nicole + branca

Ça fait trop longtemps que je n'ai pas pris un verre, un truc fort, quelque chose qui puisse me tenir au corps et peut-être même aller jusqu'à une petite cuite. Ainsi, je dormirais mieux, je penserais moins et j'oublierais ma soirée ce qui en soit ne sera pas une grosse perte. Résultat, je me dirige vers le bistrot, mon lieu de villégiature préféré, celui où on a le plus de chance de me trouver lorsque je suis d'accord pour qu'on me trouve, c'est à dire pas souvent dernièrement. L'endroit est désert, ce qui n'est pas pour me déplaire. Je me dirige vers le bar, fixe les bouteilles quelques secondes et attrape l'une d'elle, whisky dont je me sers un verre assez généreux. Quelques gorgées suffisent à me mettre dans le bain et je regarde autour de moi pour chercher un occupation. Parfois, je comprends pourquoi certaines personnes deviennent alcooliques, c'est si doux et si facile de noyer son chagrin et d'oublier ses problèmes ainsi. Ça coûte aussi moins cher en thérapie, faut voir le blé qu'on peut mettre là-dedans, c'est fou. Je lance quelques fléchettes mais seule, ce n'est pas tellement intéressant et puis je retourne au bar et y trouve un couteau suisse. Je m'en empare et commence à graver des volutes dans le bois du bar. On passe son temps comme on peut hein...

Je pousse la porte du bistro comme on dégagerait un type gênant de son chemin. Ce qui est un peu le cas puisqu'elle gêne mon entrée de diva. Je suis seule mais ça ne m'empêche pas de rouler du cul et de parfaire ma démarche de bonasse. Ah non que dis-je... je ne suis pas seule en fait. « Hey fais péter le champagne baby! » Je balance mon bras comme pour lancer une fête, like a boss et je fonce vers ... Branca? Ouais ouais! C'est ça! Mais qu'est-ce qu'elle glande? « Oh meuf tu fais de la sculpture? » J'arrive à ses côtés, regardant avec intérêt ce qu'elle gravait dans le bois. Décidément les meubles de ce village finiront tous customisés; après ceux de la cuisine, ceux du bistrot. Ce que je fais en ce lieu? J'aime boire un soir par semaine, je choisis toujours le jour où ma cousine me manque le plus. Pour noyer mon chagrin il faut croire. Bof, il faut bien que je m'amuse ici et puisqu'on ne peut compter que sur soi-même je me fais confiance; quand je suis morte, je me fais rire aisément. Puisque Branca était OQP je vais me servir mon verre toute seule, cela dit j'opte pour ... oh du rhum tiens! Ca m'est fatal ça en général. « Enfin si tu veux mon avis t'as encore du pain sur la planche hein. » La planche de bois. Ohoh je me marre déjà toute seule, pas besoin de boire en fait.

Le calme ici est toujours de courte durée et si les rencontres hasardeuses sont moins fréquentes qu'au début de l'aventure à cause des départs ayant rythmés les semaines, il n'est pas rare de voir arriver quelqu'un, comme ça, sans aucune raison apparente. Encore, je n'ai pas à me plaindre, j’imagine que dans un loft, une maison high-tech ou un château comme l'année passée, ça aurait été encore pire, ici, il y a tout de même plus d'espace. Je suis en pleine activité manuelle quand j'entends qu'on entre et je n'ai même pas à me retourner pour savoir de qui il s'agit car non, Nicole n'est pas du genre discrète. L'avantage, c'est qu'elle ne se prend pas la tête et tend à mettre une certaine bonne ambiance lorsqu'elle est dans le coin. « Tu sais, y'a pas de champagne dans le coin, c'est qu'au soirée ça. » Et d'ailleurs, le champagne, ça fait vite tourner la tête, je préfère encore l'alcool fort donc, on s'en remet mieux aussi. Elle s'approche, parle de ma belle sculpture et je souris. J'avais tendance à faire de la 'sculpture' dans le passé mais pas sur du bois dirons nous. Elle se sert un verre puis revient à la charge m'avouant avec une franchise déconcertante que... c'est moche. En gros, c'est ce que ça veut dire. « C'est pas sensé représenter quoique ce soit de toute façon, ni être beau. C'est juste pour passer le temps. » Je souris, peut-être qu'au moins avec Nicole, je trouverais une activité un peu plus... intéressante.

« Tu sais, y'a pas de champagne dans le coin, c'est qu'au soirée ça. » Ah. Je soupire. Dépravant; ce jeu est vraiment bidon. Il fallait que je ramène mon cul pour la saison où ils nous logeaient dans un village défraichit. Su-per. « Ils abusent grave. » Au moins ça. Je mate son dessin, me sert un verre puis reviens pour lui dire que ce qu'elle fait c'est tout sauf de l'art. « C'est pas sensé représenter quoique ce soit de toute façon, ni être beau. C'est juste pour passer le temps. » Je bois une gorgée de mon liquide alcoolisé qui me déboite la gorge avant de m’atteler à lui répondre. « Ah ok je vois... pourquoi t'es pas allée demander du papier et des crayons de couleur à la prod'? Ils m'en ont passé l'autre jour. » Deux jours plus tôt pour être précise. J'en avais besoin pour fabriquer mon arbuste de billets factices afin de faire le deuil de ma cagnotte perdue. Mon regard glisse sur le verre à côté de sa sculpture. Un verre typique, rond et large en contenance d'une substance ambré.« Tu bois du whisky toi? T'es du genre mac? Je savais pas. C'est qui ton partenaire? » Bombardement de questions, oui oui. Le soucis c'est qu'aujourd'hui je suis particulièrement bavarde; en déplaise à Branca ou non je continuerais à la harceler comme le ferait une gamine devant une adulte "trop beeeelle, t'es mon modèle" ou bien "trop soiiiin" pour les petites filles plus modernes. Et là BIM, réalisation. Mes yeux deviennent orientaux et je porte l'une de mes mains devant ma bouche. Ca craint de ne pas savoir qui est le partenaire de Branca après un mois et demi de jeu, non? Oups. « C'est l'alcool... je me souviens plus très bien de qui est avec qui tu compreeends. » Pirouette de rattrapage accentuée de gesticulations de mes petites mains afin d'argumenter mes paroles. Bref je crains. Je me la ferme.

Ca je le savais déjà, mais vivre en direct et en personne le flot de paroles incessants de Nicole, c'est autre chose que d'en avoir eu vent. En soi, ça ne me dérange pas, c'est même plutôt amusant alors que je cherchais justement une occupation et avoir Nicole dans les parages, ça occupe. Elle me fait rire lorsqu'elle se met à parler de champagne et se révolte de ne pas en avoir en continu ce qui n'est tout de même pas la mer à boire. « Il y en aura bien au prime, patience. » Je lui réponds en souriant, amusée par la situation. Elle se sert alors un verre, de rhum vraisemblablement et me questionne sur ma pseudo œuvre d'art qui s'apparente plus à du vandalisme qu'autre chose. « J'ai déjà des feutres mais je fais ça en cachette, tu comprends bien ! » Ce qui est faux et de toute façon, les feutres n'avaient été demandés que pour le tatouage temporaire de Dagga ce qui fait qu'à présent, ils sont plus ou moins relégués en dessous de mon lit. Elle m'observe, c'est étrange et d'un seul coup s'abat sur moi une averse de questions courtes et précises qui me laissent perplexes, surtout la dernière. Ca fait quand même plus d'un mois mais bon. « Oui, oui et Asmaa. C'est Asmaa ma partenaire. Tu dois la connaître pourtant. » Je pense en effet que c'est plausible ou tout du moins, elles ont au moins Malik entre elles. J'ai cru comprendre qu'il était plus ou moins prisé ce petit. « Après seulement deux gorgées ? C'est inquiétant alors ! » Je la taquine, ce n'est pas destiné à être méchant.

« J'ai déjà des feutres mais je fais ça en cachette, tu comprends bien ! » L’un de mes sourcils s’arque. « Non je comprends pas. » Pourquoi renier ses occupations ? Ce n’est pas une honte. Je suis bien allée à l’église avec mon petit arbre fait maison en compagnie de Dani et il ne s’est pas foutu de ma gueule. Enfin… si. Passons. Je suis une pro’ pour faire diversion, du coup je l’assaillie de questions, ce à quoi elle m’informe du nom de son partenaire. De sa partenaire, plutôt ; et là je me rends compte que je crains vraiment un max, du coup je fais mine d’être déjà un peu tournée par les vapeurs de l’alcool. « Après seulement deux gorgées ? C'est inquiétant alors ! » Peut faire mieux, j’avoue. « Ouais je trouve aussi ! » Mytho. « Ca m'étais complètement sortie de la tête que vous étiez en pairing toutes les deux. Elle est gentille Asmaa. » Simplette ouais, mais j'imagine que remplacer mes pensées par l'adjectif "gentille" était la meilleure solution pour ne pas m'attirer les foudres d'une candidate encore presque inconnue. Je bois une gorgée de mon alcool qui malheureusement passe de travers. Toussant pathétiquement, je grimace tellement ça me brûle à l'intérieur. Ce à quoi me vient une nouvelle question. « T'as déjà vomis par les trous de nez? Je t'assure que c'est plus glam que par la bouche. » Je lui tends mon verre. « Tu veux essayer? » Un petit mélange rhum-wisky devait être, pour sûr, vomitif.

Nicole est rigolote mais son point fort n'est pas l'ironie, pour sur. A moins qu'elle se fasse passer pour plus idiote qu'elle ne l'est en réalité ce qui serait alors une très bonne stratégie, j'en conçois. Et d'ailleurs, généralement, les plus idiotes ne le sont pas forcément, même s'il y a des exceptions bien évidemment. « C'était ce qu'on appelle de l'ironie, de toute façon je n'avais qu'une chose à faire avec et c'est fait donc non, je n'ai plus l'utilisation de mes feutres. Si tu veux, je peux te les donner. » Comme ça, elle pourra jongler entre feutres et crayons de couleur, ça peut être marrant. Ou pas. Elle me questionne ensuite, beaucoup de questions d'ailleurs auxquelles je m'applique à répondre une par une, de façon assez sommaire, en effet. Elle ne réagit alors qu'à la dernière partie, celle de ma partenaire et bien évidemment, je comprends que le 'gentille' a ici la même fonction que le 'mignonne' quand on demande ce qu'on pense d'une personne. En gros, pour avoir la vérité, il faut alors tabler bien en dessous du terme utilisé et piocher dans le péjoratif. Puis-je en vouloir à Nicole ? Je ne crois pas. Après tout il y a Malik et surtout, je peux concevoir qu'Asmaa puisse lourder. De toute façon, on ne peut pas non plus dire que notre relation soit idyllique, oh non pas du tout. Alors je souris, car je n'ai pas envie de lancer cette conversation avec Nicole. Asmaa est ce qu'elle est, ma partenaire et rien d'autres, malheureusement en un sens. Quant à la suite, elle me laisse également penser que Nicole n'a pas non plus envie de parler d'Asmaa. « Hum... C'est possible mais je ne m'en souviens pas tellement... » Question étrange d'autant plus que... quoi ? Non , je ne veux pas essayer ! Quelle folle ! « Non merci mais si tu as envie de te lancer, n'hésite pas ! » Après out, si c'est son trip... Mais ça fait mal quand même alors je vais m'abstenir.

J'hallucine ou Branca me reproche de ne pas avoir cerné de l'ironie? C'est genre...hm... ma spécialité quoi. Enfin quand il s'agit de se foutre des gens, sinon après effectivement je voyais pas de quelle ironie elle parlait. Bref, je crois que c'est pas très important et que j'ai le droit de m'en foutre comme de mon premier mascara. Automatiquement je lui réponds avec mon air hautain qui, ces temps-ci, revient au galop. « Hm non sans façon. » Honnêtement je ne suis pas une gamine, j'ai pas besoin de crayons feutres. Surtout que ça fait des coloriages trop moches quoi; so haaas been. La conversation dérive sur Asmaa, puis je la détourne sur un sujet... originale. « Hum... C'est possible mais je ne m'en souviens pas tellement... » Comment on peut ne pas se souvenir de ça? Ca me dépasse un peu là. Je me souviens de tout moi. Peut-être parce que Teresa en fait des albums. « Non merci mais si tu as envie de te lancer, n'hésite pas ! » Un regard vers mon verre me suffit à me décider. « Non. Je vais me passer de ruiner ma notoriété. » Je désigne une des caméras qui se trouve juste au dessus de nous avec un coup d’œil que Branca comprendra pour sûr. Cela fait un moment que nous sommes ici mais je n'en oublie pas pour autant les caméras et il n'est pas question de me rabaisser à jouer la bête de foire. « Peut-être que demain ils nous feront passer pour des aclooliques dans la quotidienne... enfin toi ça fait plus crédible que moi quand même. » Oui parce que je suis trop classieuse pour être égratinée par une image pareille. « Quoi que tu fais très artiste, comme la moitié des gens ici en fait. Tu pratiques un art? »