W/ BRANCA

J’aimais bien me rendre à l’épicerie. Surtout en début de semaine, quand tout le stock était renouvelé – j’avais l’impression que le père Noël venait de passer. Tout comme le père Noël, la production se faisait discrète. Personne l’avait jamais choppé en train de descendre la cheminée. Est-ce qu’ils venaient lors du prime, ou bien quand nous dormions ? Je crevais d’envie de me cacher dans un coin et d’attendre leur arrivée. Bon, ça sera pas pour aujourd’hui – mercredi c’est pas forcément le meilleur jour pour ça. Mais je garde l’idée en tête. Distraitement, je navigue entre les différents rayons en pelant une banane, en quête d’inspiration. J’adapte souvent ma cuisine en fonction des aliments que je désire ingurgiter, et ça donne parfois des trucs assez surprenants. Là j’avais envie de semoule, de chocolat et de vin rouge. À priori ça devait se marier plutôt bien – ça sera toujours mieux que les crevettes/pommes/tomates/surimi/aïl de la veille qui avaient manqué de peu de me faire vomir. Curieuse, je me dirige vers le coin des vins de pays ; je n’y avais jamais trop prêté attention jusque-là, préférant aller me servir directement aux caves, mais après tout pourquoi ne pas les tester ?

L'épicerie. Je crois qui si on faisait un récapitulatif des lieux où je me rends le plus, l'épicerie serait dans le top trois, à condition de mettre de côté la chambre et la salle de bain, un peu normal je pense. Le plus bizarre, c'est qu'en général, je déteste faire les courses. Pousser le chariot, faire des provisions, je déteste ça alors en général, j'y passe, tout le temps, pour tout et n'importe quoi et ici, c'est encore plus facile lorsqu'on a tout sous la main, à toutes heures de la journée. Besoin de clopes : épicerie, un petit creux : épicerie, envie d'une boisson alcoolisée spécifique : épicerie. Et là, j'ai envie de glace. Le genre gros pot qu'on mange devant un film romantique en chialant parce qu'on vient de se faire larguer. Moi je ne fais pas ça, mais c'était pour que vous visualisiez. Alors je me rends à l'épicerie, j'ai cru voir ça une fois où je déambulais dans les allées. Je me rends aux frigos et après quelques secondes d'observation, je trouve mon bonheur. J'entends alors qu'on rentre et au détour d'un rayon, je repère la chevelure rousse de Dagga dont je décide d'aller à la rencontre. Tiens, elle a envie de se soûler. A sa place, j'aurais certainement envie en effet. « Cette bouteille là est pas terrible, j'ai déjà tenté... » Je souris. Je ne les ai pas toutes essayées mais, j'ai un bon rythme, ça devrait aller. « Tu sais où sont les kleenex au fait ? Faut que j'en achète pour Elliot. D'ailleurs, tu pourras lui donner ? J'ai cru comprendre qu'elle ne m'aimait pas trop depuis qu'elle a tenté de me jarter. » Nouveau sourire, je m'amuse. Il vaut mieux en rire qu'en pleurer, non ?

Je sors une bouteille du lot et examine l’étiquette lorsque j’entends une voix derrière moi, une voix que je reconnais rapidement ; un sourire aux lèvres, je me tourne vers Branca. Elle me déconseille le vin que je tiens en main, mais je préfère me faire mes impressions par moi-même, surtout que les goûts et les couleurs, c’est vachement subjectif… Enfin surtout les goûts. Moins les couleurs. Quoiqu’on n’en sait rien, si ça se trouve on est tous plus ou moins daltoniens, comment on pourrait s’en rendre compte si c’était le cas ? Alors ouais ouais je sais on a tout bien étudié les longueurs d’onde, la lumière, et les petits bâtonnets dans nos yeux là mais bon, malgré tout je suis tentée de croire que le doute persiste. Alors, je débouche la bouteille – je suis venue armée – et porte le goulot à mes lèvres après en avoir humé le parfum. Je me rétracte rapidement et repose la bouteille. « Ah oui tu as avais raison, il est joliment dégueulasse. » j’admets en essayant de remettre le bouchon, en vain – je capitule après trois secondes d’efforts acharnés. La suite, rien ne m’y préparait. Un peu perplexe quand Branca me parle de kleenex, je dois faire les yeux ronds quand elle mentionne Elliot ; dans un premier temps, je trouve la plaisanterie fort douteuse et m’apprête à répliquer, mais la note sur laquelle elle termine calme un peu mes ardeurs. Tenter de la jarter ? Mais de quoi parle-t-elle ? « Elliot ne ferait jamais une chose pareille… » je lâche, tandis que ma voix, ferme et déterminée au début, se fait plus faible et indécise sur la fin. C’est très typique, que je prenne aussitôt la défense de ma partenaire. Mais j’ai tellement eu l’impression d’être une idiote trop naïve ces derniers temps, et cette phrase s’inscrit tellement dans cette lignée que je regrette aussitôt d’avoir dit une chose pareille. Qu’est-ce que j’en sais, au fond, de ce qu’Elliot pourrait faire ? Je relève les yeux vers Branca. Et qu’est-ce que j’en sais, au fond, de ce que Branca pourrait faire ? J’ai beau tâcher de me convaincre que je connais ces gens, tout me paraît si trouble et confus d’un coup… « C’est pour ça… Que vous ne vous entendez pas ? Elle a fait quelque chose… ? » J’ai du mal à trouver mes mots, je sais pas comment formuler ma question. J’ai fini par remarquer, en effet, qu’entre Branca et ma partenaire c’était pas l’amour fou. J’avais jamais cherché à creuser, estimant que ça devait être circonstanciel et qu’elles en viendraient peut-être à s’apprécier plus tard. Je n’avais jamais envisagé que leur mésentente pouvait être bien réelle et inaltérable.

Semble-t-il que Dagga n'est pas prête à me croire sur parole quand je lui parle de cette bouteille de vin et bien rapidement, elle décide de se faire sa propre opinion. C'est tout à son honneur, je ne dis pas le contraire, je voulais simplement lui faire gagner un peu de temps. Je la regarde donc ouvrir la bouteille et un instant, je crois qu'elle va boire directement au goulot. Pourquoi pas, elle ne serait pas la première à le faire mais je ne voyais pas Dagga comme ça. Et je n'avais pas tord car elle ne fait que sentir les effluves du liquide et n'a pas besoin de plus pour juger l'intérêt de la bouteille en question. Elle doit s'y connaître donc, j'imagine. « Je te l'avais dit... » Oui bon moi je l'ai fini, la bouteille mais au bout de quelques verres, on ne sent plus tellement le goût. C'est certainement ce sur quoi compte ceux qui font cette piquette. Je souris, amusée alors qu'elle tente vainement de reboucher la bouteille de vin et me laisse alors aller à un peu de cynisme pas franchement déguisé. A quoi sert le cynisme de toute manière si on le cache afin que personne ne le comprenne ? Je n'en vois pas l'intérêt. Bien évidemment, je sais que parler d'Elliot en ces termes à Dagga n'est pas une épreuve sans risque et c'est peut-être là tout l'intérêt. Le problème, c'est que Dagga se fait avoir, peut-être pas tant que ça au final mais c'est ce qui arrive. Elle aurait pu sortir dimanche dernier alors qu'Elliot était quasi assurée de rester donc non, je ne comprends toujours pas ce choix lors de la soirée des dilemmes. Je sais cependant que ma vision n'est certainement pas la même que celle de Dagga, qu'il s'agisse de notre aventure ici ou de nos vies à l'extérieur. Tout est trop différent pour que je la comprenne et après tout elle fait bien ce qu'elle veut. Pour autant, je ne m'attendais pas à cette réaction là de sa part. Elliot ne ferait jamais une chose pareille ? Je pense qu'il y a quelque chose qu'elle n'a pas du saisir lors de la révélation du secret d'Elliot car si je n'étais pas visée, comment aurais-je pu découvrir tout ça ? C'est simple, je n'aurais pas pu. Alors qu'elle n'ait pas pigé, ça me déçoit presque et pour la première fois, je n'ai même pas envie de lui faire comprendre tellement je suis... abasourdie par ce qu'elle vient de me sortir. Je ne dis rien, j'attends qu'elle finisse, autant tout sortir d'un coup. Et là encore, la suite me retire mon sourire illico. Elle n'a vraiment pas compris et honnêtement, je ne sais pas comment le prendre. Je soupire légèrement et me retient de lever les yeux au ciel parce qu'au fond, j'ai envie de lui laisser le bénéfice du doute et... je me lance. « Bon. Commençons par le commencement j'imagine. Au départ, Elliot ne m'a rien fait. Elle est juste l'archétype de la meuf que je ne peux pas supporter. On a tous quelqu'un comme ça, quelqu'un dont la tête et les manières ne nous reviennent pas et ce même si on essaie de faire des efforts par tous les moyens. C'est humain et celui qui dit qu'il n'est pas comme ça ment. Mais ça tu vois, je sais parfaitement le gérer et ce avec l'ignorance. Et honnêtement, je n'ai même jamais craché sur elle avec qui que ce soit. Ça aurait très bien pu marcher comme ça, pour moi en tout cas mais il a fallu qu'elle tente de me rallier à son harem et quand je lui ai dit clairement que non je ne l'appréciais pas, il en a découlé de drôles de conséquences. La semaine suivante, je me trouvais liée à Siana ce qui voulait dire que si l'une de nous était nominée puis éliminée, l'autre le serait aussi. Et là on arrive à cette révélation dont, je crois et je suis désolée de te dire ça, tu n'as pas saisi tout le sens. Si je voulais me délier de Siana, je devais comprendre comment j'en était arrivé là. J'ai déduis qu'un candidat était derrière tout ça et après un petit ménage chez les membres de notre communauté, seules quelques têtes restaient. Qui était le plus à même de me voir dehors ? Elliot. Je l'ai buzzé et j'avais raison. Donc oui, Elliot a voulu me jarter en m'associant à Siana qu'elle doit considérée comme une candidate discrète et peu appréciée donc hautement nominable et peut-être tout aussi facilement éliminable. Si Siana partait, je partais. Tu comprends mieux ou... ? » Et qu'elle ne me dise pas que je me trompe, les coïncidences dans cette fâcheuse histoire étaient trop nombreuses.

Que Branca ne supporte pas Elliot, je peux le concevoir. On a tous nos affinités, nos atomes crochus. Il y a toujours des gens avec qui ça va être viscéral, dès le premier regard, dès le premier échange ; on sent que ça ne va pas passer. Je n’aurais jamais eu l’idée d’en tenir rigueur à Branca – il était dans son droit de ne pas aimer Elliot, on ne peut pas aimer tout le monde, et c’est tant mieux comme ça. Mais je connaissais très mal leur relation. Je ne les avais jamais vu interagir ensemble, et j’ignorais tout de ce qui avait pu les pousser à une telle inimitié. S’agissait-il simplement d’une question d’atomes crochus, ou est-ce que ça allait plus loin ? Est-ce que les deux jeunes femmes avaient vraiment quelque chose à se reprocher, s’étaient-elles battues ou je ne sais quoi, ou bien avaient-elles simplement des personnalités incompatibles ? J’avais toujours penché pour cette dernière option. Parce que j’aimais beaucoup et Branca, et Elliot, et je préférais croire qu’aucune n’était coupable de quoi que ce soit envers l’autre. Mais là, ce que j’attendais de Branca, c’est qu’elle me contredise. Qu’elle m’explique ce qui s’était passé pour qu’elle en veuille ainsi à ma partenaire. Alors elle m’explique ; elle m’explique son raisonnement, ses hypothèses, ses déductions. Mais nous ne sommes pas dans le domaine du tangible, du concret, et honnêtement la situation d’Elliot était bien trop similaire à ma situation de la semaine passée et je ne pouvais m’empêcher de faire le parallèle. Et je n’ai plus du tout envie de sourire. Le soupir de Branca m’a tapé sur les nerfs, et j’ai très nettement l’impression qu’elle me prend pour une idiote. Ça ne me gênerait pas tant si je ne me sentais pas si stupide la plupart du temps – je n’ai donc pas besoin que l’attitude des autres candidats me le rappelle. « Elliot n’est pas idiote. Si elle avait voulu te jarter, tu serais déjà dehors. Elle n’aurait pas associé ton nom à celui de Sïana, mais à celui d’un nouveau discret, comme Danny, qui a été invisible toute la semaine. Tu as l’air d’oublier que ce petit secret d’Elliot n’était pas un droit, mais un devoir. Elle n’avait pas le choix. Elle devait former ces paires. Elle a peut-être nommé Sïana et toi parce qu’elle n’est proche d’aucune de vous deux, et préférait s’assurer que ses amis restent, ce qui n’a rien d’absurde. Est-ce que tu n’aurais pas fait la même chose à sa place ? Franchement… Tu as peut-être raison, tu as peut-être tort, mais à moins d’être dans la tête d’Elliot je ne vois pas trop comment on peut être sûr de quoi que ce soit. Je trouve juste ça dommage, que tu sois si catégorique. Je sais ce que c’est, que d’être le jouet de Cupidon et de devoir prendre des décisions difficiles, et c’est loin d’être marrant. J’ai un peu du mal à imaginer que Elliot ait pu en tirer d’avantage, et je crois que cette mission secrète la pesait plus qu’autre chose… Alors considère-moi comme une crétine naïve si tu veux, mais j’en démords pas. Je suis méfiante à ma façon, mais je préfère accorder le bénéfice du doute tant que ça reste raisonnable… » Cette discussion me laisse un peu amère, et je me rends compte que j’aurais préféré que Branca ne ramène pas ce sujet sur le tapis. Son raisonnement ne parvient pas à me convaincre, et je doute que le mien lui fasse un quelconque effet ; on est dans une impasse. Et je n’ai pas spécialement envie que la logique de Branca s’insinue en moi. Habituellement, je suis toujours trop méfiante, trop parano, et il m’est impossible de croire en des déclarations sincères uniquement parce que je suis trop soupçonneuse. Et j’ai du mal à trouver l’équilibre. L’équilibre entre la naïve qui gobe tout, et la parano qui ne croit en rien. Peut-être que mon équilibre est quelque part par là, dans le doute, l’incertitude. Peut-être que la seule posture qui me convient est celle du « peut-être bien que oui, peut-être bien que non » ou « on verra bien ». En l’occurrence je garde les accusations de Branca à l’esprit, mais je ne peux y adhérer pour le moment ; c’est trop tôt, pour moi, et je ne me vois pas changer l’opinion que j’ai de ma partenaire si rapidement.

Je sais que je suis une emmerdeuse, je le sais pertinemment et pourtant, je ne crois pas avoir déclenché quoique ce soit de négatif avec qui que ce soit dans le nid. Lorsque je n'apprécie pas une personne, je la zappe. J'ai perdu assez de temps avec ça il y a quelques années, à me débattre pour rien et à devoir en assumer les conséquences plutôt difficiles. Je fais des erreurs comme tout le monde mais j'apprends de ces dernières. Dès le départ, oui je n'ai pas apprécié Elliot mais ai-je fait quoique ce soit contre elle ? Non. Je pense donc être légitime lorsque je lance seulement une légère pique que je croyais sans conséquence et que je me défends d'avoir été mise en danger secrètement par la candidate. Ai-je dit quoique ce soit de réprimandable à Dagga ici ? Non. J'ai simplement dit ce qui est vrai, qu'en me liant à Siana, elle tentait de me faire sortir. Alors quand Dagga me répond, je ne rigole plus du tout et ça m'énerve, vraiment. J'hésite à répondre au premier abord parce que ce qu'elle me sort me déprime. Tous ces regards lors de la révélation, je m'en souviens, toute cette désapprobation alors que je touchais au secret de l'enfant béni de Fake Lover. Je suis jugée pour beaucoup de choses totalement aberrantes ici et quand je vois ça, je me demande ce qui m'attendra lorsque mon secret sera révélé. Je regarde Dagga et je ne sais toujours pas si je dois répondre. Parce que même si ce qu'elle me sort me blesse, au fond, je l'apprécie et je n'ai pas envie d'être aussi spontanée que j'aurais pu l'être avec n'importe qui d'autre. Qu'elle, elle me juge ainsi alors que je me croyais proche d'elle m'ennuie vraiment et pour ça, je décide de me défendre. « Donc encore une fois, c'est elle la pauvre victime qui n'a rien demandé ? Dois-je me justifier en permanence parce que oui, j'ose ne pas être hypocrite avec les gens que je n'apprécie pas et parce que, j'ai buzzé et trouvé un secret ? Comment aurais-tu vécu le fait de te voir maudite et de risquer l'élimination puis de découvrir que celle qui est à l'origine de tout ça est précisément la personne à qui tu as dit la semaine précédente que oui, tu ne l'appréciais pas ? Je n'appelle pas ça une coïncidence, ni un choix fait parce qu'elle ne me connaît pas trop. Qu'elle ait choisi Siana ou quelqu'un d'autre, je m'en fiche au final. Et je le sais qu'elle est loin d'être idiote vu le nombre de personne ici qu'elle se met dans la poche. Ai-je déjà dit quoique ce soit sur elle en vue de te faire changer d'avis sur sa personne ? Non. Je pense avoir adopté le comportement le plus intelligent possible concernant le ressenti que je pouvais avoir de sa personne et je ne crois pas que personne ici ait le droit de juger ce que je peux penser. Je pense avoir le droit de ne pas apprécier une personne et encore plus lorsque je n'ai jamais été salope avec elle. Ce n'est pas mon genre de toute façon. » Cette conversation me soûle, cette aventure me soûle. « Est-ce qu'Arès a été jugé quand il a trouvé le secret de Raphaël ? Non. Alors pourquoi moi, j'ai le droit à de tels regards et réactions alors que tout ce que j'ai fait, c'est tenter de sauver ma peau. D'autant plus que ça va, je plaisantais mais vu qu'ici on ne peut rien dire sur Elliot, j'ai compris. » Et sur ces mots, je reprends mon chemin, récupère mon pot de glace et pose le panier à l'entrée de l'épicerie. Je pensais réellement que Dagga prendrait ça comme c'était prévu, avec humour et je pensais qu'elle avait assez compris qui j'étais pour réaliser que ce n'était pas une attaque. Mais non.

Je ne comprends pas ce qui se passe dans la tête de Branca – j’ai l’impression que quelque chose m’échappe, qu’il y a pas mal d’informations que je n’ai pas en ma possession, et que je ne suis pas en mesure de me faire une idée claire de ce que tout ceci peut représenter pour elle. Quand elle avait découvert le secret d’Elliot, je n’avais rien ressenti de particulier, et je n’avais rien remarqué chez mes autres camarades ; je m’étais d’ailleurs précipité à la suite de Branca pour la féliciter au moment où elle quittait la pièce, si mes souvenirs sont bons. Alors tout ce qu’elle me sort, tout d’un coup, je ne le comprends pas. Comme avec Arès, j’ai la sensation qu’un malentendu s’est immiscé entre nous, et plus on essaye de s’expliquer, plus l’écart se creuse. « Mais de quoi est-ce que tu parles ? T’as l’air d’oublier que j’ai été la première à te féliciter quand tu as trouvé le secret d’Elliot. J’ai jamais dit qu’elle était une victime, j’ai jamais dit que t’avais pas à buzzer, je comprends pas… » Je suis perdue, déstabilisée, je sens bien que Branca m’en veux mais je ne vois pas en quoi je suis en tort ; tout ce que j’ai fait, c’est chercher à être neutre. Je ne défends rien, ni personne, et je ne crois en aucune thèse ; je n’ai jamais dit qu’Elliot était toute blanche, comme je n’ai jamais dit que Branca l’était. La vérité c’est que j’en sais rien. J’en sais rien de ce qu’il se passe, j’y comprends rien. J’ai pas la prétention de croire que j’en sais long sur les autres candidats, parce que au fond je ne les connais que très superficiellement, tous autant qu’ils sont. Alors non, je peux pas être aussi catégorique que Branca. C’est juste pas mon genre. Le monologue de Branca continue et je me contente de rester là, le regard plein de points d’interrogation, à l’écouter sans saisir à quoi elle fait référence. Avait-elle été jugée pour avoir trouvé le secret d’Elliot ? Et si oui, par qui ? Tout ça me semblait absurde. Je ne voyais pas qui pouvait être assez idiot pour en vouloir à quelqu’un de découvrir un secret, quand il s’agissait précisément de la raison de notre présence dans cette émission. Avais-je touché un point sensible sans le vouloir ? Branca avait l’air d’en avoir gros sur la patate, et je m’y retrouvais finalement mêlée, sans trop comprendre mon rôle dans tout ça, sans trop comprendre ce qui m’arrivait là. Perplexe et blessée, je n’esquisse aucun geste pour la retenir tandis qu’elle tourne les talons. Quoique je puisse dire, elle le prendra mal, de toute façon. C’est peut-être ma faute, j’ai jamais été douée pour communiquer, mais ça commence à me fatiguer. J’en ai marre de ressortir aussi confuse et larguée de conversations avec les autres candidats. C’est trop déprimant.