Je suis une fine observatrice, ça n'a pu échapper à personne. Ou alors à ceux que j'ai l'habitude de côtoyer, ou pas finalement. A vrai dire peu importe. Tout ce qui compte que c'est j'observe, et j'ai remarqué certaines choses. Des choses qui seraient sans doute passé inaperçues pour la plupart des gens mais pas pour moi. Je me balade fumant encore et encore. Je crois que je n'ai jamais fumé autant qu'à l'intérieur de ce nid. Mais je présume que c'est ce que j'ai de mieux à faire ici. Lorsqu'on est occupé ça passe au dessus, mais lorsqu'on est inerte ça nous obsède, ça m'obsède. Alors je fume. Et du coup je marche beaucoup. J'arrive sur la plage, là où il y a du sable donc. Et bien que je suis particulièrement douée pour déambuler sur des sols d'ordinaire peu praticable marcher sur le sable c'est quasiment mission impossible. Alors j'enlève mes chaussures, il fait particulièrement beau encore aujourd'hui, le sable est beaucoup plus chaud que je ne le pensais. Je marche un instant puis m'assieds sur le sol. J'observe l'eau que le vent fait légèrement onduler, c'est agréable et apaisant. Je reste un moment seule, je pense à certaines choses, certaines futiles et d'autres moins. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis installée là mais je sens le soleil taper contre mon dos, je crois que je pourrais rester là des heures encore. Je sais pourtant que cette agréable sensation de chaleur ne va pas durer, nous sommes mi novembre et par conséquent la température baisse rapidement. J'ai trop chaud soudainement alors j'ôte mon pull et je le dépose à mes côtés non loin de mes bottines en cuir.

J'erre dans le village, désœuvrée, à la recherche de la première opportunité qui me serait donnée d'occuper mon temps autrement qu'en traînant mes vieilles bottines encore un peu plus dans la poussière. À les voir ainsi, le cuir si usé, la couleur si émaillée, on a du mal à croire qu'elles ont été d'un noir de jais, un jour, jadis. Quand je suis chez moi, je ne m'ennuie jamais. Au contraire, je manque toujours de temps, j'ai trente-six mille trucs que je rêve de faire sans en avoir la possibilité. Mais là, j'ai trop de temps à tuer, alors j'ai fait toutes ces choses que je ne pensais jamais faire. Je me suis mis du vernis à ongles. J'ai fait deux ou trois petites tresses dans mes cheveux, avant d'enfiler sur les mèches de cheveux choisis des petites perles nacrées. Je me tartine le corps de crème hydratante au moins une fois par jour. J'essaye de me maquiller, puis me rappelle que j'ai aucune idée de comment faire, puis me démaquille. Je m'occupe tant bien que mal, en somme. Je perds mon temps – mais j'en ai à revendre, du temps, alors bon. Je furète un peu partout, en quête d'inspiration ; j'ai envie de partir à l'aventure, ou de faire quelque chose de débile, je ne sais pas, n'importe quoi qui me permettrait de venir à bout de cette routine qui s'installe lentement mais sûrement. Inconsciemment, mes pas me mènent jusqu'au lac. M'y baigner ? Non. Mauvaise idée. Au cas où tu as oublié Dagga, tu ne sais pas nager. Et la technique de Nicole t'as rendue plus confuse qu'autre chose quant à la manière de procéder. Mais je discerne alors une silhouette installée là et m'approche, jusqu'à ce que je parvienne à identifier la chevelure brune. Candace. Furtivement, je me faufile jusqu'à elle. « Hey. » je lance d'une voix claironnante avant de prendre place à ses côtés, pas d'humeur pour les questions polies et rhétoriques d'usage genre "Puis-je me joindre à toi ?" ou autres banalités du même acabit. « D'humeur pensive ? » j'ajoute, trop flemmarde pour incorporer un verbe à une phrase qui restera exclusivement nominale.