Nicole

MARDI 13 NOVEMBRE - 20H03
LES THERMES - BASSIN D'EAU CHAUDE

Rien de tel, pour tenir tête à l'hiver qui s'installait peu à peu, qu'une baignade dans les eaux chaudes des thermes. Aujourd'hui j'en avais grandement besoin, et je pensais d'ailleurs que cela m'aiderait à me sortir de la tête tout ce qui m'avait laissé au plus bas dernièrement. Il commençait à se faire tard, la nuit était déjà tombée depuis un moment et du coup j'opterais ce soir pour une baignade nocturne qui s'avérerait, je l'espérais, vivificatrice et exaltante. J'avais pour l'occasion revêtu un survêtement que j'entrepris d'ôter en arrivant devant l'un des bassins d'eau chaude, sans même m'attendre une seconde à trouver quelqu'un dans les parages. Et pourtant, contre toute attente il s'avéra que je n'étais pas seul. Aussi, je ne tardais pas à repérer dans ces eaux ma belle partenaire faisant trempette. Mince, comment avais-je fait jusque là pour ne pas remarquer sa présence ? Inutile de dire que cette dernière me réjouissait. Eh oui je n'étais carrément pas contre une baignade avec Nicole, mais encore fallait-il bien sûr que celle-ci veuille de moi... et nous nous étions, une fois encore, peu parlé depuis le prime de dimanche. Un "bonjour" le matin, un "bonne nuit" au coucher et pas tellement de mots échangés dans la journée. Mais j'avais besoin de passer un peu de temps avec elle, de l'avoir à mes côté, de la sentir, de la toucher aussi. Je m'approchai alors du bord, légèrement étouffé par toute la fumée qui émanait, et m'adressai à Nicole d'une voix douce, afin de ne pas la prendre par surprise. « Suis-je le bienvenu ? » Hm, écoutez tout à fait honnêtement je ne savais pas où nous en étions elle et moi, et encore moins si elle m'en voulait pour une raison ou pour une autre. En revanche, ce que je savais, c'est que dimanche le prime avait été des plus mouvementés. Aussi, rien ne me garantissait qu'elle soit restée impassible face à la révélation d'Asmaa, mais également face à mon départ soudain du plateau. Bref, c'était maintenant à elle de me dire si je pouvais, ou non, la rejoindre dans ces eaux. Si ça n'était pas son souhait, alors je reporterais ma petite baignade à plus tard, demain par exemple. Mais de vous à vous j'espérais avoir la permission d'y entrer. « Tu me manques... » rétorquais-je dans un murmure. Oui elle me manquait, et pas qu'un peu. Oh je ne pensais pas que cela serait susceptible de la convaincre... quoi que, sait-on jamais. En tout cas je ne débitais pas cela en l'air, et étais on ne peut plus sincère. Mais elle devait s'en douter, car je n'étais pas un baratineur.

Fake Lover nous offrait un décor lugubre pour cette saison, néanmoins s’il y a bien un endroit qui tirait son épingle du lot c’était les thermes. Bien que les températures extérieures s’amusaient à descendre de plus en plus bas, je m’aventurais ensevelie sous des vêtements bien chauds piqués à diverses personnes près des bassins fumant. A peine arrivée je pouvais déjà sentir la touffeur de l’endroit et son atmosphère si paisible… j’en avais carrément besoin. Chaque morceaux de tissu épais tombait au sol un à un afin que je ne me retrouve plus que vêtue d’un bikini trop peu extravagant à mon goût. J’hésitais grandement à me la jouer sirène totally naked mais non, je sentais que je ne devais pas le faire et puis je me sentais déjà assez oppressée comme ça alors pas la peine d’en rajouter sur l’image de la vendeuse de sexe que je renvoyais. Glissant dans l’eau, mon corps fut soudain confronté à une tiédeur saisissante mais pas pour autant désagréable. Je mis un petit instant à me faire à la température de l’eau pour finalement me laisser aller à ce moment de tranquillité. On se faisait chier ici, vraiment, mais je vivais cet instant comme une pause ; je pouvais enfin me retrouver avec moi-même. J’aurais aimé que Térésa soit là pour m’aider à surmonter tout ça. Depuis le prime j’avais l’impression de m’en prendre plein la gueule sans avoir rien fait pour. Après tout il était temps de trouver une remplaçante à Daphné, non ? N’abusons pas, mais cela dit pour moi les regards des candidats avaient changé à mon égard, et je détenais comme l’impression que le numéro d’Asmaa dimanche soir tendait à empirer les choses. Je jouais avec l’eau, faisant jaillir mes jambes de temps à autre, animant des ronds à la surface de l’eau. En relevant la tête à un moment totalement hasardeux je pus voir une silhouette passer. Qu’il trépasse, je n’avais envie de voir personne. Et c’est quelques secondes plus tard que… « Suis-je le bienvenu ? » Je reconnaissais cette voix. Ma tête pivotant afin de m’assurer qu’il s’agit bel et bien de lui, mes lèvres se parent d’un sourire à peine visible qu’il ne percevra peut-être même pas avec toute cette fumée. « Bien sûr. » Je ne parlais pas très fort, en réalité il venait de me tirer d’une longue phase de réflexion pourtant je n’étais pas contre l’idée qu’il vienne me tenir compagnie. Loin de là. « Tu me manques... » A ces mots les traits de mon visage se détendirent, comme apaisé. Ces trois petits termes parfaitement associés j’avais eu l’occasion de les entendre une multitude de fois sauf que dans la bouche de Malik ça sonnait différemment. Il n’y avait pas de consonance sexuelle. Chez les autres ce n’était pas ma personne qui leur manquait, c’était mon corps et peut-être parfois la femme fatale que je jouais… et encore, je n’en suis même pas convaincue. J’en venais à trouver ça dégradant alors qu’avant de rentrer dans cette émission je voyais en mon métier une forme d’autosatisfaction. Gagner de l’argent et des belles choses contre un simple jeu de séduction, je ne voyais là-dedans aucun inconvénient ; avant. « Toi aussi, tu m’as manqué. » Il était là maintenant, pas besoin de mettre cette phrase au présent. « Tu m’avais l’air pensif ces derniers jours, ça va mieux? Je ne voulais pas te brusquer, je sais que j’ai le don pour te mettre mal à l’aise alors… » Malik était un peu ma poupée de porcelaine à moi ; dans une façon très imagière de voir les choses. Il était aussi fragile que la matière, parfois j’osais à peine formuler correctement ce que je souhaitais lui communiquer, de peur qu’il se froisse et se renferme. C’est pour dire. Depuis le prime il était clair que mon partenaire se retrouvait tout chamboulé; pour avoir mené tout un raisonnement de mon côté j'avais une petite idée du sujet mais autant ne pas m'avancer. De mon propre chef, tout en arrangeant ses affaires il me semble, je m'étais engagée à ne pas le baratiner de multitudes de choses inutiles. Je commençais à croire que je devenais beaucoup trop compatissante à son sujet.

Je voyais le fait de tomber sur Nicole dans les thermes comme l'opportunité de passer, enfin, un moment en tête à tête avec elle, à l'abri des regards les plus indiscrets mais surtout des mauvaises langues. Je n'affirmais pas qu'elles étaient nombreuses ici mais vous savez, ça devait quand même bien parler de nous dernièrement. Je ressentais le besoin d'être auprès d'elle, aussi je lui demandai bientôt si j'étais le bienvenu dans ces eaux, à ses côtés. « Bien sûr. » Une fois son "autorisation" obtenue, je me laissais tomber dans le bassin d'eau chaude, savourant par la même occasion les bienfaits d'une eau à une telle température - tout ce dont mon corps avait besoin en plein mois de novembre. Je fis par la suite savoir à Nicole qu'elle me manquait beaucoup, fait indiscutable, car tout à fait vrai. Nous ne nous étions que très peu vus depuis le prime, et cet éloignement m'avait été pesant. Je n'avais aussi rien fait, c'est vrai, pour que nous passions du temps ensemble tous les deux mais j'avais ressenti le besoin, hier, d'être seul. Bien qu'au final je n'avais pas trouvé la tranquillité que je nécessitais, et ça n'était sans doute pas plus mal. Au moins, mes camarades semblaient prêts à me soutenir dans ce qu'ils pensaient sans doute être une "douloureuse épreuve" pour moi. J'appréciais leur sympathie, mais encore plus le fait de n'avoir, au final, pas tellement changé à leurs yeux. Je pensais passer pour un bougre sans cœur, un mec cruel faisant souffrir la première demoiselle qu'il était amené à rencontrer. Mais non, à ma grande surprise je n'avais pas encore endossé ce rôle à leurs yeux. Par ailleurs je n'avais pas croisé grand monde hier, ni aujourd'hui. Alors... peut-être disait-on du mal de moi dans mon dos sans que je n'en sache rien. C'était tout aussi possible. « Toi aussi, tu m’as manqué. » Hm... J'avais bien envie de lui voler un baiser, là, tout de suite, seulement je sentais qu'elle allait aussitôt reprendre la parole. Et c'est effectivement ce qu'elle fit. Si elle avait des choses à me dire, ou une question à me poser, il valait mieux que ça sorte maintenant. « Tu m’avais l’air pensif ces derniers jours, ça va mieux? Je ne voulais pas te brusquer, je sais que j’ai le don pour te mettre mal à l’aise alors… » Oh, si seulement il n'y avait que Nicole pour me mettre mal à l'aise actuellement... Depuis le prime dimanche, chaque mot échangé avec n'importe quel candidat concernait, de près ou de loin, le trio que nous formions Asmaa, Nicole et moi. À mon plus grand regret d'ailleurs, car il avait été question dimanche des sentiments d'Asmaa pour moi, surtout. Or je n'avais pas franchement envie que tout ceci éclabousse Nicole... bien que ma partenaire ne s'était pas faite prier pour se faire elle aussi remarquer, avec Candace. Nicole toute crachée, mais j'aimais aussi son impulsivité. « Ça va... mieux oui. Parce que je suis à tes côtés maintenant. » Comprenez par là que mon moral, lui, était toujours au plus bas mais que le fait de me retrouver ce soir avec Nicole me faisait oublier tout ce qui me tracassait tant dernièrement. Je ne pouvais pas crier haut et fort sur tous les toits que depuis dimanche, les choses s'étaient arrangées pour moi, que j'étais un homme heureux à qui tout réussissait puisque ça n'était clairement pas le cas. Et la faute à qui ? Bah à bibi, bien entendu. Tout était de ma faute et je devais faire avec, assumer, reconnaitre que je m'étais fourré dans un pétrin sans nom duquel, assurément, je peinerais à me sortir. Encore fallait-il que je puisse en sortir d'ailleurs, ce qui n'était franchement pas garanti. « Hum... et toi... ça va ? Je veux dire, comment tu as pris toute cette histoire lors du prime, la question qu'on m'a posée et... la révélation d'Asmaa ? » Je préférais tout savoir, maintenant. Si Nicole s'était sentie blessée, trahie ou si elle nous avait juste trouvé ridicules la frisée et moi, je voulais l'entendre de sa bouche. Parce qu'il importait à mes yeux de savoir comment Nicole avait encaissée la chose. Me rapprochant toujours un peu plus d'elle et me mouvant dans cette eau, je posais un regard plein de douceur sur ma partenaire, attendant d'elle bien évidement une réponse honnête, même si je devais prendre celle-ci comme un retour de frisbee en pleine poire. Ce qui serait dit ne serait ensuite plus à dire, je partais de ce principe.

Je me devais de lui préciser pourquoi je n’avais pas accouru vers lui lors de son départ précipité du prime, ou bien pourquoi je préférais me retirer un peu depuis ce fameux dimanche. Je savais pertinemment que ce n’était pas nécessaire puisque j’étais persuadée qui voulait bel et bien se retrouver seul mais ne sait-on jamais… Malik réfléchit beaucoup trop et du coup il aurait pu voir en ce geste –ou plutôt cette absence de geste- un signe quelconque de dégoût ou que sais-je encore ; tant que ça pouvait le persuader qu’il n’était qu’un moins que rien. « Ça va... mieux oui. Parce que je suis à tes côtés maintenant. » Ses mots étaient mignons, venant d’un autre j’aurais trouvé ça complètement classique. Le classique du lover, même. Seulement nous savions tous que Malik n’en était pas un. Enfin… disons qu’il en était la version dérivée, le lover bisounours qui est gentil avec tout le monde et sert des compliments à qui veut. C’est naturel chez lui et plein de bonne volonté, mais le principe restait le même. Aussi sa phrase me décrocha un nouveau sourire parce qu’indéniablement ça me flattait. « Hum... et toi... ça va ? Je veux dire, comment tu as pris toute cette histoire lors du prime, la question qu'on m'a posée et... la révélation d'Asmaa ? » Ironiquement il était le premier à me demander comment j’allais. Pas top. S’il y avait bien une pensée qui tournait en boucle au sein de ma boîte crânienne c’était celle de sortir d’ici pour retrouver le confort dans les bras de ma doulsine. Et pourtant, quitter ce jeu était le dernier de mes désirs. Je n’ai jamais été confrontée à la solitude, lorsque Térésa quitta le jeu ce fut la première fois. En un mot : douloureux. Au fur et à mesure je m’en étais remise, m’attachant à Malik, Dagga et même un peu Dani (un peu, parce qu’il ne le mérite vraiment pas) cependant c’était comme si tout recommençait à zéro. Malik était là avec moi, assurément la plus grosse surprise de cette aventure, et bien que je sentais qu’il tenait à moi j’éprouvais un ressenti d’isolation. La bombe Asmaa avait tout remit en doute. Le regard de mon partenaire me déstabilisait. Je ne voulais pas qu’il le quitte pourtant il était évident qu’il l’abandonnerait dès que je me serais décidée à ouvrir la bouche. « Je suis un peu tombée de mon échelle. C’est toi qui ne sait pas où tu en es, pas nous. Moi je sais très bien où j’en suis, si je me suis décidée à t’en parler l’autre soir c’est parce que j’étais sûre d’accepter mes dires. En fait je tends à penser que c’est ta couverture de t’admettre perdu, pour me pousser un peu d’un côté afin de lui laisser aussi une petite place. » Je préférais ne pas le regarder, préférant me concentrer sur mes mains qui caressaient l’eau ; cela me permettait de garder un ton calme et serein… comme si je lui parlais de quelque chose d’insignifiant. Je ne pouvais pas me confronter à son visage qui avait dû sans aucun doute subitement changer d’expression. Pour moi cette histoire cachait un profond refus de Malik ; lequel, je ne sais pas. Il s’esquivait lui-même, s’empêchant d’admettre quelque chose. Déjà que j’avais mis vingt ans pour enfin aimer quelqu’un, ce n’était pas pour admettre qu’on puisse s’enticher de deux personnes en même temps. J’étais déçue que Malik se dise encore une fois égaré, surtout après notre discussion post-prime que nous avions eue. Déçue, tombée de mon échelle… c’est un euphémisme. Je me sentais carrément abusée. « Dis-moi seulement que ce n’est pas le physique avec moi et les sentiments avec elle parce que… si c’est le cas… c’est déplacé. » Fixant toujours l’eau, mes yeux se dirigèrent vers le ciel après quelques paroles ; une manière distinguée de retenir des larmes… cependant celles qui résidaient dans ma voix m’étaient indomptables. J’vérait qu’il me lâchait la main… je ne serais même pas dans la capacité de prévoir ma réaction.avais cogité dans mon coin évidemment et j’en étais arrivée à cette conclusion. J’étais persuadée d’avoir la bonne mais s’il y a bien une chose que j’attendais c’est que le concerné la contre catégoriquement ; qu’il me dise que non, que pour une fois on ne s’intéresse pas qu’à mon corps. En si peu de temps ma confiance en moi semblait avoir négligemment chuté. Je l’acceptais, tout cela étant clairement lié à Malik ; seulement s’il s’a

Nicole n'étais pas du genre à balancer d'un coup tout ce qu'elle avait sur le cœur. La semaine passée par exemple, elle avait eu bien du mal à m'avouer ses sentiments et tout était longuement resté bien implicite avant que je ne décide de lui tirer moi-même les vers du nez. Là, pareillement, si je n'étais pas venu la voir dans ces thermes, aurait-elle seulement entreprit dans les prochains jours de venir vers moi ? Je la sentais quelque peu distante depuis le prime mais peut-être me trompais-je, peut-être était-ce une impression que j'avais et qui se voulait faussée par les récents évènements, et le fait que, c'est vrai, Nicole ne devait pas très bien le vivre. Qu'elle se rassure, elle n'était pas la seule. Mais justement, il me tardait de savoir comment elle avait encaissé tout ça, dimanche. Entre la révélation d'Asmaa concernant ses sentiments pour moi, et mon départ précipité du plateau peu après celle-ci, il y avait fort à parier que Nicole n'avait plus su où donner de la tête. « Je suis un peu tombée de mon échelle. C’est toi qui ne sait pas où tu en es, pas nous. Moi je sais très bien où j’en suis, si je me suis décidée à t’en parler l’autre soir c’est parce que j’étais sûre d’accepter mes dires. En fait je tends à penser que c’est ta couverture de t’admettre perdu, pour me pousser un peu d’un côté afin de lui laisser aussi une petite place. » Elle disait ça de façon tellement neutre... comme si elle n'avait pas conscience du poids de ses paroles. Et celles-ci se voulaient retentissantes, vous pouvez me croire. J'en retenais alors plusieurs choses. Premièrement, Nicole contrairement à moi n'était aucunement déboussolée et effectivement, si y'avait bien quelqu'un de paumé dans notre binôme, c'était assurément l'amateur de cornichons et de falafels. Mais, surtout, elle évoquait le fait de la pousser d'un côté pour faire de la place à Asmaa. De la place où ? Dans mon cœur ? Hm, certainement. C'est en tout cas comme cela que je le comprenais. Ce que Nicole ne voulait pas comprendre, quant à elle, c'est que cette décontenance était bien réelle et allait bien au delà d'une soi-disant couverture que je me créais. « Nicole... non, je... » ... je ... ne savais pas quoi dire en fait. Ce que je pouvais me sentir bête, ah c'était rien de le dire hein. Si on avait dû remettre le prix de la pire répartie de tous les temps, ce dernier m'aurait été à coup sûr décerné quoi. Voyez comme il était facile de me faire perdre tous mes moyens au point que je ne sache même pas quoi répondre à ma partenaire. De toute façon elle semblait ne pas avoir tout dit. Et justement, si d'autres choses devaient m'être dites ou avouées, alors j'étais prêt à les entendre. Je ne voulais aucun secret entre nous... même si dans le domaine, hélas, j'étais passé expert ces derniers jours. « Dis-moi seulement que ce n’est pas le physique avec moi et les sentiments avec elle parce que… si c’est le cas… c’est déplacé. » Alors là, vraiment, je tombais des nues. Mais genre, une chute gigantesque, semblable à une dégringolade du vingt-sixième étage d'un immeuble. Le physique pour elle... les sentiments pour Asmaa... Dites voir, que devais-je comprendre exactement par là, hm ? Que Nicole me croyait capable de ne m'enticher d'elle que pour son physique, laissant alors à Asmaa le côté sentimental de la chose ? C'était tellement, tellement mal me connaitre... Ah vraiment c'était terriblement blessant d'entendre une telle chose venant d'elle. Je pensais qu'avec le temps elle m'avait cerné, qu'elle avait compris que je ne faisais jamais de tort à qui que ce soit volontairement. Son physique, tenez, parlons-en de son physique à Nicole. Certes elle était sublime, je la trouvais d'ailleurs bien trop belle pour moi mais franchement, ça n'était pas ce qui m'avait attiré chez elle ! Ou du moins pas seulement. « Tu n'es pas sérieuse !! » m'exclamais-je, en me redressant par la même occasion. Je... je n'arrivais pas à réaliser que Nicole avait réellement fait une telle insinuation. Donc là, clairement, Nicole venait de me prouver qu'au final, elle ne me connaissait pas aussi bien que je l'aurais pensé. Désagréable constatation, vraiment. « Non je vais te dire ce qui est déplacé Nicole : le fait que tu me penses capable d'une telle chose, privilégier la beauté extérieure à la beauté intérieure. Ce n'est tellement pas moi ça... C'est offensant. Je suis peu à peu tombé sous ton charme en réalisant que tu étais prête à changer, à faire des efforts considérables pour moi. Et si tu penses que tout ceci ne résulte au final que de mon attirance pour ton physique, alors... » ... alors nous ne nous étions décidément pas compris elle et moi. J'aimais Nicole pour beaucoup d'autres choses que pour son apparence. Et si elle ne le savait pas, et bah voilà, c'était désormais chose sue. Quant à mes sentiments pour Asmaa, dont Nicole semblait avoir pris conscience d'ailleurs... il me fallait revenir dessus, également. « Et justement... J'ai parlé avec Asmaa hier. Je suis passé aux aveux parce que c'était à mon sens la meilleure chose à faire. » Et la suite, elle devait la connaitre, du coup, car elle avait elle-même parlé de sentiments que je pouvais avoir pour la jolie frisée. La veille, en effet, j'avais avoué à Asmaa que je l'aimais tout autant que j'aimais Nicole. Et ce que je redoutais, maintenant, c'était de perdre Nicole à cause de ça. J'avais quand même l'impression qu'elle ne voyait pas d'un très bon œil mes rapports avec Asmaa, déjà, à la base. Mais comme en plus maintenant il était question de sentiments semblables aux miens pour elle... Non vraiment je craignais que Nicole considère que je l'aie en quelque sorte trahie dans cette affaire. Je n'avais pas choisi de m'éprendre de deux candidates en même temps. Mais comment aurais-je pu lutter contre des sentiments qui s'intensifiaient chaque semaine un peu plus, pour l'une comme pour l'autre ? Vivre vingt quatre heures sur vingt quatre avait le don de forger des liens, et dans une telle aventure s'attacher aux gens se faisait bien plus rapidement que dans la vie de tous les jours. Reportant un regard inquiet sur ma partenaire, j'en vins intérieurement à me demander s'il n'aurait pas été préférable de taire cette dernière partie, concernant mes aveux de la veille. Même si là encore, cela m'aurait demandé de faire des cachotteries à Nicole. Et ça, ça aurait été déplacé par contre.

Il ne savait pas quoi répondre… j’étais en plein dedans. Je venais de viser juste. Blessant, mais pas étonnant au final. Après tout qui ne l’avait pas compris ? Tous les candidats étaient au courant de cette affaire maintenant. J’avais fière allure à me moquer de Callan en le qualifiant de cocu ; dans le fond je n’étais pas mieux à devoir partager le plus fort des sentiments avec une autre. Ce manque de négation me motiva inconsciemment à lui demander d’éclaircir un point très important pour moi. A force de réfléchir et de tenter de tirer seule des conclusions sur la situation j’en étais venue à ça. S’il aimait deux personnes en même temps alors il ne pouvait se consacrer aux deux en même temps, il fallait qu’il divise les choses pour que ce soit possible. Pas bien compliqué de faire la part des choses, après tout c’est mon métier. Je ne suis bonne qu’à ça. « Tu n'es pas sérieuse !! » Si. Mon regard glissa sur l’eau ; je ne voulais même pas le voir. Cependant je changeai bien vite d’avis lorsqu’il m’expliqua ce qui selon lui était déplacé. Il osait ! Je ne dirais pas que mes pupilles se mirent à le fusiller mais elles étaient mauvaises, tout en étant étonnées. C’était comme s’il me prenait pour un objet, pour une conne. La fille qui voulait bien se plier en quatre pour lui et qui méritait donc bien un peu d’affection. Il allait ajouter quelque chose, je le laissais donc finir. « Et justement... J'ai parlé avec Asmaa hier. Je suis passé aux aveux parce que c'était à mon sens la meilleure chose à faire. » Dites-moi seulement qu’il en faisait exprès, qu’il était déterminé à me battre jusqu’à ce que je ne tombe. Se rendait-il seulement compte à quel point il y allait fort ? Je ne suis pas du genre fragile d’habitude mais s’il osait prétendre que je ne le connaissais pas aussi bien qu’il le pensait alors j’espère au moins qu’il se rendait compte que l’inverse était aussi valable. Il savait que les mots sortant de sa bouche avaient beaucoup plus d’impact que ceux d’une tierce personne. Pourquoi en jouait-il ? « J’ai appris que tu étais divisé entre deux personnes, pour un type qui est censé être vacciné contre ce sentiment ça fait beaucoup je trouve alors pardon si j’essaie de tirer une conclusion comme je peux. » Cette fois-ci je l’affrontais, mon regard se montrant tout aussi dur qu’il était devenu vulnérable. J’étais à la fois énervée et blessée, je ne savais pas quoi répondre à ça, à ses dires si rudes. « Je ne sais pas si tu te rends compte de ce que tu racontes Malik mais tu te fous de moi. Tu me reproches de mal te juger et toi qu’est-ce que tu fais ? Tu me balances ça ! Tu pensais que j’allais me réjouir ? On dirait que ça t’amuse. Il y a d’autres moments pour ça, là c’est comme si tu voulais m’enfoncer la tête sous l’eau. Je pensais avoir trouvé une seconde personne en qui compter et j’ai finalement l’impression d’être la bête de foire de l’histoire. Je crois l’être déjà assez comme ça... je n’ai pas besoin de plus d’humiliation. » Cette fois-ci je ne les retenaient plus. Elles pouvaient glisser sur mes joues tant qu’elles le voulaient, depuis le temps que je les retenais. A date de mon rapprochement avec Malik j’avais mis fin au rituel des larmes en l’honneur de Térésa, ayant trouvé en lui un nouveau pilier. Les gens avaient raison, j’étais dépendante. C’est en cette situation que je m’en apercevais, il me fallait toujours quelqu’un sur lequel m’appuyer ; pour savoir que je ne suis pas seule. Cette solitude me faisait peur… j’avais surtout peur qu’elle grandisse. Je la sentais grandir. Je me levais, sortant du bassin et enroulant mes vêtements entre eux. Je préférais partir d’ici plutôt que de lui offrir un spectacle des plus pathétique; elles se faisaient plaisir, je dirais même qu'elles s'en donnaient à cœur joie ces...larmes.

Ça n'était même pas la peine de chercher pendant des heures, je savais que si les mots ne me venaient pas sur l'instant, alors ils ne me viendraient pas ensuite. Nicole craignait de se retrouver peu à peu mise sur la touche, que j'en vienne à l'écarter pour faire une place à Asmaa dans mon cœur, où pourtant jusqu'ici ma partenaire trônait en maître des lieux. Seulement j'avais récemment pris conscience des sentiments que j'avais également pour Asmaa. Je les avais en fait reconnus avant qu'elle n'eut fait sa déclaration dimanche soir, ce qui au final m'avait totalement laissé déboussolé. Mais ça, j'avais beau essayer de le faire comprendre à Nicole, elle ne semblait pas prête à accepter le fait que je puisse être perdu face à tout ça. Elle allait même jusqu'à insinuer que je n'avais d'yeux que pour son physique, ce qui était parfaitement aberrant à mes yeux après ce que nous avions vécu tous les deux. Je voyais bien plus loin qu'une paire de jambes interminables. Maintenant, elle me fusillait du regard. Un telle intensité dans ses yeux, témoignant presque de mépris envers ma personne, me glaçait le sang. Je sentais que dans pas longtemps, j'allais amèrement regretter d'être venu la rejoindre dans ce bassin... et d'avoir évoqué les aveux que j'avais fait à Asmaa la veille. C'était extrêmement maladroit, je sais, mais sur le moment je ne pensais qu'au fait de me montrer le plus honnête possible, comme si cela pourrait tout rattraper. Quel naïf j'étais... Ce n'était clairement pas la chose à dire sur le moment, et comme un crétin j'avais dégainé ce que je pensais être mon plan de secours : faire preuve de franchise et de bonne foi. Jamais je n'aurais pu m'imaginer que ma dernière prise de parole blesserait autant Nicole. Je ne sais pas par quoi j'étais aveuglé, mais il était quand même grand temps d'ouvrir les yeux et de réaliser qu'en lui faisant part de ça, je ne faisais qu'enfoncer le couteau dans la plaie. « J’ai appris que tu étais divisé entre deux personnes, pour un type qui est censé être vacciné contre ce sentiment ça fait beaucoup je trouve alors pardon si j’essaie de tirer une conclusion comme je peux. » Son regard était impitoyable, comme les propos qu'elle tenait. Je n'étais plus vacciné contre l'amour. Avait-elle seulement oublié que j'avais réappris à aimer grâce à elle ? Et comment m'en vouloir de m'être épris de deux candidates... je ne l'avais bien entendu jamais voulu. Oh oui, c'est sûr que j'avais toujours rêvé de me retrouver dans une situation aussi regrettable et intenable. « Je n'ai aucun contrôle sur mes sentiments Nicole. » rétorquais-je à demi-voix, osant la regarder dans les yeux et braver ce regard toujours plus férocement jeté sur moi. « Je ne sais pas si tu te rends compte de ce que tu racontes Malik mais tu te fous de moi. Tu me reproches de mal te juger et toi qu’est-ce que tu fais ? Tu me balances ça ! Tu pensais que j’allais me réjouir ? On dirait que ça t’amuse. Il y a d’autres moments pour ça, là c’est comme si tu voulais m’enfoncer la tête sous l’eau. Je pensais avoir trouvé une seconde personne en qui compter et j’ai finalement l’impression d’être la bête de foire de l’histoire. Je crois l’être déjà assez comme ça... je n’ai pas besoin de plus d’humiliation. » Cette histoire était loin, très loin de m'amuser. J'en souffrais beaucoup, quoi qu'on en pense, quoi qu'on puisse en dire. S'il y a bien une chose que je ne souhaitais pas, aussi, c'était accabler Nicole. Mes propos avaient été très maladroits, comme ceux que je débitais habituellement d'ailleurs. Je ne mesurais bien souvent pas assez la portée et le poids de mes mots. Cette situation était certes insupportable, le fait de m'entendre dire toutes ces choses et de passer pour un homme sans cœur et abominable l'était vraiment... le pire restait tout de même de voir des larmes se frayer un chemin sur les joues de Nicole. Une vision infernale, que je ne pouvais supporter. Nicole ne me laissa même pas le temps de répliquer quoi que ce soit, puisque bientôt elle quitta le bassin sans ajouter un mot de plus. J'assistais impuissant à son départ, mais je trouvais tout de même la force et la détermination, malgré mon abattement, d'en sortir à mon tour et de la rattraper. « NICOLE ATTENDS ! » C'était dangereux de courir pieds nus et mouillés mais si chute il devait y avoir, je considérerais que celle-ci était méritée. Je parvins à me saisir de son bras, la stoppant net, avant de me placer face à elle, bouleversé par le fait de l'avoir vu pleurer ce soir, par ma faute. Cela me rappelait pas mal de choses en fait... elle n'était clairement pas la première ici que je faisais pleurer. Bien que je redoutais à tout instant qu'elle me repousse violemment, j'osai balayer avec mon pouce les larmes roulant sur ses joues, me retenant d'en verser également. C'était contagieux, et j'étais très sensible qui plus est. Néanmoins si je voulais pouvoir m'exprimer clairement, il valait mieux que je les garde pour plus tard. Une fois lâchées, je ne répondrais plus de rien, j'en avais déjà fait l'expérience après tout. « Je ne prends aucun plaisir à te voir souffrir, et à voir des larmes couler le long de tes joues. Il faudrait être un monstre pour ça et je tends à penser que je n'en suis pas un. Je... c'est affreux je... j'arrive même pas à te dire ô combien je suis désolé. Et je le suis sincèrement Nicole, j'aimerais que tu me croies. » Mais je ne devais pas passer pour très franchement crédible, à ses yeux. Je me savais franc, mais ça ne me suffisait pas. J'avais besoin de savoir qu'elle me croyait. D'une voix d'avantage tremblante et s'éteignant à petit feu, je repris. « Je ne me fous pas de toi. Je tiens trop à toi pour te faire volontairement du mal Nicole. Et je ne peux me faire à l'idée d'être la cause de tes larmes. Je vaux pas la peine que tu en verses d'ailleurs. J'suis décidément trop stupide, je ne te mérite pas. » Nicole comme Asmaa ne me méritaient pas. En fait elles seraient toutes deux bien mieux sans moi et je réalisais ô combien je m'étais montré égoïste dans cette histoire. Je regrettais tant de choses ; tant de paroles, tant de gestes, tant d'agissements... « Je devrais renoncer à vous deux. Je sens que tôt ou tard, je vais devoir faire un choix or j'en suis incapable. Vous méritez toutes les deux bien mieux qu'un pauvre type qui vous pousse aux larmes, qui vous fasse de la peine. Y'a rien de pire qu'un homme qui fait pleurer une femme. » Si, y'avait éventuellement un homme violent et fort heureusement, je n'en étais pas un. Il ne me manquait d'ailleurs plus qu'à recourir à la violence pour avoir la panoplie complète du parfait salopard... néanmoins ça n'était pas demain la veille que j'allais lever la main sur quiconque, encore moins une demoiselle. Une grosse larme coula de mes yeux embrumés. J'allais maintenant me faire violence pour retenir les suivantes.

Il avait beau prétendre n’avoir aucun contrôle sur ses sentiments, je ne m’arrêtais pas pour autant dans ma lancée. Non, je ne pouvais que céder à cette force qui me traversait, située entre la colère et la déception. Dans l’histoire il ne prenait pas en compte ce que je pouvais ressentir, il se contentait de me dire que c’était déplacé. Il ne s’attarda pas et je le voyais pour la première fois égoïste, et pas de la meilleure façon qui puisse être. Je savais très bien qu’il était plus à l’attention d’une autre ; dans notre rapport c’était toujours moi qui devait faire l’empathique. Le jour où il est venu me rejoindre dans le lit de Térésa ce n’était pas pour se soucier de mon état, non, c’était parce qu’il se sentait seul. Quand je me suis énervée avant ça à la ferme il n’a même pas cherché à comprendre ; de nombreuses fois je m’enfermais dans les toilettes pour en ressortir les yeux rougis, mais toujours personne. J’étais habituée, je devais toujours être celle qui prenait –faussement, certes- soin de l’autre, leur parlait de leur petite vie et tout ce qui allait avec sans me mentionner une seule fois car je savais que ça ne les intéressaient pas et que ce n’était tout bonnement pas mon rôle; hors j’attendais autre chose de Malik et fort est de constater qu’il ne se différenciait du reste sur ce point. Je me levai, préférant lui fausser compagnie que de devoir affronter une autre reproche. Je me sentais en cet instant beaucoup trop faible, pour une fois je ne contrôlais pas la situation, et ça m’était tout bonnement désagréable ; si seulement je savais où on allait. Mes affaires sous le bras j’étais prête à traverser tout le village frigorifiée s’il le fallait, tant que je m’éloignais le plus rapidement possible. Sa voix résonna derrière moi, il m’appelait… je ne me laisserais pas avoir. Si c’était pour entendre des belles paroles qui me couvriraient les yeux jusqu’au prochain prime alors ce n’était pas la peine, car j’espère au moins ne pas avoir tort en pensant qu’il serait dans l’incapacité de me courir après pour me faire part d’une critique à mon égard. Il m’agrippa le bras, me stoppant dans mon pas. Dorénavant face à moi, Malik pouvait profiter de toute la honte que je ressentais en cet instant. Me montrer aussi désolante en public m’était insupportable. Comme le dirait ma mère ce n’est pas digne d’une femme fière. Je me doutais qu’elle ne regardait pas l’émission, je ne l’avais même pas mise au courant, mais j’imaginais Térésa devant son post de télévision. Peut-être était-elle seule elle aussi, se sentant blessée et abandonnée face à ce rapprochement dont elle assistait impuissante. Peut-être qu’elle évoluait bien mieux sans moi. Je commençais même à douter de la personne comptant le plus à mes yeux, de celle dont je connais les réactions par cœur ; celle qui me complétait. Je ne sais pas ce qu’il m’arrive, j’ai comme l’impression de tomber dans un néant. Son pouce vint effacer la énième larme s’échappant de mon œil, je balayai sa main en poussant son poignet à se retirer. Il s’excusait, exprimant le souhait que je daigne enfin lui faire confiance. J’eus mis longtemps à la lui accorder cependant je l’avais reprise dès dimanche soir et là tout de suite elle était condamnée à rester au chaud pour encore un long moment. C’était au final ce que je lui reprochais : de m’avoir prouvé que je ne pouvais croire qu’en une seule personne. Être désolé ne changerait rien, il ne stipulait les choses que lorsque ça l’arrangeait. « Je ne me fous pas de toi. Je tiens trop à toi pour te faire volontairement du mal Nicole. Et je ne peux me faire à l'idée d'être la cause de tes larmes. Je vaux pas la peine que tu en verses d'ailleurs. J'suis décidément trop stupide, je ne te mérite pas. » Je savais tout ça… et pourtant je ne pouvais m’empêcher de le détester, là, présentement. Malik ne ferait jamais de mal à personne de manière volontaire mais je refusais de me montrer compréhensive à penser que tout ça n’était dû qu’à sa maladresse. Je lui en voulais. Pour m’avoir rendu amoureuse. Pour en aimer une autre. Pour me rendre vulnérable. Mon regard fuyait au-delà de son épaule ; essuyant moi-même les dernières gouttelettes salées qui coulaient le long de mes joues de quelques revers de mains. « Je devrais renoncer à vous deux. Je sens que tôt ou tard, je vais devoir faire un choix or j'en suis incapable. Vous méritez toutes les deux bien mieux qu'un pauvre type qui vous pousse aux larmes, qui vous fasse de la peine. Y'a rien de pire qu'un homme qui fait pleurer une femme. » Qu’il s’arrête. Qu’il se stoppe. « Malik cesse de te rabaisser s’il te plait » Je me décidais de nouveau à ouvrir la bouche après un long silence de ma part afin de lui demander nerveusement de cesser cette attitude ; passant ma main sur mon front, agacée. Il fallait toujours qu’il en vienne là. Aucun sujet sérieux le concernant ne pouvait être envisagé puisqu’il finissait toujours par se considérer comme un moins que rien en se remettant tout sur le dos. Certes je l’avouais, depuis le début de notre conversation j’endossais le rôle de la victime en lui reprochant tout un tas de choses mais ce qu’il disait n’avait pas de sens. Qui plus est… s’il profitait de l’arrêt de mes larmes pour parler de son complexe d’infériorité c’est qu’au final je lui importais peu. Mon regard remonta sur son visage; je n’allais pas essuyer la larme qui s’était mise à couler sur l’une de ses joues comme il l’avait fait pour moi quelques secondes auparavant. J’en devenais presque aussi froide que la température de ce début de soirée et pourtant je ne m’étais jamais sentie aussi frêle. « On mérite surtout bien mieux que la polygamie. Le mot était fort mais au moins je pouvais être sûre qu’il ferait son effet. Vouloir plus d’une femme pour soi c’est un peu l’idée que ce mot résume, non ? En excluant toute notion de mariage. Je ne te guiderais pas dans tes choix, je ne chercherais pas à t’influencer, fais ce que tu veux. Le jeu finira bien par décider d’une issue de toute façon. » Au rythme des nominations nous allions tous finir par sortir, dans cette situation il était évident que la première sortie serait la première évincée de ce vicieux manège. D’habitude je me battais pour ce que je voulais, mais là je préférais me laisser tomber. Pour une fois je souhaitais qu’on me rattrape, qu’on amortisse ma chute en me rassurant sauf que malheureusement la situation n’y semblait pas propice. Tant pis pour moi. Un vent glacial se fit ressentir afin d’accompagner dignement notre scène, provoquant une chair de poule immédiate sur ma peau encore humide. Je ne savais quoi ajouter… cette situation était sans fin, sans issue. On tournait indéniablement en rond. L’une de mes mains allant se glisser dans ses cheveux, mon annulaire s’entortilla dans une de ses bouclettes. Ça me relaxait. Cette action était probablement hors contexte mais j’eus ce besoin de le toucher, de partager ce regard emplit d’émotions avec lui. Ma bouche commença à s’ouvrir, je voulais lui dire, lui communiquer mon ressenti mais je me stoppai finalement au moment où je fus censée émettre un son. Je rompis ce contact apaisant que j'avais pu découvrir dès la première semaine passée à ses côtés et qui s'était d'ailleurs révélée très difficile. Je m'adoucis, venant de prendre connaissance du risque de le perdre. Je voulais le serrer dans mes bras, le sentir près de moi bien que physiquement cependant... c’était tellement inapproprié. J'en devenais bête à m'enivrer un peu plus de lui à chacune de ses paroles. N'étais-je pas censée être en colère? « La réponse te viendra comme une évidence... arrête de penser que tu as cherché ce qui t'arrive. Ce jeu nous fait vivre à tous des choses qu'on n'aurait pensé nous arriver... seulement si ton amour pour elle devient plus fort alors... promets moi simplement de ne pas tenter de reprendre contact à la sortie. » Je lâchais ça comme une bombe et pourtant mon ton s'était fait si doux. Je pensais mes paroles toutefois je les regrettais aussitôt. Cette aventure, comme je venais de le dire, permettait de faire bien des découvertes sur son intérieur profond. Seulement voilà, j'étais tombée amoureuse pour la première fois; mon... "premier amour". Ce terme enfantin et pure désignait parfaitement Malik; raison pour laquelle je venais de lui poser cette ultime condition. Oubliée la rencontre avec son intrigante maman, si jamais je me trouvais mise de côté je préférais faire en sorte d'oublier cette mésaventure le plus vite possible une fois la porte de sortie franchie...par évidence je me savais condamnée à penser sans cesse à lui pour encore un long moment.

Je ne pouvais pas la laisser quitter ce bassin et partir sans entreprendre quoi que ce soit pour l'en empêcher. Déjà, j'estimais que nous n'avions pas terminé cette conversation mais surtout, je ne désirais pas que Nicole s'en aille de cette façon alors que le malaise, l'incompréhension se voulaient palpables entre nous. La référence aux aveux que j'avais fait à Asmaa la veille n'aurait jamais dû être faite. Enfin si, Nicole devait savoir et je ne voulais rien lui cacher, seulement je n'aurais pas dû le lui dire de cette façon. C'est vrai, en y repensant j'y avais été fort car je l'avais lâché comme ça, d'un coup, comme s'il était normal qu'elle l’apprenne aussi soudainement. Je n'avais pas pris de pincettes, j'aurais dû veiller à amortir la chose, à faire que ce soit moins violent à apprendre. J'avais été nul, vraiment nul. Je ne m'étais même pas soucié de comment Nicole le prendrait... C'était à se demander si je ne cherchais pas inconsciemment à la faire souffrir, en fait. Eh bah bravo, je dois dire que j'y parvenais excellemment bien. Elle en souffrait, elle en pleurait. J'avais beau n'avoir aucun contrôle sur mes sentiments, je pense que je faisais trop de mal autour de moi dans cette histoire et que je ne tentais justement rien pour qu'il en soit autrement. Je ne le faisais pas exprès, j'étais incapable de faire du mal volontairement. Mais quoi que je dise, mes paroles finissaient toujours par se retourner contre moi, comme si je ne pouvais pas sortir le moindre mot sans que celui-ci ne prenne une ampleur démesurée. J'aurais pu la laisser fuir, et rester dans ce bassin seul, en culpabilisant comme jamais. Mais je savais que si Nicole partait maintenant et que je ne la retenais pas, je la laissais en quelque sorte m'échapper pour de bon car qui pouvait me garantir qu'ensuite, je trouverais la force de revenir lui parler ? Vous savez, quand on se sent bête, quand on a honte, on ose plus aller vers les gens et c'était ce qui me pendait au nez. Alors non, même si j'allais sans doute regretter les mots que nous allions nous échanger ensuite, je décidai de sortir en vitesse du bassin pour la rattraper. Nicole m'en voulait, je le voyais à la façon dont elle repoussait ma main lorsque je tentais d'essuyer les larmes sur ses joues. Elle n'osait même plus me regarder dans les yeux. Je devais la dégouter... elle devait regretter d'ailleurs d'avoir des sentiments pour un type comme moi. Un mec qui, non content d'être stupide, faisait pleurer les femmes, et brisait des cœurs. Nicole et Asmaa méritaient toutes deux bien mieux que moi, c'était une évidence, n'importe qui aurait fait la même déduction en me voyant me comporter de la sorte, m'enfoncer chaque instant un peu plus, sombrer dans l'idiotie certaine. « Malik cesse de te rabaisser s’il te plait » articula Nicole. Cette semaine, je dois dire qu'on m'avait fait cette remarque une dizaine, voir une quinzaine de fois. Que voulez-vous que je vous dise, j'essayais, mais c'était plus fort que moi ! D'ordinaire déjà je le faisais constamment, mais alors quand en plus j'avais tant de choses à me reprocher, laissez tomber. Je ne risquais pas de me montrer élogieux envers moi-même. Je n'avais vraiment pas de quoi être fier d'en être arrivé là aujourd'hui, et d'avoir cette présente discussion avec ma partenaire. Qui serait fier de ça, d'avoir causé tant de dégâts autour de soi ? J'avais profondément esquintées deux relations auxquelles je tenais beaucoup. J'étais à deux doigts de tout perdre, moi qui pourtant espérais naïvement pouvoir conquérir deux cœurs à la fois. « On mérite surtout bien mieux que la polygamie. reprit-elle, tandis que de mon côté, je tombais des nues, une fois encore. Polygamie, sérieusement ? Il ne s'agissait pas de ça et, le pire, c'est que j'avais moi aussi pensé à cela, un court instant, tout à l'heure. Il n'était pas question de passage devant l'autel, mais d'amour. D'amour sincère. Je ne te guiderais pas dans tes choix, je ne chercherais pas à t’influencer, fais ce que tu veux. Le jeu finira bien par décider d’une issue de toute façon. » Je ne comptais pas laisser le jeu décider à ma place. J'étais de toute façon pour l'heure incapable de prendre une décision. Je voyais où Nicole voulait en venir : elle devait certainement penser qu'en fonction des prochaines semaines et des éliminations qui auraient lieu chaque dimanche soir, mon choix se porterait plus sur l'une que sur l'autre. Or je voyais bien plus loin que ça, que le système d'éliminations qui mettaient chaque semaine fin à l'aventure de deux ou trois candidats. Et, qui sait, je serais peut-être le premier à partir de nous trois et dans ce cas, elles n'auraient d'autre choix que de se retrouver toutes deux en jeu, tandis que moi je serais dehors. Dans l'idéal, je souhaitais que nous resterions tous les trois en jeu le plus longtemps possible... seulement je n'avais aucun pouvoir là-dessus. Les nominations dépendaient des votes des candidats, les éliminations de ceux des téléspectateurs. Je n'avais clairement pas mon mot à dire là-dedans en somme. « La réponse te viendra comme une évidence... arrête de penser que tu as cherché ce qui t'arrive. Ce jeu nous fait vivre à tous des choses qu'on n'aurait pensé nous arriver... seulement si ton amour pour elle devient plus fort alors... promets moi simplement de ne pas tenter de reprendre contact à la sortie. » Ah bien... carrément... d'accord... super... En gros soit je choisissais Nicole, soit je pouvais faire une croix sur elle à ma sortie de cette émission. Je comptais pourtant garder le contact avec tous les candidats dont je m'étais trouvé proche dans ce jeu, et il semblait évident que Nicole en faisait partie. Après, j'essayais aussi de me mettre à sa place, deux secondes, histoire de comprendre le ressenti qui était le sien. Si elle venait à être écartée, elle ne souhaiterait sans doute pas être confrontée à moi à l'avenir. Je savais pourtant que de mon côté, j'aurais bien du mal à l'oublier. Mince, je m'étais juré de la présenter à ma mère, mais aussi à mon frère. Les mains de Nicole tripotaient depuis plusieurs instants mes bouclettes - c'était déstabilisant de la voir aussi proche de moi dans ses gestes, mais aussi cinglante dans ses paroles. « Il n'y a aucune raison que mon amour pour Asmaa devienne plus fort. Je ne vois pas pourquoi je serais amené à éprouver des sentiments différents pour l'une ou pour l'autre, alors que pour le moment j'éprouve EXACTEMENT la même chose pour vous deux. » C'était justement pour ça qu'aucun choix n'était envisageable actuellement. J'avais bien insisté sur le "exactement", au cas où Nicole se serait imaginée que mes sentiments pour elle étaient moins importants que ceux que j'avais pour Asmaa. Je ne faisais aucune différence, je n'avais aucune préférence. Je les aimais toutes les deux, de la même façon, avec le même amour. « Je voudrais pas passer pour un mec accro, hein... seulement pour moi c'est une évidence que je tenterai de te revoir à la sortie. T'as été l'une de mes plus belles rencontres dans ce nid, je tiens trop à toi pour te laisser partir et ne plus me donner de nouvelles ensuite. » Je plongeai mon regard dans le sien avec douceur, parvenant même à esquisser un demi-sourire, ou ce qui y ressemblait en tout cas. Mais je ne voulais pas tellement me projeter dans un avenir que je m'imaginais tout aussi compliqué que ce présent dans lequel je me noyais déjà. Pour moi Nicole terminerait cette aventure, elle irait jusqu'au bout, et peut-être même la gagnerait-elle. Elle était, honnêtement, la seule candidate dont je savais la place en finale déjà acquise. Nous autres, nous avions encore tout à prouver au public. Écoutez je n'étais pas devin, loin de là, sinon j'aurais prédit tout ce foutoir et j'aurais pris mes précautions, seulement mon instinct me jouait rarement des tours.

J’étais consciente de la radicalité de mes propos mais si j’en venais à être obligée de supporter la naissance d’un petit couple non souhaité sous mes propres yeux , à mon détriment, je préférais vraiment couper tout lien avec Malik. Ou du moins le tenter. Habituellement je ne m’attachais pas aux gens, déjà je me surprenais moi-même en étant les trois-quart du temps aimable avec tout le monde ici, alors ce n’était pas pour ensuite prendre du plaisir à sentir mon cœur se serrer à la vue de nouveaux tourtereaux. Je n’étais pas une torturée, je n’aimais pas me faire souffrir et j’étais prête à prendre des mesures exemplaires pour ça. Moi avant tout, pas question que Malik passe dans ma liste de priorités ; il fallait savoir garder la tête froide de temps en temps. Chose que mon partenaire ne savait visiblement pas faire. Selon ses paroles il éprouvait exactement les mêmes sentiments pour moi et la petite bouclée. Je n’y croyais pas. C’était ce qu’il ressentait, certes, mais en aucun cas il ne s’agissait de la vérité. On ne pouvait pas s’enticher de deux personnes à la fois, c’était tout simplement impossible. Dans ma vie j’ai toujours aimé une personne à la fois. Térésa m’avait inlassablement suffit, à aucun moment je n’avais accepté d’avoir d’autres amies qu’elle ; d’autres personnes de confiance. Je n’aime que l’exclusivité. Je suis jalouse, possessive et intransigeante sur ces deux points. Tout le monde l’est, les gens prétendant le contraire mentent. J’executais un petit signe de tête en relevant le menton comme pour lui dire « aaah ok, -je ne suis pas du tout convaincue- ». Il savait mon avis sur la question donc pas la peine d’en remettre une couche, les dialogues de sourds ça m’agace.« Je voudrais pas passer pour un mec accro, hein... seulement pour moi c'est une évidence que je tenterai de te revoir à la sortie. T'as été l'une de mes plus belles rencontres dans ce nid, je tiens trop à toi pour te laisser partir et ne plus me donner de nouvelles ensuite. » Hm comment lui dire que s’il s’amusait à me rejeter pour une autre afin de mieux nous fixer un rendez-vous à l’extérieur il serait direct attaqué par un chien bridé teint en blond du doux nom de Térésa ? Du moins j’ose espérer qu’elle réagirait comme ça, comment savoir comment elle vivait notre distance ? Ses dernières paroles avant de quitter le village me revinrent. Elle leur avait demandé à tous de prendre soin de moi. Adorable n’est-ce pas ? Tellement dommage que personne n’en ait prit rigueur. Je me devais d’être forte seule ; tâche difficile lorsque une partie des candidats vous considèrent comme un clown et l’autre comme une conne. Revenons-en à Malik, homme qui se situait dans la seconde partie énoncée . Il avait beau dire que ses sentiments étaient égaux et tout le baratin qui va avec, il était évident qu’un choix s’imposerait à un moment ou un autre . Il pouvait orienter ce dernier vers n’importe laquelle de nous deux, ça m’importait –pas vraiment- mais je lui demandais simplement de ne pas être égoïste. Apparemment ce n’était pas dans ses capacités ; bon je l’avais un peu remarqué de toute façon. Belle rencontre ou pas ça ne faisait pas de différence, il se devait de se montrer compréhensif sur ce point là parce que justement il se trouvait être ma plus belle rencontre. « Tu devras t’y faire, tente de te mettre à ma place juste pour cette fois et laisse ton égoïsme de côté.» Le mot était lâché. Après cette conversation je n'avais clairement plus envie de me protester, de me "battre". Non. J'étais fatiguée de toute cette agitation sentimentale. Ce genre de situation me paraissait tellement cucul vues de l'extérieure, ça m'était insupportable de le vivre personnellement. Après avoir entendu ces mots sortant de sa propre bouche j'étais sûre de la situation et des mes ressentis -bien que ceux-ci allaient beaucoup trop loin. Il me fallait me reposer, me retrouver. Cette fille abattue, faible et sentimentale ne me correspondait pas. « Je n'arrive vraiment pas à concevoir qu'on puisse aimer deux personnes en même temps, tu m'excuseras. Je vais aller me coucher, je suis exténuée. Bonne fin de soirée. » Un bref sourire plus tard je reprends le pas, prête à aller prendre une petite douche pré-dodo. Il est encore tôt mais j'en ai besoin. Et puis je préfère m'endormir avant qu'il ne feigne rejoindre notre lit commun.