Arès

LUNDI 12 NOVEMBRE ; 15H54
LAC, RIVE

Un bouquin plutôt épais à la main, un gros pull en laine sur le dos, j'entreprends de me rendre au lac - qui rime avec tranquillité je crois - afin de me détendre, un peu. Le soleil illumine le paysage et me donne des envies de voyages. J'ai besoin de m'évader. Voilà sept semaines que le jeu à commencé. Sept semaines sans que je ne puisse prendre l'avion, voir d'autres personnes, d'autres horizons et tout ça me manque, affreusement. J'espère donc pouvoir m'envoler quelques secondes en empruntant une barque et en lisant, couché à l'intérieur, au milieu du lac. C'était sans compté Malik, présent déjà au bord du dit lac. Je pourrais l'ignorer et organiser mes plans mais je préfère me diriger en sa direction. Il a l'air pensif et ce n'est qu'un euphémisme étant donné qu'il lui faut un temps avant de remarquer ma présence. Je réponds à son sourire. Je sais ce qu'il vit. Du moins, j'en ai connaissance. Je ne peux pas dire que je le comprends, mais je sais. Et si je n'ai aucun droit de jugement là dessus, je pense quand même qu'il a été dur avec Asmaa. Mais ce ne sont pas mes oignons, je n'ai pas à m'en mêler. Je pense à ça parce que j'adore cette fille, et que j'aimerais la protéger coûte que coûte de toute désillusion, de toute peine. Ni plus, ni moins. « T'es trop dur avec toi-même, Malik. » beaucoup trop, c'est certain. S'il savait ce que j'ai pu faire avant d'entrer à Fake Lover, il en pâlirait je pense. Et les rôles seraient inversés. Je deviendrais le con. Et à ce stade, le mot ne serait même pas assez fort. Je pose une main complice sur son épaule, simplement pour lui signifier que je pense mes mots. Qu'il n'a pas à être aussi dur avec lui même. « Arrête de remuer le passer, tu ne pourras pas le changer, de toute façon. » Il n'y a rien à faire, le mal est fait, lui. Je me poste à ses côtés et pose moi aussi mon regard sur l'étendue d'eau qui s'arrête à quelques centimètres de nos pieds. « Asmaa est sensible. Et compréhensive. Elle pourra comprendre que tu n'as pas osé. Que tu ne voulais pas lui faire du mal. » C'est aussi la personne la plus adorable que je connaisse et qui ne mérite pas de souffrir, après les événnements de sa vie passée. Mais je me garde bien de le lui dire. Je pense que Malik le sait déjà et que je ne ferais que remuer le couteau dans la plaie.

J'ai l'impression que cette semaine, tout le monde est au bord du gouffre. Semaine de la déprime, qu'on devrait l'appeler. Parce qu'entre Malik, Asmaa et Raphaël, je n'ai eu de cesse de me tourmenter pour trouver les mots. Mots que je n'ai pas, qui plus est. Parce que je suis gauche et complètement à côté de la plaque en matière de réconfort. Je ne trouve jamais les phrases justes, celles qui permettent de s'en sortir. Je suis plutôt du genre à mettre les pieds dans le plat, remuer le couteau dans la plaie ou à fuir lorsque c'est possible. C'est d'ailleurs ce que j'ai envie de faire lorsque Malik commence à me parler. Que sa voix est frêle, presque inaudible. Je voudrais prendre mes jambes à mon coup, me terrer dans un coin et ne ressortir que lorsque tout ira mieux. Pour faire la fête, pour s'amuser, je suis présent. Lorsqu'il s'agit de discussions sérieuses, de problèmes auxquels il faut un quelconque réconfort, il ne faut pas compter sur moi. Je n'ai pas ça. Je fuis les problèmes comme la peste. « La chute sera violente dans tous les cas, Malik. Bafouer une femme est certainement le pire des maux. Tu ne t'en sortiras pas indemne et ni toi, ni moi, ni personne ne pourra rien y faire. » Autant être franc et le lui dire. Tenter de tourner autour du pot, lui sortir des phrases toutes faites du style " ne t'en fais pas, laisse lui du temps, elle s'en remettra ", ne servirons à rien. Bien sûr que non le temps ni changera rien. Surtout pas ici où nous sommes les uns sur les autres. Il n'y a rien à faire, si ce n'est encaisser et attendre. Et je n'ai rien d'autre à ajouter. Mes yeux se posent sur le lac, suivant l'exemple de Malik. J'aimerais le rassurer, vraiment. Je suis plein de bonne volonté. Seulement, d'une, je ne suis pas doué pour ça, et de deux, le rassurer ne servirait qu'à retarder le montée à l’échafaud. Il souffrira et Asmaa souffrira quoiqu'il arrive. Selon moi, en tout cas. Et puis, de trois, je n'aime pas l'hypocrisie, ni le mensonge, même pour la bonne cause. A quoi bon cacher la vérité à nos amis, même pour leur bien ? Il finiront par la découvrir et la chute n'en sera que bien plus rude. Je préfère le préparer au pire. « J'ai trouvé un remède au problèmes. Je les fuis. Je change de pays tous les mois, quasiment. Je bouge, je ne stagne pas. Je laisse mes galères où je les ai planté. » je ne sais pas pourquoi je lui avoue ça. Je n'ai pas pour habitude de m'épancher sur mes problèmes. Je préfère arborer un sourire et dire amen à tout plutôt que de parler de mes soucis, même de cette manière. J'attrape une pierre que je jette avec force dans l'eau, dans un cris. Putain ce que ça fait du bien. Je me tourne vers Malik, espérant qu'il m’imite, qu'il puisse constater la liberté que nous donne cette violence.