui ferait du bien, il en était persuadé.

Malik possédait une innocence qui ne pouvait que toucher Raphaël. Il était encore plus naïf, encore moins averti que lui. Pour preuve, il lui avait semblé persuadé que la vie pouvait s'apparenter à un jeu vidéo sordide où de jolis personnages vivaient des aventures pour le moins improbables, et pouvaient - il n'en doutait évidemment pas - apparaitre sous la forme de fantômes plus ou moins colorés une fois morts. Sauf que la réalité n'était pas ainsi. Le monde dans lequel tous deux vivaient n'était pas celui de ces fameux personnages. Et nul doute que personne ne viendrait à apparaitre sous la forme d'un fantôme rouge, vert ou bleu. Il ne fallait pas croire que Raphaël se plaisait à être parfois atrocement rabat-joie, mais il avait tout de même un peu de mal à comprendre comment son camarade pouvait faire preuve d'une telle crédulité. A coté, l'on pourrait presque assurer que Raphaël avait la tête sur les épaules, lui à qui l'on reprochait bien souvent de n'être qu'un petit rêveur complètement déconnecté de la réalité. Le suisse espérait à présent simplement que son camarade ne lui tiendrait pas rigueur de son intervention, car le but n'avait évidemment jamais été de se le mettre à dos avec cette petite remarque. Il voulait simplement lui faire bien comprendre que, malheureusement, la vie n'était pas comme dans le jeu dont il se plaisait à parler de puis tout à l'heure. Visiblement, Malik le prit plutôt bien. Ce jeune homme lui semblait particulièrement compréhensif. Il était surtout bien trop gentil pour rouspéter. Mais il n'en paraissait pas moins honnête pour autant. Quoi qu'il en soit, l'heure était maintenant à l'invocation d'esprits. Après tout, c'était bien à cet effet qu'ils se trouvaient tous deux ici. Cependant, à en juger par le petit discours de Malik - qui parvint à amuser Raphaël, tout de même - ce dernier n'était pas aussi expérimenté dans ce domaine qu'il l'aurait pensé. Disons que s'il comptait sur lui pour faire apparaitre le moindre esprit, le suisse serait déçu. Mais que Malik se rassure, cet échec n'était en rien dramatique. De toute manière, et même s'il n'osait pas le dire trop clairement - sans doute de crainte de lui faire atrocement pitié - Raphaël était de moins en moins certain d'avoir pris la bonne décision en se rendant dans ce lieu si peu rassurant, comme s'il était suffisamment brave pour supporter une invocation d'esprits. En soit, le fait que les choses n'aboutissent pas de lui déplut pas tellement, au contraire. Son camarade n'avait donc pas à dire qu'il les avait fait fuir. Qu'importe, vraiment, comme en témoigna le sourire que lui adressa Raphaël. Il allait donc rester avec Malik, et une idée lui vint à ce propos. Pourquoi ne pas en profiter pour converser un peu ? Il avait bien envie d'en savoir plus au sujet de la manière dont son camarade vivait ce début d'aventure. Alors, espérant ne pas être trop curieux, il le lui demanda. La réponse qu'il obtint ne le surprit pas. Malik vivait les choses au mieux, avec un optimisme éclatant, comme si tout cela était l'aventure d'une vie. Peut être l'était-ce, après tout. Lui, il ne prenait même pas le temps de vivre les choses de ce point de vue, malheureusement. Un sourire gagna ses lèvres lorsque Malik lui fit savoir qu'il l'appréciait, au même titre que beaucoup de leurs camarades. C'était plaisant à entendre, hm. Et sincère, il n'en doutait pas. Il arqua ceci dit un sourcil lorsque Malik prétendit qu'il pourrait perdurer longtemps ici. Son sens de l'humour l'honorait. Puis il lui retourna sa question. Prévisible, mais pas dérangeant. Il lui faudrait juste éviter de trop insister sur sa détresse, hm. « Je ne vis pas les choses comme toi, j'en ai peur. Je me lève souvent avec l'envie, ou plutôt le besoin de quitter cette aventure. Je peine encore à y trouver ma place, ce qui est ridicule étant donné qu'elle a débuté depuis des semaines ... mais, je ... je me sens mal à l'aise, mal dans ma peau surtout, et cette vie en communauté me pèse légèrement ... J'ai noué des liens très forts pourtant. C'est peut être le problème, d'ailleurs ... Sans Lulu, sans Elliot, sans Arès, sans toi, sans bien d'autres candidats ... je me sentirais profondément orphelin. Je crains de m'être beaucoup trop attaché ... je ... je suis tellement habitué à n'avoir personne que j'aimerais ... c'est affreusement bête à dire ... vous ramener tous dans ma valise. » Il lâcha un rictus clairement nerveux, et sentit le rouge lui monter aux joues. Il se sentait si ridicule, c'en était horrible. « Je ne suis pas fait pour ce genre de programmes. Je ne suis pas de ceux qui font grimper les audiences qui passionnent les foules ... J'ai peur de tout, je n'aime pas m'exposer ... Mon profil est des plus repoussants. Je ne sais toujours pas comment j'ai pu être sélectionné ... C'est une question que je me pose au moins une fois par jour, je ... » Il se stoppa, fixa Malik un instant puis baissa subitement la tête. « Tu crois qu'il est possible de ... de tomber amoureux ici ? » le questionna-t-il subitement, atrocement gêné. Il lui fallait un avis. Et celui de Malik l'intéressait. Il désirait une réponse. N'importe quelle réponse.

Discuter avec Malik était une activité toute aussi tentante que celle qui aurait logiquement consisté à invoquer plus longtemps d'éventuels esprits. A vrai dire, c'était même un peu plus tentant, dans le sens où il était bien moins probable que Raphaël prenne subitement peur et quitte précipitamment les lieux. Il tâcherait de converser calmement avec Malik, qu'il appréciait d'apprendre à connaitre et qui semblait être quelqu'un de bien. Et quoi de mieux, pour commencer, que d'évoquer leur début d'aventure, leurs rencontres, leurs ressentis et impression ? Ce serait une façon plutôt logique d'en savoir plus sur la vision de chacun concernant leur aventure respective. Par exemple, Malik semblait vivre la sienne d'une manière très agréable. Il se plaisait ici, cela se voyait dans sa manière de se conduire, cela s'entendait dans ses paroles, cela se ressentait à travers ses sourires. Oui, il semblait heureux et particulièrement épanoui au sein de ce jeu, comme s'il était dans son élément, comme un poisson le serait dans l'eau. Tant mieux pour lui. Oui, Raphaël était content pour son camarade que celui-ci se plaise au point d'en parler avec autant d'enthousiasme. S'il était bien ici, qu'il vivait tout cela aussi bien que possible, alors c'était véritablement une bonne chose. Il était simplement dommage que Raphaël ne soit pas capable de voir les choses de la même manière. Effectivement, il semblait vivre cela comme un calvaire, presque comme s'il avait été forcé de se rendre au sein de ce jeu. Alors que non, clairement pas. Il s'y était rendu de son plein gré, par désir de changer, d'évoluer, de guérir et avait pris cette décision seul, en son âme et conscience, et certainement pas sous l'influence de qui ou quoi que ce soit. Pourtant, il semblait prendre cela comme un fardeau, comme un fléau, voire une pure et simple fatalité. On jurerait presque qu'il s'infligeait une torture mentale conséquente, comme s'il estimait la mériter, comme s'il estimait que cette aventure le ferait souffrir, mais que c'était justement ce dont il avait besoin. En réalité, il espérait qu'elle serait une sorte d’électrochoc, de prise de conscience, et qu'il en ressortirait en ayant évolué, mais aussi progressé. Il espérait sincèrement ne pas rester le même, simplement changer. Oui, changer. Sur divers points, à différents niveaux. Du changement, voilà ce qu'il lui fallait. Mais sans doute était-ce tout de même une bonne chose qu'une part d'humour se glisse dans son récit, lorsqu'il exprima l'importance qu'avaient ses camarades à ses yeux. Sans eux, rien ne serait plus pareil désormais. Il avait été terriblement seul toute sa vie, alors il ne voulait plus les perdre. D'où sa navrante tentative d'humour, hm. Navrante, oui. Elle eut au moins le mérite de faire ricaner Malik. Mieux que rien, hm. Mais voilà qu'une question un peu particulièrement mais surtout quelques peu embarrassante crut malin de s'exprimer brusquement. Une question en rapport avec les sentiments amoureux. Visiblement, Raphaël cherchait à savoir si Malik pensait possible de tomber amoureux dans un tel programme. Sa réponse le satisfit. Il était ouvert d'esprit, cela se voyait. Mais la suite fut d'autant plus gênante que Malik chercha à savoir pourquoi Raphaël posait une telle question, s'il avait des raisons de penser qu'il pouvait progressivement tomber amoureux. Les joues du suisse s’empourprèrent alors considérablement. « Je ... non, je ... » Et c'est ainsi qu'il perdit complètement ses moyens, hm. Changer de sujet ? Ce serait pas mal effectivement. Mais il avait l'impression d'en avoir déjà trop dit. « Je me pose simplement beaucoup de questions. Ici, les gens sont si proches ... Ils se connaissent à peine, parfois pas du tout, mais ils se lient d'une manière si forte ... » Arès était bien tombé amoureux d'Elliot. Quant à lui, il pensait soudainement à Lulu, de qui il savait si peu de choses ... « Ce doit être merveilleux de tomber amoureux, et d'être aimé en retour ... Tu as déjà vécu ce bonheur ? » Mais dites donc, n'était-ce pas la question la mieux classée aux palmarès des plus indiscrètes, hm ? Quel idiot. « Hm oui, comme tu le disais peut être devrions-nous changer de sujet ... » Ce qui aurait pu se traduire par « pardon d'être aussi gauche, Malik. »